Me E. Llop : "L’Ordonnance étant annulée, elle est censée ne jamais avoir existé et il faut également en annuler les conséquences encore concrètes" - DR : Equinoxe Avocats
TourMaG.com - L’ordonnance 2020-315 de mars 2020 qui autorisait les voyagistes à proposer un remboursement sous forme d’avoir en cas d’annulation d’un séjour a été annulée par le Conseil d’État...
Me E. Llop : Cet arrêt n’a rien de surprenant et l’on savait, depuis l’arrêt de la CJUE C-407/21 du 8 juin 2023 rendu sur la question préjudicielle du même Conseil d’État, que l’Ordonnance française 2020-315 du 25 mars 2020 était considérée comme illicitement dérogatoire aux dispositions de la Directive sur les Voyages à forfait, imposant aux professionnels un remboursement sous 14 jours en cas d’annulation du forfait par le voyageur pour cause de Circonstances Exceptionnelles et Inévitables (CEI) à destination ou à proximité.
À dire vrai, on le savait depuis la promulgation de l’Ordonnance mais l’état d’urgence et les conséquences économiques de la pandémie auraient pu justifier cette dérogation.
L’État français n’a pas été suivi dans cette proposition au motif que d’autres aides étaient à sa disposition. Certainement plus facile à écrire trois ans plus tard qu’à faire, si l’on se reporte à la situation chaotique du tourisme au printemps 2020.
Lire aussi : Les avoirs toujours garantis, près de 3 ans plus tard ?
Me E. Llop : Cet arrêt n’a rien de surprenant et l’on savait, depuis l’arrêt de la CJUE C-407/21 du 8 juin 2023 rendu sur la question préjudicielle du même Conseil d’État, que l’Ordonnance française 2020-315 du 25 mars 2020 était considérée comme illicitement dérogatoire aux dispositions de la Directive sur les Voyages à forfait, imposant aux professionnels un remboursement sous 14 jours en cas d’annulation du forfait par le voyageur pour cause de Circonstances Exceptionnelles et Inévitables (CEI) à destination ou à proximité.
À dire vrai, on le savait depuis la promulgation de l’Ordonnance mais l’état d’urgence et les conséquences économiques de la pandémie auraient pu justifier cette dérogation.
L’État français n’a pas été suivi dans cette proposition au motif que d’autres aides étaient à sa disposition. Certainement plus facile à écrire trois ans plus tard qu’à faire, si l’on se reporte à la situation chaotique du tourisme au printemps 2020.
Lire aussi : Les avoirs toujours garantis, près de 3 ans plus tard ?
"L’Ordonnance est censée ne jamais avoir existé"
Autres articles
-
Agences : ce que change le dépôt de bilan de FTI Voyages 🔑
-
Franchise, franchise de marque, mandat… quelles différences ? 🔑
-
Panne bagages à Orly et vol annulé : l'agence est-elle responsable ?
-
L’ordonnance de mars 2020 annulée par le Conseil d’État
-
Droits des voyageurs : peut-on annuler ou reporter son voyage en Grèce ?
TourMaG.com - Mais alors, quelles sont les conséquences de cet arrêt en pratique pour les professionnels du tourisme ?
Me E. Llop : L’Ordonnance étant annulée, elle est censée ne jamais avoir existé et il faut également en annuler les conséquences encore concrètes.
Autrement dit, à l’époque, seules les dispositions du Code du Tourisme auraient dû permettre de gérer la situation des CEI que constituaient la pandémie et les mesures prises à ce propos (fermeture des frontières, arrêt du trafic aérien, fermeture de certains services, interdictions diverses et mesures sanitaires contraignantes etc.).
L’article L.211-14-II du Code du Tourisme impose rappelons-le, que ces CEI aient des conséquences importantes, à destination ou à proximité immédiate, sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers la destination.
La situation des voyageurs est donc soit impactée par des CEI et ils peuvent annuler sans frais, soit non-impactée et leur annulation s’accompagne des frais contractuels. L’arrêt du Conseil d'Etat ne modifie en rien ces dispositions.
Me E. Llop : L’Ordonnance étant annulée, elle est censée ne jamais avoir existé et il faut également en annuler les conséquences encore concrètes.
Autrement dit, à l’époque, seules les dispositions du Code du Tourisme auraient dû permettre de gérer la situation des CEI que constituaient la pandémie et les mesures prises à ce propos (fermeture des frontières, arrêt du trafic aérien, fermeture de certains services, interdictions diverses et mesures sanitaires contraignantes etc.).
L’article L.211-14-II du Code du Tourisme impose rappelons-le, que ces CEI aient des conséquences importantes, à destination ou à proximité immédiate, sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers la destination.
La situation des voyageurs est donc soit impactée par des CEI et ils peuvent annuler sans frais, soit non-impactée et leur annulation s’accompagne des frais contractuels. L’arrêt du Conseil d'Etat ne modifie en rien ces dispositions.
"L'UFC se livre à une interprétation extensive et non-conforme au Code du Tourisme"
TourMaG.com - Dans un article récent, l'UFC - Que Choisir précise à ce sujet : "Du fait de l’annulation de l’ordonnance, tous les consommateurs qui se sont vu refuser le bénéfice d’un remboursement parce qu’ils ont annulé eux-mêmes leur voyage par crainte du virus peuvent désormais le solliciter à nouveau". Pourtant, la peur ne peut être considérée comme une CEI ?
Me E. Llop : L'UFC se livre à mon sens à une interprétation extensive et non-conforme au Code du Tourisme, en concluant que lorsque des voyageurs ont annulé par crainte du virus, alors qu’aucune CEI n’impactait leur voyage - par exemple aucun cluster sur place, mais j’ajoute également aucun risque pendant le transport et avec la totalité des prestations possibles - ils ont droit au remboursement complet de leur voyage.
Sauf à priver complètement le Code du Tourisme et la Directive européenne de leur sens, il conviendra de continuer à interpréter les CEI de manière classique : la seule crainte issue d’une situation particulière ne justifiera toujours pas une annulation sans frais, ni un remboursement intégral.
Quoi qu’il en soit, il appartiendra aux juges dans les cas résiduels, de veiller au respect des textes applicables, sans référence donc à l’Ordonnance annulée certes, mais qui en produisant ses effets, a sans doute permis de protéger de nombreux acteurs du secteur.
Et pour ceux qui ont déjà été remboursés de leurs avoirs ou les ont consommés, je dirais : "affaire classée !"
Me E. Llop : L'UFC se livre à mon sens à une interprétation extensive et non-conforme au Code du Tourisme, en concluant que lorsque des voyageurs ont annulé par crainte du virus, alors qu’aucune CEI n’impactait leur voyage - par exemple aucun cluster sur place, mais j’ajoute également aucun risque pendant le transport et avec la totalité des prestations possibles - ils ont droit au remboursement complet de leur voyage.
Sauf à priver complètement le Code du Tourisme et la Directive européenne de leur sens, il conviendra de continuer à interpréter les CEI de manière classique : la seule crainte issue d’une situation particulière ne justifiera toujours pas une annulation sans frais, ni un remboursement intégral.
Quoi qu’il en soit, il appartiendra aux juges dans les cas résiduels, de veiller au respect des textes applicables, sans référence donc à l’Ordonnance annulée certes, mais qui en produisant ses effets, a sans doute permis de protéger de nombreux acteurs du secteur.
Et pour ceux qui ont déjà été remboursés de leurs avoirs ou les ont consommés, je dirais : "affaire classée !"