III - La médiation : mode ou solution de règlement des litiges ?
De fréquents différends émaillent la relation entre les organismes qui fournissent des services et leurs clients. Pour les résoudre, et face à leur multiplication, la voie judiciaire n’est pas toujours la mieux adaptée. D’autres modes de règlement des litiges existent.
Par Valérie BONED*
Le concept du risque zéro qui s’est introduit au cœur de la société de consommation et de loisirs modifie profondément la relation entre professionnels et clients. La personnalisation des produits
— pour prendre en compte des attentes toujours plus grandes du client
—, la multiplication des canaux de vente, la diversification de la typologie de la clientèle, etc., sont autant de phénomènes qui complexifient l’appréciation de ce qui était simplement acte d’achat d’un côté et acte de vente de l’autre : le « client » est devenu un « consommateur ».
Un consommateur acteur-clef du marché, au centre des préoccupations de la société et du législateur qui veillent à le protéger et à le sécuriser, tant en droit national qu’en droit communautaire.
La relation entre l’agence de voyages, entreprise privée, et son client s’inscrit pleinement dans ce cadre. De fréquents différends naissent de la relation, matérialisée par un contrat de vente, entre l’entreprise qui propose un service (voyages, transports, locations…) et son client.
Leur traitement requiert une connaissance de l’activité et de ses pratiques, mais surtout celle de la législation, tant spéciale — du code du tourisme — que générale — du droit de la consommation.
Or, pour résoudre ces différends, la voie judiciaire ne semble plus la mieux adaptée : l’engorgement des tribunaux, entraînant une augmentation des délais d’attente — et ce pour des préjudices dont l’enjeu financier est le plus souvent faible —, favorise l’émergence de modes alternatifs de règlement des litiges.
Ceux-ci sont déjà largement utilisés entre professionnels, comme l’illustre le rôle du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP) ou celui de la Chambre arbitrale de Paris, spécialisés dans les litiges entres entreprises (47).
Les modes alternatifs de règlement des litiges
Dès lors qu’existe la volonté commune de rechercher une solution au différend, les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) (48) permettent d’instaurer ou de rétablir un dialogue entre entreprises ou administrations et consommateurs ou « usagers ».
La référence à l’équité et au consensus, modalité déterminante des résolutions alternatives, contribue à la souplesse du dispositif. Les professionnels comme les consommateurs ont un intérêt convergent au développement du recours au règlement amiable des litiges.
Plusieurs moyens sont à la disposition des acteurs pour recourir à un règlement amiable des litiges : – la conciliation : tentative de rapprochement des parties en conflit, sans la présence nécessaire d’un tiers indépendant et impartial ;
– l’arbitrage : les parties conviennent de faire trancher leur différend par un tiers arbitre, dont la décision s’impose comme un jugement (49) ;
– la médiation : tentative de rapprochement des parties en conflit par un tiers indépendant et impartial. Si la médiation n’aboutit pas à un accord amiable, les parties peuvent décider de faire appel à la voie judiciaire.
Les décisions du médiateur ne sont pas obligatoires et ne s’imposent pas aux parties, qui restent libres de les refuser. La médiation est déjà utilisée dans de nombreux domaines, tels que le droit de la famille, les problèmes de voisinage, le droit pénal et le droit de la consommation.
Les raisons du recours aux solutions amiables
Le développement du recours aux MARL est aujourd’hui devenu une nécessité pour répondre à la multiplication des litiges de consommation, notamment dans le secteur du tourisme.
• La protection du consommateur au centre du dispositif légal
Un contexte européen fortement incitateur. Les travaux communautaires et internationaux sur les modes alternatifs de règlement des litiges attestent l’importance de la question (50).
Le Livre vert (51) sur la révision de l’acquis dans les domaines de la consommation publié par la Commission européenne en février 2007 met la protection du consommateur au cœur de la révision qui portera sur huit directives.
La Commission a également publié, le 13 mars dernier, sa stratégie pour la politique des consommateurs (52) ; trois objectifs : donner plus de pouvoir aux consommateurs européens, renforcer leur bien-être, les protéger efficacement.
La protection du consommateur, pour éviter une trop forte judiciarisation de l’économie pouvant altérer les relations entre professionnels et consommateurs, apparaît comme une priorité pour les entreprises et plus particulièrement pour celles du tourisme.
Au niveau national l’exemple de l’avis du Conseil national de la consommation (CNC) (53). Sous l’impulsion du ministre de l’Économie et des Finances, la DGCCRF (54) a mandaté le CNC pour mener à bien une réflexion déjà amorcée sur le thème de la médiation et des modes alternatifs de règlement des litiges.
Dans le cadre de cette mission, le CNC a constitué un groupe de travail composé d’un collège professionnel (dont le SNAV (55)) et d’un collège consommateur, dont la mission est l’élaboration de recommandations afin d’encourager et développer le recours à la médiation en matière de consommation.
Le CNC s’apprête à rendre son « avis » et constate que l’évolution des dispositifs existants devrait permettre que de nouveaux secteurs professionnels accèdent aux exigences requises, tout en sauvegardant une souplesse favorisant l’initiative.
Le rôle des médiateurs variera en fonction des prérogatives qui leur seront accordées par les parties ou les institutions : ils pourront faciliter le dialogue, émettre un avis, proposer une solution, voir idéalement imposer une décision.
Dans le secteur du tourisme le recours à la médiation apparaît avoir une place légitime en tant qu’outil supplémentaire au service des professionnels et des clients.
• Le règlement amiable : alternative extrajudiciaire
La multiplication des litiges de consommation en matière touristique va de pair avec l’accroissement des transactions économiques dans ce secteur, ainsi qu’avec l’augmentation générale des procédures et contestations à l’initiative de consommateurs de mieux en mieux informés sur leurs droits et la législation.
Ces litiges entre les agences de voyages et leurs clients se caractérisent habituellement par la faible valeur économique des services concernés par rapport au coût d’une procédure judiciaire.
Dès lors, le règlement des litiges peut être amélioré par l’accès à des voies de recours simples, rapides, efficaces et moins onéreuses que les voies de recours judiciaires habituelles.
Certes, l’engorgement des tribunaux de première instance, dont les juridictions de proximité, montre l’avantage que procure aux pouvoirs publics le développement du règlement amiable des litiges par des voies diverses : médiation, mais aussi arbitrage ou conciliation.
En matière touristique, les tentatives de règlement extrajudiciaire deviennent quasiment la règle, ou du moins l’étape précontentieux devant les tribunaux, a tel point qu’en cours d’instance les juges eux-mêmes préconisent le recours à la conciliation avant de poursuivre la procédure.
Mais, surtout, c’est l’intérêt des professionnels de mettre en place des procédures propres à conserver et à améliorer la qualité de leurs relations avec leurs clients. Car au-delà des coûts d’une procédure, c’est l’image du professionnel et sa relation avec son client qui seront définitivement affectées par l’issue judiciaire d’un litige qui aurait pu se régler à l’amiable.
Les professionnels du tourisme, agences de voyages distributrices et tour-opérateurs ne s’y sont pas trompés et n’ont de cesse d’améliorer leurs services internes (qualité, relations clients, après-vente…) afin de professionnaliser la réponse apportée à leur client en cas de réclamation ou de litige sur les services délivrés.
Nombre de dossiers sont ainsi réglés à l’amiable, seule manière pour le professionnel de conserver la confiance du client et de rester crédible ; en effet, la relation avec le client après la vente est partie intégrante de la valeur ajoutée de l’agence de voyages et occupe une place de plus en plus prépondérante.
Expériences et projets de résolutions alternatives
• L’expérience belge : la CLV
Une approche de la pratique d’autres pays européens quant au règlement des litiges à l’amiable est riche d’enseignements. Les pays anglo-saxons et ceux du Nord de l’Europe (56) se caractérisent par leur pragmatisme, la Belgique apparaissant comme un modèle européen en la matière.
En effet, les Belges se sont rapidement rendu compte de la nécessité d’une institution de règlement des litiges qui, bien qu’extrajudiciaire, pourrait avoir un réel pouvoir de coercition.
C’est de ce constat et de la spécificité du marché belge, dominé par les tour-opérateurs, que va naître la « Commission des litiges voyages (57) » (CLV).
Selon le Service public fédéral Économie, elle « est compétente — sauf en cas de dommages corporels — dans le règlement des litiges, uniquement en cas d’utilisation du contrat-type approuvé par la quasi-totalité du secteur.
Elle peut être saisie si, dans un délai de quatre mois après la fin du voyage, aucune solution à l’amiable n’a pu être trouvée. La loi prévoit, par ailleurs, un délai de prescription d’un an ».#
Créée en décembre 1983 à l’initiative des organisations de consommateurs et des organisations professionnelles du secteur du voyage, la CLV est officiellement reconnue et soutenue par le Service public fédéral économie et financée par le Service public fédéral Justice.
La CLV est composée paritairement (professionnels/associations de consommateurs), et composée de deux cellules : la cellule conciliation (58)# et la cellule arbitrage (59). L’objectif est de trancher les différends entre les voyageurs, d’une part, et les intermédiaires de voyages (« agents de voyages ») ou organisateurs de voyages (« tour-opérateurs »), d’autre part.
L’intervention de la Commission permet d’éviter le recours à la justice traditionnelle, qui est lente, complexe et coûteuse. Les décisions rendues par la CLV ont en principe la même valeur juridique que les jugements d’un tribunal ordinaire.
Un collège arbitral siège au sein de la CLV, composé paritairement de représentants des consommateurs et du secteur touristique.
La compétence de la Commission est strictement encadrée, elle peut être saisie si le contrat le prévoit explicitement, ou si, après la naissance du litige, un compromis arbitral est signé entre les parties, en vertu duquel la CLV est désignée comme instance compétente.
Si le tour-opérateur applique les conditions générales de voyage de la CLV, celle-ci est compétente (les conditions générales de l’organisateur se trouvent dans la brochure qui présente la destination choisie).
De même, si l’intermédiaire de voyages applique les conditions générales de la CLV, celle-ci est compétente pour intervenir dans un litige avec cet intermédiaire (les conditions de l’intermédiaire se trouvent généralement au dos du bon de commande de celui-ci).
Enfin, la compétence de la Commission n’est pas exclusive. Si le demandeur le souhaite, il peut s’adresser aux tribunaux ordinaires. Le financement de la CLV est assuré par les requérants (caution de 10 % des sommes réclamées), ce qui les responsabilise, mais surtout par les cotisations des membres et des subsides du gouvernement.
L’utilisation des conditions générales de la CLV (60) par les professionnels conditionne l’accès à l’arbitrage de la commission en cas de litige ; pour le client, cela représente une vraie garantie de traitement d’un éventuel litige.
Plus de 90 % des tour-opérateurs et agences de voyages belges ont inscrit cette clause arbitrale dans leurs conditions générales de vente. Les avantages. Cette procédure, alternative à la justice professionnelle, est à la portée de tous, moins chère, plus informelle et plus rapide.
Les dossiers sont instruits par des professionnels : il en découle une amélioration de la qualité du service dans le secteur du voyage ainsi qu’une professionnalisation fondée sur l’utilisation d’outils tels que les conditions générales élaborées en collaboration avec les associations de consommateurs.
Projet et expérience du SNAV
Le projet d’une Commission nationale d’arbitrage des litiges du voyage et du tourisme. Inspiré par la réussite de ce modèle belge pragmatique et adapté, le SNAV, rejoint par le Centre d’étude des tour-opérateurs et agences de voyages (CETO) (61), a proposé, fin 2005, aux pouvoirs publics (ministère et direction du Tourisme) la mise en place d’un processus analogue en France au bénéfice de l’ensemble de la profession et de ses clients.
Les points principaux du projet consistent en la création d’une instance mixte paritaire professionnels/consommateurs assortie d’un arbitre (juge).
Ce projet reprend les idées forces de la Commission belge : intégration d’une clause dans les conditions générale de vente avec frais de dossier à verser au titre de « caution », maintien possible d’un accord à l’amiable entre les deux parties.
Le processus revêt un triple intérêt. Pour les pouvoirs publics : désengorgement des tribunaux, rapidité de la prise de décision, réduction des coûts. Pour le client-consommateur : instance plus proche, neutralité, rapidité, confiance.
Pour le professionnel : commission composée de professionnels, réduction du montant des compensations versées au client, responsabilisation du consommateur, professionnalisation du secteur d’activité et enfin un accroissement de l’attractivité des agences de voyages et tour-opérateurs grâce à cette valeur ajoutée.
Ce projet, bâti à partir de l’expérience belge, est entre les mains des pouvoirs publics ; gageons qu’il saura recueillir l’intérêt qu’il mérite au regard des enjeux. Les acteurs institutionnels et les entreprises concernées ont initié les bases d’une future commission d’arbitrage à la française.
Les instances gouvernementales en charge du tourisme se doivent, selon nous, de soutenir un tel projet qui a fait ses preuves. Un traitement amiable qui a fait ses preuves : le service litiges du SNAV.
D’ores et déjà, un dispositif au sein du SNAV est à la disposition des agences de voyages et tour-opérateurs ainsi que de leurs clients pour résoudre à l’amiable leurs conflits.
Le service « litiges et consommateurs » du SNAV existe depuis plus de vingt ans : son rôle est de créer un lien entre le consommateur et les agences de voyages et tour-opérateurs en favorisant le règlement des litiges à l’amiable. Il peut être saisi par l’agence de voyages ou le tour-opérateur, ou par le consommateur.
Il permet de créer un lien direct avec la clientèle des agences de voyages et, en cas de situation conflictuelle, d’accompagner sur un plan amiable l’agence et son client.
Depuis le 1er avril 2006, ce service traite également les litiges des agences de voyages garanties par l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APS). Notons qu’en 2006 près de 19 % des réclamations concernaient le transport aérien (retard, surréservation, annulation de vol, etc.).
Conseils aux professionnels
On constate que les clients sont de plus en plus exigeants et parfois procéduriers : ils n’hésitent plus à porter les affaires devant les juges, et ce malgré un faible enjeu financier (le plus souvent).
D’où la nécessité de porter la plus grande attention sur le traitement des réclamations et de toujours chercher à l’améliorer :
Sur la forme : il est important d’apporter une réponse rapide à chaque client et de l’informer sur l’état d’avancement du dossier. On prendra soin de distinguer, de manière suffisamment claire pour le client, l’approche juridique de l’approche commerciale.
Sur le fond : le traitement des réclamations, dans un environnement juridique de plus en plus complexe, doit relever de la compétence de personnes formées, qui connaissent notamment les pratiques et usage de la DGCCRF, les attentes des associations de défense des consommateurs et les modalités de traitement des litiges tel que celui de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) (62).
Toute relation commerciale au sein du secteur du voyage et du tourisme impose, au-delà de la connaissance des produits et de la performance de l’acte de vente, une relation individualisée avec le client.
La fidélisation de celui-ci ne peut passer que par une politique construite de la gestion de l’après-vente. Les litiges de faible enjeu économique ont pour vocation d’être traités dans le cadre de cette relation « après vente ».
L’assureur en RCP ne doit être appelé que sur des dossiers conséquents. Quant aux tribunaux, gardons-les pour un ultime recours.
Une fois toutes les nécessités pratiques mises en place, les modes alternatifs de règlement des litiges pourraient devenir une véritable issue de règlement de nombreux conflits, au côté du circuit judiciaire.
* Directeur juridique du Syndicat national des agences de voyages (SNAV). (46) Quittance ou PV de transaction avec son client.
Par Valérie BONED*
Le concept du risque zéro qui s’est introduit au cœur de la société de consommation et de loisirs modifie profondément la relation entre professionnels et clients. La personnalisation des produits
— pour prendre en compte des attentes toujours plus grandes du client
—, la multiplication des canaux de vente, la diversification de la typologie de la clientèle, etc., sont autant de phénomènes qui complexifient l’appréciation de ce qui était simplement acte d’achat d’un côté et acte de vente de l’autre : le « client » est devenu un « consommateur ».
Un consommateur acteur-clef du marché, au centre des préoccupations de la société et du législateur qui veillent à le protéger et à le sécuriser, tant en droit national qu’en droit communautaire.
La relation entre l’agence de voyages, entreprise privée, et son client s’inscrit pleinement dans ce cadre. De fréquents différends naissent de la relation, matérialisée par un contrat de vente, entre l’entreprise qui propose un service (voyages, transports, locations…) et son client.
Leur traitement requiert une connaissance de l’activité et de ses pratiques, mais surtout celle de la législation, tant spéciale — du code du tourisme — que générale — du droit de la consommation.
Or, pour résoudre ces différends, la voie judiciaire ne semble plus la mieux adaptée : l’engorgement des tribunaux, entraînant une augmentation des délais d’attente — et ce pour des préjudices dont l’enjeu financier est le plus souvent faible —, favorise l’émergence de modes alternatifs de règlement des litiges.
Ceux-ci sont déjà largement utilisés entre professionnels, comme l’illustre le rôle du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP) ou celui de la Chambre arbitrale de Paris, spécialisés dans les litiges entres entreprises (47).
Les modes alternatifs de règlement des litiges
Dès lors qu’existe la volonté commune de rechercher une solution au différend, les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) (48) permettent d’instaurer ou de rétablir un dialogue entre entreprises ou administrations et consommateurs ou « usagers ».
La référence à l’équité et au consensus, modalité déterminante des résolutions alternatives, contribue à la souplesse du dispositif. Les professionnels comme les consommateurs ont un intérêt convergent au développement du recours au règlement amiable des litiges.
Plusieurs moyens sont à la disposition des acteurs pour recourir à un règlement amiable des litiges : – la conciliation : tentative de rapprochement des parties en conflit, sans la présence nécessaire d’un tiers indépendant et impartial ;
– l’arbitrage : les parties conviennent de faire trancher leur différend par un tiers arbitre, dont la décision s’impose comme un jugement (49) ;
– la médiation : tentative de rapprochement des parties en conflit par un tiers indépendant et impartial. Si la médiation n’aboutit pas à un accord amiable, les parties peuvent décider de faire appel à la voie judiciaire.
Les décisions du médiateur ne sont pas obligatoires et ne s’imposent pas aux parties, qui restent libres de les refuser. La médiation est déjà utilisée dans de nombreux domaines, tels que le droit de la famille, les problèmes de voisinage, le droit pénal et le droit de la consommation.
Les raisons du recours aux solutions amiables
Le développement du recours aux MARL est aujourd’hui devenu une nécessité pour répondre à la multiplication des litiges de consommation, notamment dans le secteur du tourisme.
• La protection du consommateur au centre du dispositif légal
Un contexte européen fortement incitateur. Les travaux communautaires et internationaux sur les modes alternatifs de règlement des litiges attestent l’importance de la question (50).
Le Livre vert (51) sur la révision de l’acquis dans les domaines de la consommation publié par la Commission européenne en février 2007 met la protection du consommateur au cœur de la révision qui portera sur huit directives.
La Commission a également publié, le 13 mars dernier, sa stratégie pour la politique des consommateurs (52) ; trois objectifs : donner plus de pouvoir aux consommateurs européens, renforcer leur bien-être, les protéger efficacement.
La protection du consommateur, pour éviter une trop forte judiciarisation de l’économie pouvant altérer les relations entre professionnels et consommateurs, apparaît comme une priorité pour les entreprises et plus particulièrement pour celles du tourisme.
Au niveau national l’exemple de l’avis du Conseil national de la consommation (CNC) (53). Sous l’impulsion du ministre de l’Économie et des Finances, la DGCCRF (54) a mandaté le CNC pour mener à bien une réflexion déjà amorcée sur le thème de la médiation et des modes alternatifs de règlement des litiges.
Dans le cadre de cette mission, le CNC a constitué un groupe de travail composé d’un collège professionnel (dont le SNAV (55)) et d’un collège consommateur, dont la mission est l’élaboration de recommandations afin d’encourager et développer le recours à la médiation en matière de consommation.
Le CNC s’apprête à rendre son « avis » et constate que l’évolution des dispositifs existants devrait permettre que de nouveaux secteurs professionnels accèdent aux exigences requises, tout en sauvegardant une souplesse favorisant l’initiative.
Le rôle des médiateurs variera en fonction des prérogatives qui leur seront accordées par les parties ou les institutions : ils pourront faciliter le dialogue, émettre un avis, proposer une solution, voir idéalement imposer une décision.
Dans le secteur du tourisme le recours à la médiation apparaît avoir une place légitime en tant qu’outil supplémentaire au service des professionnels et des clients.
• Le règlement amiable : alternative extrajudiciaire
La multiplication des litiges de consommation en matière touristique va de pair avec l’accroissement des transactions économiques dans ce secteur, ainsi qu’avec l’augmentation générale des procédures et contestations à l’initiative de consommateurs de mieux en mieux informés sur leurs droits et la législation.
Ces litiges entre les agences de voyages et leurs clients se caractérisent habituellement par la faible valeur économique des services concernés par rapport au coût d’une procédure judiciaire.
Dès lors, le règlement des litiges peut être amélioré par l’accès à des voies de recours simples, rapides, efficaces et moins onéreuses que les voies de recours judiciaires habituelles.
Certes, l’engorgement des tribunaux de première instance, dont les juridictions de proximité, montre l’avantage que procure aux pouvoirs publics le développement du règlement amiable des litiges par des voies diverses : médiation, mais aussi arbitrage ou conciliation.
En matière touristique, les tentatives de règlement extrajudiciaire deviennent quasiment la règle, ou du moins l’étape précontentieux devant les tribunaux, a tel point qu’en cours d’instance les juges eux-mêmes préconisent le recours à la conciliation avant de poursuivre la procédure.
Mais, surtout, c’est l’intérêt des professionnels de mettre en place des procédures propres à conserver et à améliorer la qualité de leurs relations avec leurs clients. Car au-delà des coûts d’une procédure, c’est l’image du professionnel et sa relation avec son client qui seront définitivement affectées par l’issue judiciaire d’un litige qui aurait pu se régler à l’amiable.
Les professionnels du tourisme, agences de voyages distributrices et tour-opérateurs ne s’y sont pas trompés et n’ont de cesse d’améliorer leurs services internes (qualité, relations clients, après-vente…) afin de professionnaliser la réponse apportée à leur client en cas de réclamation ou de litige sur les services délivrés.
Nombre de dossiers sont ainsi réglés à l’amiable, seule manière pour le professionnel de conserver la confiance du client et de rester crédible ; en effet, la relation avec le client après la vente est partie intégrante de la valeur ajoutée de l’agence de voyages et occupe une place de plus en plus prépondérante.
Expériences et projets de résolutions alternatives
• L’expérience belge : la CLV
Une approche de la pratique d’autres pays européens quant au règlement des litiges à l’amiable est riche d’enseignements. Les pays anglo-saxons et ceux du Nord de l’Europe (56) se caractérisent par leur pragmatisme, la Belgique apparaissant comme un modèle européen en la matière.
En effet, les Belges se sont rapidement rendu compte de la nécessité d’une institution de règlement des litiges qui, bien qu’extrajudiciaire, pourrait avoir un réel pouvoir de coercition.
C’est de ce constat et de la spécificité du marché belge, dominé par les tour-opérateurs, que va naître la « Commission des litiges voyages (57) » (CLV).
Selon le Service public fédéral Économie, elle « est compétente — sauf en cas de dommages corporels — dans le règlement des litiges, uniquement en cas d’utilisation du contrat-type approuvé par la quasi-totalité du secteur.
Elle peut être saisie si, dans un délai de quatre mois après la fin du voyage, aucune solution à l’amiable n’a pu être trouvée. La loi prévoit, par ailleurs, un délai de prescription d’un an ».#
Créée en décembre 1983 à l’initiative des organisations de consommateurs et des organisations professionnelles du secteur du voyage, la CLV est officiellement reconnue et soutenue par le Service public fédéral économie et financée par le Service public fédéral Justice.
La CLV est composée paritairement (professionnels/associations de consommateurs), et composée de deux cellules : la cellule conciliation (58)# et la cellule arbitrage (59). L’objectif est de trancher les différends entre les voyageurs, d’une part, et les intermédiaires de voyages (« agents de voyages ») ou organisateurs de voyages (« tour-opérateurs »), d’autre part.
L’intervention de la Commission permet d’éviter le recours à la justice traditionnelle, qui est lente, complexe et coûteuse. Les décisions rendues par la CLV ont en principe la même valeur juridique que les jugements d’un tribunal ordinaire.
Un collège arbitral siège au sein de la CLV, composé paritairement de représentants des consommateurs et du secteur touristique.
La compétence de la Commission est strictement encadrée, elle peut être saisie si le contrat le prévoit explicitement, ou si, après la naissance du litige, un compromis arbitral est signé entre les parties, en vertu duquel la CLV est désignée comme instance compétente.
Si le tour-opérateur applique les conditions générales de voyage de la CLV, celle-ci est compétente (les conditions générales de l’organisateur se trouvent dans la brochure qui présente la destination choisie).
De même, si l’intermédiaire de voyages applique les conditions générales de la CLV, celle-ci est compétente pour intervenir dans un litige avec cet intermédiaire (les conditions de l’intermédiaire se trouvent généralement au dos du bon de commande de celui-ci).
Enfin, la compétence de la Commission n’est pas exclusive. Si le demandeur le souhaite, il peut s’adresser aux tribunaux ordinaires. Le financement de la CLV est assuré par les requérants (caution de 10 % des sommes réclamées), ce qui les responsabilise, mais surtout par les cotisations des membres et des subsides du gouvernement.
L’utilisation des conditions générales de la CLV (60) par les professionnels conditionne l’accès à l’arbitrage de la commission en cas de litige ; pour le client, cela représente une vraie garantie de traitement d’un éventuel litige.
Plus de 90 % des tour-opérateurs et agences de voyages belges ont inscrit cette clause arbitrale dans leurs conditions générales de vente. Les avantages. Cette procédure, alternative à la justice professionnelle, est à la portée de tous, moins chère, plus informelle et plus rapide.
Les dossiers sont instruits par des professionnels : il en découle une amélioration de la qualité du service dans le secteur du voyage ainsi qu’une professionnalisation fondée sur l’utilisation d’outils tels que les conditions générales élaborées en collaboration avec les associations de consommateurs.
Projet et expérience du SNAV
Le projet d’une Commission nationale d’arbitrage des litiges du voyage et du tourisme. Inspiré par la réussite de ce modèle belge pragmatique et adapté, le SNAV, rejoint par le Centre d’étude des tour-opérateurs et agences de voyages (CETO) (61), a proposé, fin 2005, aux pouvoirs publics (ministère et direction du Tourisme) la mise en place d’un processus analogue en France au bénéfice de l’ensemble de la profession et de ses clients.
Les points principaux du projet consistent en la création d’une instance mixte paritaire professionnels/consommateurs assortie d’un arbitre (juge).
Ce projet reprend les idées forces de la Commission belge : intégration d’une clause dans les conditions générale de vente avec frais de dossier à verser au titre de « caution », maintien possible d’un accord à l’amiable entre les deux parties.
Le processus revêt un triple intérêt. Pour les pouvoirs publics : désengorgement des tribunaux, rapidité de la prise de décision, réduction des coûts. Pour le client-consommateur : instance plus proche, neutralité, rapidité, confiance.
Pour le professionnel : commission composée de professionnels, réduction du montant des compensations versées au client, responsabilisation du consommateur, professionnalisation du secteur d’activité et enfin un accroissement de l’attractivité des agences de voyages et tour-opérateurs grâce à cette valeur ajoutée.
Ce projet, bâti à partir de l’expérience belge, est entre les mains des pouvoirs publics ; gageons qu’il saura recueillir l’intérêt qu’il mérite au regard des enjeux. Les acteurs institutionnels et les entreprises concernées ont initié les bases d’une future commission d’arbitrage à la française.
Les instances gouvernementales en charge du tourisme se doivent, selon nous, de soutenir un tel projet qui a fait ses preuves. Un traitement amiable qui a fait ses preuves : le service litiges du SNAV.
D’ores et déjà, un dispositif au sein du SNAV est à la disposition des agences de voyages et tour-opérateurs ainsi que de leurs clients pour résoudre à l’amiable leurs conflits.
Le service « litiges et consommateurs » du SNAV existe depuis plus de vingt ans : son rôle est de créer un lien entre le consommateur et les agences de voyages et tour-opérateurs en favorisant le règlement des litiges à l’amiable. Il peut être saisi par l’agence de voyages ou le tour-opérateur, ou par le consommateur.
Il permet de créer un lien direct avec la clientèle des agences de voyages et, en cas de situation conflictuelle, d’accompagner sur un plan amiable l’agence et son client.
Depuis le 1er avril 2006, ce service traite également les litiges des agences de voyages garanties par l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APS). Notons qu’en 2006 près de 19 % des réclamations concernaient le transport aérien (retard, surréservation, annulation de vol, etc.).
Conseils aux professionnels
On constate que les clients sont de plus en plus exigeants et parfois procéduriers : ils n’hésitent plus à porter les affaires devant les juges, et ce malgré un faible enjeu financier (le plus souvent).
D’où la nécessité de porter la plus grande attention sur le traitement des réclamations et de toujours chercher à l’améliorer :
Sur la forme : il est important d’apporter une réponse rapide à chaque client et de l’informer sur l’état d’avancement du dossier. On prendra soin de distinguer, de manière suffisamment claire pour le client, l’approche juridique de l’approche commerciale.
Sur le fond : le traitement des réclamations, dans un environnement juridique de plus en plus complexe, doit relever de la compétence de personnes formées, qui connaissent notamment les pratiques et usage de la DGCCRF, les attentes des associations de défense des consommateurs et les modalités de traitement des litiges tel que celui de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) (62).
Toute relation commerciale au sein du secteur du voyage et du tourisme impose, au-delà de la connaissance des produits et de la performance de l’acte de vente, une relation individualisée avec le client.
La fidélisation de celui-ci ne peut passer que par une politique construite de la gestion de l’après-vente. Les litiges de faible enjeu économique ont pour vocation d’être traités dans le cadre de cette relation « après vente ».
L’assureur en RCP ne doit être appelé que sur des dossiers conséquents. Quant aux tribunaux, gardons-les pour un ultime recours.
Une fois toutes les nécessités pratiques mises en place, les modes alternatifs de règlement des litiges pourraient devenir une véritable issue de règlement de nombreux conflits, au côté du circuit judiciaire.
* Directeur juridique du Syndicat national des agences de voyages (SNAV). (46) Quittance ou PV de transaction avec son client.
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(47) Site : www.mediationetarbitrage.com Le CMAP propose aux entreprises, tant sur le marché français qu’à l’exportation, une gamme de modes alternatifs de règlement des conflits (MARC ou Alternative dispute résolution [ADR]) : www.cmap.fr. Chambre arbitrale de Paris : www.arbitrage.org. (48) Bibliographie : Pierre Chevalier, Yvon Desdevises, Philip Milburn : « Les modes alternatifs de règlement des litiges : les voies nouvelles d’une autre justice », La documentation Française (Coll. Perspectives sur la justice) ; Marie-Claire Rivier, Marc Ancel : « Les modes alternatifs de règlement des conflits, un objet nouveau dans le discours des juristes français ? », CERCRID, mai 2001 ; Yvon Desdevises, Charles Suaud, « Conciliation et conciliateurs », université de Nantes, mai 2001. (49) La clause compromissoire (l’acceptation préalable de recourir à un arbitre en cas de conflit) est interdite aux particuliers (C. civ., art. 2061) et « On ne peut compromettre sur les questions d’état ou de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l’ordre public » (C. civ., art. 2060). (50) Proposition de directive sur la médiation en matière civile et commerciale de la Commission au Parlement européen et au Conseil COM (2004)0718 ; recommandation de l’OCDE : www.oecd.org, dont l’étude vise à recenser, dans les législations nationales de chacun de ses 24 états membres, les éventuels blocages réglementaires ou législatifs qui pourraient empêcher le développement des MARL ; recommandation du Conseil de l’Europe Rec(2001)9 (51) Site : http://eur-lex.europa.eu (52) Site www.ec.europa.eu/ (53) Site : www.conseilconsommation.minefi.gouv.fr (54) Site : www.minefi.gouv.fr/DGCCRF/ (55) Site : www.snav.org/ (56) Les professionnels allemands proposent une table d’estimation des indemnisations, la « table de Francfort » (cf. http://economie.fgov.be/protection_consumer/informations_and_advices/informations_and_advices_fr_004.htm.
Fondé sur la jurisprudence, ce tableau propose des pourcentages de dédommagement par rapport au prix de la prestation mise en cause. Exemple : piscine sale : 10 à 20 % du prix journalier hors transport. (57) http://mineco.fgov.be/protection_consumer/disputes/voyages/home_fr/htm (58) La procédure de conciliation repose sur un accord volontaire entre le voyageur et l’intermédiaire de voyage et/ou organisateur de voyage de soumettre leur litige contractuel à un tiers-conciliateur indépendant et impartial en vue de chercher à atteindre, avec son aide et dans un dialogue mutuel, une solution amiable et équitable. Contact : conciliation.clv@skynet.be (59)
Cette cellule a pour but de trancher les différends entre les voyageurs d’une part, et les intermédiaires de voyage (appelés communément « agents de voyages ») et/ou les organisateurs de voyage (« tour-opérateurs ») d’autre part. Les décisions rendues par la Commission de Litiges Voyages ont en principe la même valeur juridique que les jugements d’un tribunal ordinaire. Contact : clv.gr@skynet.be/ (60) Site : www.mineco.fgov.be (61) Créée il y a trente ans, l’association regroupe aujourd’hui près d’une soixantaine de professionnels et a pour objectif de faire connaître et valoriser le professionnalisme des tour-opérateurs. Site : www.ceto.to (62) Site : www.aviation-civile.gouv.fr
Fondé sur la jurisprudence, ce tableau propose des pourcentages de dédommagement par rapport au prix de la prestation mise en cause. Exemple : piscine sale : 10 à 20 % du prix journalier hors transport. (57) http://mineco.fgov.be/protection_consumer/disputes/voyages/home_fr/htm (58) La procédure de conciliation repose sur un accord volontaire entre le voyageur et l’intermédiaire de voyage et/ou organisateur de voyage de soumettre leur litige contractuel à un tiers-conciliateur indépendant et impartial en vue de chercher à atteindre, avec son aide et dans un dialogue mutuel, une solution amiable et équitable. Contact : conciliation.clv@skynet.be (59)
Cette cellule a pour but de trancher les différends entre les voyageurs d’une part, et les intermédiaires de voyage (appelés communément « agents de voyages ») et/ou les organisateurs de voyage (« tour-opérateurs ») d’autre part. Les décisions rendues par la Commission de Litiges Voyages ont en principe la même valeur juridique que les jugements d’un tribunal ordinaire. Contact : clv.gr@skynet.be/ (60) Site : www.mineco.fgov.be (61) Créée il y a trente ans, l’association regroupe aujourd’hui près d’une soixantaine de professionnels et a pour objectif de faire connaître et valoriser le professionnalisme des tour-opérateurs. Site : www.ceto.to (62) Site : www.aviation-civile.gouv.fr