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FUTUROSCOPIE - La musique peut développer des flux touristiques 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


A l’heure où des dizaines de festivals et de concerts rouvrent leurs portes après de tristes années de silence et où les Rolling Stones attirent 50 000 spectateurs, beaucoup de destinations retrouvent de leur entrain. Preuve est ainsi faite que "Sans musique, la vie n’est qu’un néant, un chaos", comme le faisait observer le philosophe allemand F. Nietzsche. Preuve est aussi faite que sans musique, le tourisme est privé de l’un de ses meilleurs alliés. S’en soucie-t-il ? De plus en plus, mais il pourrait faire mieux, surtout dans un pays comme le nôtre dont la géographie est criblée de genres musicaux et de chansons.
Dans cette série estivale que vous pourrez retrouver tout au long du mois d'août, nous vous proposons un tour du monde rapide des meilleures expériences de tourisme musical, celles dont la France pourrait s’inspirer, elle qui ne cherche même pas à faire inscrire sa "chanson" au patrimoine immatériel de l’Unesco comme le Portugal avec le fado, la Jamaïque avec le reggae, l’Espagne avec le flamenco, l’Argentine avec le tango…


Rédigé par le Mardi 26 Juillet 2022

La musique est plurielle. Éclatée en de nombreux genres musicaux portant l’empreinte soit d’une époque, soit d’une géographie, soit de l’évolution de certains instruments, elle est également soumise à des modes et des processus de réinvention qui en font toute la richesse et la diversité - Depositphotos.com Auteur monkeybusiness
La musique est plurielle. Éclatée en de nombreux genres musicaux portant l’empreinte soit d’une époque, soit d’une géographie, soit de l’évolution de certains instruments, elle est également soumise à des modes et des processus de réinvention qui en font toute la richesse et la diversité - Depositphotos.com Auteur monkeybusiness
… Premier point : si les relations entre patrimoine architectural et tourisme sont indéniables et constituent la base, voire le moteur du déplacement touristique, la musique quel qu’en soit le genre, ne peut en dire autant.

Et pourtant, à peu près toutes les études et enquêtes réalisées sur la totalité ou une partie de la population confirment une vérité anthropologique : plus de 90% des hommes et femmes quel qu’en soit l’âge, déclarent "aimer la musique".

Mieux, ils sont à peu près autant à déclarer écouter quotidiennement de la musique. Une pratique amplifiée par le développement du numérique et des écrans.

Mais, la musique est plurielle. Éclatée en de nombreux genres musicaux portant l’empreinte soit d’une époque, soit d’une géographie, soit de l’évolution de certains instruments, elle est également soumise à des modes et des processus de réinvention qui en font toute la richesse et la diversité.

De la musique sacrée à la musique électro, toutes les époques et territoires ont produit des thèmes et rythmes musicaux ainsi que des chansons qui en sont devenus les porte-paroles dans le monde. Alors que l’opéra est typique de l’Italie, des pays plus récents comme le Brésil ont enfanté la samba tandis que la Jamaïque est devenue le royaume du reggae.

La France pour sa part reste une terre indiscutable de chansons que textes et mélodies apparentent à de la poésie tandis que le monde anglo saxon se confirme comme la scène géniale du jazz, du rock, de la pop…


La musique stimule, soigne...

Le monde de la musique a une autre particularité. Il se décompose entre auditeurs et pratiquants, de plus en plus nombreux dans les écoles, conservatoires, orchestres amateurs ou professionnels, chorales, fanfares, de toutes dimensions, plus ou moins réputés, gratuits ou payants, se produisant en plein air ou dans des édifices dédiés ou toutes sortes d’édifices aux fonctions diverses : écoles, églises, abbayes, stades, arènes, mairies, plages, ports…

Évidemment, sans la danse, son complément indispensable et indissociable, la musique n’est rien ou presque !

Se complétant harmonieusement, les deux genres amplifient à l’extrême leurs influences culturelles et économiques sur la société contemporaine.

Sans oublier leur extraordinaire influence sur le cerveau humain aujourd’hui démontrée par les recherches des laboratoires de neurosciences.

Combinée ou non à la danse, la musique dispose à la fois de vertus curatives, éducatives, cognitives… Elle stimule, elle soigne, elle ravive les souvenirs, elle aide parfois à retrouver la parole.

Un langage universel

De plus, les thèmes et rythmes musicaux jouent un rôle considérable sur les humeurs. Ils rendent joyeux ou au contraire incitent à la mélancolie.

Un constat d’autant plus vrai que selon de nombreuses études, toutes les cultures sont influencées de façon comparable par l’écoute musicale. Ce qui fait de la musique un langage universel, le seul que l’humanité tout entière est capable de partager.

Le seul qui lui permette de communiquer. Le seul qui déclenche des émotions comparables d’un bout à l’autre de la terre.

C’est dire à quel point l’exploitation plus intensive de la musique peut se révéler rentable pour le secteur touristique, par définition international. Nul besoin de sous titrage !

Un public pluriel

Plurielle, la musique dispose tout naturellement de publics pluriels qui, toutes générations confondues, se segmentent entre spécialistes, amateurs actifs et amateurs passifs.

Une catégorisation grossière, loin de refléter les multiples sous segmentations nécessaires à l’édification d’une typologie exhaustive des publics musicaux, mais bien suffisante à l’élaboration d’une typologie de publics touristiques.

Lesquels consomment soit accessoirement de la musique au cours de leurs circuits et séjours touristiques et vacances, soit font de cette consommation le but principal de leurs déplacements.

Entre les deux extrêmes, des nuances selon les âges, les nationalités, les budgets, les habitus culturels et générationnels. Mais, cette sous segmentation pointilleuse n’est pas le but de notre recherche. Elle nécessiterait trop d’enquêtes d’ensemble trop lourdes à réaliser…

Pour une définition du touriste musical

Le touriste musical n’est en fait dans la majorité des cas qu’un amateur de musique doublé d’un consommateur de voyages ou de déplacements de courte durée, impliquant au moins une nuit hors de son domicile.

Impossible à quantifier, il est probablement très présent dans les rangs des touristes internationaux et nationaux qui sillonnent la planète et leur territoires nationaux.

Et, il est probablement d’autant plus nombreux que l’offre musicale a considérablement augmenté, sous la forme de festivals, fêtes populaires, concerts géants, musées, lieux de mémoire, expositions, mises en valeur de quartiers entiers tandis que l’espace public s’est laissé coloniser dans certaines villes et pays, par des musiciens et chanteurs amateurs, le transformant en une immense scène.

Un tourisme sourd aux vibrations sonores

Pour autant, et là réside mon propos : l’offre musicale ne semble pas toujours exploitée à la hauteur de la demande. Alors que quelques rares sites touristiques, villes, théâtres, lieux de mémoire tirent une grande partie de leurs revenus des flux touristiques, d’autres peinent à transformer en tourisme leur patrimoine musical.

Pire ! Nombreux sont ceux qui le négligent, plus occupés à mettre en tourisme des monuments historiques et religieux, des paysages et des expressions artistiques comme la peinture, la sculpture, l’architecture d’hier et d’aujourd’hui.

Comme si le tourisme culturel ne pouvait être généré que par l’usage d’un sens, la vue, l’ouïe pour sa part est délaissée. Le son est sacrifié sur l’autel du spectacle visuel. La musique et ses multiples composantes comme la chanson, sont reléguées au rang d’expressions d’autant plus subalternes qu’elles appartiennent à un présent trop proche pour être sublimés par la consommation touristique.

Exploitant le goût immodéré du passé affiché par notre époque, le tourisme délaisse souvent les expressions du présent et de ce spectacle en perpétuel mouvement que constitue l’univers musical actuel.

Certes, il se targue aujourd’hui de répondre aux demandes expérientielles du "nouveau touriste" en lui proposant une palette de visites découvertes offrant chacune à sa façon une rencontre avec la population, un semblant d’immersion… Vaste bluff que ces prétendues "nouvelles" expériences gustatives, olfactives, visuelles… qui ont de tout temps constitué l’essence du voyage et la principale motivation du voyageur !

Même constat concernant la lenteur. On veut faire passer pour une nouveauté la demande de lenteur par opposition à la vitesse, l’accélération, l’urgence !

Imposture encore que cette prétendue nouvelle attente d’émotion ressassée à l’envi par des commentateurs superficiels, ignorants des grandes émotions éprouvées et évoquées dans les écrits de Rousseau, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert puis Henry Miller, Allen Ginsberg, Paul Morand… et aujourd’hui par ces aventuriers hors normes que furent Nicolas Bouvier, qu’est Sylvain Tesson !

Un touriste intemporel

Dans ses attentes, le touriste est en effet intemporel. Depuis qu’il sillonne le monde, poussé par une curiosité insatiable, il recherche l’authenticité, il voue un culte indicible au "beau", il traque l’inédit, il s’émeut devant la nouveauté, il s’enivre de couleurs, de formes, d’odeurs, de sons, et la musique à cet égard constitue une composante essentielle du patrimoine que lui offre l’ailleurs.

Qui n’est pas revenu des pampas argentines, le cœur et les oreilles gorgés de milongas ? Qui a résisté à l’appel des héritiers de Miles Davis et Charlie Parker dans les innombrables clubs de jazz que recèle le monde ?

Omni présente dans nos vies quotidiennes, la musique et le désir de musique ont toujours accompagné le voyageur et continuent de le faire. C’est une certitude. Mais, parfois, elle constitue le but d’un voyage et son but unique.

C’est notamment le cas de certains publics festivaliers qui d’une année sur l’autre, ou très à l’avance, réservent leurs billets pour ne pas rater un concert. Alors que le plus souvent, elle en est une composante plus ou moins importante qui guide en partie le voyageur, au même titre, qu’une église romane, un musée d’art contemporain... Tandis que, dans de nombreux cas encore, elle est la grande absente des descriptifs touristiques.

… Face à ce public, comment faciliter l’accès au plus grand nombre et comment composer et organiser au préalable de véritables sites touristiques mettant en scène ses sons, ses rythmes, ses auteurs, ses interprètes ?

Tels sont donc les défis que devraient s’imposer les territoires, villes ou régions, à l’exemple des success stories repérables en Europe et dans le monde. Mais, la réciproque est malheureusement vraie. Les événements musicaux ne font pas souvent beaucoup d’efforts pour promouvoir le territoire où ils se produisent.

On ne se rend pas la politesse. On s’ignore. Qui sait par exemple où ont lieu des manifestations musicales pourtant très populaires comme les "Vieilles charrues" ? Heureusement, les choses commencent à changer…

Dans les articles de cette série estivale, notre propos est de mettre en valeur les stratégies réussies des destinations internationales concurrentes et de démontrer que des liens plus étroits peuvent être tissés entre musique et tourisme pour le plus grand bonheur des vacanciers… Mais, cela, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité…

Pour en lire davantage...

Vous pourrez en lire plus sur l’ouvrage "En avant la musique". Josette Sicsic. Editions L’Harmattan.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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