Le pré voyage : entre euphorie et stress
![Le futur touriste cherche Ă visualiser la rĂ©alitĂ© avant de la voir afin de deÌclencher en lui une meÌcanique de plaisir - DR : Depositphotos.com, nenetus Le futur touriste cherche Ă visualiser la rĂ©alitĂ© avant de la voir afin de deÌclencher en lui une meÌcanique de plaisir - DR : Depositphotos.com, nenetus](https://www.tourmag.com/photo/art/default/66122370-47039547.jpg?v=1658136567)
Le futur touriste cherche Ă visualiser la rĂ©alitĂ© avant de la voir afin de deÌclencher en lui une meÌcanique de plaisir - DR : Depositphotos.com, nenetus
En fait, voyager ne signifie pas simplement se deÌplacer dans lâespace.
ParallĂšlement aux gestes et aux mouvements indispensables au voyage « rĂ©el », un autre deÌplacement sâaccomplit. Il se situe entieÌrement au niveau mental, et notamment avant le voyage.
Constituant une peÌriode dâautant plus deÌlicate que le cerveau est extreÌmement actif voire obsessionnel par rapport au projet de voyage, celui-ci deÌclenche deux types de sensations de nature opposeÌe :
1 - Le plaisir du projet de voyage : Une majoriteÌ de voyageurs sont dynamiseÌs, voire totalement euphoriseÌs deÌs lors quâils ont des billets dâavion dans la poche. Peu importe la date de deÌpart, la perspective de partir suffit souvent aÌ leur insuffler eÌnergie et optimisme, tout en leur permettant dâafficher leur statut privileÌgieÌ de « partant ».
Pour intensifier le plaisir, deux outils sâimposent : dâune part, le futur voyageur en parle beaucoup et, par la parole, parvient aÌ deÌcupler les sensations dâordre positif. Dâautre part, il multiplie les recherches dâimages afin de nourrir son imaginaire de compleÌments visuels susceptibles dâaugmenter son information mais surtout dâaccroiÌtre son futur plaisir.
Le cerveau est alors le sieÌge dâun deÌfileÌ permanent dâimages. Et plus on en a, mieux câest.
Lâimaginaire est dâautant mieux alimenteÌ que les images fournies par les Ă©crans sont aujourdâhui leÌgions. On en use, on en abuse, quitte aÌ en saturer ses centres de meÌmoire et aÌ faire se teÌlescoper images positives et neÌgatives.
En fait, le futur touriste cherche Ă visualiser la rĂ©alitĂ© avant de la voir afin de deÌclencher en lui une meÌcanique de plaisir.
2. Lâangoisse du dĂ©part : aÌ lâinverse, surtout par les temps qui courent et transforment le sujet touristique en un sujet anxiogĂšne (grĂšves, manque de personnel, incendies, caniculesâŠ), quand le deÌpart approche, la meÌcanique du plaisir est souvent contrarieÌe par une autre meÌcanique, plutoÌt neÌgative cette fois, transformant en thriller le film qui se deÌroule dans lâimaginaire dâun futur touriste.
En geÌneÌral, plus le voyage approche, plus lâangoisse sâintensifie, allant parfois jusquâaÌ deÌclencher une paralysie chez le futur voyageur.
Certes, tous les sujets ne traversent pas avec autant dâintensiteÌ ces deux phases. Mais, dans leur version nuanceÌe, les deux sont irreÌmeÌdiablement lieÌes aÌ lâavant voyage.
On veut tellement visionner la reÌaliteÌ avant dâeÌtre mis en contact avec elle, quâon la fantasme dans ses bons et ses mauvais aspects.
ParallĂšlement aux gestes et aux mouvements indispensables au voyage « rĂ©el », un autre deÌplacement sâaccomplit. Il se situe entieÌrement au niveau mental, et notamment avant le voyage.
Constituant une peÌriode dâautant plus deÌlicate que le cerveau est extreÌmement actif voire obsessionnel par rapport au projet de voyage, celui-ci deÌclenche deux types de sensations de nature opposeÌe :
1 - Le plaisir du projet de voyage : Une majoriteÌ de voyageurs sont dynamiseÌs, voire totalement euphoriseÌs deÌs lors quâils ont des billets dâavion dans la poche. Peu importe la date de deÌpart, la perspective de partir suffit souvent aÌ leur insuffler eÌnergie et optimisme, tout en leur permettant dâafficher leur statut privileÌgieÌ de « partant ».
Pour intensifier le plaisir, deux outils sâimposent : dâune part, le futur voyageur en parle beaucoup et, par la parole, parvient aÌ deÌcupler les sensations dâordre positif. Dâautre part, il multiplie les recherches dâimages afin de nourrir son imaginaire de compleÌments visuels susceptibles dâaugmenter son information mais surtout dâaccroiÌtre son futur plaisir.
Le cerveau est alors le sieÌge dâun deÌfileÌ permanent dâimages. Et plus on en a, mieux câest.
Lâimaginaire est dâautant mieux alimenteÌ que les images fournies par les Ă©crans sont aujourdâhui leÌgions. On en use, on en abuse, quitte aÌ en saturer ses centres de meÌmoire et aÌ faire se teÌlescoper images positives et neÌgatives.
En fait, le futur touriste cherche Ă visualiser la rĂ©alitĂ© avant de la voir afin de deÌclencher en lui une meÌcanique de plaisir.
2. Lâangoisse du dĂ©part : aÌ lâinverse, surtout par les temps qui courent et transforment le sujet touristique en un sujet anxiogĂšne (grĂšves, manque de personnel, incendies, caniculesâŠ), quand le deÌpart approche, la meÌcanique du plaisir est souvent contrarieÌe par une autre meÌcanique, plutoÌt neÌgative cette fois, transformant en thriller le film qui se deÌroule dans lâimaginaire dâun futur touriste.
En geÌneÌral, plus le voyage approche, plus lâangoisse sâintensifie, allant parfois jusquâaÌ deÌclencher une paralysie chez le futur voyageur.
Certes, tous les sujets ne traversent pas avec autant dâintensiteÌ ces deux phases. Mais, dans leur version nuanceÌe, les deux sont irreÌmeÌdiablement lieÌes aÌ lâavant voyage.
On veut tellement visionner la reÌaliteÌ avant dâeÌtre mis en contact avec elle, quâon la fantasme dans ses bons et ses mauvais aspects.
Pendant le voyage : une surimpression continue dâimages vraies et fantasmĂ©es
![](https://www.tourmag.com/my/tourmag/site/version2020/regie-video/pixel.png)
Pour beaucoup dâindividus, le voyage physique est doubleÌ par un voyage paralleÌle continu deÌcoulant de la masse dâimages souvent parfaitement nuisibles aÌ leur pleine appreÌciation de « lâici et maintenant ».
Comment se manifeste cette catĂ©gorie dâimages sur les comportements touristiques ?
3. La comparaison permanente : Quelques-uns, les plus nombreux, ne voient une destination quâaÌ travers le filtre de la comparaison avec dâautres destinations connues. Quel que soit le pays oĂč ils se trouvent, celui-ci devient  : « câest comme⊠en Tunisie, en Egypte, en Inde⊠» ou « câest pas du tout comme⊠en Inde, ThaiÌlande, Tunisie... ! »
4. Le voyage augmentĂ©Â : Dâautres encore ne deÌcouvrent un site que par rapport au suppleÌment de connaissance quâils peuvent en tirer. Ils fouillent donc systeÌmatiquement sur leur smartphone, leurs « applis »⊠au lieu de regarder autour dâeux tout simplement et augmentent en paroles et en images leur escapade.
5. Les champions du direct : Certains encore ne voient les sites autour dâeux que par rapport aÌ la perspective du reÌcit quâils peuvent en faire, en direct, de preÌfeÌrence ! Ce sont les photographes traditionnels bien suÌr mais ce sont aussi deÌsormais les bloggeurs, les instagrammeurs, les membres treÌs actifs des reÌseaux sociaux et les mobinautes de tout poil plus soucieux de « faire voir que de voir ! »
6. LâĂ©vasion sur Ă©cran : Enfin, notons que dâautres, aideÌs en cela par leur technologie, passent plus de temps aÌ sâinformer sur des articles dâactualitĂ© et aÌ lire leurs emails professionnels ou priveÌs quâaÌ jouir du spectacle qui sâoffre aÌ eux. Plus aÌ lâaise dans le deÌcalage, ils nâont quâune obsession : eÌtre ailleurs que laÌ ouÌ ils sont ! Un comble quand on sait que certains ont payeÌ des fortunes pour faire un voyage !
Au retour, le rĂ©cit de voyages sâinstalle et se nuance
Une fois rentreÌ, quâest-ce que le voyageur va faire des images quâil a accumulĂ©es dans sa mĂ©moire et son smartphone ?
Constituant le meilleur moyen de combattre lâeffacement et la dissipation des souvenirs, il effectue un nouveau deÌpart mental baseÌ sur un reÌcit, donc sur la restitution par des paroles et de plus en plus des images de ce quâil a vu et fait.
PieÌce maiÌtresse du dispositif de lâeÌvasion, le reÌcit constitue un exercice plus complexe quâil nây paraiÌt compte tenu de la profusion dâoutils dont le voyageur dispose dĂ©sormais : videÌo, images, sons...
En gros, on distingue cependant trois types de reÌcits :
7. Le reÌcit instantaneÌ : Parmi les attitudes les plus reÌpandues, il y a celles consistant aÌ raconter en deÌtail aÌ ses proches, ce que lâon a vu et ressenti. DeÌs le retour. Accompagnant leurs paroles dâimages, les voyageurs parviennent souvent ainsi aÌ justifier leur escapade aux yeux de leurs proches. Ils en profitent aussi pour la revivre en acceÌleÌreÌ et renouer avec les sensations positives quâils ont eÌprouveÌes. Ce reÌcit colle en geÌneÌral assez bien avec la reÌaliteÌ.
8. Le reÌcit spectacle : Puis, la meÌmoire fait son Ćuvre et certains en profitent pour modifier leur reÌcit et lâadapter aÌ la personnaliteÌ de leur auditoire et aÌ lâambiance du moment. Pour cela, ils ont preÌpareÌ des images et un narratif de tonaliteÌs diffeÌrentes donnant lieu aÌ des commentaires et des questions de la part de lâauditoire. Sujets aÌ des exageÌrations ou des oublis, ces voyages que lâon fait parfois longtemps apreÌs un retour constituent, avec photos et objets souvenirs, les rares traces de lâexpeÌrience veÌcue.
9. Le reÌcit fantasmĂ© : Et enfin, il y a ces rĂ©cits fantasmĂ©s qui ne traduisent pas la rĂ©alitĂ© mais une partie de la rĂ©alitĂ© telle que lâon aurait voulu quâelle soit. On rĂ©invente le voyage, on lâembellit, ou on lâenlaidit. Selon son humeur ou lâhumeur gĂ©nĂ©rale. On en fait un produit Ă gĂ©omĂ©trie trĂšs variable qui en dit plus sur la personnalitĂ© du voyageur que sur son voyageâŠ
Constituant le meilleur moyen de combattre lâeffacement et la dissipation des souvenirs, il effectue un nouveau deÌpart mental baseÌ sur un reÌcit, donc sur la restitution par des paroles et de plus en plus des images de ce quâil a vu et fait.
PieÌce maiÌtresse du dispositif de lâeÌvasion, le reÌcit constitue un exercice plus complexe quâil nây paraiÌt compte tenu de la profusion dâoutils dont le voyageur dispose dĂ©sormais : videÌo, images, sons...
En gros, on distingue cependant trois types de reÌcits :
7. Le reÌcit instantaneÌ : Parmi les attitudes les plus reÌpandues, il y a celles consistant aÌ raconter en deÌtail aÌ ses proches, ce que lâon a vu et ressenti. DeÌs le retour. Accompagnant leurs paroles dâimages, les voyageurs parviennent souvent ainsi aÌ justifier leur escapade aux yeux de leurs proches. Ils en profitent aussi pour la revivre en acceÌleÌreÌ et renouer avec les sensations positives quâils ont eÌprouveÌes. Ce reÌcit colle en geÌneÌral assez bien avec la reÌaliteÌ.
8. Le reÌcit spectacle : Puis, la meÌmoire fait son Ćuvre et certains en profitent pour modifier leur reÌcit et lâadapter aÌ la personnaliteÌ de leur auditoire et aÌ lâambiance du moment. Pour cela, ils ont preÌpareÌ des images et un narratif de tonaliteÌs diffeÌrentes donnant lieu aÌ des commentaires et des questions de la part de lâauditoire. Sujets aÌ des exageÌrations ou des oublis, ces voyages que lâon fait parfois longtemps apreÌs un retour constituent, avec photos et objets souvenirs, les rares traces de lâexpeÌrience veÌcue.
9. Le reÌcit fantasmĂ© : Et enfin, il y a ces rĂ©cits fantasmĂ©s qui ne traduisent pas la rĂ©alitĂ© mais une partie de la rĂ©alitĂ© telle que lâon aurait voulu quâelle soit. On rĂ©invente le voyage, on lâembellit, ou on lâenlaidit. Selon son humeur ou lâhumeur gĂ©nĂ©rale. On en fait un produit Ă gĂ©omĂ©trie trĂšs variable qui en dit plus sur la personnalitĂ© du voyageur que sur son voyageâŠ
En conclusion
Bien que ces attitudes soient relativement classiques depuis que le voyage existe, notons pour finir quâelles ont Ă©tĂ© favoriseÌes par le mateÌriel numeÌrique dont on dispose aujourdâhui, soit les tablettes et autres smartphones permettant rapidement dâavoir accĂšs Ă des plĂ©thores dâimages et de clichĂ©s capables dâalimenter indĂ©finiment lâimaginaire du voyageur, dâĂ©toffer ses voyages mentaux, voire de les transformer.
Quand plusieurs rĂ©alitĂ©s se superposent, que reste-t-il de la rĂ©alitĂ© quâil convient de promouvoir et de vendre ?
Quand plusieurs rĂ©alitĂ©s se superposent, que reste-t-il de la rĂ©alitĂ© quâil convient de promouvoir et de vendre ?
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin dâen analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.
AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de lâactualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de lâactualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
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