La ville, à deux heures de Paris, offre autant à voir qu’à comprendre à qui sait l’aborder sans préjugé - DR : J.-F.R.
La discrétion peut cacher de grands talents. Le sentiment prévaut dans les rues de Bourges, une ville « sans histoire » mais avec une Histoire, célèbre grâce à son Printemps musical et qui déploie grande énergie pour promouvoir son passé et son patrimoine singuliers.
Elles ne sont pas nombreuses les villes à pouvoir se flatter d’avoir été, dans l’ordre, « la plus belle et la plus forte de toute la Gaule » (selon les mots attribués à Jules César), le berceau d’un duc célèbre et dispendieux (Jean de Berry), la capitale de la France (sous le roi Charles VII), la ville natale de son argentier (Jacques Cœur, l’homme le plus riche du royaume) et celle du roi Louis XI.
Le tout concentré sur un oppidum entouré de marécages qui protégèrent longtemps la ville des incursions ennemies, avant d’être aménagés en jardins maraîchers.
Elles ne sont pas nombreuses les villes à pouvoir se flatter d’avoir été, dans l’ordre, « la plus belle et la plus forte de toute la Gaule » (selon les mots attribués à Jules César), le berceau d’un duc célèbre et dispendieux (Jean de Berry), la capitale de la France (sous le roi Charles VII), la ville natale de son argentier (Jacques Cœur, l’homme le plus riche du royaume) et celle du roi Louis XI.
Le tout concentré sur un oppidum entouré de marécages qui protégèrent longtemps la ville des incursions ennemies, avant d’être aménagés en jardins maraîchers.
Ruelles pentues et courbes
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Oui, c’est bien de Bourges dont il s’agit et visiter cette ville revient à balayer des pans cruciaux de l’Histoire de France, soit les premières croisades, la guerre de Cent Ans, l’affirmation du royaume, le temps des cathédrales...
La ville haute a conservé l’organisation urbaine qui était sienne aux temps celtes et romains : une colline traversée par un cardo rectiligne (aujourd’hui la rue Moyenne, axe majeur du centre-ville), des deux côtés duquel se déploie un entrelacs de ruelles pentues et courbes bordées d’édifices gothiques et Renaissance.
Au pied de cette éminence et du rempart gallo-romain (dont les restes sont encore visibles), les quartiers bas, eux-mêmes entourés de fortifications au 12e s., affichent un seyant habillage médiéval, constitué de maisons à pans de bois pour la plupart restaurées.
Villes haute et basse sont reliées par d’étroits corridors, appelés ici « passages casse-cous ».
La ville haute a conservé l’organisation urbaine qui était sienne aux temps celtes et romains : une colline traversée par un cardo rectiligne (aujourd’hui la rue Moyenne, axe majeur du centre-ville), des deux côtés duquel se déploie un entrelacs de ruelles pentues et courbes bordées d’édifices gothiques et Renaissance.
Au pied de cette éminence et du rempart gallo-romain (dont les restes sont encore visibles), les quartiers bas, eux-mêmes entourés de fortifications au 12e s., affichent un seyant habillage médiéval, constitué de maisons à pans de bois pour la plupart restaurées.
Villes haute et basse sont reliées par d’étroits corridors, appelés ici « passages casse-cous ».
Plus large cathédrale de France
La nouvelle destinée de Bourges, ville connue depuis les Celtes pour sa métallurgie, capitale sous les Romains de « l’Aquitaine première », débute lorsque le dernier vicomte de Bourges vend son fief au roi de France Philippe 1er, pour financer son départ en croisade. Voilà Bourges rattachée au royaume.
Dans la cathédrale romane préexistante, Louis VII se fait couronner roi, en 1137.
Près de soixante ans plus tard, l’archevêque Henri de Sully décide de reconstruire l’édifice dans un style gothique, à partir du chevet de l’ancienne cathédrale. L’un des deux joyaux de Bourges est né.
Trônant au sommet de la ville, la construction affiche des mensurations surprenantes. Sans transept contrairement à d’autres, c’est la plus large cathédrale de France (41 m). Sa façade occidentale en témoigne, avec ses cinq portails sculptés côte à côte, d’autant plus impressionnants que le recul depuis l’étroit parvis est faible.
Dans la nef centrale lumineuse, élevée sur trois niveaux, le jubé a disparu (ses restes sont exposés dans l’église basse) mais pas les vitraux des 12e et 13e s., dont l’iconographie mélange des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Les motifs sont sublimes, les rouges éclatants. Avec ceux de Chartres, ils sont considérés comme les plus beaux de France. On comprend dès lors que l’Unesco ait classé, en 1992, la cathédrale au patrimoine mondial de l’humanité.
Dans la cathédrale romane préexistante, Louis VII se fait couronner roi, en 1137.
Près de soixante ans plus tard, l’archevêque Henri de Sully décide de reconstruire l’édifice dans un style gothique, à partir du chevet de l’ancienne cathédrale. L’un des deux joyaux de Bourges est né.
Trônant au sommet de la ville, la construction affiche des mensurations surprenantes. Sans transept contrairement à d’autres, c’est la plus large cathédrale de France (41 m). Sa façade occidentale en témoigne, avec ses cinq portails sculptés côte à côte, d’autant plus impressionnants que le recul depuis l’étroit parvis est faible.
Dans la nef centrale lumineuse, élevée sur trois niveaux, le jubé a disparu (ses restes sont exposés dans l’église basse) mais pas les vitraux des 12e et 13e s., dont l’iconographie mélange des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Les motifs sont sublimes, les rouges éclatants. Avec ceux de Chartres, ils sont considérés comme les plus beaux de France. On comprend dès lors que l’Unesco ait classé, en 1992, la cathédrale au patrimoine mondial de l’humanité.
Palais Jacques Cœur
Mais poursuivons le chemin de l’Histoire. Alors que la ville s’étale au pied de son éminence et que la Guerre de Cent Ans a éclaté, la province du Berry est attribuée en 1360 à Jean de France, fils du roi Jean le Bon.
L’homme n’est pas connu pour son ascétisme. Épris de luxe et dispendieux, il fait bâtir dans sa capitale un palais ducal et une Sainte Chapelle, sur les remparts gallo-romains.
Tout à sa gloire, il commande la réalisation des célèbres enluminures, « Les Très Riches Heures du Duc de Berry », retraçant sa vie de cour et de mécène (elles sont conservées aux archives du musée de Chantilly).
Aujourd’hui, les restes du palais ducal abritent l’Hôtel du département du Cher. Dans la « Salle d’apparat », d’accès libre, on peut observer une grande tapisserie représentant le duc et sa cour.
C’est dans ce fief que s’installe en 1418 son petit neveu, le dauphin Charles VII. Quatre ans plus tard, il se marie avec Marie d’Anjou à la cathédrale et devient roi de France. Et comme seul le centre du royaume lui reste à peu près fidèle, il fréquente plus souvent que d’ordinaire le palais de son grand-oncle.
De 1422 à 1437, Bourges devient ainsi capitale de la France !
L’homme n’est pas connu pour son ascétisme. Épris de luxe et dispendieux, il fait bâtir dans sa capitale un palais ducal et une Sainte Chapelle, sur les remparts gallo-romains.
Tout à sa gloire, il commande la réalisation des célèbres enluminures, « Les Très Riches Heures du Duc de Berry », retraçant sa vie de cour et de mécène (elles sont conservées aux archives du musée de Chantilly).
Aujourd’hui, les restes du palais ducal abritent l’Hôtel du département du Cher. Dans la « Salle d’apparat », d’accès libre, on peut observer une grande tapisserie représentant le duc et sa cour.
C’est dans ce fief que s’installe en 1418 son petit neveu, le dauphin Charles VII. Quatre ans plus tard, il se marie avec Marie d’Anjou à la cathédrale et devient roi de France. Et comme seul le centre du royaume lui reste à peu près fidèle, il fréquente plus souvent que d’ordinaire le palais de son grand-oncle.
De 1422 à 1437, Bourges devient ainsi capitale de la France !
Commerce d’Orient
On imagine aisément les conséquences pour la ville. Hommes de cour, marchands, notables, clergé… tous profitent de la manne.
La cité commerce avec l’Italie, la Méditerranée, l’Orient. Parmi ses fidèles, l’une ne tarde pas à occuper une place centrale : Jacques Cœur, fils d’un marchand pelletier de Bourges et commerçant avisé, devenu maître des monnaies de Paris, est nommé argentier de Charles VII.
A lui la gestion des crédits accordés à la Cour. A lui aussi la fortune ! Il ne s’en prive pas et fait édifier, à partir de 1443, sa « grant’maison ». L’édifice doit servir de résidence mais aussi affirmer son prestige social.
Côté extérieur, c’est une façade en partie défensive. Côté ville, l’aspect « gothique monumental », remarquable, multiplie les hommages à Charles VII. Mi-hôtel urbain, mi-logis seigneurial, la distribution des pièces et des galeries autour d’une cour intérieure sépare vie publique et privée.
L’édifice est en avance sur son temps, il brille ! Mais pour Jacques Cœur, le vent va tourner. Il est jalousé. Ne dit-on pas alors que « Le Roi fait ce qu’il peut, Jacques Cœur fait ce qu’il veut » ?
La rancœur l’emporte et le roi le fait arrêter. Gracié par le pape Nicolas V, dont il est proche, il se réfugie à Rome puis part en croisade contre les Turcs. Il meurt sur l’île de Chios, en 1456.
La cité commerce avec l’Italie, la Méditerranée, l’Orient. Parmi ses fidèles, l’une ne tarde pas à occuper une place centrale : Jacques Cœur, fils d’un marchand pelletier de Bourges et commerçant avisé, devenu maître des monnaies de Paris, est nommé argentier de Charles VII.
A lui la gestion des crédits accordés à la Cour. A lui aussi la fortune ! Il ne s’en prive pas et fait édifier, à partir de 1443, sa « grant’maison ». L’édifice doit servir de résidence mais aussi affirmer son prestige social.
Côté extérieur, c’est une façade en partie défensive. Côté ville, l’aspect « gothique monumental », remarquable, multiplie les hommages à Charles VII. Mi-hôtel urbain, mi-logis seigneurial, la distribution des pièces et des galeries autour d’une cour intérieure sépare vie publique et privée.
L’édifice est en avance sur son temps, il brille ! Mais pour Jacques Cœur, le vent va tourner. Il est jalousé. Ne dit-on pas alors que « Le Roi fait ce qu’il peut, Jacques Cœur fait ce qu’il veut » ?
La rancœur l’emporte et le roi le fait arrêter. Gracié par le pape Nicolas V, dont il est proche, il se réfugie à Rome puis part en croisade contre les Turcs. Il meurt sur l’île de Chios, en 1456.
Riches hôtels particuliers
Il va sans dire que durant ce temps et lors de la première et seconde Renaissance qui suivent, d’autres édifices de prestige sont construits. Fils de Charles VII, Louis XI, né à Bourges, y fonde une université, en 1463.
L’incendie de 1487, ravageur, va « aider » à renouveler l’urbanisme berruyer. De grandes familles édifient des demeures particulières : l’hôtel Cujas, d’inspiration gothique, construit au début du 16e s. (aujourd’hui musée du Berry) ; l’hôtel Lallemand (1490-1518), manifestation précoce de la Renaissance en France (musée des Arts Décoratifs) ; l’Hôtel des Echevins (1489-1492), ancien hôtel de ville inspiré du Palais Jacques Cœur (siège du musée d’Art contemporain).
A fureter dans la ville haute, on en débusque de nouvelles, parfois cachées ou excentrées : la façade arrière au décor Renaissance de la maison de Bienaymé Georges, rue Bourbonnoux ; la maison d’Etienne Jaupitre (1515), riche marchand drapier, rue Peylvoisin ; l’Hôtel Bastard ; la maison Jannequin ; l’Hôtel Brunet…
Siège de l’archevêché, Bourges affiche aussi, et grandement, le lustre du clergé. Le Couvent des Augustins (16e -17e s.), au bout de la rue Mirebeau, confirme le rôle de cet ordre, présent depuis la fin du 13e s.
Au 16e s. encore est construit le Couvent de l’Annonciade. L’architecture religieuse culmine au 17e s. avec l’édification du Grand Séminaire et du Palais des Archevêques, près de la cathédrale.
L’incendie de 1487, ravageur, va « aider » à renouveler l’urbanisme berruyer. De grandes familles édifient des demeures particulières : l’hôtel Cujas, d’inspiration gothique, construit au début du 16e s. (aujourd’hui musée du Berry) ; l’hôtel Lallemand (1490-1518), manifestation précoce de la Renaissance en France (musée des Arts Décoratifs) ; l’Hôtel des Echevins (1489-1492), ancien hôtel de ville inspiré du Palais Jacques Cœur (siège du musée d’Art contemporain).
A fureter dans la ville haute, on en débusque de nouvelles, parfois cachées ou excentrées : la façade arrière au décor Renaissance de la maison de Bienaymé Georges, rue Bourbonnoux ; la maison d’Etienne Jaupitre (1515), riche marchand drapier, rue Peylvoisin ; l’Hôtel Bastard ; la maison Jannequin ; l’Hôtel Brunet…
Siège de l’archevêché, Bourges affiche aussi, et grandement, le lustre du clergé. Le Couvent des Augustins (16e -17e s.), au bout de la rue Mirebeau, confirme le rôle de cet ordre, présent depuis la fin du 13e s.
Au 16e s. encore est construit le Couvent de l’Annonciade. L’architecture religieuse culmine au 17e s. avec l’édification du Grand Séminaire et du Palais des Archevêques, près de la cathédrale.
Place Gordaine, foyer de la vie urbaine
Quant à la plupart des maisons de ville à pans de bois des artisans et des petits commerçants, elles sont reconstruites à l’identique après le « grand feu ».
On les découvre, avec leurs croix de Saint-André et leur maçonnerie en hourdis, le long des rues Bourbonnoux, Cambournac, Coursalon, Mirebeau ou place Gordaine, foyer de la vie urbaine dès l’époque médiévale.
Les plus belles sont probablement celles du 24, rue Bourbonnoux, avec ses poteaux corniers en bois et du 19, rue Gambon, la « Maison de la Reine Blanche », abondamment décorée de sculptures.
Le « Bourges médiéval », restitué sous les crépis, est sans doute l’une des meilleures surprises de la ville.
Si nous avons tant parlé des « siècles d’or », c’est que cette période cruciale fonde l’identité de Bourges et lui confère l’aspect qu’elle propose aux touristes.
Evidemment, la vie ne s’est pas arrêtée au 16e s. Mais la guerre que se livrent ensuite catholiques et protestants puis catholiques loyalistes et ligueurs recompose profondément la cité et ses élites locales.
On les découvre, avec leurs croix de Saint-André et leur maçonnerie en hourdis, le long des rues Bourbonnoux, Cambournac, Coursalon, Mirebeau ou place Gordaine, foyer de la vie urbaine dès l’époque médiévale.
Les plus belles sont probablement celles du 24, rue Bourbonnoux, avec ses poteaux corniers en bois et du 19, rue Gambon, la « Maison de la Reine Blanche », abondamment décorée de sculptures.
Le « Bourges médiéval », restitué sous les crépis, est sans doute l’une des meilleures surprises de la ville.
Si nous avons tant parlé des « siècles d’or », c’est que cette période cruciale fonde l’identité de Bourges et lui confère l’aspect qu’elle propose aux touristes.
Evidemment, la vie ne s’est pas arrêtée au 16e s. Mais la guerre que se livrent ensuite catholiques et protestants puis catholiques loyalistes et ligueurs recompose profondément la cité et ses élites locales.
Ville d’armement
Il faut attendre les années 1850 et l’implantation d’industries d’armement, voulue par Napoléon III, pour que Bourges déploie une nouvelle dynamique.
Ces « Etablissements militaires » abritent une fonderie de canons et l’école de pyrotechnie. Ils existent toujours, le long du boulevard Lahitolle et font l’objet d’une reconversion en pôle technologique.
Bourges n’a pas pour autant perdu sa vocation de défense. Elle abrite l’usine MBDA, spécialisée dans la fabrication de missiles.
De l’autre côté de la ville se tient le « faubourg culturel », le long des rives de l’Auron.
Épicentre du Printemps de Bourges, dont la 1ère édition remonte à 1977, il accueille la médiathèque et le Museum d’Histoire naturelle. Ces deux secteurs sont accessibles à pied depuis le centre-ville en traversant des quartiers au charme très villageois.
En découvrant d’un côté les sols pavés et les maisons à jardins des rues des Juifs, Montcenoux et de la Thaumassière, de l’autre l’atmosphère faubourienne du quartier Saint-Pierre et de sa rue d’Auron, on se convainc finalement que cette ville, à deux heures de Paris, offre autant à voir qu’à comprendre à qui sait l’aborder sans préjugé.
Ces « Etablissements militaires » abritent une fonderie de canons et l’école de pyrotechnie. Ils existent toujours, le long du boulevard Lahitolle et font l’objet d’une reconversion en pôle technologique.
Bourges n’a pas pour autant perdu sa vocation de défense. Elle abrite l’usine MBDA, spécialisée dans la fabrication de missiles.
De l’autre côté de la ville se tient le « faubourg culturel », le long des rives de l’Auron.
Épicentre du Printemps de Bourges, dont la 1ère édition remonte à 1977, il accueille la médiathèque et le Museum d’Histoire naturelle. Ces deux secteurs sont accessibles à pied depuis le centre-ville en traversant des quartiers au charme très villageois.
En découvrant d’un côté les sols pavés et les maisons à jardins des rues des Juifs, Montcenoux et de la Thaumassière, de l’autre l’atmosphère faubourienne du quartier Saint-Pierre et de sa rue d’Auron, on se convainc finalement que cette ville, à deux heures de Paris, offre autant à voir qu’à comprendre à qui sait l’aborder sans préjugé.