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Agences de voyages et travel planners : quelles pistes pour mieux cohabiter ? 🔑

Premier volet de notre enquĂŞte sur les apporteurs d'affaires


Après trois années de restrictions, le business est de retour dans les agences de voyages, mais pas que... Les « travel planners » opèrent aussi leur grand retour. Parmi ces apporteurs d'affaires figurent d'anciens agents de voyages reconvertis, ou encore des particuliers qui se lancent dans le métier. Si une partie des distributeurs voit leur activité d'un mauvais œil, d'autres ont décidé de s'appuyer sur leurs compétences pour leur propre compte. Mais comment ? TourMaG.com vous propose une petite mise au point.


Rédigé par le Vendredi 16 Juin 2023

Perçus comme une concurrence déloyale, les travel planners peuvent aussi être source d'inspiration pour certaines agences de voyages - DR : DepositPhotos.com, SergeyNivens
Perçus comme une concurrence déloyale, les travel planners peuvent aussi être source d'inspiration pour certaines agences de voyages - DR : DepositPhotos.com, SergeyNivens
La relation entre les agences de voyages et les « travel planners » n'est pas sans rappeler celle qui existe entre les chauffeurs de taxis et les VTC et qui a occasionné plus d'un remous !

Il y a huit ans notamment, en juin 2015, les taxis se mobilisaient massivement pour protester contre l'application UberPop (aujourd'hui reconnue comme illégale par le Gouvernement) qui permettait à n'importe quel conducteur de s'improviser chauffeur pour rentabiliser sa voiture ou arrondir ses fins de mois.

Le service n'était agréé par aucune autorité, et le chauffeur, inscrit sur aucun registre professionnel officiel, ne payait ni cotisations sociales, ni impôts. Pas plus qu'il n'avait suivi de formation pour obtenir un agrément VTC.

Pour les agences de voyages, la concurrence ne s'appelle pas UberPop, mais « apporteurs d'affaires », « travel planners » ou encore « coach voyages ». Et avec la fin de la pandémie, elle reprend du service.


L'immatriculation, le sujet qui fâche...

En effet, à côté des distributeurs immatriculés en bonne et due forme, gravite tout un écosystème d'autoentrepreneurs - agents de voyages reconvertis, grands voyageurs, influenceurs, etc. - très présents sur les réseaux sociaux, et qui proposent aux particuliers de les aider à préparer le voyage de leur rêve.

Moyennant finance, les futurs voyageurs reçoivent un roadbook avec des liens sur lesquels ils peuvent cliquer pour réserver par eux-mêmes leur voyage. Ces clients payent donc pour un programme (et non pas un devis), une activité de conseil et reçoivent une proposition de voyage « prémâchée ».

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, la situation est beaucoup plus variée et complexe et surtout difficilement contrôlable...

Difficile en effet de comparer l'activité d'un apporteur d'affaires qui va ramener des dossiers à une agence de voyages partenaire en s'appuyant sur ses garanties, avec un coach voyages qui va se rémunérer sur les roadbooks envoyés à ses clients.

Car si certains travel planners ne dépassent pas la frontière de leur job de conseil, d'autres vont aller jusqu'à effectuer les réservations pour le compte de leurs clients. « Dans ce cas-là, le coach élabore un séjour de A et Z et offre à la vente un voyage, constate Guillaume Beurdeley, le responsable juridique des Entreprises du Voyage (EDV), s'appuyant sur l'article L211-1 du Code du Tourisme.

La seule différence revendiquée avec une agence de voyages traditionnelle est une modification du schéma de paiement où il va être demandé de payer d’une part le coach, et d’autre part les services de voyage. Cette seule variation sur les modalités de paiement n’est pas de nature à exonérer l’opérateur de son obligation d’immatriculation ».

Pour rappel, en l’absence d’immatriculation, l’exercice illégal de l’activité d’agent de voyages est passible d’un an d’emprisonnement de 15 000 € d’amende (article L211-23 du code du tourisme).

Quand les coachs voyages dénigrent les agences de voyages

Les EDV, via une commission dédiée au commerce illégal, tout comme le Collectif de Défense des Métiers du Voyage (CDMV), restent très vigilants sur l'évolution de ce métier, car derrière ces apporteurs d'affaires se cachent aussi des « gourous qui proposent du bien-être », comme le soulignait récemment dans nos colonnes Christine Petyt, la présidente des EDV Sud-Ouest.

Cette dernière souhaiterait d'ailleurs que « soit mise en place une commission dédiée au paracommercialisme » au sein de l'APST.

On trouve également des apporteurs d'affaires qui, au-delà du fait qu'ils ne disposent pas de responsabilité civile professionnelle (RC Pro), de garantie financière, ni d'immatriculation, adoptent un discours plutôt agressif vis-à-vis des agences de voyages traditionnelles, qui seraient plus chères que leurs services et « has been ».

« Certaines coachs s’adonnent à un dénigrement des agences de voyages en affirmant que leurs services seraient systématiquement plus chers que ceux des coachs car une agence de voyages prend une commission sur les prestations vendues et qu’un coach n’en prend pas.

Cette affirmation est mensongère et malhonnête pour plusieurs raisons
, souligne Guillaume Beurdeley.

Je rappelle que le premier concurrent de l’agence de voyages (physique ou ligne) est le client lui-même. En effet, celui-ci peut dans la plupart des cas réserver ses vacances seul sans passer un intermédiaire. Au-delà du service supplémentaire apporté par l’agence, cette profession n’existerait plus aujourd’hui si elle ne proposait pas de tarifs compétitifs ».

Apporteur d'affaires, une profession réglementée ?

Si les modalités de rémunération d’une agence de voyages sont multiples et dépendent du modèle économique de chaque entreprise, « lorsqu’une agence est commissionnée par un fournisseur, cette commission vient quasi-systématiquement en déduction du tarif public de la prestation, voire sur un tarif déjà négocié.

L’agence a par ailleurs la possibilité d’offrir des produits à tarif réduit par rapport au prix public en prenant des stocks à l’avance à un tarif inférieur au prix public en jouant sur les volumes de réservation,
poursuit le responsable juridique des EDV.

Un coach voyage ne sera en mesure de proposer que les prix publics de fournisseurs et va ajouter à cela des frais de dossiers exorbitants de plusieurs centaines d’euros qu’un agent de voyages ne se permettrait jamais de pratiquer ».

Pour rappel, la loi prévoit des sanctions pénales dès lors que la publicité comparative est constitutive d'une pratique commerciale trompeuse. L'annonceur risque une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros.

Activité illégale, dénigrement... Les agents de voyages que nous avons interrogés ont témoigné de leur exaspération face à ces apporteurs d'affaires, qui « font la meilleure partie du boulot - c'est-à-dire créer le programme du voyage - sans en assumer les conséquences : responsabilité de plein droit, SAV, formalités et paperasse ».

Beaucoup souhaiteraient les voir « se mettre en règle ». Pour autant, « dire que cette profession n'est pas réglementée n'est pas tout à fait juste, nuance Me Emmanuelle Llop, du cabinet Equinoxe Avocats.

Ces apporteurs d'affaires sont souvent inscrits en tant que micro-entrepreneur, en rubrique consulting. Ils sont consultants, et je rappelle que l'on peut être consultant en tout, même en vernis à ongles. Il n'y a pas de diplôme requis », poursuit l’avocate.

Le devis payant, un concept qui fait son chemin

Autre point de crispation pour les distributeurs : le fait que les travel planners réussissent à faire payer un programme à leurs clients, là où eux n'ont jamais réussi à se faire payer pour les devis réalisés.

« Ce n'est pas nouveau et propre aux coach voyages, souligne un observateur du secteur. Depuis l'arrivée d'Internet, de nombreux clients viennent en agence pour obtenir un devis puis vont réserver par eux-mêmes sur le web. Avant cela, les clients faisaient le tour des agences pour comparer les devis ».

Face à ce constat, certains distributeurs ont décidé de tenter l'expérience du devis payant. Il s'agit plutôt d'agences spécialisées dans le sur-mesure, qui sont finalement celles en concurrence frontale avec les travel planners.

Au Havre, Nathalie Trichard, fondatrice du Goût du Voyage, s'est lancée l'an dernier dans ce nouveau business avec Votre-coach-voyage.fr. « Les deux sociétés sont distinctes, mais l'avantage est que si un client veut transformer son devis en achat de voyage, le travel planner le bascule à l'agence de voyages et la somme versée par le client pour le coaching est déduite du montant global du voyage », nous explique-t-elle.

Un peu plus d'un an après le lancement de ce nouveau service, l'idée de payer pour un devis fait son chemin dans l'esprit des clients. « Certains ont pris conscience du temps que cela nous demande et que tout travail mérite salaire ».

Pour éviter de se faire piller son travail, Nathalie Trichard envoie d'abord à son client « une trame », un aperçu du programme avec le budget prévu, sans en donner les détails. « Si nos clients veulent avoir le détail, nous leur indiquons le prix du coaching et s'ils payent, nous leur envoyons le programme dans un délai de 72h ».

Le but de la manœuvre : « que le client ait le choix. Et bien souvent, il va transformer. Et s’il ne le fait, on ne se dit pas qu'on a travaillé pour rien car au final, l'objectif est bien de ne pas travailler pour des cacahuètes ».

Si pour l'heure, cette seule activité de travel planner n'est pas encore rentable, elle devrait le devenir progressivement, estime Nathalie Trichard, qui compte bien mettre le paquet dessus.

Les apporteurs d'affaires pour augmenter le CA des agences

A Marseille, la patronne de l'agence Voyages Couture, Barbara Roussel, a choisi quant à elle de s'appuyer sur des apporteurs d'affaires. « J'emploie quatre salariés et je travaille avec quatre apporteurs d'affaires, qui réalisent environ un quart du volume d'affaires de l'agence, indique-t-elle.

C'est intéressant pour nous, cela nous permet de développer notre chiffre d'affaires, de faire connaître la marque et ce sont des personnes que j'ai choisies et que j'apprécie », ajoute Barbara Roussel.

Parmi elles, une ancienne dirigeante d'agence de voyages sur-mesure. « Elle a décidé de déposer le bilan parce qu'elle n'avait plus envie de toute cette responsabilité, mais son métier reste créatrice de voyages sur-mesure, elle n'avait pas envie d'arrêter et quelque part, nous avons pu l'aider et nous travaillons en confiance ».

Pour être dans les clous, la gérante de Voyages Couture fait signer à ces indépendants un contrat d'apporteur d'affaires. « Ils vont apporter l'affaire mais aussi gérer leurs dossiers, même les réservations, en s'appuyant sur mon immatriculation.

Ils préparent les itinéraires, s'occupent des modifications et sont en contact avec le client jusqu'à son retour de voyage. De notre côté, nous apportons notre garantie financière, et nous gérons le back office : contrats de voyage, encaissements, paiements des fournisseurs, carnets de voyages au nom de notre marque
 », explique Barbara Roussel.

Cette expérience, elle la partage au sein du « Club des Créateurs de Voyages », un collectif d'agences créé en mars dernier, qui a pour but de partager entre membres des idées et des bonnes pratiques. De son côté, Nathalie Trichard, également membre du collectif, travaille sur la mise en place des devis payants.

Les distributeurs attendent un meilleur encadrement du métier

A Lille, Jean-Luc Dufrenne, gérant de Génération Voyages, souhaiterait aussi avoir un meilleur encadrement du métier d'apporteur d'affaires.

« Dans le cadre de ma mission de délégué régional de l'APST, j'en reçois beaucoup, qui peuvent être des influenceurs, des start-uppers, ou alors des personnes dans la cinquantaine, qui ont eu une carrière professionnelle, et veulent vraiment changer de vie, déclarait-il en mai dernier dans nos colonnes.

Ils veulent vivre de leur passion sans prétention énorme de chiffre d'affaires et on vient leur demander une immatriculation, alors qu'aujourd'hui encore cela relève du parcours du combattant que d'obtenir son immat' d'agent de voyages !

Il faudrait vraiment que l'on travaille, tant au niveau de l'APST que des EDV, à une approche qui consisterait à trouver un deal entre des personnes qui auraient leur entreprise, mais qui viendraient travailler sous couvert d'une agence immatriculée, comme on le faisait avant au travers de la « convention de mandat ». Ou alors développer de manière beaucoup plus précise et officielle le statut d'apporteur d'affaires »
.

On le voit, tous les distributeurs ne sont pas fermés aux travel planners, du moment qu'ils leur apportent du business, en respectant la législation.

Mais face à la diversité des profils et des pratiques, nombreux sont les agents qui restent encore sur leurs gardes. Qu'en est-il désormais du côté de ces apporteurs d'affaires ? Enquête à suivre...

A suivre : Tourisme : des avancées pour mieux encadrer les apporteurs d'affaires ?

AnaĂŻs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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