Comment déterminer la fiabilité de la compagnie ?
« Comme un exemple vaut mieux qu’un long discours, nous avons imaginé avec le sie internet Eurocockpit.com les implications concrètes et directes du décret n° 2006-315 du 17 mars 2006 relatif à l'obligation d'information des passagers aériens sur l'identité du transporteur aérien.
La famille Dupont veut partir pas cher une semaine à Charm el-Cheikh, et repère dans le catalogue d’un voyagiste une offre qui l'intéresse avec le nom de 5 transporteurs possibles : Air Méditerranée, Corsair, Axis Airways, Star Airlines, Aigle Azur.
Le contrat est signé, et la famille Dupont sait par écrit qu'elle sera transportée par Aigle Azur.
La compagnie n'est pas sur la liste noire donc il ne sera pas remboursé
Huit jours avant le départ, le voyage payé, la famille Dupont est prévenue par email que finalement, le transporteur sera Egyptair, compagnie internationale agréée par les autorités françaises, parce que les compagnies françaises n'ont plus d'avions disponibles ce jour-là.
Le jour du départ, à Paris, au moment de l'enregistrement, la famille Dupont est informée oralement que le vol sera effectué par AMC Airlines, l'avion prévu de Egyptair étant en panne.
À Monsieur Dupont qui s'énerve et qui veut rentrer chez lui, on lui fait gentiment remarquer que cette compagnie n'est pas sur la liste noire et que s'il ne veut plus partir, il ne sera pas remboursé. Légèrement contrainte, la famille embarque et arrive à bon port.
Après une "semaine de rêve", à l'aéroport de Charm el-Cheikh la famille apprend à l'embarquement pour le retour que le transporteur sera finalement Flash Carrier, nouvelle compagnie parfaitement agréée par les autorités égyptiennes.
Monsieur Dupont se fâche mais on lui explique qu'il règlera ses problèmes de réglementation française à Paris et qu'il peut rentrer avec qui il veut, à ses frais. Le représentant local du voyagiste lui indique que cette compagnie n'est pas sur la liste noire européenne et qu'il n'a pas de solution de remplacement. La famille embarque…
Il peut rentrer avec qui il veut, à ses frais…
Commentons les différents points du décret qui amènent à cette situation anormale :
Article 1 : Toute personne physique ou morale habilitée à commercialiser des titres de transport aérien ou des forfaits touristiques incluant des prestations de transport aérien informe le consommateur, pour chaque tronçon de vol, de l'identité du transporteur contractuel ainsi que de celle du transporteur de fait qui assurera effectivement le ou les tronçons de vols concernés, lorsque celui-ci est différent du transporteur contractuel.
C’est en effet la moindre des choses. Ainsi, théoriquement, le passager pourra évaluer le risque ou l’absence de risque à voyager vers la destination de rêve que l’on lui propose. Théoriquement, car encore faut-il qu’il ait les informations nécessaires pour déterminer la fiabilité de la compagnie qui est affrétée par le TO.
Comment ? En consultant les listes noires (il y en aura plusieurs…). C’est le seul outil mis à sa disposition. Peut-on avoir confiance en ces listes noires ? Toutes les compagnies poubelles seront-elles recensées ?
Article 4 : Après la conclusion du contrat, le transporteur contractuel ou l'organisateur du voyage informe le consommateur de toute modification de l'identité du transporteur assurant effectivement le ou les tronçons de vols figurant au contrat./…/ Le consommateur doit en être informé au plus tard, obligatoirement, au moment de l'enregistrement ou avant les opérations d'embarquement lorsque la correspondance s'effectue sans enregistrement préalable.
L’intérêt de l’article 1 est pondéré par la possibilité de modifier l’identité du transporteur à tout moment. Le passager doit-il avoir en permanence les listes noires à sa disposition pour se faire une idée du niveau de sécurité de la nouvelle compagnie qui lui est proposée ?
Le nouveau décret limite les possibilités de remboursement
Par ailleurs, s’il refuse d’embarquer, ce nouveau décret le limite dans ses possibilités de faire valoir un droit à remboursement auprès du voyagiste ou éventuellement face au juge.
Le doute s’installe… Au lieu de clarifier les choses, ce décret nous embrouille… Et ce n’est pas fini !
L’article 5 affirme : Pour les prestations de transport aérien incluses dans un forfait touristique ainsi que pour les vols non réguliers affrétés, par dérogation aux dispositions de l'article 2 mais selon les modalités qu'elles fixent, l'information préalable peut être communiquée sous la forme d'une liste comprenant au maximum, par tronçon, cinq transporteurs contractuels au nombre desquels l'organisateur du voyage ou l'affréteur commercial s'engage à recourir. Cette information est complétée, le cas échéant, par la mention de l'identité des transporteurs de fait lorsque ceux-ci sont différents des transporteurs contractuels.
Avec ce décret, le gouvernement Français joue la transparence, c'est évident.
Quand il s'agit d'exprimer les condoléances de la nation aux familles des victimes, on trouve toujours un ministre pour dire qu'un tel accident ne doit pas se reproduire, que toute la lumière sera faite, que la France mettra tous les moyens nécessaires au contrôle et toutes les salades de circonstance entendues à chaque catastrophe.
10 fois plus de possibilités de planquer le nom du transporteur
Quand il s'agit de légiférer, en revanche, la reculade est aussi spectaculaire qu'elle pourrait être douloureuse pour les familles des victimes, qui avaient au moins l'espoir que des enseignements seraient tirés du drame.
Les voyagistes ont désormais la possibilité de prévoir jusqu'à 5 transporteurs contractuels, et pour chacun d'entre eux, finalement, autant de "transporteurs de fait" qu'ils veulent si ce n'est pas un transporteur contractuel qui effectue la prestation.
La transparence vue par le gouvernement, c'est environ 10 fois plus de possibilités qu'aujourd'hui de planquer le nom du transporteur.
On a enfin compris : quand le ministre disait "plus jamais ça", c'était en fait "plus jamais on ne devrait connaître le nom de la compagnie qui vient de s'écraser tuant 135 passagers, ça lui ferait une mauvaise publicité de nature à mettre en péril ses résultats annuels".
Une directive européenne moins farfelue que ce décret serait à l'étude. Ceux qui ont œuvré dans le sens d’un décret qui ne garantit pas le droit des consommateurs ont oublié une chose : l’acte d’achat est d’abord un acte… de confiance !"
Henri Marnet-Cornus & François Nénin
auteurs de « Transport aérien le dossier noir »
La famille Dupont veut partir pas cher une semaine à Charm el-Cheikh, et repère dans le catalogue d’un voyagiste une offre qui l'intéresse avec le nom de 5 transporteurs possibles : Air Méditerranée, Corsair, Axis Airways, Star Airlines, Aigle Azur.
Le contrat est signé, et la famille Dupont sait par écrit qu'elle sera transportée par Aigle Azur.
La compagnie n'est pas sur la liste noire donc il ne sera pas remboursé
Huit jours avant le départ, le voyage payé, la famille Dupont est prévenue par email que finalement, le transporteur sera Egyptair, compagnie internationale agréée par les autorités françaises, parce que les compagnies françaises n'ont plus d'avions disponibles ce jour-là.
Le jour du départ, à Paris, au moment de l'enregistrement, la famille Dupont est informée oralement que le vol sera effectué par AMC Airlines, l'avion prévu de Egyptair étant en panne.
À Monsieur Dupont qui s'énerve et qui veut rentrer chez lui, on lui fait gentiment remarquer que cette compagnie n'est pas sur la liste noire et que s'il ne veut plus partir, il ne sera pas remboursé. Légèrement contrainte, la famille embarque et arrive à bon port.
Après une "semaine de rêve", à l'aéroport de Charm el-Cheikh la famille apprend à l'embarquement pour le retour que le transporteur sera finalement Flash Carrier, nouvelle compagnie parfaitement agréée par les autorités égyptiennes.
Monsieur Dupont se fâche mais on lui explique qu'il règlera ses problèmes de réglementation française à Paris et qu'il peut rentrer avec qui il veut, à ses frais. Le représentant local du voyagiste lui indique que cette compagnie n'est pas sur la liste noire européenne et qu'il n'a pas de solution de remplacement. La famille embarque…
Il peut rentrer avec qui il veut, à ses frais…
Commentons les différents points du décret qui amènent à cette situation anormale :
Article 1 : Toute personne physique ou morale habilitée à commercialiser des titres de transport aérien ou des forfaits touristiques incluant des prestations de transport aérien informe le consommateur, pour chaque tronçon de vol, de l'identité du transporteur contractuel ainsi que de celle du transporteur de fait qui assurera effectivement le ou les tronçons de vols concernés, lorsque celui-ci est différent du transporteur contractuel.
C’est en effet la moindre des choses. Ainsi, théoriquement, le passager pourra évaluer le risque ou l’absence de risque à voyager vers la destination de rêve que l’on lui propose. Théoriquement, car encore faut-il qu’il ait les informations nécessaires pour déterminer la fiabilité de la compagnie qui est affrétée par le TO.
Comment ? En consultant les listes noires (il y en aura plusieurs…). C’est le seul outil mis à sa disposition. Peut-on avoir confiance en ces listes noires ? Toutes les compagnies poubelles seront-elles recensées ?
Article 4 : Après la conclusion du contrat, le transporteur contractuel ou l'organisateur du voyage informe le consommateur de toute modification de l'identité du transporteur assurant effectivement le ou les tronçons de vols figurant au contrat./…/ Le consommateur doit en être informé au plus tard, obligatoirement, au moment de l'enregistrement ou avant les opérations d'embarquement lorsque la correspondance s'effectue sans enregistrement préalable.
L’intérêt de l’article 1 est pondéré par la possibilité de modifier l’identité du transporteur à tout moment. Le passager doit-il avoir en permanence les listes noires à sa disposition pour se faire une idée du niveau de sécurité de la nouvelle compagnie qui lui est proposée ?
Le nouveau décret limite les possibilités de remboursement
Par ailleurs, s’il refuse d’embarquer, ce nouveau décret le limite dans ses possibilités de faire valoir un droit à remboursement auprès du voyagiste ou éventuellement face au juge.
Le doute s’installe… Au lieu de clarifier les choses, ce décret nous embrouille… Et ce n’est pas fini !
L’article 5 affirme : Pour les prestations de transport aérien incluses dans un forfait touristique ainsi que pour les vols non réguliers affrétés, par dérogation aux dispositions de l'article 2 mais selon les modalités qu'elles fixent, l'information préalable peut être communiquée sous la forme d'une liste comprenant au maximum, par tronçon, cinq transporteurs contractuels au nombre desquels l'organisateur du voyage ou l'affréteur commercial s'engage à recourir. Cette information est complétée, le cas échéant, par la mention de l'identité des transporteurs de fait lorsque ceux-ci sont différents des transporteurs contractuels.
Avec ce décret, le gouvernement Français joue la transparence, c'est évident.
Quand il s'agit d'exprimer les condoléances de la nation aux familles des victimes, on trouve toujours un ministre pour dire qu'un tel accident ne doit pas se reproduire, que toute la lumière sera faite, que la France mettra tous les moyens nécessaires au contrôle et toutes les salades de circonstance entendues à chaque catastrophe.
10 fois plus de possibilités de planquer le nom du transporteur
Quand il s'agit de légiférer, en revanche, la reculade est aussi spectaculaire qu'elle pourrait être douloureuse pour les familles des victimes, qui avaient au moins l'espoir que des enseignements seraient tirés du drame.
Les voyagistes ont désormais la possibilité de prévoir jusqu'à 5 transporteurs contractuels, et pour chacun d'entre eux, finalement, autant de "transporteurs de fait" qu'ils veulent si ce n'est pas un transporteur contractuel qui effectue la prestation.
La transparence vue par le gouvernement, c'est environ 10 fois plus de possibilités qu'aujourd'hui de planquer le nom du transporteur.
On a enfin compris : quand le ministre disait "plus jamais ça", c'était en fait "plus jamais on ne devrait connaître le nom de la compagnie qui vient de s'écraser tuant 135 passagers, ça lui ferait une mauvaise publicité de nature à mettre en péril ses résultats annuels".
Une directive européenne moins farfelue que ce décret serait à l'étude. Ceux qui ont œuvré dans le sens d’un décret qui ne garantit pas le droit des consommateurs ont oublié une chose : l’acte d’achat est d’abord un acte… de confiance !"
Henri Marnet-Cornus & François Nénin
auteurs de « Transport aérien le dossier noir »
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LA BIO DES AUTEURS
Henri Marnet-Cornus, coauteur de "Transport aérien : le dossier noir", est pilote. Ancien pilote de chasse, il a exercé pendant de longues années la fonction de commandant de bord à AOM puis à Air Lib. Henri a créé l'association de sécurité aérienne Safety First pour fédérer toutes les bonnes volontés autour de cette cause. www.safety-1st.org
François Nénin est journaliste indépendant. Il a exercé pendant 4 ans la fonction de chef de rubriques Transports et Tourisme pour le mensuel 60 Millions de Consommateurs après avoir travaillé entre autres à Nice Matin, Var Matin, Auto Plus. Il est également élève-pilote.
Henri Marnet-Cornus, coauteur de "Transport aérien : le dossier noir", est pilote. Ancien pilote de chasse, il a exercé pendant de longues années la fonction de commandant de bord à AOM puis à Air Lib. Henri a créé l'association de sécurité aérienne Safety First pour fédérer toutes les bonnes volontés autour de cette cause. www.safety-1st.org
François Nénin est journaliste indépendant. Il a exercé pendant 4 ans la fonction de chef de rubriques Transports et Tourisme pour le mensuel 60 Millions de Consommateurs après avoir travaillé entre autres à Nice Matin, Var Matin, Auto Plus. Il est également élève-pilote.