La chaîne des Puys, inscrite en 2018 au patrimoine mondial de l’Unesco, est un bel exemple de ce qu’un groupe de volcans peut amener de bon à un territoire, lui apportant une notoriété mondiale.
Quand les acteurs locaux s’emparent des volcans
Un volcan éteint favorise donc le tourisme, mais pas que… Certains font en effet du vin avec leur volcan, même si cette idée pourrait, à première vue, paraître saugrenue. À l’inverse du plat paysage bordelais par exemple, les reliefs escarpés rendent difficile le travail de la vigne, et la mécanisation du travail n’est pas toujours possible, ce qui augmente de facto les coûts de production.
Mais à y regarder de plus près, les avantages seraient finalement plus nombreux que les inconvénients.
Premièrement, la nature des sols est atypique (sablo-siliceux, argilo-calcaires ou basaltiques), et transmet ainsi aux vins des propriétés spécifiques. Deuxième point, les vignobles volcaniques sont peu nombreux : on en dénombre seulement sept dans le monde.
Ce qui fait de la vigne sur un volcan éteint une ressource valable, rare, inimitable et non substituable : ce que les stratèges appellent communément un avantage concurrentiel.
Stratégie de coopétition et avantage concurrentiel
Le vignoble côtes d’Auvergne reste fort petit (moins de 0,2 % de la surface viticole française), à tel point qu’il ne figure pas sur la carte des vins de France de la célèbre revue Hachette vins. Et c’est bien lui pourtant, le seul en France à être situé sur un volcan.
Autrefois vin de rois, et troisième plus grand vignoble au début du XIXe siècle avec 45 000 hectares de vigne, le phylloxera et deux guerres mondiales auront raison de lui, et laisseront un vignoble exsangue, sur quelques centaines d’hectares.
En 2011, le phœnix rejaillit pourtant de ses cendres (volcaniques, donc), et obtient une AOC. Les vignerons et la cave coopérative vont collaborer au sein de cette nouvelle AOC pour tenter de redorer un blason plus que terni.
Ils mènent cette tâche avec succès, comme en témoignent à la fois leur notoriété grandissante dans la presse et la présence de plus en plus importante de leurs vins dans les cafés, hôtels et restaurants auvergnats et français ainsi qu’une reconnaissance croissante à l’international.
Une stratégie gagnante dans un secteur plombé ?
Pari réussi, le volcanisme ? La réponse est oui. La production s’est envolée, atteignant en 2018 un record de 12 906 hectolitres (ce qui reste, donc, un petit vignoble), mais ce volume représente 20 % de plus que la moyenne des années 2011 à 2017. Dorénavant, les côtes d’Auvergne peut tenir le devant de la scène.
Le 30 janvier 2020, se déroulait le premier salon international des vins volcaniques, Vinora. En collaborant avec les autres vignobles volcaniques (des concurrents !), les porteurs du projet Vinora ont réussi à faire ouvrir le parc européen du volcanisme Vulcania en hiver pour la première fois en 20 ans, et à y faire venir des représentants des 7 vignobles volcaniques mondiaux, ainsi que le spécialiste canadien John Szabo pour une conférence.
Un beau coup de projecteur et une bonne visibilité dans un secteur viticole français qui, on peut le dire, ne voit pas l’avenir en rose.
Que ce soit le changement climatique, le coronavirus qui paralyse l’activité, ou encore la hausse des droits de douane imposée par les États-Unis pour le vin français, l’avenir est déjà semé d’embûches.
Est-ce que le volcanisme va aider le vignoble côtes d’Auvergne à sécuriser son avenir ? Peut-être. L’effet est déjà présent dans la capitale auvergnate, elle qui jadis boudait son vin, où l’on voit à présent fleurir le mot volcanisme sur les vitrines des cavistes du centre-ville. Si l’effet marketing est visiblement apprécié, attention toutefois à ne pas brouiller le message.
En effet, parallèlement au salon Vinora, s’est créée l’association Loire Volcanique, qui regroupe une trentaine de vignerons indépendants du Forez, du roannais, de Saint-Pourçain et du Côtes-d’Auvergne. Nous touchons ici à l’un des écueils de la coopétition : les tensions. Collaborer avec son concurrent, ce n’est pas toujours facile. Si pour certains c’est une évidence, pour d’autres, c’est plus difficile.
La récente démission du président de l’AOC Côtes-d’Auvergne fait peut-être écho à ce propos.
En lançant simultanément deux projets volcaniques différents dans un même vignoble, le message ne va-t-il pas perdre en clarté, et finalement limiter la portée de l’avantage concurrentiel qu’est le volcanisme ? Est-ce que trop de volcan ne va pas tuer le volcan ?
Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, Groupe ESC Clermont et Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, Groupe ESC Clermont
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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