Au-delà de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Il y fait très froid, l’oxygène est rare et le corps ne peut y tenir beaucoup plus de 24 heures © Jean-Marc Porte
TourMaG.com - Plusieurs voyagistes d'aventure français proposent des treks dans l'Himalaya, autour de l'Everest. Votre tour-opérateur, Secret Planet, à travers son activité Expeditions Unlimited, spécialisée dans les traversées polaires et les expéditions en haute altitude, propose l'ascension de l'Everest par le versant tibétain, jusqu'au sommet...
Eric Bonnem : C'est exact, nous sommes le seul TO en France à proposer l'ascension jusqu'au sommet, à 8 848 mètres.
Les autres voyagistes francophones ont arrêté il y a une quinzaine d'années, je dirais. Ils guident leurs clients en trek jusqu’au camp de base, à 5 100 mètres d’altitude, voire au premier camp d’altitude, vers 6 000 mètres.
Dans le monde, nous ne sommes que quelques agences internationales à proposer ce type de prestations.
Il y a Adventure Consultants en Nouvelle-Zélande, Kobler and Partners en Suisse allemande, Himalayan Experience, dirigée par Russell Brice en Angleterre, notamment.
A côté, il y a aussi des agences locales basées à Katmandou. Certaines sont très professionnelles, d'autres le sont moins, d'où les scandales qui ressortent régulièrement dans la presse, lorsque des alpinistes ont des accidents lors de leur ascension.
Et pourtant, le taux de mortalité de l'Everest (soit le nombre de décès par rapport au nombre d’alpinistes ayant atteint le sommet, ndlr) se situe aux alentours de 3%, alors que le K2 est à 23% et l'Annapurna à 27%. (Source : www.mountainiq.com).
Eric Bonnem : C'est exact, nous sommes le seul TO en France à proposer l'ascension jusqu'au sommet, à 8 848 mètres.
Les autres voyagistes francophones ont arrêté il y a une quinzaine d'années, je dirais. Ils guident leurs clients en trek jusqu’au camp de base, à 5 100 mètres d’altitude, voire au premier camp d’altitude, vers 6 000 mètres.
Dans le monde, nous ne sommes que quelques agences internationales à proposer ce type de prestations.
Il y a Adventure Consultants en Nouvelle-Zélande, Kobler and Partners en Suisse allemande, Himalayan Experience, dirigée par Russell Brice en Angleterre, notamment.
A côté, il y a aussi des agences locales basées à Katmandou. Certaines sont très professionnelles, d'autres le sont moins, d'où les scandales qui ressortent régulièrement dans la presse, lorsque des alpinistes ont des accidents lors de leur ascension.
Et pourtant, le taux de mortalité de l'Everest (soit le nombre de décès par rapport au nombre d’alpinistes ayant atteint le sommet, ndlr) se situe aux alentours de 3%, alors que le K2 est à 23% et l'Annapurna à 27%. (Source : www.mountainiq.com).
TourMaG.com - Comment peut-on expliquer ces embouteillages au sommet de l'Everest et les décès qui y sont liés ?
Eric Bonnem : Trois facteurs favorisent les embouteillages : le nombre d’alpinistes, leur lenteur à ces altitudes et le fait qu’ils se retrouvent tous en même temps à monter à la faveur d’une bonne fenêtre météo, ce qui est rare.
Mais c'est avant tout une question d'acclimatation. Plus on monte en altitude, et plus l'oxygène se raréfie.
Le corps humain a besoin de s'acclimater en produisant des globules rouges. En tout, une expédition au sommet de l’Everest dure environ 60 jours, dont 30 à 40 jours d'acclimatation entre 5 000 et 7 000 mètres, ponctués d'allers-retours en altitude.
Nos groupes partent de France entre fin mars et début avril pour une tentative d'ascension au sommet en général dans la seconde quinzaine de mai.
Une fois acclimatés, ils vont attendre l'ouverture météo. Les conditions doivent être parfaites, car à 8 000 mètres, il fait entre -40 et -50°C et les jours de tempête et les vents peuvent être extrêmement violents.
Plusieurs accès mènent au sommet de l'Everest, mais les deux voies principales, utilisées pour les expéditions commerciales sont la voie népalaise au Sud et la tibétaine au Nord.
Au printemps 2019, le Népal aurait délivré 450 permis d'ascension - chaque permis pouvant être utilisé pour une, deux voire trois personnes - et la Chine n'en aurait attribué que 150.
En moyenne, un millier d’ascensionnistes tentent l'expérience chaque année, soit au printemps, soit à l'automne. Mais le printemps représente 80% des expéditions commerciales.
Cette nécessité de réunir toutes les conditions parfaites explique les embouteillages au sommet. Mais ils ne datent pas d'hier. Il y a 20 ans déjà, le passage du ressaut Hillary côté Népal créait des bouchons.
Eric Bonnem : Trois facteurs favorisent les embouteillages : le nombre d’alpinistes, leur lenteur à ces altitudes et le fait qu’ils se retrouvent tous en même temps à monter à la faveur d’une bonne fenêtre météo, ce qui est rare.
Mais c'est avant tout une question d'acclimatation. Plus on monte en altitude, et plus l'oxygène se raréfie.
Le corps humain a besoin de s'acclimater en produisant des globules rouges. En tout, une expédition au sommet de l’Everest dure environ 60 jours, dont 30 à 40 jours d'acclimatation entre 5 000 et 7 000 mètres, ponctués d'allers-retours en altitude.
Nos groupes partent de France entre fin mars et début avril pour une tentative d'ascension au sommet en général dans la seconde quinzaine de mai.
Une fois acclimatés, ils vont attendre l'ouverture météo. Les conditions doivent être parfaites, car à 8 000 mètres, il fait entre -40 et -50°C et les jours de tempête et les vents peuvent être extrêmement violents.
Plusieurs accès mènent au sommet de l'Everest, mais les deux voies principales, utilisées pour les expéditions commerciales sont la voie népalaise au Sud et la tibétaine au Nord.
Au printemps 2019, le Népal aurait délivré 450 permis d'ascension - chaque permis pouvant être utilisé pour une, deux voire trois personnes - et la Chine n'en aurait attribué que 150.
En moyenne, un millier d’ascensionnistes tentent l'expérience chaque année, soit au printemps, soit à l'automne. Mais le printemps représente 80% des expéditions commerciales.
Cette nécessité de réunir toutes les conditions parfaites explique les embouteillages au sommet. Mais ils ne datent pas d'hier. Il y a 20 ans déjà, le passage du ressaut Hillary côté Népal créait des bouchons.
TourMaG.com - Mais comment expliquer ces décès, douze rien que pour ce printemps. Les alpinistes sont pourtant équipés de bouteilles d'oxygène...
Eric Bonnem : Au-delà de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Il y fait très froid, l’oxygène est rare et le corps ne peut y tenir beaucoup plus de 24 heures.
Le niveau d'oxygène équivaut à 30% de celui que l'on peut trouver au niveau de la mer. Déjà à 7 500 mètres, 99% des alpinistes prennent de l'oxygène. Il y en a peut-être 200 ou 300 qui ont atteint le sommet sans oxygène dans l'histoire.
Et la condition physique ne fait pas tout à cette altitude, je dirais même qu'elle est moins importante que la physiologie de chaque individu, que son ADN.
Sans oublier le mal aigu des montagnes (MAM), qui peut entraîner soit un œdème cérébral, soit un œdème pulmonaire.
Donc quand on se retrouve dans cet embouteillage à 8 000 mètres et qu'on « suce » son oxygène en attendant son tour, dans le froid, l’épuisement guette et parfois, il arrive un drame.
Eric Bonnem : Au-delà de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Il y fait très froid, l’oxygène est rare et le corps ne peut y tenir beaucoup plus de 24 heures.
Le niveau d'oxygène équivaut à 30% de celui que l'on peut trouver au niveau de la mer. Déjà à 7 500 mètres, 99% des alpinistes prennent de l'oxygène. Il y en a peut-être 200 ou 300 qui ont atteint le sommet sans oxygène dans l'histoire.
Et la condition physique ne fait pas tout à cette altitude, je dirais même qu'elle est moins importante que la physiologie de chaque individu, que son ADN.
Sans oublier le mal aigu des montagnes (MAM), qui peut entraîner soit un œdème cérébral, soit un œdème pulmonaire.
Donc quand on se retrouve dans cet embouteillage à 8 000 mètres et qu'on « suce » son oxygène en attendant son tour, dans le froid, l’épuisement guette et parfois, il arrive un drame.
Le taux de mortalité de l'Everest se situe aux alentours de 3%, alors que le K2 est à 23% et l'Annapurna à 27% © Jean-Marc Porte
TourMaG.com - Pensez-vous que l'on délivre trop de permis d'ascension ?
Eric Bonnem : C'est le reproche que l'on fait au Népal. Il y aurait de plus en plus de business, et les autorités seraient moins regardantes que côté chinois.
Ce qui est certain c'est que le permis d'ascension est aussi moins cher au Népal qu’en Chine, de l'ordre de 10 000 à 15 000 dollars. La voie tibétaine est relativement moins difficile, il y a moins de crevasses.
Et puis, tout n’est pas que question de nombre, la sécurité passe surtout par l’équipe d’encadrement. Nos groupes partent avec un chef d'expédition, qui est un guide de haute montagne français expérimenté, et avec un guide népalais (sherpa, ndlr) par participant.
Au-delà de huit participants, nous faisons appel à un second guide de haute montagne français. Tous nos clients sont des alpinistes aguerris. Dans 9 cas sur 10, ils savent déjà à quoi s'attendre quand ils nous appellent pour s’inscrire. Nous leur demandons d'ailleurs de justifier de leur expérience en haute montagne.
La force d'avoir une équipe d'encadrement française sur place, c'est que nous savons aussi que nos guides n'hésiteront pas à dire à un client qu'il doit abandonner l’ascension. Même si le client est sur place depuis 45 jours, même s'il a payé 60 000€, si le guide estime qu'il ne peut pas aller plus haut, il devra redescendre. Cette autorité sur un client occidental est beaucoup plus difficile à exercer pour un guide local.
TourMaG.com - Que pensez-vous de toutes les vidéos où l'on voit des déchets abandonnés dans les camps de base ?
Eric Bonnem : Pour notre part, nous essayons de ne rien laisser derrière nous, tous les déchets sont redescendus dans des sacs.
Dès que nous le pouvons, nous organisons des collectes au camp de base et dans les camps supérieurs, comme ce sera le cas en juillet 2019, lors de notre prochaine expédition au Mustagh Ata, un sommet de 7 500 mètres en Chine.
Eric Bonnem : C'est le reproche que l'on fait au Népal. Il y aurait de plus en plus de business, et les autorités seraient moins regardantes que côté chinois.
Ce qui est certain c'est que le permis d'ascension est aussi moins cher au Népal qu’en Chine, de l'ordre de 10 000 à 15 000 dollars. La voie tibétaine est relativement moins difficile, il y a moins de crevasses.
Et puis, tout n’est pas que question de nombre, la sécurité passe surtout par l’équipe d’encadrement. Nos groupes partent avec un chef d'expédition, qui est un guide de haute montagne français expérimenté, et avec un guide népalais (sherpa, ndlr) par participant.
Au-delà de huit participants, nous faisons appel à un second guide de haute montagne français. Tous nos clients sont des alpinistes aguerris. Dans 9 cas sur 10, ils savent déjà à quoi s'attendre quand ils nous appellent pour s’inscrire. Nous leur demandons d'ailleurs de justifier de leur expérience en haute montagne.
La force d'avoir une équipe d'encadrement française sur place, c'est que nous savons aussi que nos guides n'hésiteront pas à dire à un client qu'il doit abandonner l’ascension. Même si le client est sur place depuis 45 jours, même s'il a payé 60 000€, si le guide estime qu'il ne peut pas aller plus haut, il devra redescendre. Cette autorité sur un client occidental est beaucoup plus difficile à exercer pour un guide local.
TourMaG.com - Que pensez-vous de toutes les vidéos où l'on voit des déchets abandonnés dans les camps de base ?
Eric Bonnem : Pour notre part, nous essayons de ne rien laisser derrière nous, tous les déchets sont redescendus dans des sacs.
Dès que nous le pouvons, nous organisons des collectes au camp de base et dans les camps supérieurs, comme ce sera le cas en juillet 2019, lors de notre prochaine expédition au Mustagh Ata, un sommet de 7 500 mètres en Chine.
L'avis de Lionel Habasque, président de Terres d'Aventure
"Nous avons arrêté de proposer l'Everest il y a 15 ans, car d'une part, c'est hyper dangereux et techniquement compliqué à monter, et d'autre part, il n'y a qu'à voir ce qu'il s'y passe maintenant.
C'est le comble de l'absurde, faire un 8 000 mètres et risquer de mourir à cause des embouteillages. Car si certains meurent par manque d'oxygène en montant vers le sommet, d'autres périssent faute de pouvoir redescendre assez vite quand ils sont atteints du mal aigu des montagnes (MAM), à cause de ces mêmes embouteillages.
A côté de cela, il y a aussi la facilité avec laquelle on peut désormais monter l'Everest. Vous achetez un permis d'ascension au Népal qui coûte 10 000€ et vous trouvez une équipe sur place pour mener votre expédition, et toutes ne contrôlent pas vos précédentes ascensions comme une agence spécialisée.
Il faudrait peut-être suivre l'exemple du Bhoutan, qui limite le nombre d'entrées de touristes par an ou le Mont Blanc, qui limite le nombre d'alpinistes par jour.
Alors, c'est sûr que l'ascension de l'Everest a plus de renommée que d'autres sommets, mais cette situation devient absurde. Nous proposons par exemple le Cho Oyu à plus de 8 000 mètres. Sur l'Everest, nous nous arrêtons au camp de base, à 6 000 mètres.
Quant à la gestion des déchets, cela s'explique : quand on est à 8 000 mètres, on ne pense qu'à monter, donc on laisse tout derrière soi et au retour, on est trop fatigué pour les redescendre. Absurde je vous dis !
C'est le comble de l'absurde, faire un 8 000 mètres et risquer de mourir à cause des embouteillages. Car si certains meurent par manque d'oxygène en montant vers le sommet, d'autres périssent faute de pouvoir redescendre assez vite quand ils sont atteints du mal aigu des montagnes (MAM), à cause de ces mêmes embouteillages.
A côté de cela, il y a aussi la facilité avec laquelle on peut désormais monter l'Everest. Vous achetez un permis d'ascension au Népal qui coûte 10 000€ et vous trouvez une équipe sur place pour mener votre expédition, et toutes ne contrôlent pas vos précédentes ascensions comme une agence spécialisée.
Il faudrait peut-être suivre l'exemple du Bhoutan, qui limite le nombre d'entrées de touristes par an ou le Mont Blanc, qui limite le nombre d'alpinistes par jour.
Alors, c'est sûr que l'ascension de l'Everest a plus de renommée que d'autres sommets, mais cette situation devient absurde. Nous proposons par exemple le Cho Oyu à plus de 8 000 mètres. Sur l'Everest, nous nous arrêtons au camp de base, à 6 000 mètres.
Quant à la gestion des déchets, cela s'explique : quand on est à 8 000 mètres, on ne pense qu'à monter, donc on laisse tout derrière soi et au retour, on est trop fatigué pour les redescendre. Absurde je vous dis !
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