Lorsque le progrès technique permet de réaliser un “saut technologique”, il n’y a aucune raison apparente de ne pas en profiter, car cela est bénéfique, aussi bien pour l’industrie que pour les consommateurs. - DR Boeing
TourMaG.com - Le Boeing 787 a été officiellement autorisé à reprendre ses vols. Qu’en est-il exactement de cette pénalisante mésaventure ?
Jean Belotti : "L’histoire de ce biréacteur long-courrier de moyenne capacité (entre 200 et 300 sièges selon les versions) pouvant assurer des vols directs de plus de 15.000 kilomètres, a déjà été longuement décrite dans les médias et j’ai également répondu à vos questions, lors de votre interview de janvier. "
TourMaG.com - Effectivement ! Mais, aujourd’hui, au moment de l’annonce de la reprise des vols, une première question est de savoir pourquoi on en est arrivé là ? Autrement dit, quelle est la raison de ces retards successifs ?
J.B. : "Alors que le dimanche 8 juillet 2007, à Everett, près de Seattle, le B787 dévoilait enfin ses formes à l'occasion de la sortie d'usine du premier exemplaire (“roll-out”), personne ne pouvait imaginer que les délais de production seraient reportés plusieurs fois.
Premier retard, fin 2007 ; second, en janvier 2008, décalant de 9 mois le calendrier de livraison initial ; troisième, en avril 2008, tous imputés aux sous-traitants.
Quatrième, en novembre 2008, dû à une grève des ouvriers mécaniciens.
Un cinquième, fin juin 2009. Fin août 2010, à un mois de la première livraison tant attendue, nouveau report au milieu du premier trimestre 2011, dû aux difficultés rencontrées par le motoriste britannique Rolls Royce, avec les moteurs “Trent 1000” et constat que 3 % des fixations avaient été mal montées !"
TourMaG.com - Étant donné les désastreuses et coûteuses conséquences de ces retards, ne faut-il pas les déplorer ?
J.B. : "Ici, le progrès technique a conduit à de fondamentales innovations : Utilisation à plus de 50% de l’avion de matériaux composites, plus légers et plus résistants que l'aluminium, qui contribuent à réduire la masse de l’avion, donc à réduire sa consommation de carburant et les coûts de maintenance ; réduction des décibels autour des aéroports, inférieure de 40 % à celle d'un Boeing 747 ; etc...
Boeing a déclaré devoir procéder à des améliorations sur le caisson central du B787, une pièce majeure.
Il est donc tout à fait normal qu’œuvrant dans des domaines nouveaux apparaissent des anomalies ou dysfonctionnements divers.
Il convient donc, non pas de déplorer, mais de se féliciter de ces retards qui démontrent qu’au lieu de faire des modifications partielles et provisoires, Boeing a préféré reprendre le problème à fond, malgré les effets pervers d’un nouveau retard, non seulement sur les coûts, mais aussi sur son image de marque.
C’est une sage décision pour un marché qui représente, d’après Boeing, près de 3.500 avions neufs au cours des vingt prochaines années."
Jean Belotti : "L’histoire de ce biréacteur long-courrier de moyenne capacité (entre 200 et 300 sièges selon les versions) pouvant assurer des vols directs de plus de 15.000 kilomètres, a déjà été longuement décrite dans les médias et j’ai également répondu à vos questions, lors de votre interview de janvier. "
TourMaG.com - Effectivement ! Mais, aujourd’hui, au moment de l’annonce de la reprise des vols, une première question est de savoir pourquoi on en est arrivé là ? Autrement dit, quelle est la raison de ces retards successifs ?
J.B. : "Alors que le dimanche 8 juillet 2007, à Everett, près de Seattle, le B787 dévoilait enfin ses formes à l'occasion de la sortie d'usine du premier exemplaire (“roll-out”), personne ne pouvait imaginer que les délais de production seraient reportés plusieurs fois.
Premier retard, fin 2007 ; second, en janvier 2008, décalant de 9 mois le calendrier de livraison initial ; troisième, en avril 2008, tous imputés aux sous-traitants.
Quatrième, en novembre 2008, dû à une grève des ouvriers mécaniciens.
Un cinquième, fin juin 2009. Fin août 2010, à un mois de la première livraison tant attendue, nouveau report au milieu du premier trimestre 2011, dû aux difficultés rencontrées par le motoriste britannique Rolls Royce, avec les moteurs “Trent 1000” et constat que 3 % des fixations avaient été mal montées !"
TourMaG.com - Étant donné les désastreuses et coûteuses conséquences de ces retards, ne faut-il pas les déplorer ?
J.B. : "Ici, le progrès technique a conduit à de fondamentales innovations : Utilisation à plus de 50% de l’avion de matériaux composites, plus légers et plus résistants que l'aluminium, qui contribuent à réduire la masse de l’avion, donc à réduire sa consommation de carburant et les coûts de maintenance ; réduction des décibels autour des aéroports, inférieure de 40 % à celle d'un Boeing 747 ; etc...
Boeing a déclaré devoir procéder à des améliorations sur le caisson central du B787, une pièce majeure.
Il est donc tout à fait normal qu’œuvrant dans des domaines nouveaux apparaissent des anomalies ou dysfonctionnements divers.
Il convient donc, non pas de déplorer, mais de se féliciter de ces retards qui démontrent qu’au lieu de faire des modifications partielles et provisoires, Boeing a préféré reprendre le problème à fond, malgré les effets pervers d’un nouveau retard, non seulement sur les coûts, mais aussi sur son image de marque.
C’est une sage décision pour un marché qui représente, d’après Boeing, près de 3.500 avions neufs au cours des vingt prochaines années."
TourMaG.com : Plus grave que les coûteux retards, il y a eu les incidents ?
J.B. : "Relevons ceux-ci :
- Le 28 août 2011, le Boeing 787 recevait, enfin, son certificat de navigabilité des autorités aériennes américaines et européennes.
Son premier client, le Japonais ANA, qui avait passé commande en 2004, prenait possession de son premier exemplaire, le 25 septembre, soit après plus de trois ans de retard. Il réalisait son premier vol commercial, le 1er novembre.
Mais, moins d'une semaine après, un problème sur une valve hydraulique obligeait le pilote à se poser à Okayama, en utilisant la fonction manuelle de sortie du train d’atterrissage.
- En juin, constat de problèmes sur le stabilisateur horizontal de la queue de l'avion, fabriqué par l'Italien Alenia.
- Mi-novembre, en raison d'un incendie d'origine électrique survenu à bord d’un appareil en phase d'atterrissage à Loredo, au Texas, l'équipage a dû procéder à une évacuation d'urgence des 42 ingénieurs et techniciens présents à bord.
L’incendie a été provoqué par un corps étranger oublié dans une armoire électrique (un outil probablement) dans laquelle se trouvaient des logiciels, des composants.
- Début décembre, un Boeing 787 (d’United) a dû effectuer un atterrissage d'urgence en raison de plusieurs incidents électriques.
- Le 9 décembre, le Boeing 787 de Qatar Airways subit des pannes, le jour de sa livraison.
Il est vrai que la survenance de ces pannes pendant les premiers vols est bien connue de la communauté aéronautique qui ne s’en inquiète pas outre mesure.
Pour autant, il reste que la gravité de certaines de ces pannes (comme celle impliquant des batteries électriques) peut conduire à de graves décisions, comme celle qui a été prise par la FAA (“Federal aviation administration” - Autorité de l'aviation civile américaine) de suspendre les vols de tous les B787.
Cela étant dit, il reste que la prise en compte que des “fixations ont été mal montées” ; qu’un “incendie a été déclenché par un outil oublié dans un sous-ensemble”, que “des ouvriers se sont mis en grève cause augmentation des cadences de travail, sans augmentation des salaires”, … ne peut que traduire un contexte de “hurry up syndrome”.
Rappelons qu’il s’agit des risques encourus lorsque la préoccupation de “respecter un horaire ou une échéance” ou “rattraper le retard” conduit à des impasses, des oublis, des vérifications incomplètes,...
On veut aller plus vite que cela n’est prévu et on oublie, volontairement ou involontairement, une vérification, une action.
Quant aux conséquences perverses sur la sécurité des vols, elles ont déjà été largement démontrées. Ici, les personnels n’ont-ils pas subi également les mêmes pressions sur fond d'impératifs économiques pour respecter les délais de livraison ?"
J.B. : "Relevons ceux-ci :
- Le 28 août 2011, le Boeing 787 recevait, enfin, son certificat de navigabilité des autorités aériennes américaines et européennes.
Son premier client, le Japonais ANA, qui avait passé commande en 2004, prenait possession de son premier exemplaire, le 25 septembre, soit après plus de trois ans de retard. Il réalisait son premier vol commercial, le 1er novembre.
Mais, moins d'une semaine après, un problème sur une valve hydraulique obligeait le pilote à se poser à Okayama, en utilisant la fonction manuelle de sortie du train d’atterrissage.
- En juin, constat de problèmes sur le stabilisateur horizontal de la queue de l'avion, fabriqué par l'Italien Alenia.
- Mi-novembre, en raison d'un incendie d'origine électrique survenu à bord d’un appareil en phase d'atterrissage à Loredo, au Texas, l'équipage a dû procéder à une évacuation d'urgence des 42 ingénieurs et techniciens présents à bord.
L’incendie a été provoqué par un corps étranger oublié dans une armoire électrique (un outil probablement) dans laquelle se trouvaient des logiciels, des composants.
- Début décembre, un Boeing 787 (d’United) a dû effectuer un atterrissage d'urgence en raison de plusieurs incidents électriques.
- Le 9 décembre, le Boeing 787 de Qatar Airways subit des pannes, le jour de sa livraison.
Il est vrai que la survenance de ces pannes pendant les premiers vols est bien connue de la communauté aéronautique qui ne s’en inquiète pas outre mesure.
Pour autant, il reste que la gravité de certaines de ces pannes (comme celle impliquant des batteries électriques) peut conduire à de graves décisions, comme celle qui a été prise par la FAA (“Federal aviation administration” - Autorité de l'aviation civile américaine) de suspendre les vols de tous les B787.
Cela étant dit, il reste que la prise en compte que des “fixations ont été mal montées” ; qu’un “incendie a été déclenché par un outil oublié dans un sous-ensemble”, que “des ouvriers se sont mis en grève cause augmentation des cadences de travail, sans augmentation des salaires”, … ne peut que traduire un contexte de “hurry up syndrome”.
Rappelons qu’il s’agit des risques encourus lorsque la préoccupation de “respecter un horaire ou une échéance” ou “rattraper le retard” conduit à des impasses, des oublis, des vérifications incomplètes,...
On veut aller plus vite que cela n’est prévu et on oublie, volontairement ou involontairement, une vérification, une action.
Quant aux conséquences perverses sur la sécurité des vols, elles ont déjà été largement démontrées. Ici, les personnels n’ont-ils pas subi également les mêmes pressions sur fond d'impératifs économiques pour respecter les délais de livraison ?"