Jet4you privée d'escale liégeoise pour cause d'environnement

Seulement 84 km séparent l’aéroport de Liège et celui de Charleroi. Même si cela peut sembler peu pour de grands pays comme la France ou le Maroc, pour les Belges, cette distance est psychologiquement importante.

Et pour les managers de la compagnie marocaine, elle l’est encore davantage puisque la chalandise cumulée de ces deux aéroports est de l’ordre de 400.000 pax. Marché provenant de l’addition du tourisme ethnique, touristique et d’affaires.

De l’ouverture des réservations à aujourd’hui, selon les données fournies par la compagnie près de 7.000 réservations auraient été réalisées se répartissant en, grosso modo, 4.500 pour un départ ou une arrivée à Charleroi et 3.500 pour Liège.

En réalité, selon nos sources, le rapport ne serait pas 2/3 1/3 en faveur de Charleroi, mais de 80/20 soit 5.600 /1.400. Le 16 septembre 2006, l’administration fédérale belge de l’aéronautique donne son feu vert pour la ligne et donc les deux escales à Liège et Charleroi. Oui mais c’était sans tenir compte de la position du ministre régional wallon André Antoine.

400.000 pax estimé pour les deux aéroports

Celui-ci, la veille du premier vol, a donc interdit l’une des deux escales et proposé une liaison entre les deux aéroports par bus. En cause pour lui « un programme de vol trop polluant et contraire à l’intérêt général ». Et d’évoquer notamment les accords de Kyoto : « Ce vol a des conséquences sur les quotas des normes de lutte contre les effets de serre que la Belgique a signés. »

Et le Ministre aurait même proposé très fermement à la compagnie marocaine de n’opérer que de Liège. Formule que Jet4you n’a pas retenue au vu des chiffres des réservations faites et a privilégié les vols au départ de Charleroi.
Décision prise en connaissance de cause puisque la longueur de la piste de Charleroi rend quasiment obligatoire un refueling en France ou en Espagne.

Donc selon le Ministre régional, ces trois vols hebdomadaires risquent de mettre en péril le respect par la Belgique des accords de Kyoto. Position surréaliste lorsqu’on sait que pas moins de 6000 vols quotidiens sont opérés dans le Royaume et qu’il existe déjà des doubles touché entre Ostende et Liège voire entre Ostende ou Liège et Bruxelles.

Et comme on est en Belgique, l’irrationnel apparaît également dans les réactions locales. José Happart, un homme politique de la région de Liège et président de l’aéroport de Liège estime que « Si les sauts de puce avaient eu lieu entre l’aéroport de Maastricht aux Pays-Bas et Charleroi ou entre Lille et Charleroi, le ministre Antoine n’aurait rien dit. Pour moi, ce Ministre soutient indirectement l’aéroport de Bruxelles et risque de tuer les aéroports régionaux ».

Mais comme on est en Belgique, il ne faudrait pas s’attendre à voir se pointer des réactions du type communautaires absurdes. Pour certains, il ne serait pas étonnant que le ministre régional wallon agisse de la sorte avec une compagnie marocaine dans laquelle le groupe TUI et donc indirectement le TO Jetair possède plus de 40 % du capital. Or, Jetair est située en Flandre…

Il nous a été également sous entendu qu’un arrière-fond xénophobe pourrait avoir influencé la position ultra écologiste du ministre : « Pour lui, comme il ne s’agit ni d’une compagnie belge, ni européenne, il s’est souvenu tout à coup que l’écologie était rentable, électoralement parlant… »

Un peu de sérieux… Monsieur le Ministre !

Redevenons sérieux. Si la politique écologique du ministre était généralisée à toutes les compagnies, les conséquences à moyen terme risquent d’être nombreuses. La première, ce sera la remise en cause des plans de vol de certains TO. Il faut en effet savoir que plusieurs voyagistes belges proposent des départs d’Ostende vers les destinations soleils. Mais nombreux sont les vols qui, en fonction de leurs taux de remplissage, opèrent une escale à Bruxelles ou à Liège.

Claude Perignon, porte-parole de Thomas Cook, rappelle que « Nos opérations prévoient normalement des départs différenciés d’Ostende et de Liège. Mais si nous constatons que les appareils ne sont pas remplis, nous effectuons un passage dans les deux aéroports. »

Puis de rappeler au ministre : « Les TO belges ont fait des efforts conséquents pour promouvoir les aéroports régionaux. Il me semble équitable de recevoir en retour le support des autorités régionales. Celles-ci doivent se souvenir que les TO ont investi considérablement aussi bien au niveau financier que promotion. »

Et chez Jetair, Dirk Van Holsbeke assène : « Nous avons depuis des années des vols combinés Ostende / Liège. Pour nous, rien ne change : tout dépend de la demande du marché. Nous suivons les désirs des clients de pouvoir partir près de chez eux dans un confort maximum. »

Face au souhait du ministre de passer des accords interrégionaux au sujet des vols combinés inter-régionaux avec ses confrères de la Région Flamande et du pouvoir Fédéral et donc en quelque sorte de ne plus les autoriser, les deux responsables déclarent : « Tant que rien n’est décidé, nous maintenons nos opérations. »

L’autre conséquence de la décision ministérielle de soutenir Liège au détriment de Charleroi aura pour résultat de devoir allonger la piste de cette dernière plus tôt que prévu. Ainsi, il nous a été expliqué : « L’expérience montre que pour les vols réguliers lowcost, l’aéroport de Charleroi a une longueur d’avance sur Liège. Dès que sa piste sera allongée, Charleroi pourra encore plus facilement assurer son avenir de base incontournable ».

« En invoquant l’écologie pour interdire les vols combinés entre Liège et Charleroi, le ministre va provoquer des réactions très dures des écologistes de la région de Charleroi. Risquera-t-il alors la perte de plusieurs centaines d’emplois en pretextant que ceux-ci vont à l'encontre des accords de Kyoto ? »