Nona Jonsson : "L’industrie aérienne reste un "club de garçons". Je commence enfin à voir du progrès après 25 ans de carrière au sein de ce secteur. C’est seulement maintenant que je remarque que de plus en plus de jeunes femmes expriment un intérêt pour l'aérien." Photographe : AIRBUS INDUSTRIE / GOUSSE, H
TourMaG.com - Vous occupez un poste à responsabilité, pensez-vous que cela soit plus compliqué pour une femme d'atteindre un poste à haut niveau qu'un homme ?
Nina Jonsson : De manière générale, mais pas nécessairement dans l’industrie aérienne, les femmes peinent toujours à atteindre des hauts niveaux de responsabilités.
L’industrie aérienne reste un "club de garçons". Je commence enfin à voir du progrès après 25 ans de carrière au sein de ce secteur.
C’est seulement maintenant que je remarque que de plus en plus de jeunes femmes expriment un intérêt pour l'aérien.
Jusqu’à récemment, il y avait peu visibilité de cheminements de carrières potentiels pour les femmes dans l’aviation, et cela a été difficile d’enrayer les vieux stéréotypes dans ce domaine.
Le seul rôle envisageable étant celui d’hôtesse de l’air (on me pose toujours cette question aujourd’hui quand je dis que je travaille dans l’aviation - "vous êtes hôtesse de l’air ?").
Bien que cela soit une position très honorable qui demande beaucoup de travail, le problème est que la diversité d’options n’est pas la première chose qui vient à l’esprit.
C’est pour cela que je suis activement impliquée dans des groupes de femmes de l’aviation qui promeuvent l’industrie envers des jeunes femmes et filles dans les écoles.
Nous voulons rendre visibles toutes les options qui existent dans cette industrie, leur offrir une vision du monde à laquelle aspirer, afin qu’elles puissent diriger leurs études vers un projet professionnel le plus tôt possible.
TourMaG.com - Durant vos études et votre carrière, vous avez travaillé dans différents pays en Europe et aux États-Unis. Dans certains pays, est-il plus facile de se faire "une place" lorsqu'on est une femme que dans d'autres ?
Nina Jonsson : Oui, il y a certainement des différences culturelles par pays. Je suis née en Islande, le pays le plus neutre du monde sur le plan du genre, donc c’est mon point de référence.
Mes parents m’ont élevée pour que je fasse et que je sois tout ce que j’aspire de faire ou d’être, du moment que je travaillais dur et que j’étais engagée à réussir.
Quand j’ai grandi au Luxembourg, un pays plus conservateur par rapport aux rôles des hommes et des femmes, j’étais consciente des différences, mais cela n’a pas perturbé mes propres valeurs ou la perception de mes propres capacités.
C’est quand j’ai déménagé aux Etats-Unis, pour suivre des études universitaires dans l’aviation, que les premiers obstacles auxquels j'allais être confrontée tout au long de ma carrière aux Etats-Unis, se sont manifestés très rapidement.
Un exemple que j’utilise souvent est celui de mon premier cours sur les moteurs d’avion : le premier jour de classe, le professeur rentre dans la salle et nous pointe directement du doigt, les deux seules filles de la classe, et proclame que les filles ont tendance à avoir plus de difficultés dans cette matière.
Ensuite, il rajoute qu’il se tiendra à notre disposition pour des heures supplémentaires de cours particuliers. Il a dit ça même avant de se présenter ou de connaître nos prénoms !
Par ailleurs, il a annoncé que l’étudiant avec la meilleure note à la fin du cours serait récompensé d’une pince à cravate avec un modèle de moteur d’avion (une pince à cravate, ce n’est pas très neutre non ?).
Je suis ravie de toujours avoir cette pince à cravate dans ma boite à bijoux aujourd’hui… Après mes études d’aviation, j'ai décidé d’entreprendre un MBA dans la meilleure école d’ingénieur des Etats-Unis, Rensselaer Polytechnic Institute.
Les études se concentraient sur l’industrie high-tech et la gestion de production. J’étais agréablement surprise de voir que dans cet environnement plus technique et moins spécifique de l’aviation, j’étais davantage traitée sur un pied d’égalité, même si le ratio d’étudiants homme-femme était de 5 à 1.
Nina Jonsson : De manière générale, mais pas nécessairement dans l’industrie aérienne, les femmes peinent toujours à atteindre des hauts niveaux de responsabilités.
L’industrie aérienne reste un "club de garçons". Je commence enfin à voir du progrès après 25 ans de carrière au sein de ce secteur.
C’est seulement maintenant que je remarque que de plus en plus de jeunes femmes expriment un intérêt pour l'aérien.
Jusqu’à récemment, il y avait peu visibilité de cheminements de carrières potentiels pour les femmes dans l’aviation, et cela a été difficile d’enrayer les vieux stéréotypes dans ce domaine.
Le seul rôle envisageable étant celui d’hôtesse de l’air (on me pose toujours cette question aujourd’hui quand je dis que je travaille dans l’aviation - "vous êtes hôtesse de l’air ?").
Bien que cela soit une position très honorable qui demande beaucoup de travail, le problème est que la diversité d’options n’est pas la première chose qui vient à l’esprit.
C’est pour cela que je suis activement impliquée dans des groupes de femmes de l’aviation qui promeuvent l’industrie envers des jeunes femmes et filles dans les écoles.
Nous voulons rendre visibles toutes les options qui existent dans cette industrie, leur offrir une vision du monde à laquelle aspirer, afin qu’elles puissent diriger leurs études vers un projet professionnel le plus tôt possible.
TourMaG.com - Durant vos études et votre carrière, vous avez travaillé dans différents pays en Europe et aux États-Unis. Dans certains pays, est-il plus facile de se faire "une place" lorsqu'on est une femme que dans d'autres ?
Nina Jonsson : Oui, il y a certainement des différences culturelles par pays. Je suis née en Islande, le pays le plus neutre du monde sur le plan du genre, donc c’est mon point de référence.
Mes parents m’ont élevée pour que je fasse et que je sois tout ce que j’aspire de faire ou d’être, du moment que je travaillais dur et que j’étais engagée à réussir.
Quand j’ai grandi au Luxembourg, un pays plus conservateur par rapport aux rôles des hommes et des femmes, j’étais consciente des différences, mais cela n’a pas perturbé mes propres valeurs ou la perception de mes propres capacités.
C’est quand j’ai déménagé aux Etats-Unis, pour suivre des études universitaires dans l’aviation, que les premiers obstacles auxquels j'allais être confrontée tout au long de ma carrière aux Etats-Unis, se sont manifestés très rapidement.
Un exemple que j’utilise souvent est celui de mon premier cours sur les moteurs d’avion : le premier jour de classe, le professeur rentre dans la salle et nous pointe directement du doigt, les deux seules filles de la classe, et proclame que les filles ont tendance à avoir plus de difficultés dans cette matière.
Ensuite, il rajoute qu’il se tiendra à notre disposition pour des heures supplémentaires de cours particuliers. Il a dit ça même avant de se présenter ou de connaître nos prénoms !
Par ailleurs, il a annoncé que l’étudiant avec la meilleure note à la fin du cours serait récompensé d’une pince à cravate avec un modèle de moteur d’avion (une pince à cravate, ce n’est pas très neutre non ?).
Je suis ravie de toujours avoir cette pince à cravate dans ma boite à bijoux aujourd’hui… Après mes études d’aviation, j'ai décidé d’entreprendre un MBA dans la meilleure école d’ingénieur des Etats-Unis, Rensselaer Polytechnic Institute.
Les études se concentraient sur l’industrie high-tech et la gestion de production. J’étais agréablement surprise de voir que dans cet environnement plus technique et moins spécifique de l’aviation, j’étais davantage traitée sur un pied d’égalité, même si le ratio d’étudiants homme-femme était de 5 à 1.
TourMaG.com - Comment avez-vous vécu votre carrière aux États-Unis en tant que femme ?
Nina Jonsson : Quand j’ai débuté dans la première compagnie aérienne aux États-Unis, au début des années 1990, le code vestimentaire était toujours strict car les femmes devaient porter des jupes.
Et bien, je ne supporte pas de porter de jupes, depuis toujours - je marche plus lentement et les collants sont totalement désagréables. Je voulais aussi être reconnue pour mes capacités et non pour mon apparence, donc j’ai fait ma rebelle en ne portant que des pantalons après 6 mois dans l’entreprise.
Cela peut paraître étrange comparé aux normes d'aujourd’hui, mais British Airways, par exemple, commence juste à envisager de permettre aux hôtesses de porter des pantalons - vous vous rendez compte !?
Pendant mes premières années au sein de compagnies aériennes, je me suis rendue compte que j’allais devoir travailler deux fois plus dur pour surmonter les préjudices de mes collègues masculins lorsqu’ils me rencontraient pour la première fois. Mais, finalement, j’ai gagné leur confiance et le respect.
On m’acceptait comme "un des mecs", j’étais à l’aise avec le mécanicien du hangar, comme avec le pilote dans le poste de pilotage, ou avec la haute direction au siège. Après beaucoup d’années de travail acharné dans une industrie relativement petite, ma réputation et mon image se sont solidifiées de manière positive et je ne sentais plus le besoin de surmonter ces perceptions injustes.
Le monde de l’aviation est très petit et vous êtes amenés à rencontrer souvent les mêmes personnes pendant votre carrière. Il y a eu beaucoup de progrès tout au long de ma carrière dans l’aérien aux US, comme voir de plus en plus de femmes dans le siège du commandant, dans des positions de haute direction, ou au sein du conseil d’administration.
J’ai donc pensé que le problème du genre était du passé, jusqu’à ce que je rejoigne un autre secteur de l’aviation il y a quelques années - le secteur de l’hélicoptère dans l’industrie du pétrole et du gaz.
Dans cette industrie B2B, menée par des foreurs de pétrole endurcis, avoir des femmes dans des rôles de haute responsabilité est encore une chose rare.
Je peux honnêtement dire que j’ai été confrontée à un degré de chauvinisme que je n’avais pas ressenti depuis plus de 20 ans dans l’aérien. Dans cet aspect là, ils étaient toujours au Moyen Age et cela a été une vraie prise de conscience. Je devais encore une fois surmonter des préjudices importants et être la seule femme dans la salle de réunions ou lors de conférences de l’industrie.
Fatiguant ! Et je rappelle, qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour que les femmes aient un accès égal aux opportunités.
En venant de cette ambiance, j’étais encore plus heureuse de rejoindre Air France-KLM l’année dernière, vu que c’était clairement évident que l’équipe de Paris accueille les femmes dans des rôles de haute direction - maintenance, réseau, produit, et flotte !
Nina Jonsson : Quand j’ai débuté dans la première compagnie aérienne aux États-Unis, au début des années 1990, le code vestimentaire était toujours strict car les femmes devaient porter des jupes.
Et bien, je ne supporte pas de porter de jupes, depuis toujours - je marche plus lentement et les collants sont totalement désagréables. Je voulais aussi être reconnue pour mes capacités et non pour mon apparence, donc j’ai fait ma rebelle en ne portant que des pantalons après 6 mois dans l’entreprise.
Cela peut paraître étrange comparé aux normes d'aujourd’hui, mais British Airways, par exemple, commence juste à envisager de permettre aux hôtesses de porter des pantalons - vous vous rendez compte !?
Pendant mes premières années au sein de compagnies aériennes, je me suis rendue compte que j’allais devoir travailler deux fois plus dur pour surmonter les préjudices de mes collègues masculins lorsqu’ils me rencontraient pour la première fois. Mais, finalement, j’ai gagné leur confiance et le respect.
On m’acceptait comme "un des mecs", j’étais à l’aise avec le mécanicien du hangar, comme avec le pilote dans le poste de pilotage, ou avec la haute direction au siège. Après beaucoup d’années de travail acharné dans une industrie relativement petite, ma réputation et mon image se sont solidifiées de manière positive et je ne sentais plus le besoin de surmonter ces perceptions injustes.
Le monde de l’aviation est très petit et vous êtes amenés à rencontrer souvent les mêmes personnes pendant votre carrière. Il y a eu beaucoup de progrès tout au long de ma carrière dans l’aérien aux US, comme voir de plus en plus de femmes dans le siège du commandant, dans des positions de haute direction, ou au sein du conseil d’administration.
J’ai donc pensé que le problème du genre était du passé, jusqu’à ce que je rejoigne un autre secteur de l’aviation il y a quelques années - le secteur de l’hélicoptère dans l’industrie du pétrole et du gaz.
Dans cette industrie B2B, menée par des foreurs de pétrole endurcis, avoir des femmes dans des rôles de haute responsabilité est encore une chose rare.
Je peux honnêtement dire que j’ai été confrontée à un degré de chauvinisme que je n’avais pas ressenti depuis plus de 20 ans dans l’aérien. Dans cet aspect là, ils étaient toujours au Moyen Age et cela a été une vraie prise de conscience. Je devais encore une fois surmonter des préjudices importants et être la seule femme dans la salle de réunions ou lors de conférences de l’industrie.
Fatiguant ! Et je rappelle, qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour que les femmes aient un accès égal aux opportunités.
En venant de cette ambiance, j’étais encore plus heureuse de rejoindre Air France-KLM l’année dernière, vu que c’était clairement évident que l’équipe de Paris accueille les femmes dans des rôles de haute direction - maintenance, réseau, produit, et flotte !
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TourMaG.com - Quelles qualités, quels atouts, quels avantages ont les femmes dans le monde du travail ?
Nina Jonsson : En généralisant beaucoup bien sûr, je pense que les femmes apportent des qualités complémentaires à l’entreprise - moins d’ego, plus d’intelligence émotionnelle, tout en exigeant du résultat.
Nous avons davantage tendance à privilégier le team building, l’empathie, le tutorat, et la diplomatie. Si l’on ajoute ces qualités à celles des hommes, une entreprise est plus équilibrée et plus performante.
Bien sûr, il y a des exceptions à cette règle, j’en ai déjà rencontrées, mais de manière générale, je suis fermement convaincue que la parité en entreprise conduit à de meilleurs résultats car plus de points de vue sont considérés.
TourMaG.com - Pensez-vous qu'il y a encore des injustices, quel combat reste-t-il à mener en priorité ?
Nina Jonsson : Mes exemples ci-dessus évoquent bien qu’il y a toujours beaucoup de travail à accomplir. Et il y a bien sur la réalité que les femmes sont porteuses des enfants et doivent mettre leur carrière entre parenthèses à des niveaux différents pour s’occuper de ces derniers.
C’est sur cet aspect que l’on peut véritablement mesurer si un pays est progressiste.
Des congés payés raisonnables et des allocations après la naissance, un emploi garanti lors du retour, l’aide à la garde des enfants suite à la reprise du travail - ce sont des droits facilement disponibles en Europe, mais qui sont encore loin d’être la norme aux États-Unis.
Nina Jonsson : En généralisant beaucoup bien sûr, je pense que les femmes apportent des qualités complémentaires à l’entreprise - moins d’ego, plus d’intelligence émotionnelle, tout en exigeant du résultat.
Nous avons davantage tendance à privilégier le team building, l’empathie, le tutorat, et la diplomatie. Si l’on ajoute ces qualités à celles des hommes, une entreprise est plus équilibrée et plus performante.
Bien sûr, il y a des exceptions à cette règle, j’en ai déjà rencontrées, mais de manière générale, je suis fermement convaincue que la parité en entreprise conduit à de meilleurs résultats car plus de points de vue sont considérés.
TourMaG.com - Pensez-vous qu'il y a encore des injustices, quel combat reste-t-il à mener en priorité ?
Nina Jonsson : Mes exemples ci-dessus évoquent bien qu’il y a toujours beaucoup de travail à accomplir. Et il y a bien sur la réalité que les femmes sont porteuses des enfants et doivent mettre leur carrière entre parenthèses à des niveaux différents pour s’occuper de ces derniers.
C’est sur cet aspect que l’on peut véritablement mesurer si un pays est progressiste.
Des congés payés raisonnables et des allocations après la naissance, un emploi garanti lors du retour, l’aide à la garde des enfants suite à la reprise du travail - ce sont des droits facilement disponibles en Europe, mais qui sont encore loin d’être la norme aux États-Unis.