Ces petites molécules sont connues depuis les années 1960, époque à laquelle François Jacob et Jacques Monod, deux scientifiques français, ont joué un rôle prépondérant dans leur découverte.
Les ARN messagers sont présents de manière fugace dans nos cellules. Ils constituent en quelque sorte le « plan de montage » des protéines : dans le noyau de la cellule, l’information correspondant à une protéine donnée, portée par l’ADN, est « recopiée » sous forme d’une molécule d’ARNm.
Celle-ci passe ensuite dans le cytoplasme (l’espace compris entre le noyau de la cellule et sa membrane). Elle y sera lue par les ribosomes, les unités chargées de la production des protéines, puis détruite.
C’est sur cette fonction que reposent les vaccins à ARNm. Le principe est en effet d’injecter dans les cellules l’information leur permettant de produire une protéine de l’agent infectieux contre lequel on souhaite obtenir une immunité. Les cellules de l’individu vacciné fabriqueront elles-mêmes le constituant viral en question, ce qui déclenchera une réponse immunitaire.
Il a longtemps été difficile de travailler avec les molécules d’ARN, en raison de leur fragilité. Mais grâce aux progrès scientifiques, les choses ont changé, et l’on peut aujourd’hui envisager d’utiliser les ARNm comme vaccin.
Quels sont les avantages et les désavantages des vaccins à ARN ?
Utiliser l’ARNm pour vacciner présente de nombreux avantages.
Tout d’abord, c’est une approche vaccinale plus sûre dans toutes ses étapes, de la conception à l’utilisation, car aucun être vivant n’est manipulé.
La fabrication des vaccins à ARNm est aussi devenue plus « simple » que celles des autres types de vaccins, qu’il s’agisse de vaccins vivants atténués (basés sur l’emploi d’agents infectieux vivants modifiés afin qu’ils perdent leur pouvoir infectieux) ou de vaccins inactivés (qui contiennent des agents infectieux « tués » ou des fragments d’agents infectieux).
La production de ces deux types de vaccins contre des virus nécessite en effet le plus souvent de recourir à des cultures de cellules ou à des œufs embryonnés, dans des conditions très contrôlées.
Les vaccins à ARNm s’affranchissent de ces étapes coûteuses, car ils sont produits par synthèse chimique. En outre, contrairement aux vaccins vivants atténués, le risque de retour à la virulence est nul, puisqu’ils ne contiennent pas d’agent infectieux.
Outre le fait que les vaccins à ARNm sont faciles à produire et peu onéreux, leur adaptation à l’évolution des agents pathogènes peut se faire rapidement. Si un nouveau variant viral muté contre lequel le vaccin serait moins efficace émerge, il suffit (théoriquement !) de modifier la séquence de l’ARNm pour la faire correspondre à celle du nouveau variant viral afin de retrouver l’efficacité perdue.
Enfin, une conséquence de leur présentation originale au système immunitaire est que les vaccins à ARNm génèrent des réponses immunes équilibrées, entre les composantes cellulaire (lymphocytes) et humorale (anticorps). Or, ces réponses équilibrées sont plus efficaces pour lutter contre les virus.
Les désavantages de ces molécules d’ARNm sont essentiellement liés à leur stabilité plutôt faible. En effet, ce sont des molécules fragiles et leur conservation n’est pas toujours évidente même si des progrès ont été faits ces dernières années (lyophilisation). Que ce soit hors ou dans les cellules, les ARNm disparaissent vite, en raison de leur structure moléculaire…
Un autre désavantage est que lorsque les ARNm sont étrangers à nos cellules, ils activent des réponses interférons de types 1 et 3 (les interférons sont des protéines produites notamment en réaction à des infections virales). Ces réponses aboutissent à leur dégradation et peuvent réduire l’induction de la réponse immune souhaitée lors de la vaccination.
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Les vaccins à ARN peuvent-ils modifier nos génomes ?
Les ARNm des vaccins développés contre la COVID-19 ne sont pas des organismes génétiquement modifiés (OGM) et ne constituent pas une approche de thérapie génique. En effet, ce sont juste des morceaux d’acides nucléiques inspirés des génomes viraux, qui n’ont pas la capacité de modifier nos gènes.
Rappelons que les ARNm restent dans le cytoplasme des cellules et n’ont pas vocation à gagner le noyau. Pour pénétrer dans cette partie de la cellule, les molécules présentes dans le cytoplasme doivent être porteuses d’un « étiquettage » spécifique. En outre, des molécules de transport devraient intervenir pour les y emmener.
Et quand bien même ces ARNm vaccinaux rentreraient dans le noyau, l’ARN ne peut pas s’intégrer dans notre génome sans être transformé en ADN (on parle de rétrotranscription), ce qui nécessite des enzymes très particulières, appelées transcriptases inverses.
Celles-ci sont le plus souvent virales : on les trouve dans les virus de la famille des Rétrovirus (comme le VIH, responsable du SIDA) et des Hépadnavirus (comme le virus de l’hépatite B).
Des protéines un peu particulières avec une activité transcriptase inverse, comme l’ADN polymérase eta, ont également été identifiées dans nos cellules.
Cependant ces protéines ne sont pas localisées dans le cytoplasme cellulaire et n’ont pas vocation à interagir avec des ARNm. Une modification de nos génomes par un ARNm relève donc plutôt de la (science)-fiction…
Par ailleurs, il ne suffit pas que la rétrotranscription ait lieu : l’intégration de l’ADN obtenu dans le génome demanderait la présence d’autres enzymes appelées intégrases. Et si nous poussons la fiction jusqu’à envisager malgré tout une intégration, celle-ci n’aboutirait pas pour autant à des effets délétères pour la cellule hôte.
Il faudrait pour cela que ce fragment s’insère dans une région contenant un gène, or les gènes ne représentent pas la majeure partie de notre génome. Enfin, une telle modification ne serait de toute façon pas transmise à la descendance.
Pour toutes ces raisons, les « risques » de modification de nos génomes par les ARNm sont pour ainsi dire statistiquement nuls. Nous courrons des risques infiniment plus élevés dès lors que nous prenons notre voiture ou que nous montons dans un avion…
Les vaccins à ARNm ont-ils été développés trop rapidement ?
Cette remarque revient fréquemment dans les débats récents. Là aussi, il convient de rappeler que la vaccination au moyen d’acides nucléiques, dont les ARNm, est une histoire déjà ancienne (les premières tentatives d’utiliser l’ARNm pour la vaccination remontent au début des années 1990).
De très nombreuses publications précliniques relatives à cette approche chez l’animal (rongeurs, porcs, bovins et macaques…) ont été publiées et n’ont pas montré d’effets secondaires majeurs. Par ailleurs, les essais cliniques chez l’être humain (de phases 1, 2 et 3) ont démontré une excellente efficacité vaccinale et pas plus d’effets secondaires qu’avec les vaccins conventionnels.
Signalons au passage que même dans les groupes placebos (c’est-à-dire dans lesquels aucun principe actif n’a été injecté), des effets secondaires sont rapportés. Cela signifie que lesdits effets secondaires sont en partie liés à l’injection en elle-même.
Enfin, en médecine vétérinaire, des vaccins à ADN existent depuis quelques années (West-Nile Innovator® contre la maladie de West-Nile chez le cheval, Oncept Canine Melanoma® contre le mélanome buccal de chien et Clynav® contre la maladie pancréatique du saumon) et aucun effet indésirable majeur n’a été rapporté.
Quid des phénomènes allergiques observés chez certains patients aux États-Unis et au Royaume-Uni ?
Des réactions allergiques ont été rapportées chez certains patients suite à la vaccination. Les réactions allergiques post-vaccinales, même si elles sont rares, sont bien connues. Elles sont liées à certains composants des vaccins pour lesquels les patients vaccinés auraient été sensibilisés précédemment (dans leur vie de tous les jours où lors de vaccinations antérieures incluant le même composé).
Face au risque allergique, nous ne sommes en effet pas tous égaux, et notre patrimoine génétique joue pour beaucoup. Toute réaction allergique (hypersensibilité de type 1) passe par une phase de sensibilisation à l’antigène (la substance reconnue comme étrangère par le système immunitaire, qui déclenche la réaction) - la première fois qu’il est rencontré - puis par une phase de latence. Plus tard, confronté à nouveau au même antigène, l’organisme développe la réaction allergique.
En ce qui concerne les allergies suite à la vaccination contre la COVID-19, celles-ci ont été rapprochées d’une substance, le polyéthylène glycol, présent à faible dose dans une formulation vaccinale. Cette substance, d’usage courant, a été identifiée comme allergène dans de rares cas et aurait posé problème chez des personnes à risque allergique avéré ou non identifié. Aux États-Unis, où plus de 2,1 millions de personnes ont déjà été vaccinées, des réactions allergiques ont effectivement été notées, mais elles sont rares.
Généralement les personnes à risque se connaissent et pour celle-ci il est convient d’être vigilant avec les vaccins à ARNm, tout comme les vaccins plus conventionnels, mais également avec de simples antibiotiques ou même des aliments des plus classiques (arachides, fruits de mer…).
Rapport bénéfice/risque
Un traitement médical n’est jamais un acte anodin et la vaccination ne déroge pas à la règle. Elle doit faire l’objet d’une analyse bénéfice/risque rigoureuse, pour nous-mêmes et pour la collectivité, nationalement et internationalement. Dans le cas de la pandémie actuelle de COVID-19, il est clair que le risque associé à l’emploi des vaccins à ARNm est très faible alors que les risques sanitaires, économiques et sociaux de la crise COVID-19 sont de premier plan.
L’emploi de ces nouvelles armes - suivi de près par les acteurs en charge de la pharmacovigilance - pourrait constituer une avancée importante dans la lutte contre les maladies infectieuses. Et la révolution pourrait ne pas s’arrêter là : en effet, l’ARN pourrait également être utilisé pour lutter contre le cancer, des maladies orphelines, et même contre les allergies !
François Meurens, Professeur Immuno-Virologie (DMV-PhD) - Oniris (École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation de Nantes-Atlantique), UMR 1300, Inrae
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.