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Tout comprendre de la révision de la Directive sur les Voyages à forfait

Projet de révision de la Directive sur les Voyages à forfait de 2015 (transposée en France depuis 2018)


Nous avons demandé à Emmanuelle Llop, avocat experte en droits du tourisme, de l’aérien et des loisirs, fondatrice du cabinet Equinoxe Avocats, son avis sur la communication de la Commission Européenne et le projet de révision de la Directive sur les Voyages à forfait de 2015, transposée en France dans le Code du Tourisme depuis 2018. Acompte, annulation et circonstances exceptionnelles et inévitables, "bon à valoir", relations B2B, définition du forfait, délai de remboursement pour les garants financiers... Voici ce qui pourrait changer pour vous !


Rédigé par le Jeudi 19 Décembre 2024

Le contexte de révision de la Directive sur les Voyages à forfait de 2015

Ce qui va changer et ce qui ne va pas changer pour les professionnels du tourisme dans le cadre de la révision de la Directive sur les Voyages à forfait - Depositphotos.com Auteur jorisvo
Ce qui va changer et ce qui ne va pas changer pour les professionnels du tourisme dans le cadre de la révision de la Directive sur les Voyages à forfait - Depositphotos.com Auteur jorisvo
Le 5 décembre 2024, la Commission Européenne a communiqué au Conseil de l’Union Européenne ses propositions de révision de la Directive (la DVAF), au terme d’un long processus de consultation et d’analyse du fonctionnement de la Directive depuis son adoption (en France, à partir du 1er juillet 2018) dans un contexte d’expansion du tourisme mondial et européen mais également, de crises.

Le tourisme a été marqué en effet par les conséquences de l’insolvabilité des opérateurs, suite au traumatisme de la faillite de Thomas Cook en 2019 et quelques mois plus tard, par la pandémie de Covid-19.

Ce contexte, couplé au constat de la complexité de certaines notions de la Directive comme les prestations de voyage liées (PVL) et à l’objectif croissant de la protection renforcée des consommateurs, conduit la Commission à proposer des adaptations du texte de manière ciblée. Il restera à parvenir au vote du Parlement.

Si l’on compare le temps qu’il a fallu pour réviser la première directive de 1990, soit 25 ans, avec les petites 10 années d’existence de la DVAF de 2015, il est permis de s’interroger sur cette apparente précipitation.

En réalité, le droit du tourisme est lui aussi victime des crises : c’est principalement la crise du Covid-19 et son cortège de conséquences qui motivent le législateur européen à reprendre le texte de 2015 sur certains points, texte qui d’ailleurs avait déjà intégré les conséquences d’une crise, celle du volcan islandais.

Des propositions indolores, mais aussi des ajustements contraignants

Les remboursements aux voyageurs en cas d’annulation en cas de crise et les fameux « bons à valoir » (ou avoirs, en France), la couverture par la garantie contre l’insolvabilité (la garantie financière en France), la mise en œuvre des annulations pour circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI), la valeur des avis officiels en cas de crise, la définition du forfait et plus généralement l’opacité de certains concepts sont autant de difficultés qui ont émergé des multiples consultations menées par la Commission.

La France, qui on le sait a transposé plus strictement les dispositions de la DVAF de 2015, (notamment en qualifiant la responsabilité de « plein droit ») a toujours adopté en parallèle une règlementation administrative très protectrice du consommateur-voyageur, en matière notamment de couverture de la garantie financière.

Certaines des propositions de la Commission seront donc indolores pour les professionnels français, d’autres sont nouvelles pour tous les Etats-Membres et demanderont, si elles sont adoptées puis transposées - ou plutôt, quand elles le seront (comptez 24 + 6 mois après l’adoption de la Directive révisée) -, quelques ajustements plutôt contraignants.

Ce qui ne changera pas :

- Les opérateurs français connaissent déjà le principe de la couverture très étendue de la garantie financière, qui englobe tous les fonds reçus du voyageur y compris au moment du « pic » de trésorerie, les acomptes, les avoirs et le rapatriement du voyageur. La proposition évoque la garantie « suffisante », quand on parle depuis 2018 en France de la garantie « illimitée des fonds reçus ».

- le professionnel qui invite le voyageur à conclure un contrat auprès d’un autre professionnel dans le cadre d’une PVL doit détenir une garantie financière et fournir un formulaire standard, désormais plus simple.

- Si des services touristiques représentant moins de 25% du prix ou n’étant pas la caractéristique essentielle du voyage sont combinés avec de l’hébergement ou du transport seul, il ne s’agira pas d’un forfait. Tout comme si un service est acheté alors qu’un autre service de voyage a commencé.

Ce qui changera :

- La proposition introduit une nouvelle référence à la relation B2B (on connait déjà le principe du recours en garantie), en instaurant le droit au remboursement sous 7 jours des organisateurs par leurs prestataires qui annulent ou ne fournissent pas leurs services. On peut d’ores et déjà se douter que cette obligation de remboursement, destinée à permettre aux organisateurs de rembourser les voyageurs sous 14 jours, est limité aux prestataires européens…

- La définition du forfait, plutôt absconse dans la version de 2015, est (censée être) allégée pour ce qui est des réservations en ligne liées. La Commission fait référence au « lien étroit » entre différents services de voyage réservés pour un même voyage, choisi au préalable dans un point de vente unique ou dans un court laps de temps (3 heures) : il s’agit bien de forfait et non de PVL (ouf !).

- La PVL est quant à elle explicitée (?) et l’accent est mis sur « l’invitation » de son client par un premier professionnel à aller réserver d’autres services auprès d’un second.

Dans tous les cas, le nombre de formulaires standard d’information (dont, de toutes les façons, personne ne se servait mis à part le formulaire Forfait off et online…) est réduit. Et attention, il faudra joindre le formulaire non seulement avec l’offre mais également avec le contrat de voyage, qui devra y faire expressément référence, afin que le voyageur n’oublie pas ses droits une fois son voyage acheté…

- Les acomptes semblent avoir traumatisé la Commission, notamment pendant la crise Covid, parce qu’il a été difficile aux professionnels de les rembourser faute de disposer des fonds. Pour l’instant, un accord s’est fixé sur un seul acompte de 25% et un solde impossible à réclamer avant 28 jours du départ, sauf pour les coffrets cadeaux ou les voyages achetés à moins de 28 jours du départ bien évidemment. Avec une belle exception (heureusement et suite au lobbying efficace notamment des EdV), qui autorisera les professionnels à demander un acompte plus important s’il s’avère nécessaire pour garantir l’organisation du forfait ou la couverture des coûts lors de la réservation.

- Quant aux cas d’annulation par les voyageurs, il faudra clairement indiquer qu’ils peuvent annuler avec frais, ou sans frais en cas de CEI.

- Et les CEI justement feront une belle percée post-Covid, si la révision est adoptée, puisqu’elles pourront être également retenues si elles surviennent au lieu de résidence ou de départ du voyageur mais aussi s’il est « raisonnablement permis de s’attendre à ce que des CEI aient des conséquences importantes sur l’exécution du contrat de voyage ».

Du côté des professionnels, on pourra je pense raisonnablement s’attendre à une conception assez extensive de la notion par les voyageurs… Toujours à propos des CEI, les avertissements du type Quai d’Orsay en France, ou encore les « restrictions graves » au lieu de destination ou dans l’Etat de résidence ou de départ du voyageur après son retour de séjour ou de voyage (par exemple, une mise en quarantaine) seront des « éléments importants » à considérer pour justifier une annulation sans frais pour cause de CEI.

- les Etats pourront mettre en place un second niveau de garantie contre l’insolvabilité des opérateurs mais ne pourront cofinancer cette garantie en cas de circonstances exceptionnelles qu’avec l’autorisation de l’Union en matière d’aides d’Etat. La Commission veut éviter ici les situations - qu’elle a d’ailleurs voulu sanctionner - comme celles de la France qui avait cumulé l’Ordonnance 315 du 25 mars 2020 et les aides aux entreprises, pour des raisons de distorsion de concurrence notamment et toujours, de protection du consommateur.

- La Commission tire d’ailleurs les leçons des mesures d’urgence votées par certains pays, dont la France, et souhaite règlementer les fameux « bons à valoir », qui seront possibles en lieu et place du remboursement dû au voyageur, s’il est clairement informé de son choix entre remboursement sous 14 jours et bon à valoir. Le professionnel ne pourra l’imposer, et pourra lui conférer une valeur supérieure aux paiements effectués et la durée de validité en sera de 12 mois, renouvelable une fois.

Il sera remboursable (sous 14 jours) s’il n’est pas utilisé : pas d’avoirs non remboursables donc. Le voyageur n’aura pas à faire la demande pour être remboursé, et pourra transférer son avoir sans frais et sera couvert par la garantie financière pour les montants initialement versés.

- A propos de la garantie financière enfin, la proposition introduit un délai limite de remboursement des paiements au voyageur qui a déposé un dossier conforme pour l’examen de sa demande, soit trois mois au plus tard après la demande.

"Je ne suis pas certaine que ces modifications apporteront plus de sécurité juridique"

Cette proposition de révision, très favorable aux consommateurs de voyages, est clairement dictée par le traumatisme des crises récentes, économiques comme la faillite de Thomas Cook, ou sanitaires comme la pandémie de Covid-19.

L’Europe ne cache pas qu’elle prépare ainsi le secteur à d’autres crises majeures mais cette révision qui n’aurait dû être fondée que sur des analyses juridiques à la lumière de l’expérience de quelques années, se plie à mon avis à l’influence des consommateurs. Les voyageurs eux, quelle que soit la cause de la crise, n’en supporteront jamais une quelconque conséquence.

Je ne suis pas certaine, contrairement à ce que prédit la Commission, que ces modifications apporteront plus de sécurité juridique et moins de coûts de procédure aux uns et aux autres, contre un enchérissement modéré et accepté du coût des forfaits au bénéfice des professionnels.

Il n’y a qu’à lire le projet de définition des CEI, inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence récente de la CJUE qui élargissait considérablement la notion au pays de départ, à l’état de santé du voyageur ou sa situation personnelle. Mais comme je le dis souvent, force et courage aux professionnels !

Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Emmanuelle LLOP

Avocat au Barreau de Paris, fondatrice du cabinet spécialisé EQUINOXE AVOCATS et spécialisée depuis 25 ans dans les questions relatives aux droit du tourisme et aérien, intervient en conseil comme en contentieux au profit de tous les professionnels du secteur : agences, tour-opérateurs, réseaux, compagnies aériennes institutionnels, start-ups etc.

www.equinoxe-avocats.fr

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