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FUTUROSCOPIE - Contre le surtourisme, Amsterdam allie les actes à la parole

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Une fois la pandémie passée, le tourisme de demain dont on a tant parlé, va de nouveau être confronté à ses démons. En particulier aux dangers du sur tourisme. Or, alors qu’institutions, territoires, acteurs publics et privés se mobilisent pour faire revenir massivement les touristes, il ne semble pas que ce sujet soit à l’ordre du jour. Considéré comme réglé ? Peut-être. Alors qu’il menace toujours, surtout si cet été en France, le tourisme est bleu, blanc, rouge comme le souhaitent le Secrétaire d’état et les services d’Atout France qui, en partenariat avec les régions dépensent 10 millions d’euros en campagne de promotion. Insouciante la France ? Sûre d’elle ? Toujours en quête de performances quantitatives ? Les trois. Alors que, dans le même temps, des destinations comme la Nouvelle Zélande vise à limiter leur tourisme et que quelques capitales œuvrent à des restrictions capables de rétablir la sérénité de leurs populations locales. Ainsi, Amsterdam joint les actes à la parole et pourrait servir d’exemples à toutes les collectivités désireuses d’en faire autant….


Rédigé par le Mardi 11 Mai 2021

En 2019, Amsterdam qui compte moins de 900000 habitants recevait le chiffre hallucinant de 21.7 millions de visiteurs - Depositphotos.com ixuskmitl@hotmail.com
En 2019, Amsterdam qui compte moins de 900000 habitants recevait le chiffre hallucinant de 21.7 millions de visiteurs - Depositphotos.com ixuskmitl@hotmail.com
… Quand du jour au lendemain, Amsterdam a perdu la totalité de ces touristes, l’effet a été surréaliste, rapporte un journaliste du New York Times. Mais, par la même occasion, indique le propriétaire d’un restaurant très prisé de la population locale et des touristes : « nous avons été frappés par une sorte de grâce : tout d’un coup l’ambiance est devenue sereine. Sans touristes, la ville était plus calme et plus belle que jamais ».

Un constat réaliste fait dans bien d’autres villes saturées de touristes comme Paris, Marseille, Venise évidemment, Barcelone et tant d’autres. Inutile de revenir sur ce sujet, oui la pandémie qui confine une grande partie de l’humanité dans ses appartements fait beaucoup de bien aux destinations touristiques les plus courues.


Les premières mesures datent de 2014

Pour autant, un peu partout, restaurants, bars, hôtels ne cachent pas leur plaisir à l’idée de voir revenir les touristes dans leur ville. Là encore, inutile d’insister : l’hécatombe a été terrible et ce n’est pas fini.

Mais, s’il est un point sur lequel tout le monde est d’accord c’est celui concernant la nécessité de rationaliser les flux touristiques et de ne plus recommencer comme avant ! Or, au delà des discours, la mise en œuvre de mesures strictes reste rare.

Parmi les plus intéressantes, prenons le cas d’Amsterdam qui depuis plusieurs années, réfléchit au sujet. Il en était grand temps. En 2019, la ville qui compte moins de 900000 habitants recevait le chiffre hallucinant de 21.7 millions de visiteurs.

Un record non enviable qui a fait dire au responsable de Amsterdam & partners en charge du tourisme de la ville : « quand le tourisme crée plus de dégâts qu’il n’apporte de valeur, mieux vaut changer de stratégie ». Et d’ajouter : « Nous devons tout changer sur l’offre de centre-ville afin de rétablir un équilibre entre les populations qui vivent, travaillent et se distraient dans cette zone ».

En fait, et c’est là son immense mérite, la ville aux mille canaux, a été réactive dès que les premières plaintes de la population locale contre les hordes de touristes se sont fait entendre, en 2013. Jugés bruyants et manquant de respect notamment vis à vis des prostituées qui restent l’une des attractions principales de la ville, les touristes ont commencé à avoir d’autant plus mauvaise presse que les locations de particulier à particulier se sont multipliées, ont créé les désagréments que l’on sait et fait exploser les prix de l’immobilier locatif dans le centre-ville !

Une série de mesures pour lutter contre le sur-tourisme

Ainsi, bien avant que la pandémie frappe la cité, les autorités ont mis en place des mesures importantes comme l’interdiction des tours guidés dans le quartier rouge. Ils ont aussi décidé de limiter puis interdire les ouvertures de nouveaux hôtels dans le centre et celles de nouveaux commerces destinés aux touristes. Ils ont également augmenté la taxe de séjour dès 2019, de façon conséquente : 7% de supplément auquel s’ajoutent 3 euros par personne !

Mieux, dès 2017, la cité néerlandaise a banni les Nutella shops, ces boutiques vendant ice-creams et gaufres essentiellement aux touristes, ainsi que les boutiques de locations de bicyclettes et autres commerces de souvenirs.

Encore mieux : dès 2014, Amsterdam a mis un stop à sa promotion sur de nouveaux marchés internationaux. Et l’a remplacée par un marketing plus puissant à l’intention des touristes une fois sur place, afin de les guider à travers la ville et surtout les orienter vers des destinations inhabituelles présentant une autre facette du tourisme amsterdamois.

En 2018, elle a même lancé une campagne Enjoy and Respect destinée à dissuader les jeunes qui constituent son cœur de cible, néerlandais et britanniques, de jeter leurs ordures et d’uriner dans la rue sous la menace d’amandes. Un modèle du genre qui a produit en partie ses effets. Par la même occasion, elle a interdit les « Beer Bikes », ces horribles bars à bière sur roues !

Enfin, l’an dernier, on se souvient que la municipalité a imposé une interdiction totale des locations de courte durée dans les trois quartiers les plus fréquentés.

Ailleurs, on aura le droit de louer que pour une durée maximum de 30 jours par an et seulement pour des groupes de moins de 4 personnes. Certes, le bannissement des plateformes comme Airbnb a fait l’objet d’un recours, mais la municipalité n’est pas décidée à lâcher l’affaire et travaille à l’élaboration d’une loi entrant dans le cadre juridique officiel de la ville. Amsterdam a aussi rejoint les 22 villes européennes ayant engagé le combat contre les plateformes participatives.

Sex et cannabis plus que Rembrandt

Et, ce n’est pas tout. Depuis la pandémie, sous la houlette du maire : Femke Halsema, c’est sur le Quartier rouge que se concentrent les efforts de la municipalité. Pris d’assaut par des essaims de touristes de tous âges errant de bar en bar, de sex shops en coffee shops, il faut dire que le quartier mérite une intervention urgente afin de redonner un minimum de dignité aux prostituées et afin de rétablir un minimum de calme pour les quelques amsterdamois vivant dans cette zone. Laquelle est aussi en passe de devenir une zone de trafic et petite criminalité.

Quatre scénarios ont donc été proposés, parmi lesquels la relocalisation du quartier rouge dans une autre partie de la ville dans des hôtels dédiés à la prostitution, a le plus de chance d’aboutir au terme des discussions qui auront encore lieu jusqu’à l’été.

Les politiques prennent des risques mais Il n’y a pas de solution miracle !

En effet, la partie n’est pas gagnée. Les risques de procédures sont réels et nombreux. Notamment de la part des travailleuses du sexe elles-mêmes qui n’ont pas forcément envie de déménager et se sont d’ores et déjà organisées pour se défendre. D’autant qu’elles ne se considèrent pas fautives.

Selon elles, c’est la municipalité qui est responsable de cette situation et devrait donc mettre en place une police capable de réprimer les débordements, les soulographies, et autres actes de délinquance.

Autre piste, l’interdiction d’acheter du cannabis dans les « coffee shops ». Mais, celle-ci pose aussi problème. En effet, les 167 Coffee shops de la ville estiment qu’ils sont ouverts à une clientèle en quête de relaxation et de socialisation pour qui Amsterdam était un symbole de permissivité et d’avant-gardisme.

De plus, la Dutch Cannabis Retailers Association invoque les risques de voir le commerce du cannabis se développer dans la rue, ce qui nuira gravement à la sécurité d’Amsterdam. Mais comme l’explique le Maire, « nous devons avancer et traiter le problème avant qu’il ne soit trop tard… Il avance donc.

« Reinvent tourism » contre la mono culture touristique

Et, il avance d’autant plus que des habitants de la ville poussés hors du centre, se plaignent de cette “mono culture” touristique qui les prive de leurs commerces traditionnels en faveur de commerces de fast-food et autres souvenirs de piètre qualité dénaturant la ville et la vidant de ses habitants. Un constat mis en évidence par la pandémie durant laquelle certains quartiers touristiques se sont révélés déserts.

Un autre sujet connu et particulièrement préjudiciable à l’attractivité de la ville qui, pour le combattre a aussi reçu l’appui de sa population. Laquelle a fait preuve d’imagination.

Ainsi, le mouvement Reinvent tourism créé à l’initiative d’une poignée d’habitants a publié un guide intitulé le « Untourist Guide to Amsterdam » et propose un festival en juin prochain. Ce mouvement a aussi lancé le projet « marry an Amsterdammer for a day » qui, pour 100 euros, permet de se marier avec un habitant de la ville et de réaliser une visite touristique insolite avec lui ou elle. En tout bien tout honneur.

… On le voit, Amsterdam et ses élus ne se contentent donc pas de paroles. Ils agissent quitte à subir de multiples procédures. Ce qui n’est pas le cas de toutes les villes déplorant des situations similaires, sur lesquelles nous reviendrons…


Parmi les sources de l'article : enquête du New York Times

Josette Sicsic. FUTUROSCOPIE

Directrice de Futuroscopie (anciennement Touriscopie) que vous retrouvez régulièrement sur le portail de TourMaG.com.
Journaliste consultante, conférencière. Spécialiste des comportements touristiques et de la prospective tourisme.

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