Les faits
Quid de la compétence territoriale des tribunaux jugeant les dossiers de compensations aériennes aux termes du Règlement UE 261/2004 ? Depositphotos.com Photocreo
Le litige au principal a pour origine un vol avec correspondances qui était prévu le 25 août 2018 et qui a fait l’objet d’une réservation unique confirmée, effectuée par deux passagers (ci-après les « passagers en cause »).
Ce vol, au départ de Hambourg (Allemagne) et à destination de Saint-Sébastien (Espagne), comprenait trois segments.
Le premier segment, reliant Hambourg à Londres (Royaume-Uni), a été opéré par la compagnie aérienne British Airways, tandis qu’Iberia a été chargée des deux autres segments, à savoir ceux reliant respectivement Londres à Madrid (Espagne) et Madrid à Saint-Sébastien.
Si les deux premiers segments de vol se sont déroulés sans incident, le troisième a, en revanche, fait l’objet d’une annulation, sans que les passagers en cause en soient informés en temps utile.
En raison de cette annulation, les parties ont déposé une action pour le paiement des compensations statutaires auprès de l’Amtsgericht Hamburg (tribunal de district de Hambourg, Allemagne), contre Iberia, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, la distance entre Hambourg et Saint-Sébastien étant d’environ 1 433 km.
Ce vol, au départ de Hambourg (Allemagne) et à destination de Saint-Sébastien (Espagne), comprenait trois segments.
Le premier segment, reliant Hambourg à Londres (Royaume-Uni), a été opéré par la compagnie aérienne British Airways, tandis qu’Iberia a été chargée des deux autres segments, à savoir ceux reliant respectivement Londres à Madrid (Espagne) et Madrid à Saint-Sébastien.
Si les deux premiers segments de vol se sont déroulés sans incident, le troisième a, en revanche, fait l’objet d’une annulation, sans que les passagers en cause en soient informés en temps utile.
En raison de cette annulation, les parties ont déposé une action pour le paiement des compensations statutaires auprès de l’Amtsgericht Hamburg (tribunal de district de Hambourg, Allemagne), contre Iberia, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, la distance entre Hambourg et Saint-Sébastien étant d’environ 1 433 km.
La juridiction éprouve des doutes quant à sa compétence internationale
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La juridiction de renvoi éprouve des doutes, d’une part, quant à sa compétence internationale pour connaître du litige au principal et, d’autre part, quant à la possibilité pour les passagers en cause d’attraire en justice les deux transporteurs aériens étant intervenus dans la réalisation du vol avec correspondances à l’origine du litige au principal.
En particulier, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si elle est compétente pour connaître du litige au principal s’agissant du segment de vol qui a fait l’objet d’une annulation, en dépit du fait que le lieu de départ et le lieu d’arrivée de ce segment de vol, à savoir, respectivement, Madrid et Saint-Sébastien, se situent en dehors de son ressort.
En outre, ladite juridiction fait observer que la Cour, dans l’arrêt du 11 juillet 2019, České aerolinie (C 502/18, EU:C:2019:604), a jugé que, dans le cadre d’un vol avec correspondances ayant donné lieu à une réservation unique, le transporteur aérien qui a opéré le premier segment de ce vol, dont le point de départ était situé dans le ressort de la juridiction saisie, pouvait être attrait en justice pour l’ensemble des segments dudit vol, aux fins d’un recours en indemnisation introduit sur le fondement du règlement no 261/2004.
En particulier, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si elle est compétente pour connaître du litige au principal s’agissant du segment de vol qui a fait l’objet d’une annulation, en dépit du fait que le lieu de départ et le lieu d’arrivée de ce segment de vol, à savoir, respectivement, Madrid et Saint-Sébastien, se situent en dehors de son ressort.
En outre, ladite juridiction fait observer que la Cour, dans l’arrêt du 11 juillet 2019, České aerolinie (C 502/18, EU:C:2019:604), a jugé que, dans le cadre d’un vol avec correspondances ayant donné lieu à une réservation unique, le transporteur aérien qui a opéré le premier segment de ce vol, dont le point de départ était situé dans le ressort de la juridiction saisie, pouvait être attrait en justice pour l’ensemble des segments dudit vol, aux fins d’un recours en indemnisation introduit sur le fondement du règlement no 261/2004.
La décision
La cour a décidé comme suit :
L’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que le « lieu d’exécution », au sens de cette disposition, s’agissant d’un vol caractérisé par une réservation unique confirmée pour l’ensemble du trajet et divisé en plusieurs segments, peut être constitué par le lieu de départ du premier segment de vol, lorsque le transport sur ces segments de vol est effectué par deux transporteurs aériens distincts et que le recours en indemnisation, introduit sur le fondement du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, a pour origine l’annulation du dernier segment de vol et est dirigé contre le transporteur aérien chargé de ce dernier segment.
L’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que le « lieu d’exécution », au sens de cette disposition, s’agissant d’un vol caractérisé par une réservation unique confirmée pour l’ensemble du trajet et divisé en plusieurs segments, peut être constitué par le lieu de départ du premier segment de vol, lorsque le transport sur ces segments de vol est effectué par deux transporteurs aériens distincts et que le recours en indemnisation, introduit sur le fondement du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, a pour origine l’annulation du dernier segment de vol et est dirigé contre le transporteur aérien chargé de ce dernier segment.
Les conseils au professionnel du voyage
Les règles énoncées dans cette décision sont très importantes et donnent lieu à quelques conseils pratiques au professionnel du voyage :
1. Vérifier que vos passagers peuvent bénéficier des dispositions du Règlement UE 261/2004 et donc privilégiez pour les vols retour vers l’Union Européenne des vols opérés par un transporteur UE, suisse, islandais ou norvégien.
2. Faites bien attention à ne réserver que des segments mariés dans un seul et même PNR débouchant sur l’émission d’un seul billet d’avion. Le passager n’a aucune couverture dans le cas de réservations avec plusieurs billets (ce qui est parfois le cas dans les réservations effectuées sur des mega moteurs de recherche)
3. Au cas où vous devez actionner contre la compagnie aérienne, vous pouvez donc saisir le tribunal du lieu de départ ou d’arrivée.
4. Par contre, en cas de recours auprès du National Enforcement Body (autorité d’exécution mise en place par l’Union Européenne), il faut en général saisir celle du lieu de départ ou du lieu d’escale si le fait a eu lieu exclusivement à cet endroit ou encore le lieu de la première escale européenne dans le cas d’un vol provenant de hors UE.
Dans tous les cas, il convient de consulter un professionnel en cas de doute sur le lieu à saisir.
1. Vérifier que vos passagers peuvent bénéficier des dispositions du Règlement UE 261/2004 et donc privilégiez pour les vols retour vers l’Union Européenne des vols opérés par un transporteur UE, suisse, islandais ou norvégien.
2. Faites bien attention à ne réserver que des segments mariés dans un seul et même PNR débouchant sur l’émission d’un seul billet d’avion. Le passager n’a aucune couverture dans le cas de réservations avec plusieurs billets (ce qui est parfois le cas dans les réservations effectuées sur des mega moteurs de recherche)
3. Au cas où vous devez actionner contre la compagnie aérienne, vous pouvez donc saisir le tribunal du lieu de départ ou d’arrivée.
4. Par contre, en cas de recours auprès du National Enforcement Body (autorité d’exécution mise en place par l’Union Européenne), il faut en général saisir celle du lieu de départ ou du lieu d’escale si le fait a eu lieu exclusivement à cet endroit ou encore le lieu de la première escale européenne dans le cas d’un vol provenant de hors UE.
Dans tous les cas, il convient de consulter un professionnel en cas de doute sur le lieu à saisir.
Me David Sprecher est avocat spécialisé dans le droit du tourisme et de l’aviation civile et par ailleurs avocat du CEDIV et membre de l’International Forum of Travel and Tourism Lawyers, de la European Aviation Lawyers Association et du World Airport Lawyers Association.
Il est Senior Lecturer en droit du tourisme et de l’aviation civile au sein d’universités et écoles supérieures de commerce accréditées et également référent en régulation aérienne pour institutions et Parlement.
Me. Sprecher est le Président de la Commisison Droit Aérien du Barreau d’Israël.
Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action.
Les textes de loi européens et autres sont disponibles aux professionnels du tourisme sur simple demande à david.sprecher@sprecher-legal.eu
Il est Senior Lecturer en droit du tourisme et de l’aviation civile au sein d’universités et écoles supérieures de commerce accréditées et également référent en régulation aérienne pour institutions et Parlement.
Me. Sprecher est le Président de la Commisison Droit Aérien du Barreau d’Israël.
Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action.
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