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Aérien : quels sont les risques aviaires et amerrissages ?

la chronique de Jean Belotti


Nombreux sont les lecteurs qui ont montré l’intérêt qu’ils portaient au risque aviaire et aux amerrissages. Bien qu’assez souvent les interrogations fassent référence à des notions, démonstrations qui ne peuvent être résumées en quelques lignes, cette chronique apporte quelques brefs éléments de réponse aux principales questions posées.


Rédigé par Jean Belotti le Jeudi 26 Février 2009

Vous avez cité deux amerrissages, mais n’y en a-t-il pas eu d’autres ?

Mes lecteurs m’en ont signalé quelques autres :

- L’amerrissage d'un 707 de la JAL (compagnie japonaise) en baie de San Francisco où tous les passagers ont été sauvés.

- L’amerrissage au début des quadriréacteurs, celui d’un DC8 en approche à Los Angeles et également des cas où les avions ont terminé leur course dans l'eau à la suite d’atterrissages longs (Caravelle Alitalia à Marignane ; B 747 Air France à Tahiti).

- L’amerrissage, le 21 août 1963 d’un Tupolev 124, dans la Neva près de Saint Petersbourg.

- L’amerrissage en plein Pacifique, à proximité d'un bateau, d'un Stratocruiser, vers les années 50/55. Tous les occupants ont été sauvés.

La consultation des statistiques en révélerait probablement quelques autres.

En ce qui concerne les avions de ligne, ce qu’il convient de retenir, c’est que les cas cités d’amerrissages sont anciens et restent tout à fait exceptionnels.

De plus, les équipements de secours (gilets de sauvetage, rampes d’évacuation, canots équipés de matériel de survie,...) sont, de nos jours, au point et le PNC (Personnel Navigant Commercial - Hôtesses et stewards) en connaît parfaitement le fonctionnement et l’utilisation, ce qui a d’ailleurs été démontré lors de l’amerrissage de l’A320 dans d’Hudson River.

Pouvez-vous confirmer que le rôle de l’équipage commercial, bien que non cité par les médias, a été important dans ce sauvetage.

Après y avoir consacré une chronique en février 2006, je me permets d’insister, ici, sur l’importance du rôle du PNC (Personnel Navigant Commercial). Ses compétences ont été démontrées à plusieurs occasions : évacuation au sol après, par exemple, une sortie de piste, ou un "crash" (en français, on dit "écrasement").

Effectivement, si les médias ont, à juste titre, insisté sur le rôle du commandant de bord, ils ont quasiment occulté celui du PNC... (et aussi celui du copilote). Le premier à l’évoquer a été le commandant Chesley Sullenberger, dans sa première interview.

"N'est-il pas imaginable d'installer des grilles devant les réacteurs afin d'éviter l'ingestion des volatiles ?"

Non. Cette suggestion a bien évidemment été pensée, mais si ce système de protection n'a pas été installé c'est parce que la présence de grilles suffisamment solides et larges pour stopper un oiseau de plus de deux kilos, arrivant à 300 km/h aurait trop fortement perturbé le flux d'air alimentant les réacteurs.

De plus ces grilles devraient être équipées, à l'intérieur, de systèmes électriques de réchauffement pour éviter le givrage.

"N'est-il pas envisageable d'équiper les avions d'un genre d'armes à feu qui pourraient émettre suffisamment de bruit pour éloigner les volatiles en cas de passage dans un vol d'oiseaux ?"

Non. De très nombreux systèmes d'émetteurs de bruits divers pour éloigner les oiseaux des aéroports ont été essayés, mais aucun n'a été totalement efficace, car les oiseaux s'y accoutument rapidement. Quant au passage dans un vol d'oiseaux, il est imprévisible. On ne peut pas s'y préparer en déclenchant un émetteur de bruit en provenance de l'avion....

sauf à imaginer qu'il serait déclenché à chaque décollage ! De toute façon, cela serait inutile car les moteurs, eux-mêmes, émettent un bruit très élevé de plusieurs décibels (bien connu des habitants à proximité des aéroports...) ce qui n'éloigne pas pour autant les oiseaux de la trajectoire de décollage.

Indépendamment des vols d'oiseaux, de nombreux cas ont été relevés d'impacts avec un seul ou deux oiseaux... qui sont invisibles pour les pilotes étant donné la vitesse de l'avion. D'ailleurs, même si le pilote voyait un oiseau en face de l'avion, il serait trop tard pour l'éviter.

De toute façon, l’oiseau n’aurait pas le temps de s’écarter de la trajectoire de l’avion étant donnée la vitesse de rapprochement.

Sans qu'il y ait eu impact, cela m'est arrivé plusieurs fois et on voit simplement, en une fraction de seconde, passer quelque chose au dessus ou sur les cotés de l'avion.

"Les équipages sont-ils préparés à réagir devant une panne simultanée des deux moteurs de leur avion bi-moteur ?".

Les pannes répertoriées - surtout les plus graves - sont reproduites lors des séances de simulateur auxquels les équipages participent régulièrement. Grâce à cet entraînement périodique, ils sont donc entraînés à réagir à l’effet de surprise et à prendre les décisions appropriées.

En ce qui concerne le vol Airways 1549, alors que l’avion venait d’atteindre 1.000 mètres, le commandant de bord a pris plusieurs décisions en un temps record (3 minutes 30) ; choix d’amerrir ; dialogue avec le contrôleur aérien en l’informant de sa décision d’amerrir ; annonce aux passagers ; tentative de remettre les moteurs en marche ; décision de ne pas les "couper", afin de conserver une poussée résiduelle le plus longtemps possible, ce qui a facilité le contrôle de la descente et surtout de l’arrondi final ; réduction de la vitesse ; présentation de l’avion dans une configuration parfaite, comme cela a été vu à la télévision.

Les deux moteurs étant en panne il n’y avait donc plus d’alimentation électrique des instruments de bord ?

Si, car l’alimentation électrique est fournie par une turbine (RAT -Ram Air Turbine) fixée sur un mât déployé à l’emplanture de l’aile gauche. Sur l’A320, cette turbine sort automatiquement lorsque les deux alternateurs arrivent en sous-vitesse, notamment en cas de panne ou d’arrêt des deux moteurs en vol.

Ses ailettes, mues par le vent relatif, font tourner une pompe hydraulique de secours qui entraîne un petit alternateur produisant un courant électrique de modeste puissance, mais suffisant. La sortie de cette turbine peut aussi être commandée manuellement par le pilote.

J’ajouterai que le copilote a pris l’initiative, en un temps record, de démarrer l’APU (Auxiliary Power Unit) dès le début des « bird strikes », ce qui a permis de conserver toutes les servitudes électriques et hydrauliques.

Il a été dit que l’équipage avait fait une "check-list" amerrissage ?

Pour toutes les pannes pouvant être envisagées, il est prévu une série d’actions à faire dans un ordre précis. Elles font l’objet de ce que l’on nomme des "check-lists". En fait, il y en a trois sortes. Celles qui sont lues et effectuées dans toutes les phases classiques du vol (exemples : check-lists avant mise en route ; après mise en route ; avant décollage ; après décollage, etc...).

Celles qui sont lues et effectuées en cas de dysfonctionnement ou panne d’un système (exemple : fumée en cabine ; dépressurisation ; panne moteur en vol ; etc...). Et celles qui, devant être connues par coeur, sont effectuées d’urgence et vérifiées une fois les opérations terminées (exemple : feu moteur dès le décollage).

Bien sûr, il existe une "check-list" amerrissage. Elle permet de mettre l’avion dans la configuration appropriée et de préparer les occupants à l’amerrissage.

De nombreuses images ont montré que l'on cassait la glace sur l'Hudson, alors je me pose la question : y avait-il de la glace ou de l'eau sous l'Airbus au moment du contact avec la surface de l'Hudson ? Si c'était de la glace, c’était un début d'atterrissage sur le ventre, donc moins destructeur qu'un contact avec l'eau à 200 à l'heure, puis rupture de la glace dans un second temps. Alors, amerrissage ou atterrissage ?

La vidéo de l’amerrissage de l’avion montre bien l’existence de vaguelettes, donc l’eau n’était pas gelée, ce que j’ai d’ailleurs pu constater, ayant roulé, ce jour là, le long de l’Hudson River. D’ailleurs plusieurs bateaux se déplaçaient sur la rivière (et ce n’étaient pas des "brise-glace").

De plus, lors de l’amerrissage, la vidéo montre la projection d’écume de sillage et non pas de blocs de glace. L’eau était certes froide, mais pas gelée. Les glaçons autour de l’avion sont visibles sur des photos prises trois jours plus tard, au moment des ultimes opérations de relevage de l’épave, près du quai, dans une zone sans courant.

Donc, il s’agit bien d’un amerrissage et non pas d’un atterrissage. De toute façon, amerrissage ou atterrissage, ce qu’il convient de retenir c’est l’exploit réalisé par l’équipage dans sa très rapide décision et dans la parfaite exécution de l’approche, à la bonne vitesse et à la bonne configuration (on dit "assiette").

Que peuvent apporter comme information les "boîtes noires" sur ce type d’accident ?

Les informations recueillies permettent aux enquêteurs de reconstituer la trajectoire du vol (en trois dimensions) et d’analyser l’évolution des paramètres relevés en vue de rechercher des causes de l’accident.

Deux principales "boîtes noires" ont, dès les premiers modèles, enregistré des informations sur bande magnétique : le CVR (Cockpit Voice Recorder) enregistre les bruits émis dans le cockpit - donc les conversations entre les pilotes et les messages radio émis et reçus - pendant les 30 dernières minutes du vol. Le DFDR (Digital Flight Data Recorder) enregistre de nombreux paramètres de vol (altitude, vitesse, température, accélérations, etc...) pendant les 25 dernières heures de vol. Ces types d’enregistreurs équipent encore certains avions de ligne.

À partir de 1985 environ, l’évolution des technologies numériques a amené le remplacement du support magnétique par une carte mémoire, à base de mémoires non volatiles de type FLASH, d’où l’appellation de SSFDR (Solid State Flight Data Recorder).

L’enregistrement sur un support numérique apporte une fiabilité de restitution nettement supérieure à l’enregistrement sur bande magnétique. La miniaturisation de la capacité mémoire a permis d’augmenter le nombre de paramètres enregistrés (plusieurs centaines), les fréquences d’échantillonnage ou la durée d’enregistrement (certains modèles offrent une capacité d’enregistrement de cinquante heures ou plus).

L’enregistreur phonique a bénéficié lui aussi de cette évolution technologique, avec non seulement l’enregistrement du son en format numérique, mais aussi une durée d’enregistrement pouvant être portée à deux heures.

J’ai lu que le commandant de bord avait 67 ans et non pas 57, est-ce vrai ?

Peu importe son âge, 57 ou 67. Ce qu’il convient de retenir c’est que son ancienneté (19000 heures de vol) signifie une longue expérience qui a grandement contribué à la réussite de cet amerrissage.

Les faits montrent que jusqu’à 70 ans de très nombreux pilotes ont exercé leur métier en toute sécurité.

J’en connais plusieurs qui, ayant dépassé 70 ans, continuent à exercer leur fonction d’instructeur ou à piloter leur propre avion, en toute sécurité, ce qui montre que l’expérience et l’âge sont des éléments de sécurité et de compétence supplémentaires et non pas un handicap, dès lors que les contrôles médicaux sont satisfaisants. Après ces commentaires, la réponse : Le commandant Chesley Burnett Sullenberger est né le 23 janvier 1951 à Danville (Californie).

Lorsque qu’un avion a tous ses moteurs en panne, il est donc ramené à un simple planeur !

Oui, en ce sens qu’il n’a plus de moyen de propulsion. Mais la comparaison s’arrête là.

Lorsqu’un planeur de performance (par exemple, le Nimbus IV, de 25 mètres d’envergure) dont la finesse est de l’ordre de 50, est lâché à une hauteur de 1000 mètres, il peut, en maintenant la vitesse dite de " finesse max" (de l’ordre de 95 à 100 km/h) parcourir une distance de 50 fois la hauteur, soit 50 kilomètres. Mais on sait également que le planeur peut (grâce aux ascendances thermiques et dynamiques) continuer à voler en prenant même de l’altitude.

L’avion, quant à lui, doit, pour continuer à voler, impérativement perdre de l’altitude. La distance qu’il pourra parcourir dépend, entre-autre, de sa hauteur initiale, de la force et de la direction du vent et aussi de sa vitesse. La distance la plus élevée est atteinte, en configuration lisse (c’est-à-dire train d’atterrissage et volets rentrés) en maintenant la vitesse de "finesse max" (soit environ 175 noeuds sur A320).

Parmi les qualifications du commandant de bord, mises en exergues par les médias, figure celle du vol à voile. Quel lien y a-t-il entre piloter un planeur et piloter un avion de ligne de plusieurs dizaines, voire centaines de tonnes ?

La réponse ne peut porter que sur l’approche finale. Alors que le pilote de ligne modifie son taux de descente en faisant varier la puissance de ses moteurs, le pilote de planeur, lui, est habitué à jouer sur sa vitesse pour modifier sa pente de descente afin de se poser exactement à l’endroit choisi. Il est donc évident qu’un pilote de ligne possédant une qualification planeur est un atout non négligeable.

C’est ainsi qu’un commandant de bord (20.000 heures ce vol et brevet planeur "F", distance supérieure à 500 km et gain d’altitude supérieur à 5000 mètres) confirme que le commandant Chesley Sullenberger (breveté instructeur planeur), habitué au pilotage des planeurs de grande envergure, savait combien il est dangereux – lors d’un atterrissage forcé – de laisser un saumon d’aile toucher le sol, l’eau ou du blé en herbe, ce qui entraîne a aussitôt un brutal « cheval de bois » (demi-tour de 180 ou plus), pouvant entraîner la rupture des ailes et celle du fuselage, c’est-à-dire la destruction du planeur.

Il a donc particulièrement veillé et réussi à se poser les ailes parfaitement horizontales, avec une "assiette de cabré modérée". Les enregistrements des caméras de sécurité ont montré un amerrissage parfaitement rectiligne, une manoeuvre très délicate qui a évité que l'appareil ne se brise en deux.

Il a été répété que le succès de cet amerrissage était dû à un pilote ancien et qualifié vol à voile. Est-ce à dire qu’un jeune pilote qui n’a pas fait de vol à voile n’aurait pas réussi le même exploit ?

La comparaison entre "jeune" et "ancien" pilote n’a pas lieu d’être pour ce type d’accident, qui est exceptionnel. Il est rassurant de savoir que tout jeune commandant de bord - nouvellement promu ou ayant une certaine ancienneté - est en mesure de réagir face à la survenance d’une panne grave, appelant une décision salvatrice rapide, en appliquant la ou les check-lists appropriées à la nature de la panne, capacité et réactivité qui sont vérifiées régulièrement lors d’entraînements sur simulateurs.

Sur ce vol Airways 1549, l’intervention du copilote qui a pris l’initiative de démarrer l’APU montre qu’il a été très efficace et que "la valeur n’attend pas le nombre des années !".

De toute façon, sachant que le comportement des pilotes dépendra de très nombreux autres facteurs (fatigue, constitution de l’équipage, nature de la formation initiale, conditions météorologiques, altitude de l’avion, temps disponible avant de prendre la décision et de la mettre en œuvre, etc...), il convient donc d’être prudent quant à l’interprétation des décisions prises, comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, ainsi que dans un de mes récents ouvrages. En effet, en cas de survenance d’une panne grave, l’équipage prend sa décision en fonction des informations dont il dispose instantanément, alors qu’il est facile a posteriori, de démontrer qu’elle n’était pas forcément la meilleure.

Cela étant dit, il est certain que l’expérience acquise et le fait d’être pilote de planeur ont été des facteurs contributifs qui ont permis au commandant Chesley Sullenberger, assisté de son copilote, d’éviter que l'appareil ne s'écrase sur une zone très densément peuplée ce qui a permis, à la suite d’un amerrissage parfait, le sauvetage rapide des 150 passagers et 5 membres d'équipage.


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Commentaires

1.Posté par Magnan le 06/03/2009 19:02 | Alerter
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M. Belotti qui a peut-être perdu le sens du pilotage des avions de dernière génération, oublie de dire que l'A 320 dispose de commandes électriques de vol, ce qui permet d'éviter un décrochage dans cette configuration scabreuse.

2.Posté par PEREZ le 09/03/2009 18:33 | Alerter
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Excellent commentaire avec des reponses aux questions que l'on peut se poser habituellement. J'ai pris beaucoup de plaisir à vous lire car je suis un passionné d'aéronautique.Ayant volé en planeur je comprends beaucoup mieux le pourquoi de cet amerrissage parfait.Merci pour toutes ces infos et pour le temps que vous avez pris pour les rédiger.

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