Il suffit de parcourir la presse marocaine pour se rendre compte que des pans entiers de l’économie du royaume Chérifien ont connu ces cinq dernières années une modification profonde de leur structure. Partout, un seul mot d’ordre: Vision 2010.
Après cinq années de renouveau et de construction, il est bon de faire la synthèse du travail accompli. Dans un prochain article nous approfondiront ce qui s’est dit et ce qui a été décidé lors des Assises du Tourisme qui viennent de se dérouler à Ouarzazate.
Un monarque visionnaire
Lorsque Mohamed VI succède à son père, le Maroc connaît une double crise économique propre. D’un côté, le phosphate, principale ressource minière du pays, doit faire face à une telle chute des cours que son exploitation n’est même rentable; de l’autre, les années de sécheresse se succédant aux années de sécheresse, l’agriculture bat de l’aile.
Conséquence directe, il faut, dans les plus brefs délais, réorienter l’économie du pays. Après une analyse, il apparaît que le tourisme peut répondre en grande partie à ce défi économique, social et politique. La raison? Le roi avait très bien compris que s’il existe une branche économique transversale, c’est bien le tourisme.
Au début du millénaire, dans un discours retentissant prononcé à Marrakech, Mohamed VI annonce la couleur et donne un objectif: pour 2010, le Maroc doit accueillir 10 millions de touristes. Au lendemain de cette déclaration, nombreux sont les fortes têtes qui pensent qu’il s’agit là d’une annonce de pure propagande.
Et de décliner tous les problèmes, tous les verrous qui rendraient impossible la réalisation d’un tel objectif. Dans le désordre: une offre limitée à trois produits populaires: les villes impériales, Marrakech et Agadir, une infrastructure insuffisante ou dépassée, un manque de lits hôteliers, une politique aérienne totalement protectionniste, une législation foncière mal adaptée, un système financier frileux, qu’il s’agit d’un projet à long terme et que pour des raisons politiques, les états ne sont plus capables de travailler dans un horizon dépassant les cinq ans, etc… En somme, très peu de monde y croyait.
Et le roi de mettre tout son poids dans la balance…
Nous avons dès le début suivi l’évolution du dossier. Et d’année en année, nous avons pu constater que Vision 2010 prenait forme, que les handicaps tombaient les uns après les autres, que les verrous sautaient, …
Le tourisme balnéaire marocain se limitait avec une seule station démocratique, Agadir, et qui plus est vieillotte? Qu'à cela ne tienne, il est décidé de créer de toutes pièces cinq nouvelles stations. Ces véritables nouvelles villes étant Saïda, su la Méditerranée, Lixus (Larache), Mogador (Essaouira), Mazagan (El Jadida), Taghazout (au Nord d’Agadir) et Plage Blanche plus dans le Sud.
Pour réaliser ces stations, il fallait résoudre le problème de la législation foncière. Qu’à cela ne tienne, la loi a été modifiée. Il fallait trouver des groupes investisseurs qui se chargeraient de l’aménagement et de la promotion des sites? Les groupes Fadesa (Espagne), Thomas et Piron (Belgique), Kerzner (Sud Afrique), Risma (branche marocaine du groupe Accor), Foncière Colbert Orco, … ont relevé le défi. Il fallait revoir le réseau routier, c’est en cours…Et en 2007, les premiers hôtels de ces nouvelles cités ouvriront leurs portes…
L’aérien bloqué par le protectionnisme ?
En moins de deux ans, le ciel marocain est devenu véritablement Open Sky et des accords ont été passés avec l’Union Européenne. L’objectif étant à parvenir en 2010 à avoir un partage du marché des lignes régulières de 50/50 en termes de transport de passagers: 50 % étant le fait de compagnies marocaines, le solde de compagnies étrangères. Parmi les goulets d’étranglement la Royal Air Maroc. Cette compagnie étant difficilement capable d’absorber la totalité des passagers futurs pour différentes raisons.
Il a donc été décidé de transformer la compagnie nationale et de l’adapter aux nouvelles conditions de transport aérien. La RAM, tout en restant une compagnie régulière classique, a filialisé son activité charter en créant Atlas Blue. Mieux même, cette dernière a été conçue comme une véritable low cost opérant de manière totalement indépendante. Pour la petite histoire, il s’agit même de la première compagnie low cost/low fare de l’Afrique.
Quant aux compagnies étrangères, elles se bousculent au portillon: Corsair, Air Horizon, TUI Airline Belgium, SNBA, Hapag Lloyd, LTU Airlines, Air Europa, First Choice Airways, … opérèrent ou augmentent leurs fréquences ou se lancent sur le marché avec des vols réguliers ou charter cadencés…
Fisc et finances
Comme dans tous les pays du monde, le fisc est sans doute l’un des outils les plus efficaces pour décourager les investisseurs. Le royaume a donc décidé de repenser sa politique fiscale. Un nouveau code des investissements, plus que favorable, avec une exonération fiscale, pendant les 5 premières années et un abattement de 50 % les années suivantes, a été mis en place. En plus il est prévu par la nouvelle réglementation l’exonération de l’impôt sur le CA réalisé à l’étranger sont des incitants dynamiques.
Quant aux fonds d’investissements et aux crédits bancaires, le gouvernement a pesé de tout son poids pour que les banques acceptent de jouer le jeu. Un produit financier à donc vu le jour: le crédit Azur.
Ce crédit garantissant un taux fixe sur une durée de +/-- 15 ans, des bases de références extérieures au secteur. Normes établies et contrôlées par le gouvernement, etc… Trois des plus importantes banques marocaines ont accepté de jouer le jeu: Waffa, BMC et Crédit Populaire. Chacune débloquant des enveloppes dépassant au total plusieurs milliards de dirhams.
La promotion
Créer des produits, mettre en place tous les outils, mobiliser tous les acteurs publics et privés et parvenir à les faire collaborer dans le même objectif, ne suffit pas. Il faut encore redynamiser la promotion de la destination.
Force est de constater que la mobilisation générale commence dès à présent à porter ses fruits. En 2004, le Maroc a accueilli plus de 5 millions de touristes! Soit une augmentation de 758.000 touristes par rapport à l’année précédente. L’Europe de l’Ouest envoyant 451.000 nouveaux visiteurs. En termes de pays émetteurs on retrouve la France (+ 29 %), l’Espagne (+ 37 %), la Grande-Bretagne (+ 26 %), la Belgique (+ 35 %), l’Allemagne (+15 %), l’Italie (+ 13 %), les Pays-Bas (+ 13 %), …
Mais ce mouvement naturel ne suffit pas. Il a donc été décidé de modifier les plans d’actions et de renforcer les budgets mis en place pour la promotion du pays. Pour se faire, tout en gardant la même dotation de l’état, il a été décidé de revoir et de relever la taxation perçue sur les nuitées. Dès que les outils seront mis en place, le budget de l’Office marocain de promotion du tourisme doublera littéralement.
Mais cet argent ne sera pas dispersé au même niveau. En dehors de la France, quatre pays émetteurs considérés comme prioritaires recevront une part particulièrement importante de la manne: l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne.
Et il y a d’autres initiatives
Il serait impossible d’énumérer toutes les modifications, toutes les transformations générées par le plan Azur,… Ce qu’il faut savoir, c’est que pour toutes les personnes rencontrées lors de Assises du tourisme qui viennent de se tenir à Ouarzazate pas une ne doutent de la volonté du pays d’arriver à ses fins.
Ce qui a plus particulièrement frappé les investisseurs et les opérateurs étrangers, ce sont les aspects volontaristes et méthodiques avec lesquels les Marocains travaillent et affrontent la réalité. Mieux même, ce sens d’un travail pour les générations futures a même étonné plus d’un. Comme l’a expliqué le ministre du Tourisme Adil Douiri «Aux élus locaux qui sont élus à termes réguliers et qui aspirent à des retombées immédiates, je dis que nous travaillons pour le futur. Et qu’il est indispensable d’avoir avant tout des fondations solides et adaptées ».
Quant à Jalil Benabbes-Taarji, président de la Fédération Nationale du Tourisme: « Le système de gouvernance propre au Maroc a comme avantage de pouvoir travailler à long terme ».
De fait, la volonté permanente de Mohamed VI de faire avancer les choses, de soutenir les efforts de ses ministres, de ranimer les enthousiasmes a également marqué plus d’un participant non marocain aux Assises. Comme nous l’a expliqué un entrepreneur: « Si en Europe, nous disposions de cette même énergie, de cette même volonté, de cette même fois en l’avenir de la part de nos pouvoirs publics, de cette collaboration entière et confiante entre les partenaires économiques et sociaux, il y aurait moins de chômage ».
Plus précisément, en parlant des ministres marocains du Tourisme Adil Douiri et du Transport Karim Gellab, le représentant d‘un important TO a eu ce mot: « Ah.si nous avions des ministres de cette envergure qui comprennent que le tourisme est vraiment une industrie transversale… Mais il ne faut pas rêver avec le personnel politique que nous connaissons en France ou en Belgique…»
Raymonde DE BOLLE en collaboration avec Michel GHESQUIERE
Après cinq années de renouveau et de construction, il est bon de faire la synthèse du travail accompli. Dans un prochain article nous approfondiront ce qui s’est dit et ce qui a été décidé lors des Assises du Tourisme qui viennent de se dérouler à Ouarzazate.
Un monarque visionnaire
Lorsque Mohamed VI succède à son père, le Maroc connaît une double crise économique propre. D’un côté, le phosphate, principale ressource minière du pays, doit faire face à une telle chute des cours que son exploitation n’est même rentable; de l’autre, les années de sécheresse se succédant aux années de sécheresse, l’agriculture bat de l’aile.
Conséquence directe, il faut, dans les plus brefs délais, réorienter l’économie du pays. Après une analyse, il apparaît que le tourisme peut répondre en grande partie à ce défi économique, social et politique. La raison? Le roi avait très bien compris que s’il existe une branche économique transversale, c’est bien le tourisme.
Au début du millénaire, dans un discours retentissant prononcé à Marrakech, Mohamed VI annonce la couleur et donne un objectif: pour 2010, le Maroc doit accueillir 10 millions de touristes. Au lendemain de cette déclaration, nombreux sont les fortes têtes qui pensent qu’il s’agit là d’une annonce de pure propagande.
Et de décliner tous les problèmes, tous les verrous qui rendraient impossible la réalisation d’un tel objectif. Dans le désordre: une offre limitée à trois produits populaires: les villes impériales, Marrakech et Agadir, une infrastructure insuffisante ou dépassée, un manque de lits hôteliers, une politique aérienne totalement protectionniste, une législation foncière mal adaptée, un système financier frileux, qu’il s’agit d’un projet à long terme et que pour des raisons politiques, les états ne sont plus capables de travailler dans un horizon dépassant les cinq ans, etc… En somme, très peu de monde y croyait.
Et le roi de mettre tout son poids dans la balance…
Nous avons dès le début suivi l’évolution du dossier. Et d’année en année, nous avons pu constater que Vision 2010 prenait forme, que les handicaps tombaient les uns après les autres, que les verrous sautaient, …
Le tourisme balnéaire marocain se limitait avec une seule station démocratique, Agadir, et qui plus est vieillotte? Qu'à cela ne tienne, il est décidé de créer de toutes pièces cinq nouvelles stations. Ces véritables nouvelles villes étant Saïda, su la Méditerranée, Lixus (Larache), Mogador (Essaouira), Mazagan (El Jadida), Taghazout (au Nord d’Agadir) et Plage Blanche plus dans le Sud.
Pour réaliser ces stations, il fallait résoudre le problème de la législation foncière. Qu’à cela ne tienne, la loi a été modifiée. Il fallait trouver des groupes investisseurs qui se chargeraient de l’aménagement et de la promotion des sites? Les groupes Fadesa (Espagne), Thomas et Piron (Belgique), Kerzner (Sud Afrique), Risma (branche marocaine du groupe Accor), Foncière Colbert Orco, … ont relevé le défi. Il fallait revoir le réseau routier, c’est en cours…Et en 2007, les premiers hôtels de ces nouvelles cités ouvriront leurs portes…
L’aérien bloqué par le protectionnisme ?
En moins de deux ans, le ciel marocain est devenu véritablement Open Sky et des accords ont été passés avec l’Union Européenne. L’objectif étant à parvenir en 2010 à avoir un partage du marché des lignes régulières de 50/50 en termes de transport de passagers: 50 % étant le fait de compagnies marocaines, le solde de compagnies étrangères. Parmi les goulets d’étranglement la Royal Air Maroc. Cette compagnie étant difficilement capable d’absorber la totalité des passagers futurs pour différentes raisons.
Il a donc été décidé de transformer la compagnie nationale et de l’adapter aux nouvelles conditions de transport aérien. La RAM, tout en restant une compagnie régulière classique, a filialisé son activité charter en créant Atlas Blue. Mieux même, cette dernière a été conçue comme une véritable low cost opérant de manière totalement indépendante. Pour la petite histoire, il s’agit même de la première compagnie low cost/low fare de l’Afrique.
Quant aux compagnies étrangères, elles se bousculent au portillon: Corsair, Air Horizon, TUI Airline Belgium, SNBA, Hapag Lloyd, LTU Airlines, Air Europa, First Choice Airways, … opérèrent ou augmentent leurs fréquences ou se lancent sur le marché avec des vols réguliers ou charter cadencés…
Fisc et finances
Comme dans tous les pays du monde, le fisc est sans doute l’un des outils les plus efficaces pour décourager les investisseurs. Le royaume a donc décidé de repenser sa politique fiscale. Un nouveau code des investissements, plus que favorable, avec une exonération fiscale, pendant les 5 premières années et un abattement de 50 % les années suivantes, a été mis en place. En plus il est prévu par la nouvelle réglementation l’exonération de l’impôt sur le CA réalisé à l’étranger sont des incitants dynamiques.
Quant aux fonds d’investissements et aux crédits bancaires, le gouvernement a pesé de tout son poids pour que les banques acceptent de jouer le jeu. Un produit financier à donc vu le jour: le crédit Azur.
Ce crédit garantissant un taux fixe sur une durée de +/-- 15 ans, des bases de références extérieures au secteur. Normes établies et contrôlées par le gouvernement, etc… Trois des plus importantes banques marocaines ont accepté de jouer le jeu: Waffa, BMC et Crédit Populaire. Chacune débloquant des enveloppes dépassant au total plusieurs milliards de dirhams.
La promotion
Créer des produits, mettre en place tous les outils, mobiliser tous les acteurs publics et privés et parvenir à les faire collaborer dans le même objectif, ne suffit pas. Il faut encore redynamiser la promotion de la destination.
Force est de constater que la mobilisation générale commence dès à présent à porter ses fruits. En 2004, le Maroc a accueilli plus de 5 millions de touristes! Soit une augmentation de 758.000 touristes par rapport à l’année précédente. L’Europe de l’Ouest envoyant 451.000 nouveaux visiteurs. En termes de pays émetteurs on retrouve la France (+ 29 %), l’Espagne (+ 37 %), la Grande-Bretagne (+ 26 %), la Belgique (+ 35 %), l’Allemagne (+15 %), l’Italie (+ 13 %), les Pays-Bas (+ 13 %), …
Mais ce mouvement naturel ne suffit pas. Il a donc été décidé de modifier les plans d’actions et de renforcer les budgets mis en place pour la promotion du pays. Pour se faire, tout en gardant la même dotation de l’état, il a été décidé de revoir et de relever la taxation perçue sur les nuitées. Dès que les outils seront mis en place, le budget de l’Office marocain de promotion du tourisme doublera littéralement.
Mais cet argent ne sera pas dispersé au même niveau. En dehors de la France, quatre pays émetteurs considérés comme prioritaires recevront une part particulièrement importante de la manne: l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne.
Et il y a d’autres initiatives
Il serait impossible d’énumérer toutes les modifications, toutes les transformations générées par le plan Azur,… Ce qu’il faut savoir, c’est que pour toutes les personnes rencontrées lors de Assises du tourisme qui viennent de se tenir à Ouarzazate pas une ne doutent de la volonté du pays d’arriver à ses fins.
Ce qui a plus particulièrement frappé les investisseurs et les opérateurs étrangers, ce sont les aspects volontaristes et méthodiques avec lesquels les Marocains travaillent et affrontent la réalité. Mieux même, ce sens d’un travail pour les générations futures a même étonné plus d’un. Comme l’a expliqué le ministre du Tourisme Adil Douiri «Aux élus locaux qui sont élus à termes réguliers et qui aspirent à des retombées immédiates, je dis que nous travaillons pour le futur. Et qu’il est indispensable d’avoir avant tout des fondations solides et adaptées ».
Quant à Jalil Benabbes-Taarji, président de la Fédération Nationale du Tourisme: « Le système de gouvernance propre au Maroc a comme avantage de pouvoir travailler à long terme ».
De fait, la volonté permanente de Mohamed VI de faire avancer les choses, de soutenir les efforts de ses ministres, de ranimer les enthousiasmes a également marqué plus d’un participant non marocain aux Assises. Comme nous l’a expliqué un entrepreneur: « Si en Europe, nous disposions de cette même énergie, de cette même volonté, de cette même fois en l’avenir de la part de nos pouvoirs publics, de cette collaboration entière et confiante entre les partenaires économiques et sociaux, il y aurait moins de chômage ».
Plus précisément, en parlant des ministres marocains du Tourisme Adil Douiri et du Transport Karim Gellab, le représentant d‘un important TO a eu ce mot: « Ah.si nous avions des ministres de cette envergure qui comprennent que le tourisme est vraiment une industrie transversale… Mais il ne faut pas rêver avec le personnel politique que nous connaissons en France ou en Belgique…»
Raymonde DE BOLLE en collaboration avec Michel GHESQUIERE