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Futuroscopie - "Goutte froide" à Valence : L’impensable est à venir ! 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Comme l’expliquent tous les médias depuis quelques jours, la « goutte froide » est un phénomène météorologique connu mais rare. Tout le problème étant que sa rareté n’est plus assurée. Au contraire. A force de saturer notre environnement de toutes sortes d’émissions nuisibles, l’humanité devra composer de plus en plus avec des drames climatiques violents et inattendus. Plus que les autres, le secteur touristique sur nos territoires et ceux de toutes les grandes destinations, doit prendre des dispositions dès maintenant pour lutter contre ces phénomènes, informer, rassurer et « assurer » ses visiteurs. La tâche est immense mais preuve que le monde de demain est sans doute pire que celui d’aujourd’hui.


Rédigé par le Mercredi 6 Novembre 2024

Le phénomène de Goutte Froide qui a touché Valence en Espagne est rare, cependant faut-il se préparer à des épisodes de ce type de manière moins exceptionnelle - Depositphotos.com Auteur svbalan
Le phénomène de Goutte Froide qui a touché Valence en Espagne est rare, cependant faut-il se préparer à des épisodes de ce type de manière moins exceptionnelle - Depositphotos.com Auteur svbalan
Selon le quotidien espagnol Las Provincias : la semaine dernière, Valence s’est scindée en deux.

D’une part, le drame, les pluies torrentielles, les torrents de boue, les dizaines de morts, de disparus… et de l’autre, le centre ancien de la ville totalement épargné, occupé par de nombreux touristes ignorants du désastre et de la tragédie qui se joue à quelques kilomètres !

Autre commentaire extrême, salué par de nombreux médias dont le quotidien El Pais, une journaliste pousse un cri d’alarme : « on ne se croit plus en Espagne, ni en Europe, ni dans un pays civilisé. On ne se croit même plus au vingt et unième siècle mais au Moyen Age ! »


A lire aussi : Valence : "pas de victime française" pour le moment


"Goutte froide" à Valence : la colère et la polémique devront servir de leçon

Comment en est-on arrivés là ? C’est effectivement la question que l’on doit se poser.

Attaquée violemment, notamment par l’extrême droite et les habitants de petites localités très durement touchées, les autorités locales ont été les premières désignées comme coupables, d’autant qu’une alerte rouge évoquant un danger extrême avait été émise dès le matin par l’Aemet (Agence de l’état de météo) et durant toute la journée sans pour autant être suivie d’effets.

Pire ! Le président de la Generalitat n’a rien changé à son agenda de la journée et le service de la Protection civile n'a envoyé qu'après 20 heures son message d'alerte téléphonique invitant les habitants à ne pas sortir de chez eux ! Et cela, après que l’université et de nombreux collèges aient fermé leurs portes ! ( voir : Eldiario.es du 2 novembre).

Lire aussi : Les territoires pyrénéens se préparent au changement climatique

Le manque de prudence de certains habitants est certes aussi mis en cause : selon El Pais, plusieurs ont ainsi admis être sortis malgré l'alerte, expliquant n'avoir pas pris conscience de la gravité de la situation, en évoquant des alertes souvent inutiles !

Mais, la cause de la catastrophe a des racines bien plus profondes, dénoncées régulièrement par des médias de mieux en mieux informés, alertant sur l’artificialisation des sols, l’impossibilité pour les eaux de s’écouler, le court termisme des politiques, leur aveuglement et surtout pour certains, leur manque d’anticipation.

Pour autant, une fois les esprits calmés, le couple royal remis de ses émotions, et les morts enterrés, force sera de constater que loin d’être exceptionnel, ce type de situation telle que l’on a pu aussi la voir se développer en France lors d’inondations récentes dans le Nord-Pas-de-Calais, le sud, la région de Givors ou sous la forme d’ouragans dans la Caraïbe, aux USA et aux Philippines… doit désormais être considérée comme récurrente.

Pour la Directrice Générale de l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques (créée il y a 25 ans) Ghislaine Verrhiest-Leblanc : « l’impensable est à venir ! »

Très mobilisée sur le sujet comme de nombreux élus, l’association qui a en particulier vérifié que les citoyens étaient peu conscients de leur exposition à des risques, s’inquiète et avertit de l’urgence d’éduquer et former les populations à réagir efficacement. Organisatrice de colloques « Risques et tourisme » et de l’enquête éponyme, cette association tient surtout à l’information des populations vivant dans des zones à risques parmi lesquelles n’oublions pas les visiteurs nationaux et internationaux.

Exemple de kit de survie pour une population menacée.

Pour la présidente de l’association, tout un chacun doit désormais mettre en place un « kit » lui permettant de se protéger au cas où une crue subite devrait se produire. Résidents et touristes sont concernés.

- ne pas se déplacer
- laisser sa voiture
- ne pas aller en sous sol
- rester en hauteur
- surélever les meubles fragiles
- prévoir des bouteilles d’eau
- suivre l’évolution de la situation…

Les vigies pour nous alerter, progressent

En France, nous avons un système de vigilance qui a bien progressé.
Depuis près de 20 ans, le site Vigicrues.gouv.fr permet à chacun d'être informé du risque de crues des principaux cours d'eau.

Depuis 2022, une application mobile, téléchargeable gratuitement, permet également de recevoir des avertissements directement sur son téléphone.

Quid des touristes ?

Si fort heureusement, le drame de Valence a épargné en grande partie les populations touristiques nombreuses en cette saison, celles-ci, comme ce fut le cas à Phuket lors du tsunami, ne le seront pas toujours.

En première ligne sur le littoral ou en montagne ou dans n’importe quelle zone très arrosée par de nombreux cours d’eau, cette population peut aussi juste devoir faire face à des aéroports fermés, des trains annulés, des hôtels ou des campings dévastés.

Dans ce cas, les assurances deviennent le recours le plus fréquent. Mais, a-t-on une assurance ? Et peut-elle toujours réagir ? Dans quels délais ? Et à quels prix ?

Certes, mieux vaut en avoir une couvrant les soins médicaux et le rapatriement anticipé. Mieux vaut donc passer par un agent de voyages, insistent les opérateurs touristiques, s'engageant à proposer une solution de retour anticipé sans frais en cas de force majeure.

Le prix à payer pour des années d’insouciance

Enfin, de leur côté, et c’est sans doute aussi l’autre information importante : il apparaît que l’État et les régions devront désormais prendre en charge de façon urgente des travaux de grande envergure permettant de prévenir les intempéries tant en amont que sur le moment qu’après.

Car, après coup, n’oublions pas que la route est longue pour revenir à la normale. Que faire des populations sinistrées ? Soins médicaux, alimentation, toilette, relogement et désormais les risques de contamination liée à la boue humide ou sèche charriant toutes sortes de déchets nocifs…

Plongée dans ce cauchemar l’Espagne prétend se dispenser de l’aide européenne. Est-ce une bonne idée ou un arrangement politicien négligeant le désarroi de la population qui, on s’en doute, restera fortement marquée par ce drame pendant des mois ?

Sans compter que l’image renvoyée par la destination est en train de sérieusement s’écorner ! 90 millions de touristes ? Mais à quel prix ? Celui d’années d’arrogance, de négligence et de constructions sauvages avalant le littoral et les villes ?

L’époque semble bien lointaine où l’Espagne se disait Bravo à elle-même dans de grandes campagnes de publicité !

Le plan national d’adaptation au changement climatique

… Coïncidence ! Face à des prévisions particulièrement pessimistes à l’horizon 2050 indiquant par exemple que : les forêts à risques passeront de 30 à 50%, l’enneigement en moyenne montagne à 40%, que la sécheresse sera multipliée par 3, le premier ministre est en train de présenter un plan gouvernemental se basant sur une trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique à +2°C en 2023, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100.

Sachant cependant que nous vivons dans un pays où les moindres projets de création de nouveaux équipements peuvent prendre des années. D’études en études, de concertations en concertations, de recours en recours, de changements politiques en changements politiques, rien en France n’est jamais ni facile ni rapide. Voici cependant l’essentiel des propositions :

- Renforcement du fonds Barnier : La première mesure consiste à renforcer dès 2025 ce fonds, créé en 1995, destiné à financer des projets pour prévenir les risque, le premier ministre a chiffré cette augmentation à 75 millions d'euros, pour atteindre 300 millions.

- Maintenir des assurances abordables : Le gouvernement entend aussi inciter les assureurs à maintenir une offre assurantielle à tarif abordable sur l'ensemble du territoire et à limiter le reste à charge pour les particuliers sinistrés.

- Adapter les logements : les règles et programmes de rénovation des logements devront évoluer pour mieux prendre en compte le confort thermique en été. Avec quels moyens ? On ne sait pas.

- Protéger les travailleurs les plus exposés en ciblant les activités et situations de travail sur lesquels les épisodes caniculaires présentent le plus de risques.

- S'adapter à la raréfaction de l'eau : En plus du Plan eau lancé en 2023, une étude spécifique sera menée pour évaluer les risques liés « aux vulnérabilités de l'approvisionnement ».

Lire aussi : Futuroscopie - Eau : la fin de l'open bar ? 🔑

- La TRACC, nouvel outil de planification conduisant à un réchauffement de 4°C par rapport à l'ère pré industrielle "devra progressivement être intégrée à tous les documents de planification des collectivités". L'objectif étant que d'ici 2030, 100 % des nouveaux documents intègrent la TRACC.

- Transports : "L'adaptation des transports au changement climatique nécessitera d'établir des plans d'adaptation des infrastructures et services de transport à partir d'études de vulnérabilité dont l’analyse permettra d'aboutir à des plans d'actions détaillant le budget nécessaire à la réalisation des actions d'adaptation."

- Agriculture : Afin de mieux accompagner les exploitants pour adapter leurs modes de production, un "diagnostic modulaire d'évaluation de la résilience de l'exploitation au changement climatique" sera mis en place d'ici 2026.

- Protéger les sites culturels majeurs : Les principaux sites culturels français seront accompagnés pour étudier leur vulnérabilité et tester des solutions d'adaptation. Plus largement, un plan d'adaptation sera lancé pour 10 sites majeurs.

- Informer le public : Une cartographie nationale d'exposition aux risques naturels (submersion marines, incendies, inondations) sera réalisée d'ici 2027 pour donner accès à tous à la connaissance des risques actuels et de leur évolution probable et mieux s'y préparer.

Vous voilà rassurés ? Je crains que non, sachant que nous sommes de plus en plus vulnérables et que le touriste, aussi prévoyant soit-il, se sent indéniablement fragilisé face aux impondérables qui composent désormais son quotidien.

Lire aussi : COP 28, climat : de nouveaux dilemmes 🔑

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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