Michel-Yves Labbé : "un humaniste, un géant du tourisme !"

Il fait partie de la caste rare de ceux qui ont façonné l'industrie touristique.

Passé par de nombreuses maisons, Michel-Yves Labbé a apposé sa patte sur le tour-operating que nous connaissons maintenant. Jeudi dernier, il est parti, laissant derrière lui un secteur ému aux larmes.

Lui, "l'amoureux du produit" et des destinations, curieux insatiable, avait peu apprécié que la technologie devienne la priorité absolue.

Mais MYL, comme aimaient à le surnommer ses amis, n'était pas qu'un grand professionnel, il avait aussi la stature d'"un géant du tourisme".

Humaniste, érudit et même mentor pour un Patrice Caradec qui a débarqué dans l'industrie et à Paris au début des années 90.

Découvrez les témoignages d'une partie de la bande à Michel-Yves Labbé.

Il était celui qu'il considérait comme son plus proche ami, avec qui il a traversé trois décennies ponctuées de grands moments de joie et de nombreux voyages, Patrice Caradec, nous parle de son Michel-Yves Labbé.

"Nous sommes amis depuis plus de 35 ans.

Je suis arrivé un jour à Top Resa à Deauville pour rejoindre une nouvelle équipe, celle de Chorus Tours. Michel-Yves Labbé faisait alors partie de la direction de ce tour-opérateur généraliste.

J'étais en charge des ventes, il était responsable de la production.

Nous avions en commun la sensibilité produit, le goût des belles choses, des promesses tenues. Nous avons tout de suite noué une grande complicité, ce qui était plutôt rare à l'époque, entre les responsables commerciaux et ceux de la production.

Quand nous vendions mal, les commerciaux étaient mauvais et quand nous vendions bien, les produits étaient bons. Cette guéguerre, nous l'avons toujours évitée.

Il m'a beaucoup fait grandir aussi bien au niveau personnel que professionnellement. Je débarquais dans la profession et à Paris et il avait alors 12 ans de plus que moi.

Il connaissait Paris comme sa poche, ainsi que de nombreuses villes de par le monde.

Il m'a donné le goût du spectacle, du théâtre, de l'opéra. La première fois que je suis allé à l'opéra Garnier ou Bastille, c'était avec lui. Nous sommes souvent allés au théâtre ensemble, comme deux célibataires parisiens.

Il m'avait appris aussi bien dans le tourisme qu'en cuisine à acheter les bons produits, pour faire de belles choses. Nous avions le goût du bon et du beau.

Il était présent à mon mariage et moi au sien. Nous avons fait tellement de beaux voyages ensemble et nous adorions nous rendre à Venise pour la biennale, avec différents couples du tourisme.

Michel-Yves organisait tout. Il avait toujours le don pour trouver le bon concert, le bon évènement ou même la bonne adresse.

Il nous sortait de notre zone de confort et de ce que nous connaissions.

Je parle pour notre petite bande, avec Jean-Pierre Nadir, Olivier Kervella, Michel Salaün et Jean-François Rial : c'était notre maître à tous. C'était un mentor aussi bien au niveau professionnel que personnel.

Nous avons fait des destinations improbables, comme la Transnistrie, ou encore la ville de Prypiat à côté de Tchernobyl. Nous aimions bien ces voyages de mémoire.

Tout un pan de ma vie vient de s'éteindre... J'ai partagé ce décès avec ma famille qui connaissait Michel-Yves par cœur. Il était de toutes les fêtes familiales, de nos soirées.

Il nous en a écrit de beaux discours lors de ces moments, à tel point que plus personne n'osait prendre la parole...

Michel-Yves Labbé était un visionnaire.

A une époque où les TO n'étaient que BtoB, il s'est lancé dans le BtoC. Pour lui, l'intermédiation coûtait trop cher. A la fin de Chorus, il s'est lancé avec Directours directement en BtoC via le minitel.

Il a révolutionné le métier et a même parlé d'Internet bien avant que je sache ce que c'était.

Il se désolait que la sensibilité produit chez les tour-opérateurs, comme celle d'un chef de cuisine qui sait faire une belle assiette avec des ingrédients d'excellence, soit moindre au détriment de la technologie.

Pour lui le métier avait trop changé, s'était paupérisé, et le produit n'était plus la priorité du tour-operating. Michel-Yves n'a jamais accepté ce changement.

Dernièrement, il se chargeait de revoir toute la production Asie de Salaün Holidays, du fait de sa sensibilité au produit, à la qualité. C'est un artisan devenu artiste, mais c'est un ami que j'ai perdu...

Il aura eu une vie exceptionnelle, pas assez longue, mais riche. Michel-Yves n'était pas seulement un humaniste, un érudit mais aussi un géant du tourisme, il est bien que la profession l'honore," témoigne entre rires et larmes, Patrice Caradec.

"Michel-Yves était tout d’abord un homme très érudit. Passer un moment avec lui et vous appreniez toujours quelque chose, nous a raconté à son tour, Jean-François Rial.

Récemment, il s’était passionné pour toutes les évolutions technologiques qui permettraient d’accélérer la transition écologique sans décroissance.

Bien sûr, Michel-Yves était un puits de science du voyage. Il connaissait tous les hôtels, et je pense que dans la profession, il est celui qui avait le plus voyagé avec les plus grandes connaissances.

Il était mon ami et j’ai un souvenir ému de tous mes voyages avec lui, particulièrement en Allemagne qu’il m’a si bien fait découvrir.

On l’aimait tant".

"Rares sont les personnes cultivées et brillantes qui cherchent inlassablement à transmettre aux plus jeunes leur passion pour le métier, nous a partagé Olivier Kervella.

Michel-Yves était l’une d’entre elles. C’est sans doute pour ça qu’il a marqué tant de générations dans notre industrie et qu’il faisait figure de mentor pour beaucoup d’entre nous.

La profession vient de perdre l'un de ses derniers piliers, un visionnaire, et sans doute sa plus belle plume. Mais elle vient aussi de perdre un homme extrêmement attachant et d’une curiosité sans limites.

Tu nous as tellement appris, tellement éclairé, tellement fait rire aussi… tu vas énormément nous manquer".

Michel Salaün, de son côté, nous confie : "Il aimait la Grèce, le Japon et les Etats-Unis qu’il connaissait jusqu’au bout des doigts. Il aimait le monde, les hôtels, la découverte.

Lorsque l’on fait partie du monde du tourisme, on y rencontre beaucoup de gens passionnés et passionnants, curieux, érudits, ouverts sur le monde. Michel-Yves était l’un d’entre eux, la bienveillance et la malice en plus !

Infatigable voyageur, entrepreneur inspiré et inspirant, humaniste joyeux : ma rencontre avec Michel-Yves restera pour moi l’une des plus belles et je suis heureux d’avoir eu la chance de partager des moments privilégiés avec lui.

Michel-Yves laisse déjà un grand vide dans la maison Salaün où il était très apprécié par l’ensemble de nos équipes.

Je pense à notre sympathique directeur de production, Luc Le Saos, avec qui il avait noué des liens amicaux et à mon fils Hugo avec qui il a aussi beaucoup collaboré. Tu nous manques déjà Michel-Yves.".

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