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Remboursements : "L'indemnité d'Air France couvrira à peine le quart des coûts", selon Fabrice Dariot

Interview de Fabrice Dariot, le président de Bourse des Vols


La vindicte des professionnels contre les compagnies aériennes change d'immeuble. Au début de la crise, il y a et Misterfly et son président Nicolas Brumelot, il y a maintenant Fabrice Dariot, le patron de Bourse des Vols. Pour ce dernier, les agences de voyages sont embourbées dans "une marée noire" de demandes de remboursement, les empêchant de pouvoir traiter les nouvelles demandes. Découvrez son interview engagée.


Rédigé par le Mardi 16 Juin 2020

"Le grand sujet d'avenir pour le tourisme sera les règles IATA, car si l'association applique ses règles au sens strict plus personne ne pourra avoir le BSP l'an prochain" selon Fabrice Dariot (Bourse des Vols) -Crédit photo : Depositphotos @ginasanders
"Le grand sujet d'avenir pour le tourisme sera les règles IATA, car si l'association applique ses règles au sens strict plus personne ne pourra avoir le BSP l'an prochain" selon Fabrice Dariot (Bourse des Vols) -Crédit photo : Depositphotos @ginasanders
TourMaG.com - Dimanche 14 juin a annoncé la réouverture progressive des frontières intra et extra européennes. Je suppose que la nouvelle a été bien accueillie chez Bourse des Vols ?

Fabrice Dariot :
C'est une bonne chose, mais ce n'est pas une nouvelle fracassante, car nous l'avions tous un peu anticipé.

Nous avions justement enregistré une hausse des demandes suite aux différentes informations circulant sur la réouverture des frontières.

De nombreuses incertitudes pèsent sur le secteur, elles empêchent que les commandes reprennent sur les chapeaux de roues.

L'allocution de Macron entérine simplement une tendance en place, c'est à dire des vols domestiques, des vols vers les DOM-TOM, la Corse et le bassin Méditerranéen.

Nous espérons que le mouvement va s'accélérer.

TourMaG.com - Vous parliez d'incertitudes qui pèsent sur le secteur, que vouliez-vous dire ?

Fabrice Dariot :
Oui, il existe encore de nombreux freins à main qui ne sont pas levés, comme tout d'abord les vacances intercontinentales. Sur les destinations long-courriers, le risque est encore trop élevé, les aléas trop nombreux et les prix trop chers.

Ce marché est très sinistré et il va le rester, en dehors des DOM-TOM. Après le reste de l'Europe reprend, même si les clients n'iront pas à plus de 3 voire 4h de vols, dans le même temps les plans de vol sont continuellement bouleversés et changent constamment.

Les freins à la commande, même sur les destinations favorables, sont assez nombreux, d'autant qu'il sera nécessaire que les aéroports rouvrent aussi.

Une fois n'est pas coutume, la province est en avance sur Paris, les infrastructures aéroportuaires ont plus facilement rouvert en dehors de l'Île-de-France.

Si nous quittons la problématique destination, pour nous recentrer sur celle des professionnels, nos bureaux sont totalement sclérosés par la masse des vols annulés et des avoirs imposés par les compagnies aériennes.

Nous faisons face à des dizaines de milliers de demandes, sauf que cette masse est complexifiée par des procédures parfois différentes selon les compagnies. Nous vivons une véritable marée noire.

"Lors d'une marée noire, le principe pollueur payeur s'applique, ce devrait être le cas ici aussi"

TourMaG.com - C'est à dire ?

Fabrice Dariot :
Le travail est si considérable, que nos middle et backoffice se retrouvent totalement mazoutés par la surcharge de travail, alors que nos clients réclament très légitimement leur argent aux agences de voyages en ligne et physiques.

Sauf que nous n'avons pas toujours l'argent, par le jeu du BSP, les compagnies possèdent les sommes réclamées par nos clients.

Face à cette surcharge de travail, nous nous sommes retrouvés en pleine crise et donc avec un personnel réduit. Les procédures demandent plusieurs heures, car elles sont manuelles.

Le grand enjeu pour les professionnels et les voyagistes étant d'obtenir de la part des compagnies, ayant imposé les EMD et les avoir, des indemnisations pour le temps considérable et les demandes d'extra en personnel pour affronter le traitement auquel nous faisons face.

Lors d'une marée noire, le principe pollueur-payeur s'applique, ce devrait être le cas ici aussi.

TourMaG.com - Les compagnies entendent votre plainte ?

Fabrice Dariot :
En partie, aujourd'hui des transporteurs se proposent du bout des lèvres d'indemniser les agences de voyages pour prendre en charge la surcharge de travail.

Je ne parle même pas là de la dégradation de notre image auprès des clients dans cette affaire.

Parmi les compagnies ayant dégainé une solution, Air France propose une petite indemnisation aux professionnels. La décision est méritoire, il faut le souligner, mais le montant est totalement dérisoire.

L'indemnité d'Air France couvrira à peine le quart des coûts que nous supportons.

L'enjeu de l'ensemble des réseaux, c'est que toutes les autres compagnies ayant imposé des EMD, donc des mesures exceptionnelles ayant inhibé le remboursement automatique, mettent la main au portefeuille pour nous indemniser.

Donc la reprise est là, avec des bémols, je pense que nous n'avons encore rien vu, car dès que le Maghreb va rouvrir, la demande sera considérable.

D'ailleurs nous ne sommes pas tout à fait prêts à accueillir les masses de voyageurs qui veulent partir, alors que ces commandes feraient énormément de bien à notre trésorerie, à cause des avoirs des compagnies.

Entre professionnels, nous nous interrogeons pour savoir combien de mois ou de semaines, il nous faudra pour nettoyer cette marée noire. Notre grand combat est d'obtenir une juste indemnisation, pour éliminer ce problème.

"Il faut que l'indemnisation soit trois ou quatre fois supérieure"

TourMaG.com - Sur quoi est basé le montant fixé par Air France ?

Fabrice Dariot :
Nous ne savons pas, ils nous proposent une indemnisation de 10 euros par passager EMD.

Nos coûts internes qui sont illustrés et détaillés, nous arrivons à un temps de traitement bien supérieur à la somme proposée. Et encore le traitement est le plus rapide sur Amadeus, que nous utilisons, donc imaginez pour nos autres confrères qui sont sur d'autres GDS.

Nous pensons que si nous nous basons sur le coût horaire d'un travailleur français, il faut que l'indemnisation soit trois ou quatre fois supérieure pour simplement couvrir les frais directs de prise en charge, sans parler de la perte d'image de marque.

A ce niveau, la situation est terrible, car certains clients nous accusent de retenir leur argent, alors que nous ne l'avons plus depuis longtemps.

TourMaG.com - Des actions sont menées par les professionnels ?

Fabrice Dariot :
Oui, les EDV présentent leurs doléances aux principales compagnies, après les réseaux doivent aussi faire leur travail.

J'imagine que le CEDIV, Manor, Tourcom, etc Chacun présentera aux compagnies partenaires ayant imposé l'EMD une demande d'indemnisation. Toutefois je salue Air France qui nous présente une offre concrète.

TourMaG.com - Mais Air France a déjà versé une quelconque somme ?

Fabrice Dariot :
Non, nous en sommes qu'au stade de projet en cours de développement. Les fonds n'ont pas été versés, puis il faut encore que le montant de l'indemnisation soit validé par les Entreprises du Voyage.

Air France comprend quand même que pour sauver sa vie, elle a capturé la trésorerie de tout le monde, et que les conséquences sur nos entreprises sont considérables.

"L'affaiblissement du voyage d'affaires aura des conséquences très importantes pour les Cies"

TourMaG.com - Cet été 2020 devrait ressembler à quoi pour Bourse des Vols ?

Fabrice Dariot :
Il se présente bien, nous remontons très fort, sans retrouver les chiffres de l'an dernier. Avec des intérêts soutenus pour la Corse, les DOM-TOM et le bassin méditerranéen, le long-courrier loisir étant quasiment inexistant.

Nous n'avons jamais été à 0, il a toujours eu un fond d'activité, même pendant le confinement.

Après pour parler un peu avec des TMC (Travel Management Company, ndlr), elles sont encore plus dévastés que les autres. La première chose qui a disparu avec le Covid-19, c'est le voyage d'affaires.

TourMaG.com - Une activité qui sera encore pénalisée pendant de très longs mois...

Fabrice Dariot :
Ma lecture personnelle étant que peut-être même que le marché des TMC tel que nous l'avons connu, n'existera plus.

Les entreprises prennent conscience qu'entre la pression écologique, les risques sanitaires et l'arrivée en masse du télétravail, des organisations vont être revues, remettant en cause une partie du voyage d'affaires.

A court terme, il n'y a plus grand-chose, à moyen terme, des réformes profondes sont à attendre. D'autant plus si Air France ou d'autres compagnies doivent laisser la place aux transporteurs ferroviaires, sous la pression des changements climatiques.

Bien évidemment, l'affaiblissement du voyage d'affaires aura des conséquences très importantes sur les modèles économiques des compagnies qui font du business travel.

Les low cost ne seront pas concernées, mais pour les autres, bien souvent, l'avant de l'avion finance le reste.

Règles IATA : "En 2021, je ne vois pas grand monde en capacité d'émettre des billets"

TourMaG.com - Au début de la crise sanitaire, les acteurs du tourisme sont montés très vite au créneau, attaquant les compagnies aériennes. Depuis quelques semaines, il y a un silence radio à tous les niveaux. Que se passe-t-il ?

Fabrice Dariot :
Peut-être que des compagnies aériennes ont fait quelques efforts, à l'image d'Air France, puis nous avons nos clients à gérer, nos entreprises à rouvrir, etc.

La vie continue, enfin elle reprend.

Le grand sujet d'avenir pour le tourisme sera les règles IATA, car si l'association applique ses règles au sens strict plus personne ne pourra avoir le BSP l'an prochain.

Il faut une modification des règles, pour que soient prises en compte les conditions exceptionnelles que le secteur a connues durant 2020, puis aggravées par la gestion des remboursements par les compagnies elles-mêmes.

En 2021, je ne vois pas grand monde en capacité d'émettre des billets.

TourMaG.com - Quand vous parlez des règles, ce sont les contrôles économiques effectués par IATA sur les agences de voyages ?

Fabrice Dariot :
En effet, chaque année, l'association contrôle des seuils de solidité et rentabilité. Nous ne sommes pas des plus inquiets, car nous sommes solides, mais c'est un débat pour l'industrie.

Un peu à l'image des 3% de déficit des budgets des Etats européens qui ne seront pas tenus par les membres de l'Union européenne, IATA devra revoir sa copie.

TourMaG.com - Un de vos concurrents observait des tarifs aériens en baisse, depuis la sortie du confinement, observez-vous cette dynamique ?

Fabrice Dariot :
Ils sont relativement bas, en ce moment, avec la volonté des compagnies de remplir leurs avions et créer un appel d'air.

Après si un phénomène de rareté s'installe, en raison de l'annulation de vols, avec le yield management (consiste à maximiser la marge générée, en jouant principalement sur les combinaisons de variables prix et de taux d'occupation, selon le site définitions-marketing, ndlr) les prix vont remonter.

Déjà en l'espace d'un mois, les tarifs des billets ont augmenté, mais tout va dépendre du taux de remplissage.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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