TourMaG.com - Xavier Tytelman, vous avez été convié le mois dernier chez Boeing aux Etats-Unis. Quel était précisément le but de ce voyage ?
Xavier Tytelman : Pour ce voyage, il y avait environ 25 personnes de tous les pays qui représentaient un panel de métiers relatifs à l’exploitation des avions : un président d’association de pilotes de ligne, des pilotes de 737 MAX, d'anciens inspecteurs du NTSB, des ingénieurs de très haut niveau, des syndicats d’hôtesses et stewards, etc.
Moi-même, j’étais invité avec l’étiquette "Analyst and crisis communication". Il y avait une volonté de se faire challenger techniquement, c’est comme cela que je l’ai perçu.
En face de nous, l’équipe Boeing au grand complet : les ingénieurs, les responsables du programme, le responsable de la maintenance des moteurs et aussi le PDG Dennis Mullenberg pour des échanges à huis clos où nous pouvions poser toutes les questions.
Des échanges directs et francs, pas toujours courtois, sur des questions précises et particulièrement sur le MCAS.
Xavier Tytelman : Pour ce voyage, il y avait environ 25 personnes de tous les pays qui représentaient un panel de métiers relatifs à l’exploitation des avions : un président d’association de pilotes de ligne, des pilotes de 737 MAX, d'anciens inspecteurs du NTSB, des ingénieurs de très haut niveau, des syndicats d’hôtesses et stewards, etc.
Moi-même, j’étais invité avec l’étiquette "Analyst and crisis communication". Il y avait une volonté de se faire challenger techniquement, c’est comme cela que je l’ai perçu.
En face de nous, l’équipe Boeing au grand complet : les ingénieurs, les responsables du programme, le responsable de la maintenance des moteurs et aussi le PDG Dennis Mullenberg pour des échanges à huis clos où nous pouvions poser toutes les questions.
Des échanges directs et francs, pas toujours courtois, sur des questions précises et particulièrement sur le MCAS.
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TourMaG.com - Rappelons ce qu’est le MCAS...
X.T. : Oui c’est important. Nous avons passé plusieurs heures avec le chef pilote d’essai de Boeing, c’est la personne avec qui nous sommes rentrés dans les détails pour mieux comprendre.
Le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) est un système d’aide au pilotage mis en œuvre sur le Boeing 737 MAX.
Les moteurs de l’avion étant plus lourds, plus puissants et centrés plus à l’avant par rapport aux autres versions du 737, la commande pour faire monter l’avion (le manche) pouvait, dans certaines conditions très rares, devenir trop légère, ce qui aurait pu conduire les pilotes à tirer trop fort sur la commande et ainsi déstabiliser l’avion.
Le MCAS, par un jeu d’actions sur le compensateur, devait redonner aux commandes un poids permettant aux pilotes de comprendre où ils en étaient dans leur décollage, donner une résistance pour ne pas trop cabrer l’avion.
C’est l’emballement de ce logiciel qui, ayant reçu des informations erronées de l’unique capteur auquel il était relié, a mis l’avion en descente lors des deux crashs mortels.
TourMaG.com - L’avion a donc été interdit de vol mais la production a continué...
X.T. : Boeing a d’abord évidemment modifié son logiciel pour corriger les dysfonctionnements. Pour faire simple, ils ont notamment apporté des couches de protection supplémentaires qui annuleront l’activation du MCAS si l’ensemble des capteurs de l’avion n’ont pas la même information (ce n’était pas le cas sur le logiciel précédent).
De même, il ne pourra plus s’activer à plus d’une reprise, limitant donc son effet au poids sur le manche et non-plus sur la trajectoire de l’avion.
X.T. : Oui c’est important. Nous avons passé plusieurs heures avec le chef pilote d’essai de Boeing, c’est la personne avec qui nous sommes rentrés dans les détails pour mieux comprendre.
Le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) est un système d’aide au pilotage mis en œuvre sur le Boeing 737 MAX.
Les moteurs de l’avion étant plus lourds, plus puissants et centrés plus à l’avant par rapport aux autres versions du 737, la commande pour faire monter l’avion (le manche) pouvait, dans certaines conditions très rares, devenir trop légère, ce qui aurait pu conduire les pilotes à tirer trop fort sur la commande et ainsi déstabiliser l’avion.
Le MCAS, par un jeu d’actions sur le compensateur, devait redonner aux commandes un poids permettant aux pilotes de comprendre où ils en étaient dans leur décollage, donner une résistance pour ne pas trop cabrer l’avion.
C’est l’emballement de ce logiciel qui, ayant reçu des informations erronées de l’unique capteur auquel il était relié, a mis l’avion en descente lors des deux crashs mortels.
TourMaG.com - L’avion a donc été interdit de vol mais la production a continué...
X.T. : Boeing a d’abord évidemment modifié son logiciel pour corriger les dysfonctionnements. Pour faire simple, ils ont notamment apporté des couches de protection supplémentaires qui annuleront l’activation du MCAS si l’ensemble des capteurs de l’avion n’ont pas la même information (ce n’était pas le cas sur le logiciel précédent).
De même, il ne pourra plus s’activer à plus d’une reprise, limitant donc son effet au poids sur le manche et non-plus sur la trajectoire de l’avion.
TourMaG.com - Est-ce suffisant pour remettre l’avion en vol ?
X.T. : Avec cette nouvelle version du logiciel, le 737 MAX a déjà réalisé 1 200 heures de vol en simulateur mais aussi 1 850 heures de vol réel au cours desquelles l’avion a été poussé jusqu’au plus profond de ses retranchements, effectuant notamment 150 décrochages.
A ce jour, la F.A.A n’a pas autorisé la reprise des vols, mais a validé ce logiciel lors de la première phase de simulateurs de vol.
TourMaG.com - Vous nous dites donc qu’à l’heure où nous parlons des Boeing 737 MAX volent ?
X.T. : Oui. Ce ne sont évidemment pas des vols commerciaux mais avant d’arrêter récemment la production du 737 MAX, ce sont une quarantaine d’avions équipés du nouveau logiciel qui sortaient tous les mois de l’usine Boeing dont les parkings sont pleins.
Les avions sont donc convoyés vers d’autres lieux de stockage. Et puis, il y a bien sûr les vols d’essai qui sont conduits au quotidien par les pilotes de chez Boeing.
TourMaG.com - On s'oriente donc vers une nouvelle certification par la F.A.A* dans les jours, les semaines qui viennent ?
X.T. : La F.A.A prend son temps pour montrer qu’ils n’ont pas de "calendrier" imposé.
Je pense d’ailleurs que c’est une erreur de communication de la part de Boeing d’avoir annoncé que l’avion volerait en 2019. Ils n’auraient jamais dû mettre en avant cet échéancier comme étant celui des autres, alors que c’était le leur et qu’il n’engage personne d’autre.
La F.A.A va donc prendre son temps pour vérifier de fond en comble l’avion et tous les fonctionnement du MCAS et également peut-être d’autres éléments qu’ils n’avaient pas vérifié correctement, notamment parce que Boeing avait auto-certifié une partie de l’avion.
Je n’ai pas d’informations particulières, mais il se pourrait que la F.A.A revienne sur cette "auto-certification" pour vérifier elle-même certains éléments.
X.T. : Avec cette nouvelle version du logiciel, le 737 MAX a déjà réalisé 1 200 heures de vol en simulateur mais aussi 1 850 heures de vol réel au cours desquelles l’avion a été poussé jusqu’au plus profond de ses retranchements, effectuant notamment 150 décrochages.
A ce jour, la F.A.A n’a pas autorisé la reprise des vols, mais a validé ce logiciel lors de la première phase de simulateurs de vol.
TourMaG.com - Vous nous dites donc qu’à l’heure où nous parlons des Boeing 737 MAX volent ?
X.T. : Oui. Ce ne sont évidemment pas des vols commerciaux mais avant d’arrêter récemment la production du 737 MAX, ce sont une quarantaine d’avions équipés du nouveau logiciel qui sortaient tous les mois de l’usine Boeing dont les parkings sont pleins.
Les avions sont donc convoyés vers d’autres lieux de stockage. Et puis, il y a bien sûr les vols d’essai qui sont conduits au quotidien par les pilotes de chez Boeing.
TourMaG.com - On s'oriente donc vers une nouvelle certification par la F.A.A* dans les jours, les semaines qui viennent ?
X.T. : La F.A.A prend son temps pour montrer qu’ils n’ont pas de "calendrier" imposé.
Je pense d’ailleurs que c’est une erreur de communication de la part de Boeing d’avoir annoncé que l’avion volerait en 2019. Ils n’auraient jamais dû mettre en avant cet échéancier comme étant celui des autres, alors que c’était le leur et qu’il n’engage personne d’autre.
La F.A.A va donc prendre son temps pour vérifier de fond en comble l’avion et tous les fonctionnement du MCAS et également peut-être d’autres éléments qu’ils n’avaient pas vérifié correctement, notamment parce que Boeing avait auto-certifié une partie de l’avion.
Je n’ai pas d’informations particulières, mais il se pourrait que la F.A.A revienne sur cette "auto-certification" pour vérifier elle-même certains éléments.
TourMaG.com - Pour vous l’avion revolera, c’est sûr ?
X.T. : Boeing ne peut pas faire l’impasse sur cet avion.
A 95%, il est similaire aux autres 737 dont la fiabilité est reconnue dans le monde entier. Cette évolution qui a été mal faite, ils la corrigent dans le sang, dans la douleur et pour un prix supérieur au développement d’un nouvel avion.
Ils ne peuvent pas dire à leurs clients : "on annule la livraison de 4 500 avions", l’addition monterait alors à plus de 50 milliards de dollars.
L’avion ne sera donc probablement jamais rentable mais il doit revoler en toute sécurité, quel qu’en soit le prix. Boeing ne peut pas faire autrement, et Airbus ne pourrait pas compenser ce retrait.
Au niveau mondial, il y a une corrélation entre la croissance économique et le besoin d’avions. Quand une zone géographique fait 3% de croissance, l’aviation croit de 6%.
Si vous freinez l’aviation, vous freinez aussi la croissance économique. Il y a des pays très pressés de retrouver cet avion car cela freine actuellement leur développement.
TourMaG.com - Selon vous, l’avion devrait donc retrouver sa certification aux Etats-Unis. Comment cela va-t-il se passer en Europe ? L’E.A.S.A* va-t-elle prendre acte et certifier l’avion aussi ?
X.T. : Effectivement avant il y avait une réciprocité dans les attributions de certifications qui faisait qu’entre pays "fiables", on se faisait confiance.
La question est donc de savoir si la F.A.A va être capable de prouver qu’elle a rattrapé ses erreurs car elle aurait dû voir les erreurs de Boeing : est-ce que les nouveaux process qu’elle impose à Boeing seront suffisants pour que l’E.A.S.A les accepte tels quels ? Aujourd’hui nous n’avons pas de réponse.
Peut-être que la F.A.A. va dire "OK pour nous" mais que l’Europe va dire nous voulons re-vérifier.
Et si c’est le cas, il y aura certainement d’autres pays qui voudront le faire aussi : le Canada, la Chine, l’Australie…
TourMaG.com - Nous venons d’évoquer la certification technique, mais il y a également la certification de la formation qui n’est pas encore validée...
X.T. : Boeing semblait affirmer qu’une simple séance sur ordinateur serait suffisante pour former les pilotes.
Ce n’est pas certain et les autorités pourraient très bien imposer une formation des pilotes sur simulateur (la F.A.A va effectivement imposer des séances de simulateurs pour les pilotes avant toute reprise de vol aux Etats-Unis, ndlr).
Cela leur coûterait encore des millions de dollars mais ils doivent arrêter de donner l’impression qu’ils veulent imposer leurs solutions. C’est de la mauvaise communication. Ils devraient faire le dos rond, accepter les procédures imposées et ne plus donner d’échéancier.
TourMaG.com - Même de nouveau certifié, ne pensez-vous pas que les passagers seront réticents à monter dans le 737 MAX ?
X.T. : Les passagers bien sûr seront difficiles à convaincre tant que l’ensemble de la communauté aéronautique mondiale ne sera pas elle-même convaincue. Et à l’heure actuelle, il y a encore des experts qui émettent des doutes.
Quand tout le monde sera rassuré et que les pilotes seront prêts à reprendre les commandes, certains passagers reviendront mais pas tous.
Une partie va attendre des années sans aucun crash de l’avion pour oser remonter dans cet appareil. Il est clair que les compagnies qui ont choisi le 737 MAX seront boudées et connaîtront des problèmes de remplissage.
* Le directeur général de Boeing, Dennis Mullenberg, a annoncé sa démission. Il sera remplacé par l'actuel président du conseil d'administration, David Calhoun, qui deviendra PDG de Boeing à compter du 13 janvier.
* F.A.A (Fédéral Aviation Administration) : agence de certification américaine
* E.A.S.A (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) : agence de certification européenne.
X.T. : Boeing ne peut pas faire l’impasse sur cet avion.
A 95%, il est similaire aux autres 737 dont la fiabilité est reconnue dans le monde entier. Cette évolution qui a été mal faite, ils la corrigent dans le sang, dans la douleur et pour un prix supérieur au développement d’un nouvel avion.
Ils ne peuvent pas dire à leurs clients : "on annule la livraison de 4 500 avions", l’addition monterait alors à plus de 50 milliards de dollars.
L’avion ne sera donc probablement jamais rentable mais il doit revoler en toute sécurité, quel qu’en soit le prix. Boeing ne peut pas faire autrement, et Airbus ne pourrait pas compenser ce retrait.
Au niveau mondial, il y a une corrélation entre la croissance économique et le besoin d’avions. Quand une zone géographique fait 3% de croissance, l’aviation croit de 6%.
Si vous freinez l’aviation, vous freinez aussi la croissance économique. Il y a des pays très pressés de retrouver cet avion car cela freine actuellement leur développement.
TourMaG.com - Selon vous, l’avion devrait donc retrouver sa certification aux Etats-Unis. Comment cela va-t-il se passer en Europe ? L’E.A.S.A* va-t-elle prendre acte et certifier l’avion aussi ?
X.T. : Effectivement avant il y avait une réciprocité dans les attributions de certifications qui faisait qu’entre pays "fiables", on se faisait confiance.
La question est donc de savoir si la F.A.A va être capable de prouver qu’elle a rattrapé ses erreurs car elle aurait dû voir les erreurs de Boeing : est-ce que les nouveaux process qu’elle impose à Boeing seront suffisants pour que l’E.A.S.A les accepte tels quels ? Aujourd’hui nous n’avons pas de réponse.
Peut-être que la F.A.A. va dire "OK pour nous" mais que l’Europe va dire nous voulons re-vérifier.
Et si c’est le cas, il y aura certainement d’autres pays qui voudront le faire aussi : le Canada, la Chine, l’Australie…
TourMaG.com - Nous venons d’évoquer la certification technique, mais il y a également la certification de la formation qui n’est pas encore validée...
X.T. : Boeing semblait affirmer qu’une simple séance sur ordinateur serait suffisante pour former les pilotes.
Ce n’est pas certain et les autorités pourraient très bien imposer une formation des pilotes sur simulateur (la F.A.A va effectivement imposer des séances de simulateurs pour les pilotes avant toute reprise de vol aux Etats-Unis, ndlr).
Cela leur coûterait encore des millions de dollars mais ils doivent arrêter de donner l’impression qu’ils veulent imposer leurs solutions. C’est de la mauvaise communication. Ils devraient faire le dos rond, accepter les procédures imposées et ne plus donner d’échéancier.
TourMaG.com - Même de nouveau certifié, ne pensez-vous pas que les passagers seront réticents à monter dans le 737 MAX ?
X.T. : Les passagers bien sûr seront difficiles à convaincre tant que l’ensemble de la communauté aéronautique mondiale ne sera pas elle-même convaincue. Et à l’heure actuelle, il y a encore des experts qui émettent des doutes.
Quand tout le monde sera rassuré et que les pilotes seront prêts à reprendre les commandes, certains passagers reviendront mais pas tous.
Une partie va attendre des années sans aucun crash de l’avion pour oser remonter dans cet appareil. Il est clair que les compagnies qui ont choisi le 737 MAX seront boudées et connaîtront des problèmes de remplissage.
* Le directeur général de Boeing, Dennis Mullenberg, a annoncé sa démission. Il sera remplacé par l'actuel président du conseil d'administration, David Calhoun, qui deviendra PDG de Boeing à compter du 13 janvier.
* F.A.A (Fédéral Aviation Administration) : agence de certification américaine
* E.A.S.A (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) : agence de certification européenne.
Christophe Hardin a, à son actif, de nombreuses heures de vol en tant que personnel navigant commercial.
Il est Président de l'Association des Cadres Navigant Commerciaux (A.C.N.C) et s'investit dans la formation à la Relation Client.
Il est adhérent à l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE) ainsi qu'à l'Association des journalistes du Tourisme (AJT).
Il est Président de l'Association des Cadres Navigant Commerciaux (A.C.N.C) et s'investit dans la formation à la Relation Client.
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