TourMaG.com : Y-a-t’il encore une chance de retrouver les fameuses boites noires sans lesquelles on ne saura jamais exactement ce qui s’est passé le 31 mai dernier ?
Jean Belotti : « Le fait que, depuis Dakar, les recherches par avions ont été interrompues montre que la chance de retrouver les boîtes noires s’amenuise.
Cela étant, si les moyens maritimes brésiliens et français - dont un sous-marin atomique - continuent leurs recherches - c’est qu’il y a un espoir, même minime, de les retrouver.
Malheureusement, ne connaissant, ni les propriétés des équipements de sondage utilisés, ni le programme de recherche, il m’est impossible de vous donner mon avis sur la chance de retrouver ces enregistreurs. »
TourMaG.com : Dans l’hypothèse où elles seraient retrouvées, n’y a-t-il pas un risque, en cas de constat de données mettant en cause le constructeur ou un autre intervenant, qu’il soit déclaré que leur contenu était inexploitable ou que les enregistrements soient modifiés ?
J.B. : « Vous posez deux questions. Tout d’abord, il convient de savoir que dès que les boîtes noires sont extraites de l’avion elles sont immédiatement mises sous scellés de justice pour garantir leur authenticité.
Ensuite, toujours sous le contrôle d’un magistrat et des experts judiciaires, il en est fait des copies qui sont analysées par les différents organismes et laboratoires concernés.
Dans le cas qui nous concerne, on ne sait pas si un représentant de la justice (magistrat, expert judiciaire, officier de police judiciaire) a été embarqué sur un des navires procédant la recherche, pour être prêt à rejoindre le navire qui aurait retrouvé les boîtes noires, afin de procéder aussitôt à la mise sous scellés de justice !
Quant à l’hypothèse de la falsification des enregistreurs, il n’y a aucune crainte à avoir. Lors d’un procès - après avoir effectué de longs et minutieux travaux dans des laboratoires spécialisés - nous avons pu, avec mon co-expert, répondre à la question de la Présidente, en lui confirmant que toute tentative de modifier les données serait aussitôt visible, grâce aux moyens d’investigation actuellement disponibles, affirmation résultant d’une certitude scientifique démontrable et renouvelable. »
TM.com : Et si les boîtes noires ne sont pas retrouvées ?
J.B. : « Alors, il ne restera que l’auscultation des débris récupérés et des corps retrouvés. Elle permettra peut-être d’écarter certaines hypothèses, mais probablement pas de comprendre ce qui s'est effectivement passé.
Pas plus que le rôle joué par certains dysfonctionnements de systèmes, un foudroiement de l’appareil, une “dépressurisation explosive”, de sévères turbulences suivies d’un décrochage “grande vitesse” avec désintégration de l’avion, etc... Alors, attendons le premier rapport d’étape du BEA (Bureau Enquêtes et Analyses). »
Jean Belotti : « Le fait que, depuis Dakar, les recherches par avions ont été interrompues montre que la chance de retrouver les boîtes noires s’amenuise.
Cela étant, si les moyens maritimes brésiliens et français - dont un sous-marin atomique - continuent leurs recherches - c’est qu’il y a un espoir, même minime, de les retrouver.
Malheureusement, ne connaissant, ni les propriétés des équipements de sondage utilisés, ni le programme de recherche, il m’est impossible de vous donner mon avis sur la chance de retrouver ces enregistreurs. »
TourMaG.com : Dans l’hypothèse où elles seraient retrouvées, n’y a-t-il pas un risque, en cas de constat de données mettant en cause le constructeur ou un autre intervenant, qu’il soit déclaré que leur contenu était inexploitable ou que les enregistrements soient modifiés ?
J.B. : « Vous posez deux questions. Tout d’abord, il convient de savoir que dès que les boîtes noires sont extraites de l’avion elles sont immédiatement mises sous scellés de justice pour garantir leur authenticité.
Ensuite, toujours sous le contrôle d’un magistrat et des experts judiciaires, il en est fait des copies qui sont analysées par les différents organismes et laboratoires concernés.
Dans le cas qui nous concerne, on ne sait pas si un représentant de la justice (magistrat, expert judiciaire, officier de police judiciaire) a été embarqué sur un des navires procédant la recherche, pour être prêt à rejoindre le navire qui aurait retrouvé les boîtes noires, afin de procéder aussitôt à la mise sous scellés de justice !
Quant à l’hypothèse de la falsification des enregistreurs, il n’y a aucune crainte à avoir. Lors d’un procès - après avoir effectué de longs et minutieux travaux dans des laboratoires spécialisés - nous avons pu, avec mon co-expert, répondre à la question de la Présidente, en lui confirmant que toute tentative de modifier les données serait aussitôt visible, grâce aux moyens d’investigation actuellement disponibles, affirmation résultant d’une certitude scientifique démontrable et renouvelable. »
TM.com : Et si les boîtes noires ne sont pas retrouvées ?
J.B. : « Alors, il ne restera que l’auscultation des débris récupérés et des corps retrouvés. Elle permettra peut-être d’écarter certaines hypothèses, mais probablement pas de comprendre ce qui s'est effectivement passé.
Pas plus que le rôle joué par certains dysfonctionnements de systèmes, un foudroiement de l’appareil, une “dépressurisation explosive”, de sévères turbulences suivies d’un décrochage “grande vitesse” avec désintégration de l’avion, etc... Alors, attendons le premier rapport d’étape du BEA (Bureau Enquêtes et Analyses). »
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TM.com : Pourquoi les boîtes noires ne flottent-elles pas ?
J.B. : « Pour qu’elles flottent, il faudrait qu’elles soient entourées d’un revêtement de densité très faible et suffisamment volumineux pour que la densité globale soit plus faible que celle de l’eau de mer.
Or, indépendamment de la nécessité de trouver un espace plus grand pour placer les boîtes noires, le problème est qu’elles sont fixées et non pas simplement posées à même le sol.
Le seraient-elles - insubmersibles et simplement posées - qu’elles seraient coincées dans la queue de l’appareil. Vouloir, dans tous les cas, récupérer les boîtes noires d’avion immergé nécessiterait de concevoir un système de boîte noire éjectable. »
TM.com : Pourquoi ce système n’a-t-il pas été étudié ?
J.B. : « C’est au constructeur que cette question doit être posée. Pour ne pas botter en touche, voici quelques brefs éléments de réponse.
Pour obtenir son “certificat de navigabilité”, tout type d’avion doit subir de très nombreux tests de différentes natures, selon des protocoles très stricts, respectant des normes bien définies, garantissant une large marge de sécurité.
Cela étant, dès que la probabilité de la survenance d’une panne est de 10 -9 (soit une sur un milliard), le risque n’est pas pris en compte.
C’est ainsi que, par exemple, pour un quadrimoteur, la panne de deux moteurs d’un même côté, pendant le décollage - alors qu’il a dépassé la vitesse à laquelle le pilote ne peut plus arrêter son avion avant l’extrémité de piste - n’est pas prise en compte. »
TM.com : Pourquoi les boîtes noires n’émettent-elles que pendant un mois alors qu’aujourd’hui des systèmes de batteries plus sophistiqués pourraient assurer une durée bien plus importante ?
J.B. : « Question également à poser au constructeur. Mais même raisonnement. Combien de fois dans l’histoire de l’aviation moderne des recherches en mer ont dépassé un mois ? »
TM.com : Compte tenu des progrès en matière de communication, pourquoi n’y a-t-il pas un système plus fiable. Par exemple une retransmission en direct par satellite du déroulement du vol ?
J.B. : « Vous pensez à un système de transmission par satellite identique à celui des “acars” qui transporte des informations de pannes.
Là aussi, il convient, d’une part, de savoir que les messages de pannes ou dysfonctionnements sont rares et n’exigent que des messages codés très courts, alors que la transmission, en temps réel, des données enregistrées nécessiterait une transmission permanente de centaines de données par seconde et pendant toute la durée du vol et d’autre part qu’il faudrait que la couverture satellite englobe toutes les lignes aériennes.
Ici, aussi, même raisonnement, aussi bien du constructeur que de l’Administration de tutelle : quel est le degré d’utilité d’un tel dispositif eu égard au nombre de fois où les boîtes noires n’ont pas pu être retrouvées ? »
TM.com : Quels pourraient être, selon vous, les améliorations que l’on pourrait encore apporter aujourd’hui en matière de sécurité, avec les technologies existantes ?
J.B. : « Répondre à cette vaste question nécessite une réflexion qui dépasse le cadre de votre interview. Retenez que de nombreuses améliorations sont régulièrement apportées par les constructeurs, motoristes, équipementiers et que leurs bureaux d’études travaillent sans cesse sur de nouveaux projets, dont quelques-uns sont présentés dans les magazines aéronautiques. »
TM.com - On a l’impression que les constructeurs qui nous proposent des machines de plus en plus sophistiquées, n’ont guère avancé sur les problématiques de mesure de la sécurité. Auraient-ils peur d’aller trop loin et d’un système à double tranchant ?
J.B. : « Je ne crois pas qu’une simple impression sur le comportement des constructeurs puisse trouver sa source uniquement à la suite de cet accident dont, à ce jour, on ne connaît pas la cause.
Quel intérêt aurait un constructeur à mettre sur le marché un avion “pas ou peu sûr” ? Le voudrait-il qu’il ne pourrait le faire étant donné les exigences actuelles de la délivrance du certificat de navigabilité dont je vous ai parlé.
De plus, chaque fois qu’une amélioration d’un système est connue - ou demandée par un transporteur - elle est recommandée par le constructeur ou rendue obligatoire par l’Administration de tutelle.
Quel intérêt aurait une compagnie - dont les services techniques sont en constante relation avec le constructeur- de faire voler un avion “pas ou peu sûr” ?... ce qui, de plus, ne manquerait pas de déclencher les réactions de ses pilotes...»
TM.com - Ce sont pourtant des questions que le grand public et les passagers se posent...
J.B. : « Ne contribuons pas à aggraver l’inquiétude, la peur des passagers, lesquels, à juste raison, se posent de multiples questions à la suite de tels accidents, mais, en revanche, rassurons-les.
Car les résultats sont là : alors que depuis des années le nombre de passagers est en constante augmentation, le nombre d’accidents aériens et de décès n’a pas également augmenté, mais, au contraire, a considérablement diminué : moins de 500 victimes par an, alors qu’il dépassait les 1000 il y a quelques années.
Alors, comment ne pas se féliciter de cette amélioration de la sécurité des vols obtenue grâce aux efforts de tous : Administration de tutelle, aéroports, navigation aérienne, constructeurs et sous-traitants, compagnies aériennes, personnels au sol, équipages, pilotes,...
Je peux vous garantir que la sécurité est une préoccupation permanente de tous les intervenants. Quant aux pilotes, derniers intervenants dans la chaîne logistique, ils en sont totalement imprégnés.
Cela fait partie de leur culture, de leur formation, de leur obligation de résultat. Leur concentration est donc permanente, dès les décisions à prendre lors de la préparation du vol et à chaque instant, pendant tout le vol.
C’est cela qu’il faut dire pour comprendre que même s’il est admis que “le risque zéro n’existe pas”, on puisse s’en rapprocher. Certes “les statistiques ne consolent pas” et, à ce jour, je sais que tout le personnel d’Air France est encore sous le choc d’un tel drame.
L’heure est donc à la compassion et pensons à la douleur des familles des victimes, dans le calme et le silence.... qui est aussi celui des médias qui ont d’autres scoops à fouetter, dès lors que ce drame ne fait plus la “Une”... »
J.B. : « Pour qu’elles flottent, il faudrait qu’elles soient entourées d’un revêtement de densité très faible et suffisamment volumineux pour que la densité globale soit plus faible que celle de l’eau de mer.
Or, indépendamment de la nécessité de trouver un espace plus grand pour placer les boîtes noires, le problème est qu’elles sont fixées et non pas simplement posées à même le sol.
Le seraient-elles - insubmersibles et simplement posées - qu’elles seraient coincées dans la queue de l’appareil. Vouloir, dans tous les cas, récupérer les boîtes noires d’avion immergé nécessiterait de concevoir un système de boîte noire éjectable. »
TM.com : Pourquoi ce système n’a-t-il pas été étudié ?
J.B. : « C’est au constructeur que cette question doit être posée. Pour ne pas botter en touche, voici quelques brefs éléments de réponse.
Pour obtenir son “certificat de navigabilité”, tout type d’avion doit subir de très nombreux tests de différentes natures, selon des protocoles très stricts, respectant des normes bien définies, garantissant une large marge de sécurité.
Cela étant, dès que la probabilité de la survenance d’une panne est de 10 -9 (soit une sur un milliard), le risque n’est pas pris en compte.
C’est ainsi que, par exemple, pour un quadrimoteur, la panne de deux moteurs d’un même côté, pendant le décollage - alors qu’il a dépassé la vitesse à laquelle le pilote ne peut plus arrêter son avion avant l’extrémité de piste - n’est pas prise en compte. »
TM.com : Pourquoi les boîtes noires n’émettent-elles que pendant un mois alors qu’aujourd’hui des systèmes de batteries plus sophistiqués pourraient assurer une durée bien plus importante ?
J.B. : « Question également à poser au constructeur. Mais même raisonnement. Combien de fois dans l’histoire de l’aviation moderne des recherches en mer ont dépassé un mois ? »
TM.com : Compte tenu des progrès en matière de communication, pourquoi n’y a-t-il pas un système plus fiable. Par exemple une retransmission en direct par satellite du déroulement du vol ?
J.B. : « Vous pensez à un système de transmission par satellite identique à celui des “acars” qui transporte des informations de pannes.
Là aussi, il convient, d’une part, de savoir que les messages de pannes ou dysfonctionnements sont rares et n’exigent que des messages codés très courts, alors que la transmission, en temps réel, des données enregistrées nécessiterait une transmission permanente de centaines de données par seconde et pendant toute la durée du vol et d’autre part qu’il faudrait que la couverture satellite englobe toutes les lignes aériennes.
Ici, aussi, même raisonnement, aussi bien du constructeur que de l’Administration de tutelle : quel est le degré d’utilité d’un tel dispositif eu égard au nombre de fois où les boîtes noires n’ont pas pu être retrouvées ? »
TM.com : Quels pourraient être, selon vous, les améliorations que l’on pourrait encore apporter aujourd’hui en matière de sécurité, avec les technologies existantes ?
J.B. : « Répondre à cette vaste question nécessite une réflexion qui dépasse le cadre de votre interview. Retenez que de nombreuses améliorations sont régulièrement apportées par les constructeurs, motoristes, équipementiers et que leurs bureaux d’études travaillent sans cesse sur de nouveaux projets, dont quelques-uns sont présentés dans les magazines aéronautiques. »
TM.com - On a l’impression que les constructeurs qui nous proposent des machines de plus en plus sophistiquées, n’ont guère avancé sur les problématiques de mesure de la sécurité. Auraient-ils peur d’aller trop loin et d’un système à double tranchant ?
J.B. : « Je ne crois pas qu’une simple impression sur le comportement des constructeurs puisse trouver sa source uniquement à la suite de cet accident dont, à ce jour, on ne connaît pas la cause.
Quel intérêt aurait un constructeur à mettre sur le marché un avion “pas ou peu sûr” ? Le voudrait-il qu’il ne pourrait le faire étant donné les exigences actuelles de la délivrance du certificat de navigabilité dont je vous ai parlé.
De plus, chaque fois qu’une amélioration d’un système est connue - ou demandée par un transporteur - elle est recommandée par le constructeur ou rendue obligatoire par l’Administration de tutelle.
Quel intérêt aurait une compagnie - dont les services techniques sont en constante relation avec le constructeur- de faire voler un avion “pas ou peu sûr” ?... ce qui, de plus, ne manquerait pas de déclencher les réactions de ses pilotes...»
TM.com - Ce sont pourtant des questions que le grand public et les passagers se posent...
J.B. : « Ne contribuons pas à aggraver l’inquiétude, la peur des passagers, lesquels, à juste raison, se posent de multiples questions à la suite de tels accidents, mais, en revanche, rassurons-les.
Car les résultats sont là : alors que depuis des années le nombre de passagers est en constante augmentation, le nombre d’accidents aériens et de décès n’a pas également augmenté, mais, au contraire, a considérablement diminué : moins de 500 victimes par an, alors qu’il dépassait les 1000 il y a quelques années.
Alors, comment ne pas se féliciter de cette amélioration de la sécurité des vols obtenue grâce aux efforts de tous : Administration de tutelle, aéroports, navigation aérienne, constructeurs et sous-traitants, compagnies aériennes, personnels au sol, équipages, pilotes,...
Je peux vous garantir que la sécurité est une préoccupation permanente de tous les intervenants. Quant aux pilotes, derniers intervenants dans la chaîne logistique, ils en sont totalement imprégnés.
Cela fait partie de leur culture, de leur formation, de leur obligation de résultat. Leur concentration est donc permanente, dès les décisions à prendre lors de la préparation du vol et à chaque instant, pendant tout le vol.
C’est cela qu’il faut dire pour comprendre que même s’il est admis que “le risque zéro n’existe pas”, on puisse s’en rapprocher. Certes “les statistiques ne consolent pas” et, à ce jour, je sais que tout le personnel d’Air France est encore sous le choc d’un tel drame.
L’heure est donc à la compassion et pensons à la douleur des familles des victimes, dans le calme et le silence.... qui est aussi celui des médias qui ont d’autres scoops à fouetter, dès lors que ce drame ne fait plus la “Une”... »