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Sécurité et Voyage d'affaires : le difficile compromis entre flicage et responsabilité

Quelle est la limite à la récupération des datas ?


Lorsqu’un collaborateur part en déplacement, l’entreprise est directement responsable, et la data pourrait être une aide précieuse en cas de pépin. Encore faut-il que le RGPD (Règlement européen sur la protection des données) l’y autorise.


Rédigé par le Mardi 2 Octobre 2018

nom, numéro de passeport, trajet…  Pour voyager, les agences ont besoin d'un certain nombre de données. Où est la limite ? crédit : egencia
nom, numéro de passeport, trajet… Pour voyager, les agences ont besoin d'un certain nombre de données. Où est la limite ? crédit : egencia
Le voyage d’affaires évolue.

Avec l’arrivée des millenials, la technologie est de plus en plus au centre des envies et des besoins des déplacements.

Une étude Travelport publiée en mai 2018 indiquait que 40% des voyageurs d’affaires sont frustrés si les entreprises n'utilisent pas la data pour adapter.

l'offre à leurs besoins. Et pour Emmanuel Bourgeat, directeur général de Travelport France, les professionnels du voyage d’affaires « n’ont d’autre choix que de s’adapter à l’ère numérique en intégrant ces évolutions et en proposant des outils adaptés. S'ils ne le font pas, ils risquent de perdre en pertinence ».

Des envies qui vont dans le sens des besoins légaux des entreprises, pour qui l’utilisation des données de géolocalisation pourrait s’avérer très utile.

Entre surveillance et droit à l’oubli

Car selon la loi, lors d’un déplacement, l’entreprise est dans l’obligation de garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses employés. Ainsi, être incapable d’assurer la sécurité d’un collaborateur peut suffire à engager sa responsabilité.

Elle peut même être considérée comme coupable de « faute inexcusable » s’il arrive quelque chose à son employé, parce qu’elle « aurait dû avoir conscience du danger ».

Légalement, l’employeur a donc le droit de contrôler les actions de son salarié lorsqu’il est sous sa responsabilité… Mais les lois de protection de la vie privée viennent compliquer la donne.

Avec l’arrivée du RGPD, exit l’utilisation de la data pour protéger les entreprises :
le salarié est en droit de refuser d’être suivi par son entreprise et la loi interdit même la géolocalisation pour certaines professions, notamment les commerciaux.

Pour Aude Kremer, Directrice Technologie de FCM Travel Solutions France et Suisse, « face à deux lois contradictoires, il faut être très précautionneux, et savoir jongler pour allier les deux et n’en enfreindre aucune ».

Laisser le choix du voyageur

Les législations française et européenne en matière de data impliquent un certain nombre de règles concernant la vie privée, histoire d’éviter que l’entreprise ne puisse « fliquer » ses employés.

Le droit à l’oubli permet à chacun de demander la suppression de ses données personnelles. Il est valable aussi pour les données voyageur conservées par l’entreprise lors du départ de ses collaborateurs.

Par ailleurs, celle-ci a un devoir de transparence et ne peut garder les données de ses employés sans les tenir au courant.

« Notre métier c’est de faire voyager les gens et pour cela, nous avons besoin d’un minimum de data, explique Yorick Charveriat, directeur commercial d’American Express GBT : nom, numéro de passeport, trajet… On collecte et stocke ces données, qu’on supprime ensuite, comme l’indique le RGPD. Mais nous n’allons rien chercher d’autre que ce qui est nécessaire pour éditer un billet et voyager ».

"L’utilisateur doit donner expressément son consentement pour être géolocalisable" - crédit photo : egencia
"L’utilisateur doit donner expressément son consentement pour être géolocalisable" - crédit photo : egencia
Quid des données de géolocalisation que proposent certaines applis ? Outre le fait que les données sont anonymisées, la géolocalisation sur les applis de voyage d’affaires est généralement optionnelle.

« L’utilisateur doit donner expressément son consentement pour être géolocalisable, et peut à tout moment se connecter ou pas. Mais quoi qu’il arrive, l’entreprise doit quand même apporter secours et assistance » rappelle Yorick Charveriat.

Pour respecter la vie privée des utilisateurs, les data récupérées par l’appli SAM de FCM Travel Solutions sont anonymes. « A part le développeur et via une requête très particulière, personne n’a accès aux données, elles sont cryptées. Par ailleurs, indique Aude Kremer, nous passons par un code qui reconnaît le voyageur dans l’appli, mais rien ne permet de le reconnaître en dehors, quand la data circule. ».

Les agences ne proposent que des données paramétrables et activables par l’utilisateur, qui donne alors son accord pour que l’entreprise le suive plus ou moins en temps réel.

Problème : dans quelle mesure l’entreprise ne fait elle pas pression auprès de son employé pour activer la géolocalisation durant tout son séjour ?

Le devoir d’informer

Pour éviter la zone grise, d’autres professionnels du voyage d’affaires préfèrent passer par l’option conseils et informations.

L’entreprise se doit d’informer son salarié en amont et durant son déplacement sur les risques encourus : la jurisprudence a retenu la responsabilité pénale de l’employeur au titre de la faute inexcusable, indique en substance Marie Hautefort, spécialiste en droit social, sur WK-RH, le portail dédié aux acteurs des RH.

Les consignes et informations doivent être visibles. L’employeur doit évaluer les risques, les nommer et prendre les mesures pour les diminuer. Ne pouvant obliger la géolocalisation, il peut par contre inciter son employé à s’inscrire sur le dispositif Ariane du ministère des Affaires Étrangères.

Aucune donnée Ariane ne peut être accessible pour l’employeur, ce qui lui permet à la fois de protéger le voyageur et de se protéger (il ne peut être accusé de contrevenir au RGPD ni d’avoir failli à sa mission d’information).

Egencia développe des outils pour ses clients - crédit photo : egencia
Egencia développe des outils pour ses clients - crédit photo : egencia
Chez Egencia, c’est l’option privilégiée, et comme le décrit Jean-Noël Lau keng lun, directeur marketing : la TMC préfère conseiller aux entreprises d’assurer un maximum de communication et d’information en amont et pendant le voyage.

Pour être au plus près des besoins, Egencia utilise les données à sa disposition (trajet, lieux de résidence, moyens de transport…) pour effectuer des recommandations et donner des informations concernant la sécurité, la météo, les retards ou les conseils aux voyageurs.

« Toutes les 20 minutes nous mettons à jour ces données via l’appli pour le voyageur et pour le travel manager. On explore l’idée du GPS mais aujourd’hui la réglementation est claire : il est délicat de manipuler des données personnelles ».

Pour l’agence, le protocole est clair : « Nous passons par une base unique où sont stockées les données de réservation (transports, hébergement…) mais nous n’allons pas plus loin, même si la technologie existe et que les entreprises le souhaitent. En France, la loi se base sur le consentement ».

Le voyageur lui, a choisi son camp. De la même manière qu’il n’a aucun scrupule à partager les moindres détails de sa vie privée sur les réseaux sociaux, il n’exprime aucune méfiance quant à la gestion de ses données par l’entreprise. Ils sont, selon une étude FCM Travel, 87% à souhaiter être géolocalisables pour des raisons de sécurité (56% acceptent que cela se fassent sans leur consentement, 31% souhaitent pouvoir l’activer eux-mêmes), et 69% des personnes interrogées ne souhaitent pas que leurs données soient supprimées par l’entreprise, même s’ils la quittent.

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Juliette Pic Publié par Juliette Pic Journaliste - TourMaG.com
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