Une jurisprudence de la CJUE prévoit de rembourser les clients même en cas de faillite de l'agence de voyages - Depositphotos @Ekachailo
L'Europe est une source de protection pour les uns et d'angoisse pour les autres.
Dans le voyage, les consommateurs sont surprotégés au détriment de l'entrepreneuriat, tant le droit devient de plus en plus restrictif. Et alors qu'au niveau des vols secs les instances veulent durcir les droits des passagers, les garants ne sont pas en reste.
Cette fois-ci, la Cour de justice de l'Union européenne a publié un rendu dans le courant de l'été passé totalement inaperçu qui pourrait pourtant bien remodeler le paysage de la garantie financière, impliquant l'avenir des organismes de garantie, telle l'APST.
"Les garants vont devoir supporter beaucoup plus de risques, suite à cette décision.
Jusqu'à présent, en cas de faillite, la garantie financière couvrait le remboursement et rapatriement des clients. Autrement dit, uniquement les conséquences de la faillite elle-même.
Dorénavant, ils devront aller plus loin," nous confie Benoit Chantoin, le directeur des affaires juridiques et des consommateurs à l'ECTAA.
Et pour aller plus loin, plongeons-nous avec bonheur et délectation, dans l'arrêt de la CJUE du 29 juillet 2024, opposant des voyageurs aux spécialistes belges (MS Amlin) et autrichien (HDI Global) de la réassurance.
Dans le voyage, les consommateurs sont surprotégés au détriment de l'entrepreneuriat, tant le droit devient de plus en plus restrictif. Et alors qu'au niveau des vols secs les instances veulent durcir les droits des passagers, les garants ne sont pas en reste.
Cette fois-ci, la Cour de justice de l'Union européenne a publié un rendu dans le courant de l'été passé totalement inaperçu qui pourrait pourtant bien remodeler le paysage de la garantie financière, impliquant l'avenir des organismes de garantie, telle l'APST.
"Les garants vont devoir supporter beaucoup plus de risques, suite à cette décision.
Jusqu'à présent, en cas de faillite, la garantie financière couvrait le remboursement et rapatriement des clients. Autrement dit, uniquement les conséquences de la faillite elle-même.
Dorénavant, ils devront aller plus loin," nous confie Benoit Chantoin, le directeur des affaires juridiques et des consommateurs à l'ECTAA.
Et pour aller plus loin, plongeons-nous avec bonheur et délectation, dans l'arrêt de la CJUE du 29 juillet 2024, opposant des voyageurs aux spécialistes belges (MS Amlin) et autrichien (HDI Global) de la réassurance.
Quels sont les cas traités par la CJUE ?
Dans chacun des cas, les voyageurs se sont retournés contre les garants financiers de sociétés ayant déposé le bilan, suite à la crise sanitaire.
Prenons un cas particulier.
Le 3 mars 2020, M. X a conclu avec Flamenco un contrat pour un voyage à forfait, pour un départ le 3 mai et un retour le 2 juin 2020, à Las Palmas de Grande Canarie (Espagne).
Six jours plus tard, il s'acquitte du montant du séjour et verse 2 656 euros à l'agence.
A lire en complément : Vols secs : l'Europe veut taper sur les doigts des intermédiaires !
Puis le 16 mars, face aux avertissements émis par les autorités autrichiennes et espagnoles suite de la propagation du Covid, il résilie son contrat, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, survenues à destination.
L'agence décide de ne pas rembourser son client.
Sauf que le 9 juin 2022, la même entreprise dépose et M. X demande le remboursement de cette créance au garant de l'agence, à savoir HDI Global. La caisse de réassurance refuse tout net.
La Cour doit donc se prononcer sur le droit au remboursement par les garants financiers des clients ayant annulé un voyage, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, avant la faillite d'un voyagiste.
Prenons un cas particulier.
Le 3 mars 2020, M. X a conclu avec Flamenco un contrat pour un voyage à forfait, pour un départ le 3 mai et un retour le 2 juin 2020, à Las Palmas de Grande Canarie (Espagne).
Six jours plus tard, il s'acquitte du montant du séjour et verse 2 656 euros à l'agence.
A lire en complément : Vols secs : l'Europe veut taper sur les doigts des intermédiaires !
Puis le 16 mars, face aux avertissements émis par les autorités autrichiennes et espagnoles suite de la propagation du Covid, il résilie son contrat, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, survenues à destination.
L'agence décide de ne pas rembourser son client.
Sauf que le 9 juin 2022, la même entreprise dépose et M. X demande le remboursement de cette créance au garant de l'agence, à savoir HDI Global. La caisse de réassurance refuse tout net.
La Cour doit donc se prononcer sur le droit au remboursement par les garants financiers des clients ayant annulé un voyage, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, avant la faillite d'un voyagiste.
Que dit la jurisprudence ?
"La garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait s’applique lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables en application de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive, que, après cette résiliation, cet organisateur de voyages devient insolvable et que ce voyageur n’a pas bénéficié, avant la survenance de cette insolvabilité, d’un remboursement intégral des paiements effectués auquel il a droit en vertu de cette dernière disposition."
Les garants devront couvrir les avoirs et les remboursements en attente
Durant cette période inédite, alors que les annulations tombent par millions en Europe, les entreprises font face à un risque systémique sur leur trésorerie.
Heureusement, les Etats mettent en place des règles d'exception épargnant aux distributeurs de rembourser leurs clients et leur accordent des facilités financières (PGE), pour faire face à la pandémie.
Privées d'activité, les agences de voyages sont en très grande difficulté. Souvent l'argent des clients est d'ores et déjà placé chez les compagnies aériennes, hôteliers, réceptifs...
A lire sur le sujet : Qu’est-ce que les circonstances exceptionnelles et inévitables ?
"Sauf que dans la directive actuelle on avait un gros doute sur le statut de ces avances : étaient-elles garanties par les garants financiers alors que les clients avaient annulé avant la faillite ?
C'est la question à laquelle a répondu la Cour de justice.
Dorénavant, la CJUE prescrit le remboursement par les organismes de garantie. Les vouchers devront aussi être couverts en cas d'insolvabilité," indique Benoit Chantoin.
En temps normal, cette jurisprudence ne pose pas vraiment de problèmes car les sociétés de réassurance ont des réserves en fonction du risque en cas de grosses faillites.
Sauf que si une deuxième pandémie se produisait, rien ne dit que l'APST et consorts seront en mesure d'absorber des annulations en masse.
Heureusement, les Etats mettent en place des règles d'exception épargnant aux distributeurs de rembourser leurs clients et leur accordent des facilités financières (PGE), pour faire face à la pandémie.
Privées d'activité, les agences de voyages sont en très grande difficulté. Souvent l'argent des clients est d'ores et déjà placé chez les compagnies aériennes, hôteliers, réceptifs...
A lire sur le sujet : Qu’est-ce que les circonstances exceptionnelles et inévitables ?
"Sauf que dans la directive actuelle on avait un gros doute sur le statut de ces avances : étaient-elles garanties par les garants financiers alors que les clients avaient annulé avant la faillite ?
C'est la question à laquelle a répondu la Cour de justice.
Dorénavant, la CJUE prescrit le remboursement par les organismes de garantie. Les vouchers devront aussi être couverts en cas d'insolvabilité," indique Benoit Chantoin.
En temps normal, cette jurisprudence ne pose pas vraiment de problèmes car les sociétés de réassurance ont des réserves en fonction du risque en cas de grosses faillites.
Sauf que si une deuxième pandémie se produisait, rien ne dit que l'APST et consorts seront en mesure d'absorber des annulations en masse.
"A la prochaine pandémie, tout le monde se cassera la figure"
"Bref, les fonds devront désormais garantir la vague d'annulations qui en découlerait et les d'avoirs. Une obligation qui va engendrer un risque systémique et donc la faillite des beaucoup de producteurs, si l'Etat ne remet pas la main à la poche.
Or, dans la proposition de la directive actuelle, rien n'est prévu pour gérer ce genre de crise," déplore le directeur des affaires juridiques et des consommateurs à l'ECTAA.
Alors que les discussions de la refonte du texte s'attardent sur une plus grande protection des consommateurs, elles négligent la création d'un cadre permettant à l'écosystème de résister à des ruptures systémiques.
Bien que le voucher ou l'avoir soit toléré, rien n'a été prévu pour le valoriser en cas d'arrêt total.
"Si vous avez le choix entre un voucher qui est protégé contre l'insolvabilité ou un remboursement en espèces protégé contre l'insolvabilité, que choisirez-vous ? Le cash bien sûr, et les avoirs ne serviront à rien.
En voulant trop bien faire, en cas de nouvelle pandémie, tout le monde se ramassera," anticipe le juriste du syndicat.
Une nouvelle fois l'Europe ne regarde pas plus loin que le bout de son nez. Et que vaudra une jurisprudence et des directives sans industrie pour les appliquer ? Rien du tout.
Or, dans la proposition de la directive actuelle, rien n'est prévu pour gérer ce genre de crise," déplore le directeur des affaires juridiques et des consommateurs à l'ECTAA.
Alors que les discussions de la refonte du texte s'attardent sur une plus grande protection des consommateurs, elles négligent la création d'un cadre permettant à l'écosystème de résister à des ruptures systémiques.
Bien que le voucher ou l'avoir soit toléré, rien n'a été prévu pour le valoriser en cas d'arrêt total.
"Si vous avez le choix entre un voucher qui est protégé contre l'insolvabilité ou un remboursement en espèces protégé contre l'insolvabilité, que choisirez-vous ? Le cash bien sûr, et les avoirs ne serviront à rien.
En voulant trop bien faire, en cas de nouvelle pandémie, tout le monde se ramassera," anticipe le juriste du syndicat.
Une nouvelle fois l'Europe ne regarde pas plus loin que le bout de son nez. Et que vaudra une jurisprudence et des directives sans industrie pour les appliquer ? Rien du tout.
"Très peu d'acteurs de l'assurance vont rester sur le marché"
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"En couvrant les sommes versées en cas d'insolvabilité, très peu d'acteurs de l'assurance prendront ce risque.
Il y aura moins de garants pour protéger les professionnels et ceux qui resteront voudront limiter le risque, donc auront moins d'assurés. Cela pose aussi la question des entreprises en difficultés, qui risquent de perdre leur garantie," poursuit Benoit Chantoin.
Demain, il y a fort à parier que les critères financiers seront aussi plus stricts. Les garanties à apporter aux rares assureurs encore présents seront elles aussi beaucoup plus relevées.
Dans le cas exposé, l'entreprise MS Amlin qui était dans une dynamique de retrait du marché, la décision de la CJUE laisserait 45% des TO belges sans garantie !
"Et je ne suis pas sûr que le fonds de garantie va être en mesure d'absorber tous les adhérents qui resteront sur le carreau.
Malheureusement, c'est un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne et nous ne pouvons rien faire et n'avons aucune marge de manœuvre.
Par contre, nous poussons pour la mise en place de véritables mesures alternatives en temps de crise, car le système ne pourra pas supporter une telle pression financière," conclut Benoit Chantoin.
L'Europe devrait aussi regarder le tissu entrepreneurial et pas seulement les consommateurs...
Il y aura moins de garants pour protéger les professionnels et ceux qui resteront voudront limiter le risque, donc auront moins d'assurés. Cela pose aussi la question des entreprises en difficultés, qui risquent de perdre leur garantie," poursuit Benoit Chantoin.
Demain, il y a fort à parier que les critères financiers seront aussi plus stricts. Les garanties à apporter aux rares assureurs encore présents seront elles aussi beaucoup plus relevées.
Dans le cas exposé, l'entreprise MS Amlin qui était dans une dynamique de retrait du marché, la décision de la CJUE laisserait 45% des TO belges sans garantie !
"Et je ne suis pas sûr que le fonds de garantie va être en mesure d'absorber tous les adhérents qui resteront sur le carreau.
Malheureusement, c'est un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne et nous ne pouvons rien faire et n'avons aucune marge de manœuvre.
Par contre, nous poussons pour la mise en place de véritables mesures alternatives en temps de crise, car le système ne pourra pas supporter une telle pression financière," conclut Benoit Chantoin.
L'Europe devrait aussi regarder le tissu entrepreneurial et pas seulement les consommateurs...