J’observe que si cinq compagnies aériennes, réputées sérieuses, ont sollicité une réouverture d’Orly dès le 26 juin 2020, c’est sans doute parce qu’elles jugeaient cela possible techniquement et économiquement. /crédit DepositPhoto
TourMaG.com - Outre la question de la réouverture d’Orly (nous y reviendrons), il y a préalablement celle de la capacité du pavillon français à reprendre la dessertes des DOM-TOM…
Yves Brossard : “Je ne saurais témoigner de l’état de santé de la compagnie Corsair, mais je voudrais dire deux choses à son égard.
Premièrement je tiens à rappeler qu’en tant qu’ultra-marins, nous avons un devoir de mémoire envers Corsair.
J’ai une pensée évidemment pour Jacques Maillot et ceux qui ont forgé cette compagnie qui a participé d’une manière considérable au développement de nos destinations touristiques des Outre-Mers.
Ce qui est vrai pour Corsair l’est également pour Air Caraïbes, Air France, Air Austral, Air Tahiti Nui. Bref les « anciennes ». Mais Frenchbee ou Level méritent tout autant nos encouragements, et notre amitié.
En second lieu, j’ai cru comprendre que Corsair aurait pu, dans le cadre de la démarche commune, et fondée, des compagnies aériennes en recherche d’une égalité de traitement par rapport au soutien national apporté à Air France, être considérée comme non française. Ce qui l’aurait exclu.
Cela m’a choqué ; parce que c’est une compagnie européenne, parce qu’elle a toujours été fidèle aux outre-mer ; parce que l’égalité de traitement ne se divise pas, et ne peut faire l’objet d’une ségrégation."
TourMaG.com - Jean-Baptiste Dejbbari, n’exclut pas une réouverture d’Orly le 26 juin. Mais ce n’est pas garanti. Qu’en pensez-vous ?
Yves Brossard : “Ce serait en effet une excellente chose. Mais nous ne devrions pas à subir les conséquences des choix d'ADP, fussent-ils légitimes, s’ils n’ont pas été débattus au préalable par la représentation nationale. Les aéroports nationaux sont un service public.
Les Outre-Mer de la zone Atlantique sont historiquement desservis à 95% par Orly. Un Marseillais serait d’accord pour qu'on ferme la gare Saint-Charles et l'aéroport de Marignane ? Un Corse, les aéroports d’Ajaccio et de Figari ?
A priori, sauf erreur de ma part, deux terminaux seulement sont actuellement ouverts à Roissy. Aucun terminal n’est ouvert à Orly.
Pourquoi ne pas en maintenir un seul à Roissy ? Et en ouvrir un à Orly ?
C'est à cela que sert le service public. La péréquation. Quoi qu’il en coûte !"
TourMaG.com - Aujourd’hui les Cies ne sont pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus, AF comprise. Le secrétaire d’Etat aux transports a exempté les transporteurs aériens de la distanciation. Qu’en pensez-vous ?
Yves Brossard : “Aujourd’hui les transports en commun ne sont pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus. Aujourd’hui la SNCF n'est pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus.
Aujourd’hui on maintient le fonctionnement de Roissy, donc on fait voler des avions, bien qu'on ne soit pas en mesure de garantir - à 100% - à leurs passagers une immunité contre le virus.
Aujourd’hui, on peut sortir de chez soi, alors que l'Etat n'est pas en mesure de garantir - à 100% - qu’on ne sera pas exposé à un accident de quelque nature que ce soit. Le vrai sujet est donc celui du pourcentage de risque.
Aujourd’hui, le gouvernement n'a pas apporté la moindre preuve que les avions seraient plus dangereux que les autres transports en commun. Au contraire, les compagnies aériennes soutiennent que leurs avions sont bien mieux protégés que tous les autres transports en commun ; et les gouvernements n'ont jamais fait de démenti à cet égard."
TourMaG.com - Pour revenir à la desserte des Antilles, ce serait beaucoup plus simple de tout transférer à Orly pour vous ?
Yves Brossard : “Bien entendu. C'est totalement illégitime de privilégier l’utilisation de l'aéroport de Roissy, alors que le Gouvernement a indiqué qu'on ne pourrait pas sortir de l'espace Schengen avant longtemps.
Or Roissy a principalement vocation à desservir l'international, hors zone Schengen tandis qu’Orly dessert uniquement les destinations de la zone Schengen, et les Outre-Mer.
En période de crise, protéger l'espace national, et donc les Outre-Mer, me semble être une priorité absolue.
Ou alors, il faut en tirer les conséquences et accepter d'indemniser les Outre-Mer pour le préjudice subi, et de les indemniser à long-terme car le préjudice sera considérable et à long terme."
Yves Brossard : “Je ne saurais témoigner de l’état de santé de la compagnie Corsair, mais je voudrais dire deux choses à son égard.
Premièrement je tiens à rappeler qu’en tant qu’ultra-marins, nous avons un devoir de mémoire envers Corsair.
J’ai une pensée évidemment pour Jacques Maillot et ceux qui ont forgé cette compagnie qui a participé d’une manière considérable au développement de nos destinations touristiques des Outre-Mers.
Ce qui est vrai pour Corsair l’est également pour Air Caraïbes, Air France, Air Austral, Air Tahiti Nui. Bref les « anciennes ». Mais Frenchbee ou Level méritent tout autant nos encouragements, et notre amitié.
En second lieu, j’ai cru comprendre que Corsair aurait pu, dans le cadre de la démarche commune, et fondée, des compagnies aériennes en recherche d’une égalité de traitement par rapport au soutien national apporté à Air France, être considérée comme non française. Ce qui l’aurait exclu.
Cela m’a choqué ; parce que c’est une compagnie européenne, parce qu’elle a toujours été fidèle aux outre-mer ; parce que l’égalité de traitement ne se divise pas, et ne peut faire l’objet d’une ségrégation."
TourMaG.com - Jean-Baptiste Dejbbari, n’exclut pas une réouverture d’Orly le 26 juin. Mais ce n’est pas garanti. Qu’en pensez-vous ?
Yves Brossard : “Ce serait en effet une excellente chose. Mais nous ne devrions pas à subir les conséquences des choix d'ADP, fussent-ils légitimes, s’ils n’ont pas été débattus au préalable par la représentation nationale. Les aéroports nationaux sont un service public.
Les Outre-Mer de la zone Atlantique sont historiquement desservis à 95% par Orly. Un Marseillais serait d’accord pour qu'on ferme la gare Saint-Charles et l'aéroport de Marignane ? Un Corse, les aéroports d’Ajaccio et de Figari ?
A priori, sauf erreur de ma part, deux terminaux seulement sont actuellement ouverts à Roissy. Aucun terminal n’est ouvert à Orly.
Pourquoi ne pas en maintenir un seul à Roissy ? Et en ouvrir un à Orly ?
C'est à cela que sert le service public. La péréquation. Quoi qu’il en coûte !"
TourMaG.com - Aujourd’hui les Cies ne sont pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus, AF comprise. Le secrétaire d’Etat aux transports a exempté les transporteurs aériens de la distanciation. Qu’en pensez-vous ?
Yves Brossard : “Aujourd’hui les transports en commun ne sont pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus. Aujourd’hui la SNCF n'est pas en mesure de garantir à leurs passagers une immunité contre le virus.
Aujourd’hui on maintient le fonctionnement de Roissy, donc on fait voler des avions, bien qu'on ne soit pas en mesure de garantir - à 100% - à leurs passagers une immunité contre le virus.
Aujourd’hui, on peut sortir de chez soi, alors que l'Etat n'est pas en mesure de garantir - à 100% - qu’on ne sera pas exposé à un accident de quelque nature que ce soit. Le vrai sujet est donc celui du pourcentage de risque.
Aujourd’hui, le gouvernement n'a pas apporté la moindre preuve que les avions seraient plus dangereux que les autres transports en commun. Au contraire, les compagnies aériennes soutiennent que leurs avions sont bien mieux protégés que tous les autres transports en commun ; et les gouvernements n'ont jamais fait de démenti à cet égard."
TourMaG.com - Pour revenir à la desserte des Antilles, ce serait beaucoup plus simple de tout transférer à Orly pour vous ?
Yves Brossard : “Bien entendu. C'est totalement illégitime de privilégier l’utilisation de l'aéroport de Roissy, alors que le Gouvernement a indiqué qu'on ne pourrait pas sortir de l'espace Schengen avant longtemps.
Or Roissy a principalement vocation à desservir l'international, hors zone Schengen tandis qu’Orly dessert uniquement les destinations de la zone Schengen, et les Outre-Mer.
En période de crise, protéger l'espace national, et donc les Outre-Mer, me semble être une priorité absolue.
Ou alors, il faut en tirer les conséquences et accepter d'indemniser les Outre-Mer pour le préjudice subi, et de les indemniser à long-terme car le préjudice sera considérable et à long terme."
"Un droit européen, insuffisant à ce jour en matière touristique..."
TourMaG.com - Vous êtes favorable plutôt à un maintien des liaisons aériennes avec nos partenaires européens, depuis Orly ?
Yves Brossard : “Complètement. Si l’on veut mettre en pratique notre appartenance à la Communauté européenne, protéger l'espace européen me semble être une deuxième priorité visant à maintenir de préférence les liaisons aériennes avec nos partenaires européens, depuis Orly.
D’autant plus, que l’été est la haute saison pour les destinations balnéaires européennes.
Aider l’Europe, c’est témoigner d’une solidarité, et c’est nous aider aussi indirectement.
Et si cela pouvait aussi nous aider à bâtir un droit du tourisme européen, ce serait encore mieux, car l’avenir de nos industries touristiques européennes passe inévitablement par un droit européen, insuffisant à ce jour en matière touristique.
Un droit qui corrige le déséquilibre actuel de nos relations juridiques, fiscales, sociales et commerciales avec les zones extérieures à l’Union européenne, et parfois intérieures.
Nous perdons trop de temps et trop d’énergie, pour des problèmes relativement simples à résoudre, à condition de les traiter au niveau auquel le rapport de force peut être équilibré, c’est à dire au niveau de l’Union européenne."
TourMaG.com - Pour revenir à la réouverture d’Orly, c’est pas un peu simpliste de tout y transférer compte tenu des intérêts des compagnies aériennes, des voyageurs par nécessité, les partenariats internationaux, et autres nécessités multiples ?
Yves Brossard : “En effet. C’est pourquoi je préconiserais plutôt que les professionnels de l’aérien, beaucoup plus compétents que moi, réfléchissent à l’hypothèse de l’ouverture d’un seul terminal à Orly, quitte à en fermer un sur Roissy, si c’est techniquement possible. Et que ces professionnels proposent des solutions.
Ce qui n’exonère pas les pouvoirs publics et les élus d’exercer leur responsabilité politique qui est d’assurer la protection, sous toutes ses formes, des intérêts du territoire national, donc des Outre-Mer.
J’observe que si cinq compagnies aériennes, réputées sérieuses, ont sollicité une réouverture d’Orly dès le 26 juin 2020, c’est sans doute parce qu’elles jugeaient cela possible techniquement et économiquement.
Bien sûr, faudrait-il qu’il y ait un nombre minimal d’une quarantaine de vols par jour sur Orly, mais le seul moyen de démarrer est de tenter de démarrer ; je ne connais pas d’autre méthode.
La Grèce a annoncé la pleine réouverture de son activité touristique. L’Espagne semble avoir une politique plus différenciée, selon le degré de concentration urbaine des régions.
Je suis convaincu, pour ma part, que le chiffre minimum d’une quarantaine de vols par jour serait atteint, pour peu que l’on entrave pas, sans justification scientifique, les Outre-Mer par une quatorzaine unilatérale dont je ne comprends pas la justification scientifique, à défaut de réciprocité.
Il me semble en conclusion que si l’on doit concentrer nos efforts de transport aérien, c’est avant tout sur une plateforme aéroportuaire desservant l’Europe et les Outre-Mer, donc Orly.
En tout état de cause, les aéroports constituant un service public, je crains qu’il ne soit pas acceptable de prendre une décision aussi grave que la rupture du cordon ombilical avec les Outre-Mer des zones atlantique et océan indien, sans avoir, au minimum, engagé un débat au niveau de la représentation nationale, sanctionné par un vote public."
Yves Brossard : “Complètement. Si l’on veut mettre en pratique notre appartenance à la Communauté européenne, protéger l'espace européen me semble être une deuxième priorité visant à maintenir de préférence les liaisons aériennes avec nos partenaires européens, depuis Orly.
D’autant plus, que l’été est la haute saison pour les destinations balnéaires européennes.
Aider l’Europe, c’est témoigner d’une solidarité, et c’est nous aider aussi indirectement.
Et si cela pouvait aussi nous aider à bâtir un droit du tourisme européen, ce serait encore mieux, car l’avenir de nos industries touristiques européennes passe inévitablement par un droit européen, insuffisant à ce jour en matière touristique.
Un droit qui corrige le déséquilibre actuel de nos relations juridiques, fiscales, sociales et commerciales avec les zones extérieures à l’Union européenne, et parfois intérieures.
Nous perdons trop de temps et trop d’énergie, pour des problèmes relativement simples à résoudre, à condition de les traiter au niveau auquel le rapport de force peut être équilibré, c’est à dire au niveau de l’Union européenne."
TourMaG.com - Pour revenir à la réouverture d’Orly, c’est pas un peu simpliste de tout y transférer compte tenu des intérêts des compagnies aériennes, des voyageurs par nécessité, les partenariats internationaux, et autres nécessités multiples ?
Yves Brossard : “En effet. C’est pourquoi je préconiserais plutôt que les professionnels de l’aérien, beaucoup plus compétents que moi, réfléchissent à l’hypothèse de l’ouverture d’un seul terminal à Orly, quitte à en fermer un sur Roissy, si c’est techniquement possible. Et que ces professionnels proposent des solutions.
Ce qui n’exonère pas les pouvoirs publics et les élus d’exercer leur responsabilité politique qui est d’assurer la protection, sous toutes ses formes, des intérêts du territoire national, donc des Outre-Mer.
J’observe que si cinq compagnies aériennes, réputées sérieuses, ont sollicité une réouverture d’Orly dès le 26 juin 2020, c’est sans doute parce qu’elles jugeaient cela possible techniquement et économiquement.
Bien sûr, faudrait-il qu’il y ait un nombre minimal d’une quarantaine de vols par jour sur Orly, mais le seul moyen de démarrer est de tenter de démarrer ; je ne connais pas d’autre méthode.
La Grèce a annoncé la pleine réouverture de son activité touristique. L’Espagne semble avoir une politique plus différenciée, selon le degré de concentration urbaine des régions.
Je suis convaincu, pour ma part, que le chiffre minimum d’une quarantaine de vols par jour serait atteint, pour peu que l’on entrave pas, sans justification scientifique, les Outre-Mer par une quatorzaine unilatérale dont je ne comprends pas la justification scientifique, à défaut de réciprocité.
Il me semble en conclusion que si l’on doit concentrer nos efforts de transport aérien, c’est avant tout sur une plateforme aéroportuaire desservant l’Europe et les Outre-Mer, donc Orly.
En tout état de cause, les aéroports constituant un service public, je crains qu’il ne soit pas acceptable de prendre une décision aussi grave que la rupture du cordon ombilical avec les Outre-Mer des zones atlantique et océan indien, sans avoir, au minimum, engagé un débat au niveau de la représentation nationale, sanctionné par un vote public."
Quatorzaine : deux poids deux mesures
TourMaG.com - Que se passerait-il si finalement le 26 juin prochain les conditions n’étaient pas réunies pour une réouverture ?
Yves Brossard : “Le renvoi de chacun aux responsabilités de l’autre est un exercice perdant-perdant auquel il est difficile de se résoudre.
Si les pouvoirs publics au plus haut niveau de l’Etat décident de relancer les liaisons aériennes depuis Orly, ou pas, ils ne pourront en tout cas s’abriter derrière la situation sanitaire locale, qui est meilleure qu’en métropole, ni derrière la supposée défaillance des hôpitaux puisqu’il n’y en pas eu.
Tout au plus pourraient-elle être tentées d’invoquer le régime local de "quartorzaine", qui ne résulte pas d’une situation, mais d’une simple crainte d’une situation.
Mais alors il faudra que les autorités en charge nous expliquent ce que l’on a toujours pas compris : pourquoi une quatorzaine quand un visiteur se rend dans les Outre-Mer, mais pas de quatorzaine quand un résident d’Outre-Mer se rend en métropole ?
TourMaG.com - La réciprocité de la quatorzaine est une question qui fait débat ?
Yves Brossard : “Clairement. Dans un article publié dans Le Figaro.fr, on précise :
« Si dans le sens métropole - outre-mer, la règle est claire, ce n'est pas le cas dans l'autre sens. Après le 11 mai, ceux qui souhaitent se rendre en métropole - et ont une bonne raison de le faire - devront-ils subir une quarantaine ou y échapperont-ils ?
«Le sujet est encore en discussion et fera l'objet d'un arbitrage global prochainement», assure au Figaro Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer et la visibilité des Outre-mer. »
Sous l’angle des appréhensions sanitaires, il me semble que les chiffres démontrent aisément que les Outre-Mer se sont avérés beaucoup moins risqués que la métropole au plan sanitaire, relativement à la crise actuelle, et que les hôpitaux des Outre-Mer ont fait preuve d’une excellente capacité de réaction.
Faut-il le rappeler une nouvelle fois, les temps ont changé depuis les années 60, les hôpitaux, les médecins et le personnel médical des Outre-Mer constituent aujourd’hui un atout puissant pour les visiteurs qui nous font l’amitié de nous rendre visite. Il faut le dire.
Il faut changer notre logiciel de réflexion sur les Outre-Mer qui subissent certes des handicaps structurels nombreux, lesquels sont d’ailleurs parfois des atouts pour les visiteurs et pour le développement de l’emploi au travers des industries touristiques des Outre-Mer, non parasitées.
Mais un handicap structurel ne signifie pas un retard, ou une faiblesse, ou une incapacité : c’est un empêchement.
Et c’est justement la raison pour laquelle nous réagissons aussi vigoureusement sur la nécessité de la réouverture d’Orly au 26 juin 2020 : parce qu’accentuer les difficultés des compagnies aériennes qui desservent nos aéroports, et qui donc servent nos populations et nos économies. Voudrait-on nous empêcher de travailler qu’on ne s’y prendrait pas autrement !
Yves Brossard : “Le renvoi de chacun aux responsabilités de l’autre est un exercice perdant-perdant auquel il est difficile de se résoudre.
Si les pouvoirs publics au plus haut niveau de l’Etat décident de relancer les liaisons aériennes depuis Orly, ou pas, ils ne pourront en tout cas s’abriter derrière la situation sanitaire locale, qui est meilleure qu’en métropole, ni derrière la supposée défaillance des hôpitaux puisqu’il n’y en pas eu.
Tout au plus pourraient-elle être tentées d’invoquer le régime local de "quartorzaine", qui ne résulte pas d’une situation, mais d’une simple crainte d’une situation.
Mais alors il faudra que les autorités en charge nous expliquent ce que l’on a toujours pas compris : pourquoi une quatorzaine quand un visiteur se rend dans les Outre-Mer, mais pas de quatorzaine quand un résident d’Outre-Mer se rend en métropole ?
TourMaG.com - La réciprocité de la quatorzaine est une question qui fait débat ?
Yves Brossard : “Clairement. Dans un article publié dans Le Figaro.fr, on précise :
« Si dans le sens métropole - outre-mer, la règle est claire, ce n'est pas le cas dans l'autre sens. Après le 11 mai, ceux qui souhaitent se rendre en métropole - et ont une bonne raison de le faire - devront-ils subir une quarantaine ou y échapperont-ils ?
«Le sujet est encore en discussion et fera l'objet d'un arbitrage global prochainement», assure au Figaro Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer et la visibilité des Outre-mer. »
Sous l’angle des appréhensions sanitaires, il me semble que les chiffres démontrent aisément que les Outre-Mer se sont avérés beaucoup moins risqués que la métropole au plan sanitaire, relativement à la crise actuelle, et que les hôpitaux des Outre-Mer ont fait preuve d’une excellente capacité de réaction.
Faut-il le rappeler une nouvelle fois, les temps ont changé depuis les années 60, les hôpitaux, les médecins et le personnel médical des Outre-Mer constituent aujourd’hui un atout puissant pour les visiteurs qui nous font l’amitié de nous rendre visite. Il faut le dire.
Il faut changer notre logiciel de réflexion sur les Outre-Mer qui subissent certes des handicaps structurels nombreux, lesquels sont d’ailleurs parfois des atouts pour les visiteurs et pour le développement de l’emploi au travers des industries touristiques des Outre-Mer, non parasitées.
Mais un handicap structurel ne signifie pas un retard, ou une faiblesse, ou une incapacité : c’est un empêchement.
Et c’est justement la raison pour laquelle nous réagissons aussi vigoureusement sur la nécessité de la réouverture d’Orly au 26 juin 2020 : parce qu’accentuer les difficultés des compagnies aériennes qui desservent nos aéroports, et qui donc servent nos populations et nos économies. Voudrait-on nous empêcher de travailler qu’on ne s’y prendrait pas autrement !
"Il a fallu 20 ans pour construire les réseaux aériens des Outre-Mer..."
TourMaG.com - La survie du pavillon français est donc vitale pour les Antilles ?
Yves Brossard : "Les compagnies aériennes, qui nous servent, sont nos compagnies aériennes car elles sont vitales pour nous.
Il a fallu 20 ans pour construire les réseaux aériens des Outre-Mer, il n’est pas envisageable de les détruire en quelques mois.
Orly est notre aéroport, même si nous avons souhaité maintes et maintes fois ouvrir nos destinations sur l’international, en tentant d’encourager les compagnies aériennes à voler vers les Outre-Mer depuis Roissy (c’est le cas pour certains Outre-Mer, mais pas pour les Antilles).
Le problème d’Orly ne se poserait pas, aujourd’hui, si les Outre-Mer étaient desservies aussi bien par Roissy qu’Orly.
Mais quand tout va bien, chacun le sait, on a la faiblesse de ne pas préparer l’avenir, ni d’envisager les imprévus. Quand la bise fut venue … Ça ne date pas d’hier, la Cigale et la Fourmi…
Pensez une seconde à Saint-Martin : trois sinistres majeurs en deux ans. Ce n’est plus de la résilience qu’il faut pour rebâtir Saint-Martin, ni du courage, c’est de l’abnégation. Alors n’ajoutons pas aux problèmes structurels, des problèmes de prise de décisions non concertées avec les professionnels."
TourMaG.com - Quelle est selon vous le bon moment du redémarrage sans danger d’une relance des contaminations ?
Yves Brossard :”Il serait inapproprié de laisser planer la menace d’un reconfinement automatique. Mais la responsabilisation acquise par les populations au cours des deux mois passés, l’expérience acquise par les médecins et personnels hospitaliers, le renforcement des moyens techniques, le développement de l’usage du masque et enfin la présence des outils de test, sont autant de facteurs qui font que l’analyse faite le 15 mars 2020 ne pouvait être la même que celle faite aujourd’hui, et ne saurait être la même que celle qui sera menée le 15 juin 2020, dans la perspective d’un redémarrage théorique d’Orly le 26 juin 2020.
On ne pas accepter l’idée que déconfiner trop vite serait impardonnable, sans considérer dans le même temps que, ne pas déconfiner serait coupable aussi, certes pour d’autres raisons.
Yves Brossard : "Les compagnies aériennes, qui nous servent, sont nos compagnies aériennes car elles sont vitales pour nous.
Il a fallu 20 ans pour construire les réseaux aériens des Outre-Mer, il n’est pas envisageable de les détruire en quelques mois.
Orly est notre aéroport, même si nous avons souhaité maintes et maintes fois ouvrir nos destinations sur l’international, en tentant d’encourager les compagnies aériennes à voler vers les Outre-Mer depuis Roissy (c’est le cas pour certains Outre-Mer, mais pas pour les Antilles).
Le problème d’Orly ne se poserait pas, aujourd’hui, si les Outre-Mer étaient desservies aussi bien par Roissy qu’Orly.
Mais quand tout va bien, chacun le sait, on a la faiblesse de ne pas préparer l’avenir, ni d’envisager les imprévus. Quand la bise fut venue … Ça ne date pas d’hier, la Cigale et la Fourmi…
Pensez une seconde à Saint-Martin : trois sinistres majeurs en deux ans. Ce n’est plus de la résilience qu’il faut pour rebâtir Saint-Martin, ni du courage, c’est de l’abnégation. Alors n’ajoutons pas aux problèmes structurels, des problèmes de prise de décisions non concertées avec les professionnels."
TourMaG.com - Quelle est selon vous le bon moment du redémarrage sans danger d’une relance des contaminations ?
Yves Brossard :”Il serait inapproprié de laisser planer la menace d’un reconfinement automatique. Mais la responsabilisation acquise par les populations au cours des deux mois passés, l’expérience acquise par les médecins et personnels hospitaliers, le renforcement des moyens techniques, le développement de l’usage du masque et enfin la présence des outils de test, sont autant de facteurs qui font que l’analyse faite le 15 mars 2020 ne pouvait être la même que celle faite aujourd’hui, et ne saurait être la même que celle qui sera menée le 15 juin 2020, dans la perspective d’un redémarrage théorique d’Orly le 26 juin 2020.
On ne pas accepter l’idée que déconfiner trop vite serait impardonnable, sans considérer dans le même temps que, ne pas déconfiner serait coupable aussi, certes pour d’autres raisons.
"Il faut peut-être aussi déconfiner la démocratie..."
C’est vrai aussi pour le rédémarrage de l’activité économique : s’engager trop tôt serait impardonnable, mais reprendre l’activité trop tard serait coupable.
J’ajoute que rien ne garantit qu’un déconfinement, ou une quatorzaine, ou un redémarrage des activités professionnelles plus tardif, éliminerait totalement l’hypothèse d’une relance des contaminations.
Nous sommes dans l’incertitude, et chacun doit l’admettre modestement, y compris les pouvoirs publics.
Les anxieux diront qu’il est trop tôt pour redémarrer au 26 juin 2020, les optimistes diront que le redémarrage le 26 juin est trop tardif. J’ai personnellement apprécié la prudence des compagnies aériennes.
Les compagnies aériennes ont seulement sollicité la suspension à terme de la quatorzaine, sauf pour les gens malades, et uniquement à compter du 26 juin 2020, alors que nous ne sommes que le 10 mai 2020 ; et elles souhaitent qu’un point d’étape sanitaire soit fait le 15 juin 2020 pour s’assurer qu’il est raisonnable, ou pas, de suspendre la quatorzaine à compter du 26 juin 2020.
Donc le discours me semble clair : si au 15 juin 2010 la quatorzaine s’avère nécessaire, les compagnies aériennes se soumettront à la décision des pouvoirs publics en vue de la poursuite de la quatorzaine au delà du 26 juin 2020."
TourMaG.com - Vous avez de l’espoir pour ce redémarrage de l’industrie touristique fin juin ?
Yves Brossard :”Le Premier ministre a rappelé que lutter contre le virus ne signifiait pas tuer l’économie.
Pour nous, professionnels des industries touristiques, les vacances c’est notre travail, et donc de l’emploi pour nos compatriotes, du pouvoir d’achat pour nos compatriotes, du pouvoir de vivre tout simplement.
La voie de la sagesse, me semble-t-il, serait peut-être d’écouter très attentivement les professionnels de l’aérien : ils ont sollicité la réouverture d’Orly à compter du 26 juin 2020 : leur demande semble raisonnable au plan de la date tardive, et elle intègre les considérations de santé et de précaution programmée.
Nul besoin d’infantiliser les populations, et de laisser à penser que les professionnels manqueraient de sérieux, alors que ce sont aujourd’hui ces professionnels qui soutiennent l’édifice social, par leur activisme et leur organisation.
Il faut peut-être aussi déconfiner la démocratie, et la confiance dans le sérieux des professionnels..."
J’ajoute que rien ne garantit qu’un déconfinement, ou une quatorzaine, ou un redémarrage des activités professionnelles plus tardif, éliminerait totalement l’hypothèse d’une relance des contaminations.
Nous sommes dans l’incertitude, et chacun doit l’admettre modestement, y compris les pouvoirs publics.
Les anxieux diront qu’il est trop tôt pour redémarrer au 26 juin 2020, les optimistes diront que le redémarrage le 26 juin est trop tardif. J’ai personnellement apprécié la prudence des compagnies aériennes.
Les compagnies aériennes ont seulement sollicité la suspension à terme de la quatorzaine, sauf pour les gens malades, et uniquement à compter du 26 juin 2020, alors que nous ne sommes que le 10 mai 2020 ; et elles souhaitent qu’un point d’étape sanitaire soit fait le 15 juin 2020 pour s’assurer qu’il est raisonnable, ou pas, de suspendre la quatorzaine à compter du 26 juin 2020.
Donc le discours me semble clair : si au 15 juin 2010 la quatorzaine s’avère nécessaire, les compagnies aériennes se soumettront à la décision des pouvoirs publics en vue de la poursuite de la quatorzaine au delà du 26 juin 2020."
TourMaG.com - Vous avez de l’espoir pour ce redémarrage de l’industrie touristique fin juin ?
Yves Brossard :”Le Premier ministre a rappelé que lutter contre le virus ne signifiait pas tuer l’économie.
Pour nous, professionnels des industries touristiques, les vacances c’est notre travail, et donc de l’emploi pour nos compatriotes, du pouvoir d’achat pour nos compatriotes, du pouvoir de vivre tout simplement.
La voie de la sagesse, me semble-t-il, serait peut-être d’écouter très attentivement les professionnels de l’aérien : ils ont sollicité la réouverture d’Orly à compter du 26 juin 2020 : leur demande semble raisonnable au plan de la date tardive, et elle intègre les considérations de santé et de précaution programmée.
Nul besoin d’infantiliser les populations, et de laisser à penser que les professionnels manqueraient de sérieux, alors que ce sont aujourd’hui ces professionnels qui soutiennent l’édifice social, par leur activisme et leur organisation.
Il faut peut-être aussi déconfiner la démocratie, et la confiance dans le sérieux des professionnels..."
Mini Bio
Yves Brossard, patron de Primea Hotels Guadeloupe, est d'origine vendéenne et a passé son adolescence au Maroc. Il a travaillé à la montagne pour des sociétés dont le cœur de métier était l’aménagement ex nihilo de stations de sports d’hiver.
Son premier contact avec les Caraïbes françaises, et la Guadeloupe principalement, date de 1982. JIl a aussi roulé sa bosse à Saint-Barthélemy Il a créé Prime Invest, (Primeahotels Guadeloupe) qui a géré jusqu'à 11 établissements en Guadeloupe. Il en a conservé 2 à Saint François et Gosier.
Son premier contact avec les Caraïbes françaises, et la Guadeloupe principalement, date de 1982. JIl a aussi roulé sa bosse à Saint-Barthélemy Il a créé Prime Invest, (Primeahotels Guadeloupe) qui a géré jusqu'à 11 établissements en Guadeloupe. Il en a conservé 2 à Saint François et Gosier.