Quelles politiques allaient s’avérer les plus efficaces ? À l’époque, nous n’avions pas de réponses.
Pour les trouver, il nous fallait non seulement rassembler des informations sur ces nouvelles politiques de santé publique (telles que les fermetures d’écoles, les mesures de confinement, le traçage des contacts, etc.), mais aussi nous assurer qu’elles soient comparables entre elles.
Quelques semaines plus tard, nous avons lancé le Oxford Covid-19 Government Response Tracker, dans cette optique. Il constitue désormais la plus grande base de données mondiale relative aux politiques en matière de pandémie.
À ce jour, nous avons pu cataloguer 20 types de réponses différentes à l’épidémie, et en suivre l’évolution grâce à l’aide de plus de 600 personnes collectant des données tout autour du monde : les informations recueillies proviennent de 186 pays, et concernent notamment les politiques relatives au confinement, à la santé, à l’économie, et maintenant à la vaccination.
Ces politiques sont regroupées selon un certain nombre d’indices, parmi lesquels l’index de rigueur : noté de 0 à 100, il est calculé en fonction du nombre et l’intensité des mesures de confinement et de restriction qui ont été mises en place.
Jusqu’à présent, quinze pays ont atteint la valeur maximale de 100, tandis que sept n’ont jamais dépassé 50.
Les pays présentant la valeur d’index de rigueur moyenne la plus élevée sont le Honduras, l’Argentine, la Libye, l’Érythrée et le Venezuela. Les pays les moins stricts sont le Nicaragua, le Burundi, le Belarus, la république insulaire du Pacifique central Kiribati et la Tanzanie.
Un an après le début de la pandémie, qu’avons-nous appris sur la façon dont les gouvernements ont géré ce qui s’avère être la plus grande crise sanitaire de l’histoire récente ?
Première observation surprenante : les similitudes l’emportent sur les différences. En effet, au cours des premiers mois de la pandémie, les gouvernements ont pour la plupart adopté des politiques similaires, selon une même séquence, et à peu près au même moment (au cours des deux semaines constituant le cœur du mois de mars 2020).
Cette convergence politique contraste avec la propagation inégale de l’épidémie de Covid-19 sur la planète. En mars 2020, la maladie était déjà répandue dans certaines régions d’Asie et se propageait rapidement dans certaines régions d’Europe et d’Amérique du Nord.
Cependant, dans de nombreuses autres régions du monde, elle ne se transmettait pas encore à large échelle. L’urgence à mettre en place un confinement mondial contraste avec l’hétérogénéité des situations épidémiologiques auxquelles étaient confrontés les différents pays. Autrement dit, certains pays ont confiné trop tard, et d’autres, sans doute trop tôt.
Néanmoins, à mesure que la pandémie progressait, les réponses mises en place par les différents pays – et, dans certaines parties du monde, les divers États et régions au sein d’un même pays – ont commencé à varier considérablement.
-
Voyage en Indonésie : fin des exigences sanitaires Covid
-
Quelles destinations viennent de lever leurs restrictions covid ?
-
Omicron, Delta, Alpha… Comprendre le bal des variants
-
« Monde d’après », « new normal »… La grande désillusion des salariés
-
Pandémie : une occasion gâchée pour le tourisme français ?
Des pays comme la Chine, Taïwan, le Vietnam et la Nouvelle-Zélande ont tous réussi non seulement à aplanir la courbe, mais aussi à la maintenir dans cet état, nonobstant quelques petites poussées.
Selon nos données, 39 pays n’ont connu qu’une seule vague de maladie. Cependant, il faut souligner que leur nombre réel est difficile à déterminer, en raison des limitations des systèmes de dépistage, ou de la sous-déclaration, voire de la non-déclaration des informations par certains gouvernements.
D’autres pays ont connu un succès moindre, et ont subi une deuxième, une troisième, voire une quatrième vague de la maladie. Dans certains cas, ces épidémies subséquentes ont été relativement faibles, et elles ont pu être contrôlées par des mesures de test et de traçage ainsi que par la mise en place de restrictions ciblées.
C’est par exemple le cas de la Corée du Sud et de la Finlande qui, bien qu’elles n’aient pas réussi à éliminer le virus, sont parvenues à l’empêcher de mettre à mal leurs systèmes de santé.
Les pays « montagnes russes »
Un trop grand nombre de pays ont en revanche connu une dynamique épidémique en « montagnes russes », les infections repartant régulièrement à la hausse après une baisse, avec de lourdes et tragiques conséquences en termes de nombres de décès, et d’importants retours de bâton politique.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, l’Iran, le Brésil et la France ont connu de telles vagues successives de maladies, au rythme de l’adoption et de l’abandon successifs de politiques de santé publique restrictives.
Bien qu’initialement très discutés, les résultats publiés dans la littérature scientifique sont désormais désormais clairs : pour briser les chaînes de transmission de la Covid-19, les mesures de restriction fonctionnent.
Et elles fonctionnent d’autant mieux qu’elles sont prises en temps voulu, les mesures les plus sévères prises le plus rapidement s’avérant beaucoup plus efficaces que des mesures moins strictes mises en place plus tard.
Soulignons cependant que si ce constat est clairement avéré en moyenne, il n’existe pas de garantie absolue que cette recette fonctionne systématiquement.
Certains pays comme le Pérou ont en effet connu une recrudescence de la maladie malgré des politiques restrictives, ce qui démontre peut-être que l’adhésion et la confiance de la population sont également des facteurs clés de l’efficacité de telles mesures.
Certaines données suggèrent également qu’un soutien économique plus important rend plus efficaces les restrictions anti-Covid-19.
L’argent ne fait pas tout
Il est possible d’identifier des modèles de réponses anti-Covid-19 efficaces. Cependant, on constate aussi que certaines caractéristiques que l’on aurait pu considérer comme constituant des atouts dans la réponse à l’épidémie, tels que la richesse économique ou l’existence d’un gouvernement autocratique, ne l’ont finalement pas été.
Si l’on répartit les pays selon que leur taux de mortalité est supérieur à la moyenne mondiale ou inférieur à la moyenne, selon que les réponses gouvernementales ont été efficaces ou non, on trouve dans chaque groupe bon nombre de pays riches et bon nombre de pays pauvres, de démocraties et de dictatures, de pays dirigés par des populistes et de pays gouvernés par des technocrates.
Le succès et l’échec sont donc des cibles mouvantes. Pour les atteindre, les réponses des gouvernements ont évolué au fil de la pandémie. D’après nos données, les vaccins sont désormais disponibles dans 128 pays et leur nombre ne cesse d’augmenter.
On remarque que certains des pays qui déploient le plus rapidement la vaccination – Israël, le Royaume-Uni, les États-Unis, les Émirats arabes unis par exemple – comptent parmi ceux qui ont eu du mal à contrôler le virus grâce aux mesures de restrictions et aux systèmes de dépistage et de traçage.
Leçons pour l’avenir
Un an plus tard, la pandémie est loin d’être terminée, mais nos données nous permettent d’ores et déjà d’en tirer quelques enseignements à destination des gouvernements.
Premièrement, il faut revoir ce que signifie être préparé à la survenue d’une pandémie. Certains pays dotés de formidables capacités scientifiques et sanitaires se sont lourdement affalés face à ce coronavirus. Dans le même temps, des pays disposant de moins de moyens, comme la Mongolie, la Thaïlande et le Sénégal, ont réussi à maintenir leur population en bonne santé et à continuer à faire fonctionner leur économie.
Deuxièmement, il faut garder en mémoire que ce qui a été appris en observant les situations des autres pays, ou via les leçons tirées d’expérience antérieures individuelles, ne préjuge pas de l’avenir.
Ce qui s’est passé dans certains pays d’Europe de l’Est l’illustre bien : en mars 2020, plusieurs d’entre eux, comme la République tchèque, la Hongrie et la Bulgarie, ont constaté ce qui était arrivé à leurs voisins occidentaux et ont imposé des restrictions avant que la transmission communautaire ne se généralise dans leur propre population.
Ils ont ainsi pu largement éviter le nombre de décès qui a été le lot de nombreux pays d’Europe occidentale lors de la première vague.
Toutefois, quelques mois plus tard, certains de ces mêmes pays d’Europe de l’Est ont fait exactement le contraire, attendant trop longtemps pour réimposer des mesures lorsque les cas ont réaugmenté à l’automne. Ce qui a eu des conséquences pourtant bien trop prévisibles…
Enfin, quand bien même notre travail avait pour objet le suivi des réponses adoptées individuellement par les différents gouvernements, il est clair que la sortie de la pandémie nécessitera une coopération mondiale.
Tant que la transmission n’aura pas été enrayée dans le monde entier par des mesures de restriction et des campagnes de vaccination, le risque d’émergence de nouveaux variants, qui pourraient nous ramener à la case départ ne peut être ignoré.
Au cours de cette première année de pandémie, nous avons constaté que le niveau de coopération entre les gouvernements était faible. Durant la seconde, nous devrons travailler tous ensemble pour espérer réussir à contrôler cette maladie.
Noam Angrist, Emily Cameron-Blake, Lucy Dixon, Laura Hallas, Saptarshi Majumdar, Anna Petherick, Toby Phillips, Helen Tatlow, Andrew Wood, and Yuxi Zhang ont contribué à cet article. Il a été publié en collaboration avec l’International Public Policy Observatory, dont The Conversation est partenaire.
Thomas Hale, Associate Professor in Public Policy, University of Oxford
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.