Etihad a pris de nombreuses participations dans plusieurs compagnies. Pour transformer cet ensemble en une machine à profits il faudrait un concours de circonstances très étonnant. - Photo Facebook Etihad DR
C’est en 2011 que la compagnie d’Abu Dhabi s’est lancée dans la prise de participations d’autres transporteurs.
Sans vouloir être grand devin, on peut facilement imaginer que cette stratégie consistait à créer un groupe dont la valeur capitalistique serait au moins équivalente à celle de son principal concurrent Emirates, basé lui à Dubaï.
Or, Dubaï n’est pas la capitale des Emirats Arabes Unis, c’est à Abu Dhabi que revient cet honneur. C’était donc une affaire de prestige.
L’analyse n’était pas si mauvaise. Etihad s’est lancée dans le transport aérien 18 ans après Emirates. Et pendant ce temps, cette dernière a acquis une importance telle qu’il n’était pas pensable de la rattraper.
Actuellement, l’écart en chiffre d’affaires reste considérable : 23,2 milliards de dollars pour la compagnie dubaïote contre 9 milliards pour Etihad. Et l’écart va continuer à se creuser.
Puisqu’il était impossible de rattraper son concurrent principal, il convenait de créer un groupe de taille équivalente. Il a fallu pour cela l’accord et le support considérable de l’Emirat d’Abu Dhabi, qui a ouvert en grand les vannes du crédit.
Sans vouloir être grand devin, on peut facilement imaginer que cette stratégie consistait à créer un groupe dont la valeur capitalistique serait au moins équivalente à celle de son principal concurrent Emirates, basé lui à Dubaï.
Or, Dubaï n’est pas la capitale des Emirats Arabes Unis, c’est à Abu Dhabi que revient cet honneur. C’était donc une affaire de prestige.
L’analyse n’était pas si mauvaise. Etihad s’est lancée dans le transport aérien 18 ans après Emirates. Et pendant ce temps, cette dernière a acquis une importance telle qu’il n’était pas pensable de la rattraper.
Actuellement, l’écart en chiffre d’affaires reste considérable : 23,2 milliards de dollars pour la compagnie dubaïote contre 9 milliards pour Etihad. Et l’écart va continuer à se creuser.
Puisqu’il était impossible de rattraper son concurrent principal, il convenait de créer un groupe de taille équivalente. Il a fallu pour cela l’accord et le support considérable de l’Emirat d’Abu Dhabi, qui a ouvert en grand les vannes du crédit.
Les prises de participation se sont multipliées
Il fallait donc croître à marche forcée et pour cela racheter les compagnies qui se trouvaient sur le marché.
Sauf que ces dernières étaient forcément en santé fragile.
On ne se vend pas lorsque tout va bien. D’un autre côté, les accords bilatéraux entre la plupart des états n’autorisent pas la prise de participation majoritaire.
Il faut bien entretenir la fiction du contrôle des transporteurs aériens par des capitaux nationaux.
C’est ainsi qu’Etihad a été amenée à entrer au capital des transporteurs ciblés en tant que minoritaire. Sauf que personne n’est dupe.
Les compagnies en question attendaient un apport d’argent frais qui leur permettrait de remonter leurs comptes largement déficitaires.
Alors les achats se sont multipliés rapidement.
D’abord Air Berlin : 29,9% du capital, puis Virgin Australia : 22%, Air Seychelles : 40%, Darwin rebaptisée Etihad Regional : 33,3%, Jet Airways : 24%, Air Serbia : 49% et pour finir, le grand coup avec les 49% d’Alitalia.
Au total l’ensemble du groupe représente un poids considérable : 720 avions (c’est moins de 250 pour Emirates), 26,9 milliards de dollars (plus qu’Emirates), 119 millions de passagers contre 52 millions à Emirates.
En apparence, Etihad a gagné son pari...
Sauf que ces dernières étaient forcément en santé fragile.
On ne se vend pas lorsque tout va bien. D’un autre côté, les accords bilatéraux entre la plupart des états n’autorisent pas la prise de participation majoritaire.
Il faut bien entretenir la fiction du contrôle des transporteurs aériens par des capitaux nationaux.
C’est ainsi qu’Etihad a été amenée à entrer au capital des transporteurs ciblés en tant que minoritaire. Sauf que personne n’est dupe.
Les compagnies en question attendaient un apport d’argent frais qui leur permettrait de remonter leurs comptes largement déficitaires.
Alors les achats se sont multipliés rapidement.
D’abord Air Berlin : 29,9% du capital, puis Virgin Australia : 22%, Air Seychelles : 40%, Darwin rebaptisée Etihad Regional : 33,3%, Jet Airways : 24%, Air Serbia : 49% et pour finir, le grand coup avec les 49% d’Alitalia.
Au total l’ensemble du groupe représente un poids considérable : 720 avions (c’est moins de 250 pour Emirates), 26,9 milliards de dollars (plus qu’Emirates), 119 millions de passagers contre 52 millions à Emirates.
En apparence, Etihad a gagné son pari...
Un ensemble disparate et des compagnies en piteux état
Mais cet ensemble est particulièrement fragile à plusieurs points de vue.
Il est d’abord très disparate, composé de transporteurs de taille différente : Etihad Regional transporte 200 000 passagers, Air Seychelles 520 000, contre les 30 millions d’Air Berlin ou les 23 millions de Jet Airways. Il est ensuite géographiquement dispersé : 4 compagnies en Europe, 1 en Inde, 1 en Afrique et 1 en Australie.
Chaque compagnie a d’ailleurs sa culture propre, une stratégie historique qu’il est difficile de bouger, une composition de flotte qui ne tient pas compte des autres partenaires de l’ensemble et des systèmes de distribution différents.
Et puis, enfin et surtout, les transporteurs sur lesquels Etihad a mis sa patte sont en piteux état économique.
Si l'on en croit les publications des compagnies, hormis Air Seychelles qui a gagné 3,2 millions de dollars, Jet Aiways avec 174 M$ et Air Serbia, bien redressée, qui affiche un résultat positif de 3,9 millions de dollars, toutes les autres compagnies affichent des déficits : 446 millions pour Air Berlin, 35 millions seulement pourrait-on dire pour Virgin Australia et certainement plus de 400 millions pour Alitalia.
Au total le résultat cumulé des filiales est une perte de 1,185 milliard de dollars.
Difficile à supporter même si la maison mère affiche un bénéfice de 73 millions de dollars.
Il est d’abord très disparate, composé de transporteurs de taille différente : Etihad Regional transporte 200 000 passagers, Air Seychelles 520 000, contre les 30 millions d’Air Berlin ou les 23 millions de Jet Airways. Il est ensuite géographiquement dispersé : 4 compagnies en Europe, 1 en Inde, 1 en Afrique et 1 en Australie.
Chaque compagnie a d’ailleurs sa culture propre, une stratégie historique qu’il est difficile de bouger, une composition de flotte qui ne tient pas compte des autres partenaires de l’ensemble et des systèmes de distribution différents.
Et puis, enfin et surtout, les transporteurs sur lesquels Etihad a mis sa patte sont en piteux état économique.
Si l'on en croit les publications des compagnies, hormis Air Seychelles qui a gagné 3,2 millions de dollars, Jet Aiways avec 174 M$ et Air Serbia, bien redressée, qui affiche un résultat positif de 3,9 millions de dollars, toutes les autres compagnies affichent des déficits : 446 millions pour Air Berlin, 35 millions seulement pourrait-on dire pour Virgin Australia et certainement plus de 400 millions pour Alitalia.
Au total le résultat cumulé des filiales est une perte de 1,185 milliard de dollars.
Difficile à supporter même si la maison mère affiche un bénéfice de 73 millions de dollars.
Le défi parait insurmontable
Le défi est presque insurmontable. Pour transformer cet ensemble en une machine à profits il faudrait un concours de circonstances très étonnant.
D’abord et quoiqu’on en dise, une minorité au capital ne confère pas tous les pouvoirs. Or il faudrait les avoir pour orienter les exploitations dans un ensemble rationnel, en sachant, en plus, que les contraintes sociales sont très puissantes au moins en Europe.
Cette rationalisation, si elle peut voir le jour, demandera un abandon des cultures de chaque compagnie pour acquérir celle du groupe, et ce n’est pas gagné.
Tout cela nécessite du temps et des investissements considérables car les compagnies rachetées, même partiellement, attendent de leur bailleur de fonds qu’il compense les pertes qu’ils continuent à accumuler.
Et pendant ce temps, le cours du pétrole ne remonte que très doucement et les moyens de l’Emirat d’Abu Dhabi, qui en tire l’essentiel de ses ressources, s’amenuisent. Par conséquent il lui sera de plus en plus difficile de maintenir son énorme support financier au transporteur national.
Celui-ci a même dû annoncer, pour la première fois, un licenciement qui porte tout de même sur plusieurs milliers de salariés.
Pour tout dire, je ne voudrais pas être à la place des dirigeants du groupe Etihad.
D’abord et quoiqu’on en dise, une minorité au capital ne confère pas tous les pouvoirs. Or il faudrait les avoir pour orienter les exploitations dans un ensemble rationnel, en sachant, en plus, que les contraintes sociales sont très puissantes au moins en Europe.
Cette rationalisation, si elle peut voir le jour, demandera un abandon des cultures de chaque compagnie pour acquérir celle du groupe, et ce n’est pas gagné.
Tout cela nécessite du temps et des investissements considérables car les compagnies rachetées, même partiellement, attendent de leur bailleur de fonds qu’il compense les pertes qu’ils continuent à accumuler.
Et pendant ce temps, le cours du pétrole ne remonte que très doucement et les moyens de l’Emirat d’Abu Dhabi, qui en tire l’essentiel de ses ressources, s’amenuisent. Par conséquent il lui sera de plus en plus difficile de maintenir son énorme support financier au transporteur national.
Celui-ci a même dû annoncer, pour la première fois, un licenciement qui porte tout de même sur plusieurs milliers de salariés.
Pour tout dire, je ne voudrais pas être à la place des dirigeants du groupe Etihad.
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux, président du APG World Connect est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.
Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.
Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.
Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.
Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.