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Coupe du Monde : pourquoi le football restera incontournable 🔑

DĂ©cryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Quand un minuscule et richissime Etat dĂ©pense 220 milliards d’euros pour construire des stades et planter des aiguilles de bĂ©ton et d’acier dans un dĂ©sert, on est forcĂ©ment alertĂ©. Quand plus de 4 milliards de tĂ©lĂ©spectateurs se connectent Ă  longueur de journĂ©e sur ces mĂȘmes stades et que plus d’un million de touristes en un mois s’y acheminent, il est clair que l’alerte doit se transformer en alarme.


Rédigé par le Mardi 29 Novembre 2022

Parvenant à galvaniser les foules et à envahir leur actualité, le football est parvenu à convaincre des États d’investir des sommes considérables dans des équipements capables de recevoir ses joueurs et de faire bouger des millions de voyageurs - DR : DepositPhotos.com, juripozzi
Parvenant à galvaniser les foules et à envahir leur actualité, le football est parvenu à convaincre des États d’investir des sommes considérables dans des équipements capables de recevoir ses joueurs et de faire bouger des millions de voyageurs - DR : DepositPhotos.com, juripozzi
Au Qatar, nous sommes dans un autre monde.

Un monde qui peut faire oublier qu’il brĂ»le impunĂ©ment du CO2, exploite la misĂšre des travailleurs immigrĂ©s et qu’il a une attitude rĂ©trograde vis-Ă -vis des femmes et de la communautĂ© LGBT.

Un monde irrĂ©el transformĂ© par le sport le plus populaire de la planĂšte, devenu l’un des derniers rituels religieux auquel s’adonne et s’adonnera l’humanitĂ©.

Pourquoi ? Tour d’horizon des caractĂ©ristiques footballistiques


J’avais donc dĂ©cidĂ© de boycotter la Coupe du Monde de football, et peu amateur de ballon rond, il est clair que je ne regarderai pas le moindre match.

Mais, il devient Ă©vident que je ne peux passer Ă  cĂŽtĂ© d’un phĂ©nomĂšne qui, d’annĂ©e en annĂ©e, se confirme comme l’une des plus formidables locomotives Ă©vĂ©nementielles planĂ©taires et comme l’un des meilleurs transformateurs d’image.

Car, le ballon rond pour de multiples raisons que nous allons exposer peut se permettre ce qu’aucun autre sport ne se permettrait



Un sport simple et peu coûteux

Premier point : pour tous les observateurs fascinés par le succĂšs de ce sport, il apparait tout d’abord que l’extrême simplicité du jeu, de ses règles et ses capacités à pouvoir se pratiquer sur tous les terrains, avec un minimum d’équipements - parfois même des pieds nus, comme ce fut le cas pour beaucoup de stars actuelles - constitue le premier atout du football.

Ne nécessitant par ailleurs aucun enseignement spécifique, se pratiquant à tout âge et dans tous les milieux, il appartient à la catégorie des sports populaires par excellence.

Poussant encore plus loin la radiographie du football, d’autres fournissent des explications anthropologiques selon lesquelles « le foot nous lie comme la danse à ce que l’on pourrait appeler la préhistoire de nos mouvements ».

Pourquoi cette interprétation ? « Parce que, explique Vladimir Dimitrijevic, l’un des hommes qui parlent le mieux de ce sport, au football, on ne vous laisse que vos pieds et jambes, ces ancêtres sous-développés des jambes et bras » !*

Le foot d’antan : un sport pour un public Ă©lĂ©gant et discipliné

Pendant que des quantités d’observateurs tentent de percer le mystère de ce qui est devenu une sorte d’opium de l’humanité contemporaine, les historiens pour leur part se penchent sur l’évolution subie par ce sport en une soixantaine d’annĂ©es.

Car, même après sa démocratisation dans l’entre-deux guerres, la passion footballistique est restée longtemps concurrencée par d’autres spectacles sportifs comme le Tour de France. Essentiellement, parce qu’à cette époque on valorise le spectateur, au détriment du « fan » ou du supporter.

C’est en effet celui qui s’implique avec mesure qui est la norme, pas celui qui se passionne avec déraison.

En somme, explique l’historien Marion Fontaine, « on veut un public qui se tienne bien », policé, moins expansif et moins ostensiblement enthousiaste.

Certes, sur le plan local, on peut faillir à la règle. Mais, le match est surtout une détente et une sortie à laquelle on assiste en costume du dimanche, parfois en famille, sous la houlette au moins des hommes les plus âgés qui accompagnent, initient mais aussi surveillent les plus jeunes.

La montĂ©e en puissance de la télévision bouscule les normes

A partir des années soixante, changement de dĂ©cor. L’offre de loisirs se diversifiant, un autre modèle tend à émerger avec la démocratisation de la télévision.

Distendant les liens entre le public et le club local, elle vide les petits stades, se focalise sur les grands et sur leurs tribunes où commence à se développer une foule de spectateurs rivalisant d’imagination et d’excentricitĂ© pour paraître à l’écran.

Le spectateur supporter, d’abord valorisé et identifié à travers l’attachement passionné et exubérant qu’il manifeste pour son équipe, se mute alors en supporter actif, sorte de clown prêt à la mascarade pour mieux se faire remarquer et filmer.

Le spectacle rentre alors dans l’arène du showbiz et il n’en sortira plus. D’autant, autre phénomène, que l’on redécouvre dans ce spectacle le goût des sociabilités identitaires traditionnelles.

Un affichage identitaire

Alors que les compétitions européennes et mondiales deviennent des événements médiatiques globaux et que les mobilités par la même occasion se multiplient, les supporters trouvent bel et bien sur les gradins du stade, le moyen d’afficher une appartenance communautaire, aussi conviviale que celle rencontrée lors des fêtes locales, permettant qui plus est, la transgression.

Uni dans le soutien d’une équipe, le groupe peut certes s’exprimer sans retenue. Et cela, d’autant que le cadre dans lequel il évolue désormais a été uniformisé par la mondialisation.

Mieux, explique toujours Marion Fontaine : « le spectacle produit et réinvente une appartenance rêvée ». Or, celle-ci bien souvent dépasse les frontières d’un pays pour épouser celle d’un continent.

L’Europe contre l’Amérique, l’Afrique contre l’Europe


Un mode d’expression politique

Enfin, notons que le stade est devenu un espace d’expression pour une foule désormais d’autant plus immense que les grands écrans ont conquis l’espace public des villes, grandes et petites.

Rassemblant des foules d’hommes et de femmes, de jeunes et de vieux, communiant dans un même soutien pour leurs champions, il se permet alors de donner des leçons de « vivre ensemble » et de morale, donc de déborder son espace dédié pour envahir le champ de la politique internationale.

Peu Ă  peu, certains analystes vont même jusqu’à considérer qu’il est devenu « une nouvelle figure du processus démocratique ». Quand d’autres au contraire voient dans sa puissance le symptôme d’une crise de la démocratie !

D’autant que la violence fait aussi partie de la fête et atteint hélas des extrêmes de plus en plus redoutées et condamnées.

Le foot et le business

Dernier point : la grande mutation du match de football provient de sa transformation en un spectacle vedette soutenu par les milliards déversés par les sponsors.

Parvenant à galvaniser les foules et à envahir leur actualité, le football est parvenu à convaincre des États d’investir des sommes considérables dans des équipements capables de recevoir ses joueurs et de faire bouger des millions de voyageurs.

A la tête d’une véritable industrie et d’un business considérable, il n’en demeure pas moins le miroir d’une société en principe vouée à produire et à vendre, qui a trouvé dans le ballon rond et ses magiciens, l’antidote dont elle avait besoin, les règles d’un vivre ensemble et d’un jeu dont elle ne peut plus se passer pour survivre.

Le mouvement est lancé et, sauf accident majeur, on voit ne guère comment dans les prochaines décennies, il pourrait s’enrayer.

Le foot est donc une valeur sûre du tourisme.

* Lire : - La vie est un ballon rond. Vladimir Dimitrijevic.

- Histoire du foot-spectacle. Marion Fontaine. Dossier de « la vie des idées ».

Typologies des publics du football

Un public masculin exaltant des valeurs viriles 
PremiĂšre caractĂ©ristique : les joueurs et les amateurs de football sont trĂšs majoritairement des hommes. Comptant 2 millions de licenciĂ©s, la FĂ©dĂ©ration française qui est l’une des plus puissantes du pays s’ouvre cependant aux femmes qui sont dĂ©sormais 163 000 licenciĂ©es. Une nouveautĂ© qui n’est pas passĂ©e inaperçue parmi le public oĂč dominent cependant toujours des valeurs viriles, notamment la force et l’audace, parfois la violence.

Une mixité sociale historique
Grande spĂ©cificitĂ© du football, son public est loin d’ĂȘtre homogĂšne. Au contraire, il se compose autant d’une population Ă©conomiquement favorisĂ©e que d’une population Ă©conomiquement faible, les autres se situant dans les classes moyennes. On compte donc dans le mĂȘme public autant de cadres que d’employĂ©s.

Les passionnés inconditionnels 
Ceux-ci sont les plus « visibles ». Ils ne ratent aucun match. Surtout pas ceux de leur club. Empruntant les rites du déguisement : maquillages aux couleurs des drapeaux nationaux, vêtements calqués sur les maillots de joueurs, sifflets, musiques criardes, danses et gestuelles ésotériques, ce public qu’il soit proche ou lointain, franchit les frontières de la transgression en entrant dans une sorte de transe collective dans la foulée d’idoles de chair et de sang, sanctifiées pour leur seule capacité à savoir courir derrière un ballon rond !

Les occasionnels 
N’oublions pas enfin que le public compte toujours une part (plus ou moins importante selon les matchs) d’amateurs plus ou moins Ă©clairĂ©s, ayant obtenu un billet un peu par hasard (soit par une offre promotionnelle, soit via un cadeau d’entreprise). Ceux-ci peuvent soit s’ennuyer devant un spectacle auquel ils n’adhĂšrent pas. Mais, certains peuvent aussi dĂ©couvrir la magie du match de foot et en devenir adeptes.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.

AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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