La 1ère destination touristique des Chinois restera encore longtemps la Chine
« Certains craignaient autrefois le péril jaune : désormais on déroule le tapis rouge pour recevoir les Hans (2) persuadés qu'ils seront le nouvel « Eldorado » qui permettra à la France de retrouver sa première place de destination réceptive mondiale.
Dès l'accord conclu en février 2004 entre Beijing et l'Union Européenne permettant - en théorie - aux Chinois de voyager « librement » en Europe (en fait obligatoirement en groupe d'un minimum de 5 et par l'intermédiaire d'une agence chinoise habilitée), plus de 120 tour-opérateurs français se sont inscrits sur la liste officielle du Ministère Délégué au Tourisme.
Certains ont même, sans le moindre client en perspective, déjà engagé des Chinois (de Paris) pour organiser la venue de ces nouveaux clients.
Même TourMaG.com - quotidien électronique sérieux s'il en est - n'hésite pas, à propos d'un écho sur le prochain voyage d'une délégation du C.R.T. Languedoc-Roussillon « à la conquête du marché chinois » à écrire que « plus d'un million de touristes chinois sont en effet attendus dans les deux prochaines années en France ».
Qui a pu avancer ce chiffre ? Le Ministère ? Madame Soleil ?
La réalité sera tout autre malgré les efforts déployés par Maison de la France à Beijing et les multiples voyages des C.R.T., de l'Office de Tourisme de Paris et autres réceptifs potentiels.
Pourquoi ? Certes la Chine a un peu plus d'1,4 milliard de citoyens et environ 2 millions ont un niveau de vie suffisant pour un premier voyage en Europe (2 à 300.000 ayant les moyens de faire ce voyage en première et en hôtels 4 étoiles).
En théorie donc, le potentiel existe d'autant plus que le niveau de vie moyen va encore s'améliorer : on devrait donc pouvoir grappiller quelques miettes du gâteau.
Mais on oublie un certain nombre de réalités :
- la première destination touristique des Chinois reste et restera longtemps la Chine. Avec 15 à 20 jours de vacances en moyenne et à deux périodes de l'année bien précises (Nouvel An chinois et début octobre), ils ont suffisamment de lieux touristiques superbes dans cet immense pays**** (3) pour d'abord consacrer leur temps libre à leur propre pays, y compris Hong-Kong, Macau et Taiwan : les journaux des week-ends des grandes villes sont remplis d'annonces pour des voyages à l'intérieur de 2 à 8 jours
- la zone Asie du Sud-Est et du Sud est leur 2e destination préférée. Logique : plus près donc moins cher et « cultures » similaires renforcées par la présence de la diaspora. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les chiffres publiés par la P.A.T.A. (Pacific Asia Travel Association) et l'Organisation Mondiale du Tourisme : ils montrent une progression spectaculaire et continue du nombre de touristes chinois dans les pays voisins : Vietnam, Thaïlande, Singapour, Australie.
Budget limité pour les les faux touristes (i.e. fonctionnaires)
- Si vous allez pour la première fois en Chine, vous voudrez, bien évidemment, visiter plusieurs villes. Pour les Chinois, c'est identique quand ils viennent en touristes visiter l'Europe.
L'Europe des 15 ou même des 25 étant plus petite que la Chine, un premier voyage doit comprendre de 6 à 8 pays à visiter entre 10 à 12 jours dont 3/4 jours maximum en France (Paris essentiellement + Côte d'Azur sur la route pour l'Italie) et le reste en Italie, Allemagne, Autriche.
Le tout en autocar, hôtels 2* (deux par chambre) pour un prix moyen de 1.800/1.900 euros tout compris au départ de Beijing ou de Shanghai. De là à penser qu'ils passeront 8 jours en Bretagne ou en Alsace, qu'ils feront des voyages thématiques sur le vin, il y a loin de la coupe aux lèvres (mais c'est pareil, ne l'oublions pas, pour les Américains qui viennent pourtant depuis longtemps en Europe).
- Il restera bien sur les faux touristes, c'est-à-dire les fonctionnaires et salariés des entreprises publiques et privées en voyages dits « d'études » qui, eux, peuvent rester une semaine en France. Problèmes : il faut toujours la fameuse « lettre d'invitation », ils ne vont qu'à Paris et dans la ville de leur lieu « d'étude », leur budget est - sauf exception - limité.
On ne les verra pas en Lozère ou en Corse du Sud (4) avant longtemps. De plus, ils échappent quasi complètement aux réceptifs français car ils passent par des réceptifs chinois (parfois « associatifs ») du 13ème arrondissement ou de Belleville parfaitement compétents et efficaces car pas chers.
Un million de Chinois en France dans les deux ans ? Soyons réalistes !
- Les étudiants : il a bien longtemps que leurs parents choisissent d'abord pour eux les Etats-Unis et l'Allemagne malgré Victor Hugo, Lamartine, Alain Delon et Sophie Marceau (voir les pages entières de publicité pour les Universités américaines et allemandes dans les quotidiens chinois), la France étant absolument incapable de les héberger
- Enfin, last but not least, le problème des visas. Les consulats français après avoir été débordés de demandes « touristiques » dès le 1er septembre se trouvent confrontés à un problème qui avait été d'ailleurs envisagé : la « disparition dans la nature » de groupes entiers.
Certes l'agence chinoise émettrice risque d'être sanctionnée pour avoir « perdu » son groupe mais ces incidents vont renforcer, malgré l'obligation de respecter les accords internationaux, les réticences du Ministère français de l'Intérieur à accorder des visas « touristiques ».
Résultat concret : les groupes arrivent actuellement de plus en plus par l'Allemagne, l'Italie ou d'autres pays européens et passent - éventuellement - 1 ou 2 jours à Paris à condition que leur billet d'avion ne stipule pas (ne serait-ce que pour des raisons de moindre coût) un retour par le même aéroport que celui de l'arrivée.
Les représentants du Languedoc-Roussillon devront donc patienter (en attendant, ils auront quand même eu l'occasion de faire un beau voyage en Chine ( LIRE.
Un million de Chinois en France dans les deux ans ? Soyons enfin réalistes : divisons ce chiffre par 4 et le (futur) Ministre français en charge du Tourisme, s'il arrive à convaincre son collègue de l'Intérieur du nécessaire redressement de la balance des échanges extérieurs, pourra être satisfait en accueillant à Charles De Gaulle, et en grandes pompes, son 250.000ème touriste chinois le 1er janvier... 2007 ! »
J-Paul CHAMPEAUX
CONSEILS LOISIRS EUROPE
Mèl : cleingetour@wanadoo.fr
(1) Le rédacteur de ces lignes est Expert international en développement Touristique et Culturel et inscrit sur la liste des experts étrangers reconnus par la « National Administration for Foreign Experts » de la R. P. de Chine. Il a effectué à ce titre, une dizaine de missions en Chine et contacté plus de 30 agences de voyages chinoises (Beijing, Shanghai et autres villes de l'intérieur) pour le compte d'une agence de voyages française.
(2) Peuple dominant en Chine (ils ne sont qu'environ 1 milliard).
(3) Le guide Lonely Planet (1.008 pages dans sa 5ème édition française de 2003 mais qui pourrait en avoir 4 à 500 de plus s'il voulait tout décrire) recense plus de 35 sites exceptionnels..
(4) deux beaux départements cités au hasard
Dès l'accord conclu en février 2004 entre Beijing et l'Union Européenne permettant - en théorie - aux Chinois de voyager « librement » en Europe (en fait obligatoirement en groupe d'un minimum de 5 et par l'intermédiaire d'une agence chinoise habilitée), plus de 120 tour-opérateurs français se sont inscrits sur la liste officielle du Ministère Délégué au Tourisme.
Certains ont même, sans le moindre client en perspective, déjà engagé des Chinois (de Paris) pour organiser la venue de ces nouveaux clients.
Même TourMaG.com - quotidien électronique sérieux s'il en est - n'hésite pas, à propos d'un écho sur le prochain voyage d'une délégation du C.R.T. Languedoc-Roussillon « à la conquête du marché chinois » à écrire que « plus d'un million de touristes chinois sont en effet attendus dans les deux prochaines années en France ».
Qui a pu avancer ce chiffre ? Le Ministère ? Madame Soleil ?
La réalité sera tout autre malgré les efforts déployés par Maison de la France à Beijing et les multiples voyages des C.R.T., de l'Office de Tourisme de Paris et autres réceptifs potentiels.
Pourquoi ? Certes la Chine a un peu plus d'1,4 milliard de citoyens et environ 2 millions ont un niveau de vie suffisant pour un premier voyage en Europe (2 à 300.000 ayant les moyens de faire ce voyage en première et en hôtels 4 étoiles).
En théorie donc, le potentiel existe d'autant plus que le niveau de vie moyen va encore s'améliorer : on devrait donc pouvoir grappiller quelques miettes du gâteau.
Mais on oublie un certain nombre de réalités :
- la première destination touristique des Chinois reste et restera longtemps la Chine. Avec 15 à 20 jours de vacances en moyenne et à deux périodes de l'année bien précises (Nouvel An chinois et début octobre), ils ont suffisamment de lieux touristiques superbes dans cet immense pays**** (3) pour d'abord consacrer leur temps libre à leur propre pays, y compris Hong-Kong, Macau et Taiwan : les journaux des week-ends des grandes villes sont remplis d'annonces pour des voyages à l'intérieur de 2 à 8 jours
- la zone Asie du Sud-Est et du Sud est leur 2e destination préférée. Logique : plus près donc moins cher et « cultures » similaires renforcées par la présence de la diaspora. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les chiffres publiés par la P.A.T.A. (Pacific Asia Travel Association) et l'Organisation Mondiale du Tourisme : ils montrent une progression spectaculaire et continue du nombre de touristes chinois dans les pays voisins : Vietnam, Thaïlande, Singapour, Australie.
Budget limité pour les les faux touristes (i.e. fonctionnaires)
- Si vous allez pour la première fois en Chine, vous voudrez, bien évidemment, visiter plusieurs villes. Pour les Chinois, c'est identique quand ils viennent en touristes visiter l'Europe.
L'Europe des 15 ou même des 25 étant plus petite que la Chine, un premier voyage doit comprendre de 6 à 8 pays à visiter entre 10 à 12 jours dont 3/4 jours maximum en France (Paris essentiellement + Côte d'Azur sur la route pour l'Italie) et le reste en Italie, Allemagne, Autriche.
Le tout en autocar, hôtels 2* (deux par chambre) pour un prix moyen de 1.800/1.900 euros tout compris au départ de Beijing ou de Shanghai. De là à penser qu'ils passeront 8 jours en Bretagne ou en Alsace, qu'ils feront des voyages thématiques sur le vin, il y a loin de la coupe aux lèvres (mais c'est pareil, ne l'oublions pas, pour les Américains qui viennent pourtant depuis longtemps en Europe).
- Il restera bien sur les faux touristes, c'est-à-dire les fonctionnaires et salariés des entreprises publiques et privées en voyages dits « d'études » qui, eux, peuvent rester une semaine en France. Problèmes : il faut toujours la fameuse « lettre d'invitation », ils ne vont qu'à Paris et dans la ville de leur lieu « d'étude », leur budget est - sauf exception - limité.
On ne les verra pas en Lozère ou en Corse du Sud (4) avant longtemps. De plus, ils échappent quasi complètement aux réceptifs français car ils passent par des réceptifs chinois (parfois « associatifs ») du 13ème arrondissement ou de Belleville parfaitement compétents et efficaces car pas chers.
Un million de Chinois en France dans les deux ans ? Soyons réalistes !
- Les étudiants : il a bien longtemps que leurs parents choisissent d'abord pour eux les Etats-Unis et l'Allemagne malgré Victor Hugo, Lamartine, Alain Delon et Sophie Marceau (voir les pages entières de publicité pour les Universités américaines et allemandes dans les quotidiens chinois), la France étant absolument incapable de les héberger
- Enfin, last but not least, le problème des visas. Les consulats français après avoir été débordés de demandes « touristiques » dès le 1er septembre se trouvent confrontés à un problème qui avait été d'ailleurs envisagé : la « disparition dans la nature » de groupes entiers.
Certes l'agence chinoise émettrice risque d'être sanctionnée pour avoir « perdu » son groupe mais ces incidents vont renforcer, malgré l'obligation de respecter les accords internationaux, les réticences du Ministère français de l'Intérieur à accorder des visas « touristiques ».
Résultat concret : les groupes arrivent actuellement de plus en plus par l'Allemagne, l'Italie ou d'autres pays européens et passent - éventuellement - 1 ou 2 jours à Paris à condition que leur billet d'avion ne stipule pas (ne serait-ce que pour des raisons de moindre coût) un retour par le même aéroport que celui de l'arrivée.
Les représentants du Languedoc-Roussillon devront donc patienter (en attendant, ils auront quand même eu l'occasion de faire un beau voyage en Chine ( LIRE.
Un million de Chinois en France dans les deux ans ? Soyons enfin réalistes : divisons ce chiffre par 4 et le (futur) Ministre français en charge du Tourisme, s'il arrive à convaincre son collègue de l'Intérieur du nécessaire redressement de la balance des échanges extérieurs, pourra être satisfait en accueillant à Charles De Gaulle, et en grandes pompes, son 250.000ème touriste chinois le 1er janvier... 2007 ! »
J-Paul CHAMPEAUX
CONSEILS LOISIRS EUROPE
Mèl : cleingetour@wanadoo.fr
(1) Le rédacteur de ces lignes est Expert international en développement Touristique et Culturel et inscrit sur la liste des experts étrangers reconnus par la « National Administration for Foreign Experts » de la R. P. de Chine. Il a effectué à ce titre, une dizaine de missions en Chine et contacté plus de 30 agences de voyages chinoises (Beijing, Shanghai et autres villes de l'intérieur) pour le compte d'une agence de voyages française.
(2) Peuple dominant en Chine (ils ne sont qu'environ 1 milliard).
(3) Le guide Lonely Planet (1.008 pages dans sa 5ème édition française de 2003 mais qui pourrait en avoir 4 à 500 de plus s'il voulait tout décrire) recense plus de 35 sites exceptionnels..
(4) deux beaux départements cités au hasard