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Que faut-il craindre de la Commission européenne sur l'ordonnance ? Eric Drésin (ECTAA) répond !

Interview d'Eric Drésin, le secrétaire général de l'ECTAA


Dans le tourisme, le calme ne peut durer, il y a toujours un coup de vent, une tempête ou un cyclone pour rappeler, que le secteur ne doit pas se reposer sur ses lauriers. La semaine dernière la Commission européenne est venue rappeler à la France, que l'ordonnance sur le bon à-valoir ne respecte pas la directive des voyages à forfait. Que risque l'industrie ? Nous avons interrogé Eric Drésin, le secrétaire général inquiet de l'ECTAA.


Rédigé par le Lundi 6 Juillet 2020

Pour Eric Drésin, il ne faut pas nécessairement craindre l'attaque de la Commission européenne, toutefois sa négligence vis à vis des compagnies aériennes est plus préjudiciable - Crédit photo : Depositphotos @paulgrecaud
Pour Eric Drésin, il ne faut pas nécessairement craindre l'attaque de la Commission européenne, toutefois sa négligence vis à vis des compagnies aériennes est plus préjudiciable - Crédit photo : Depositphotos @paulgrecaud
TourMaG.com - Trois mois après l'ordonnance, la Commission européenne a mis en demeure la France concernant le bon à-valoir. Faut-il craindre un rétropédalage et un remboursement massif ?

Eric Drésin :
Pour nous la Commission Européenne se focalise sur la question des avoirs obligatoires ou non, alors qu'elle ne se penche pas sur les avoirs protégés ou non.

Aujourd'hui le consommateur est mieux protégé par les avoirs mis en place par les agences de voyages que ceux mis en place par les compagnies aériennes, sur les vols secs qui ne sont pas du tout encadrés.

Je dirai même plus, nous commençons à avoir de sérieux soucis en BtoB avec les avoirs mis en place par les hôtels ou sur d'autres prestations touristiques, comme les concerts ou des événements, sauf qu'il n'y a dessus aucune législation et la Commission européenne ne réagit pas.

Depuis le départ, il y a un manque d'ambition de l'instance, de mise à jour de la réglementation européenne par rapport à un contexte inédit.

Nous avons travaillé de concert avec la Commission sur des corrections a minima, mais en gardant comme ligne directrice les principes généraux du droit à la consommation et pas forcément l'intérêt du consommateur.

TourMaG.com - Si je comprends bien, dans cette décision il n'y a pas vraiment de surprise pour vous ?

Eric Drésin :
Pas vraiment, c'est la suite logique du courrier envoyé aux Etats membres le 14 mai 2020, la Commission notifie aux Etats membres ayant un système de vouchers obligatoires, qu'il faut corriger et créer des vouchers volontaires.

Elle accorde un délai de deux mois pour corriger le tir ou du moins apporter des modifications aux textes de loi.

Pour la suite en cas de non-respect des réglementations, donc si rien ne change, alors la Commission entamera une procédure d'infraction devant la Cour européenne de justice pour non-respect de la législation.

Nous sommes sur un temps assez long.

"Si les entreprises ne sont pas concernées dans l'immédiat, elles le seront en seconde main"

TourMaG.com - Cette procédure est à l'encontre des entreprises ou seulement des gouvernements ?

Eric Drésin :
Elle ne concerne que les Etats membres, car ils n'ont pas fait leurs travaux au niveau de l'application au droit national d'une réglementation européenne.

Dans le cas présent, l'Etat risque une amende, mais pas les acteurs.

Si les entreprises ne sont pas concernées dans l'immédiat, elles le seront en seconde main, avec un changement de législation nationale qui aura des conséquences pour le secteur.

TourMaG.com - Ce changement législatif peut prendre combien de temps ? Plusieurs mois ?

Eric Drésin :
La position de la Commission est de dire : il faut changer la réglementation, mais tous les avoirs édités avant un potentiel changement de réglementation, nous allons devoir rester vigilant pour que cela ne change pas.

TourMaG.com - Nous avions cru comprendre que la Commission était plutôt favorable aux avoirs, pourquoi ce rétropédalage ?

Eric Drésin :
La Commission n'est pas contre les avoirs du moment qu'ils sont volontaires, protégés et remboursables, y compris pour les compagnies aériennes.

La notice de recommandation du 18 mars 2020 abordée déjà ces trois points, donc en soi l'instance est assez logique dans sa démarche.

Après tous les Etats membres n'ont pas mis en place des avoirs obligatoires, mais volontaires. Par exemple en Italie, ils sont tous obligatoires, même pour les concerts, d'autres ont été plus subtils.

Le problème dans tout ça étant que la Commission ne prend pas en compte la situation nationale en considération, mais elle n'est pas dans une logique ambitieuse avec un marché unique intérieur du voyage, comment faire pour résoudre cette situation de manière proactive ?

Il serait intéressant de faire comme aux Pays-Bas ou en France, où les ménages les plus fragiles doivent être protégés en priorité concernant les remboursements.

Sauf qu'au lieu de prendre une telle décision, tout le monde est sur un pied d'égalité et nous imposons aux acteurs de rembourser tout le monde, pendant ce temps les fournisseurs de services n'ont aucune contrainte.

Donc il y a des avoirs des compagnies aériennes, des hôtels, des entreprises événementielles, etc.

Nous nous retrouvons avec la même pression de liquidité que nous avions au début de la crise, avec le seul avantage que nous sommes en fin de parcours des réservations.

Tourisme : "Nous sommes très loin du redémarrage"

TourMaG.com - L'ECTAA va-t-il essayer d'agir pour faire infléchir la position de la Commission ?

Eric Drésin :
Pour l'instant, nous sommes plutôt dans l'analyse de ce que nous pouvons faire, nous sommes un peu dans l'expectative, car à court terme l'instance européenne ne fera rien.

Ce qui nous pose soucis dans tout ça étant qu'elle attaque des vouchers obligatoires, mais protégés, elle ne fait rien contre les compagnies aériennes, alors même qu'elle a demandé aux gouvernements de mettre en place un système de garantie pour les transporteurs, personne n'a bougé.

TourMaG.com - D'ailleurs, nous n'entendons plus rien du tout à ce niveau depuis de nombreuses semaines, pourquoi deux poids deux mesures ?

Eric Drésin :
Je ne saurais l'expliquer, je ne peux même pas justifier avec des textes de loi cette position de la Commission européenne.

Le problème dans tout ça étant que l'instance envoie un message disant que nous sommes dans une phase de reprise de l'activité touristique, sauf que tous les indicateurs restent dans le rouge.

Clairement les compagnies aériennes sont le maillon faible du tourisme en ce moment.

Les coûts de la reprise seront exorbitants, entre les mesures financières et les prêts, en l'état certaines compagnies vont disparaître.

TourMaG.com - La Commission a l'air de donner un blanc-seing aux compagnies, qui pourtant mènent une politique commerciale douteuse. D'après des patrons d'entreprises du tourisme, les transporteurs annulent des vols au dernier moment, tout simplement, car ils ne sont pas pleins... Elles améliorent leurs trésoreries sur le dos des passagers. Cela complexifie le travail des agents de voyages.

Eric Drésin :
J'en ai moi-même fait les frais la semaine dernière, avec un vol Bruxelles-Rome qui a été annulé deux jours avant le départ.

Je ne sais pas si c'est une stratégie générale ou simplement un cas particulier, mais je sais qu'il existe de nombreuses rumeurs à ce sujet.

Sauf que pour le moment la Commission répond aux abonnés absents pour la protection des consommateurs pour les vols secs.

TourMaG.com - Nous parlons aussi de compagnies nationalisées ou ayant eu de nombreux milliards par les gouvernements européens...

Eric Drésin :
Pour le moment, il n'y a aucun travail de fait mais nous allons devoir attirer l'attention à ce niveau.

Les compagnies aériennes sont en grande difficulté, je peine à voir comment elles vont sortir intactes de cette crise.

Je n'ai pas d'écho particulier, mais il suffit de se rendre dans les aéroports, alors que les vacances estivales débutent, ils sont quasiment vides avec très peu de vols affichés.

Eurocontrole a déclaré que le 1er juillet était la meilleure journée sur le plan des vols depuis le 20 mars.

Sauf que la moyenne du mois de janvier 2020 était de 25 000 vols, et au 1er juillet nous étions à 12 000 vols, alors que cette date devait constituer un pic, en raison des départs pour les vacances.

Nous sommes très loin du redémarrage.

Tourisme : "Le secteur est peut-être devenu trop risqué pour le monde de l'assurance"

"Si la réouverture des frontières s'est un peu mieux passée que la fermeture...ajourd'hui l'activité ne redémarre pas" selon Eric Drésin - Crédit photo : ECTAA
"Si la réouverture des frontières s'est un peu mieux passée que la fermeture...ajourd'hui l'activité ne redémarre pas" selon Eric Drésin - Crédit photo : ECTAA
TourMaG.com - Il suffit d'interroger les agences de voyages, c'est le calme quasi plat...

Eric Drésin :
Le problème que nous avons étant qu'il est assez compliqué de pouvoir dégager une vision d'ensemble et sûre de la situation à destination.

Nous avions demandé la coordination, avec les autres acteurs du tourisme, de l'action de réouverture des frontières, ce n'est pas passé.

Si la réouverture s'est un peu mieux passée que la fermeture, ce n'était pas optimal et aujourd'hui l'industrie touristique en paye les prix, l'activité ne redémarre pas.

TourMaG.com - Avez-vous des échos de la part de vos adhérents ?

Eric Drésin :
En France, c'est assez mitigé, dans les pays nordiques, ils ont interdiction de sortir, donc il n'y a rien.

En Italie, il y a très peu de touristes, c'est une catastrophe. Sur l'ensemble des marchés, nous sommes à l'epsilon de l'activité normale.

Nous allons être durablement touchés, nous pouvons considérer que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la crise, elle fut d'abord sanitaire, puis nous venons de rentrer dans celle économique.

TourMaG.com - Suivez-vous d'autres sujets au niveau européen ?

Eric Drésin :
Il y en a un autre qui émerge, c'est celui de l'assurance BtoC, mais aussi au niveau de la responsabilité des tour-opérateurs.

Le secteur est peut-être devenu trop risqué pour le monde de l'assurance et si un assureur est prêt à rentrer à quel prix les polices seront fixées ? A l'avenir aurons-nous autant de concurrence sur le secteur ?

Voici un des sujets sur lequel, nous travaillons.

L'autre étant la mise à jour de la réglementation sur le voyage à forfait, la Commission européenne vient d'ouvrir une consultation jusqu'au mois d'octobre sur un nouvel agenda.

Puis nous suivons les conditions d'émission des avoirs proposés par les prestataires de services que ce soit les hôtels, compagnies aériennes, etc.

Aujourd'hui des établissements hôteliers font comprendre à des TO, que les avances versées correspondent aux frais d'annulation.

Pour finir, il y a un certain nombre de discussions sur l'industrie aéronautique, nous participons à cela dans le cadre d'une vision post-covid, afin d'éviter une super consolidation du secteur, mais aussi la durabilité de l'aérien, etc.

Le problème que nous avons avec la Commission en ce moment étant qu'elle n'est pas dans l'anticipation. Si jamais une 2de vague se déclare, que faisons-nous ?

Nous avons de la part des institutions et des Etats membres, il n'y a pas de volonté de s'asseoir autour de la table.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Christiane GRIFFAUT le 07/07/2020 09:30 | Alerter
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Comme le dit l'UFC Que Choisir : "Il faut remettre à plat l'ordonnance. Avec l'effet multiplicateur des mesures prises pour aider le tourisme, ce sont plus de 8 milliards d'aides qui ont été accordées par le gouvernement, contre 500 millions d'avoirs."....

2.Posté par Christiane GRIFFAUT le 07/07/2020 09:33 | Alerter
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Et il faut comprendre aussi les clients lorsque le professionnel lui donne un avoir de 18 mois utilisable seulement sur le même voyage, la même destination (c'est du vécu!), dans ce cas il n'est pas décidé à se réinscrire à un autre voyage et attend donc le remboursement au bout de 18 mois pour partir à nouveau.... et les seniors sont particulièrement concernés!

3.Posté par Fusible le 07/07/2020 13:37 | Alerter
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Les agences de voyages, maillon faible de la chaîne, constituent le fusible idéal. D’un côté les consommateurs pourront récupérer leurs mises auprès des garants une fois que celles-ci ont fait cessation de paiement. De l’autre côté les compagnies aériennes, hôteliers et cie seront déchargés de leurs obligations futures vis-à-vis d’elles si elles n’existent plus.
Si ça arrange tout le monde après tout ...

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