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Chronique d'une mort annoncée... Exit le pavillon français d’ici 5 ans ?

la chronique de Jean-Louis Baroux


Jean-Louis Baroux, expert aérien revient dans cette chronique sur le rapport de Bruno Le Roux, député de Seine Saint Denis et président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. Ce document est "un cri d'alarme" : si rien n’est entrepris par rapport à la situation actuelle, le pavillon français risque de disparaitre d’ici à 5 ans...


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Jeudi 20 Novembre 2014

Le rapport note l’énorme déséquilibre entre le groupe Air France qui réalise 86% du chiffre d’affaires du secteur et l’ensemble des autres compagnies qui doivent se partager les 14% restants - DR : Emile LUIDER, LA COMPANY pour Aéroports de Paris
Le rapport note l’énorme déséquilibre entre le groupe Air France qui réalise 86% du chiffre d’affaires du secteur et l’ensemble des autres compagnies qui doivent se partager les 14% restants - DR : Emile LUIDER, LA COMPANY pour Aéroports de Paris
Je viens de lire attentivement le rapport commandé par le désormais ex Secrétaire d’Etat aux Transports : Mr Cuvillier à Bruno Le Roux, député de Seine Saint Denis et président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale.

Je note tout d’abord le sérieux avec lequel il a été construit et la qualité des personnes qui ont participé à sa rédaction : des responsables des compagnies « privées », Laurent Magnin, Pascal de Izaguirre, Jean-François Domoniak, Marc Rochet, Alain Battisti, mais également des représentants qualifiés des aéroports : Jean Michel Vernhes au titre de l’Union des Aéroports Français, des dirigeants de la DGAC : Patrick Gandil et Pierre Yves Bissauge, sans oublier le SNPL représenté par Yves Dehayes, plus un certain nombre d’autres experts tout aussi qualifiés.

Je note également que le rapport a été rendu dans le temps imparti dans la lettre de mission, c’est-à-dire avant la fin octobre 2014.

Autrement dit tout ce beau monde a travaillé activement et la rédaction n’a pas trainée comme c’est souvent le cas. Il faut dire que Bruno Le Roux est particulièrement intéressé par ces questions et qu’il est pilote privé lui-même.

Ce rapport est d’abord un cri d’alarme vis-à-vis du transport aérien français.

En filigrane, mais également en clair, il souligne que si rien n’est entrepris par rapport à la situation actuelle, le pavillon français risque de disparaitre d’ici à 5 ans.

Le pavillon français perd systématiquement des parts de marché

Or ce secteur représente 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 576.000 salariés auxquels on peut rajouter l’induction sur les secteurs touristiques estimée à 13,4 milliards d’euros et 208.000 emplois. Ce n’est pas négligeable loin de là.

Et le diagnostic est sans appel. Le pavillon français perd systématiquement des parts de marché.

En 5 ans, le trafic s’est accru de 47%, mais les compagnies françaises n’ont eu que 19% de croissance. Et le secteur perd des emplois : -4% entre 2008 et 2012. L’analyse montre l’impact des « low costs » qui représentent 17% du trafic domestique et 41% du trafic court/moyen-courrier international.

Notons cependant que les chiffres pour les autres pays sont encore plus importants : 61% pour le domestique et 58% pour l’international au Royaume Uni, 42% et 55% en Italie, 45% et 67% en Espagne. Seule l’Allemagne est moins atteinte si l’on peut dire : 38% pour le domestique et 38% pour l’international.

Puis le rapport pointe les défaillances pour ce qui est du long-courrier en désignant essentiellement les compagnies du Golfe. 80% des passagers utilisant ces compagnies sont en réalité à destination de l’Asie. Le « hub » de Paris perd lui aussi des parts de marché.

Il est passé de 6,7% du trafic en 2005 à 5,5% en 2013 alors que dans le même temps, Dubaï passait de 2% à 6%. Enfin il note l’énorme déséquilibre entre le groupe Air France qui réalise 86% du chiffre d’affaires du secteur et l’ensemble des autres compagnies qui doivent se partager les 14% restants.

La problématique des taxes

Le rapport, très complet analyse également les aspects aéroportuaires pour signaler là encore le déséquilibre entre Paris qui traite 60% du trafic et les autres aéroports français (150 ouverts au trafic régulier).

Viennent alors les préconisations. D’abord une simplification et une stabilisation de la réglementation. Ensuite la diminution, voire la suppression des taxes.

Elles sont nombreuses, parfois injustes comme la taxe Chirac qui devrait être également supportée par le secteur ferroviaire, parfois elles ne vont même pas à leur destinataire : 19% de la taxe de l’aviation civile retourne au budget général au lieu d’aller à la DGAC.

D’autres taxes et redevances sont pointées du doigt : la TVA sur le transport domestique ou la taxe sur les nuisances et la taxe d’aéroports. Le rapport demande d’ailleurs que la sûreté soit à la charge de l’Etat et non du transport aérien.

Et puis il y a tout un volet social et le rapport préconise de limiter les droits de trafic pour les transporteurs qui ne respectent pas une concurrence équitable et d’assurer une grande vigilance quant au respect des normes sociales et fiscales françaises.

Je retiens de cette lecture que les acteurs du transport aérien français sont très inquiets pour leur avenir, mais je reste dubitatif sur les solutions proposées. Ce n’est pas en empêchant les compagnies du Golfe d’opérer que l’on vendra des Airbus. Ce n’est pas non plus en demandant le secours financier d’un Etat exsangue que l’on rendra les compagnies françaises profitables.

Enfin je n’ai vu nulle part dans le rapport une quelconque allusion à la détérioration de la qualité de service des compagnies françaises qui reste la principale explication à la réussite de concurrents bien mieux dotés en la matière.

Dommage !

Chronique d'une mort annoncée... Exit le pavillon français d’ici 5 ans ?
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com..

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Tags : baroux
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Commentaires

1.Posté par dom31 le 20/11/2014 09:51 | Alerter
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Je dois dire que je partage beaucoup la finale de votre texte, quant à la détérioration de la qualité de service des Cies françaises. Je voyage beaucoup et notamment ces derniers temps sur l'Océan Indien. J'ai pris A.F ainsi que Corsair voulant défendre le "pavillon français". Las !
Lors de rencontres avec des interlocuteurs de différentes iles, j'ai systématiquement posé la question, "avec quelles Cies voyagez-vous ?" La réponse ne se fait pas attendre soit Air Mauritius si nous sommes à Maurice (et que pourrait répondre d'autre si nous avons un responsable du tourisme en face de nous) soit une Cie du Golfe pour le commun des mortels. Pourtant le temps passé entre Maurice et Paris est rallongé de plusieurs heures ! Aucun problème me répondent ces interlocuteurs, la qualité de service, le type d'avion, la qualité des PNC, nous font choisir ces Cies plutôt que les françaises.
Le prix intervient alors en 2 ou 3è position. Malgré la baisse des prix envisagé (ou promo ponctuelle)par les Stés françaises, les Cies du Golfe engrangent de plus en plus de part de marché et le bouche à oreille leur est très favorable (image et notoriété).
Oui, les avions Corsair font encore le plein mais franchement tout tire vers le bas de gamme et ces compagnies (A.F et Corsair) me font penser aux véhicules français d'il y a 20 ans. Pour avoir l'équivalent d'une voiture allemande (par exemple), il fallait ajouter un tas de suppléments alors que ces options étaient déjà de base dans les voitures concurrentes... C'est ce qui se passe aujourd'hui avec nos chers (trop chers) Cies françaises. Enfin, oui le service n'est plus à la hauteur. Pendant mon dernier voyage Corsair (alors que j'ai aussi comme pour A.F une carte de fidélisation) je n'ai pas arrêté d'entendre gémir le personnel sur les "clients" qui viennent avec des valises à mettre dans les coffres, du mauvais service de leur Cie.... à terre, etc. ½ h après le service repas, les ¾ des PNC avaient disparu pour aller dormir. Super. Alors mes prochains voyages, je vais essayer les Cies concurrentes au même prix et j'en saurais plus ! Le programme fidélisation AF, je viens de l'abandonner car franchement ridicule et surtout n'appelez jamais le service client... et celui de Corsair je vais en faire cadeau car ce sont des sommes déductibles du prix du billet. Vive la concurrence et non au sponsoring d'état.

2.Posté par just biou le 20/11/2014 10:23 | Alerter
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Cher Monsieur Baroux, cher Monsieur Godet,
Encore un rapport.
Il y a plusieurs mois, M. Claude Abraham avait fait un rapport similaire. Il est l’une des personnalités les plus qualifiées dans le transport aérien français.
Plutôt que de chercher à utiliser son rapport «on» a préféré recréer une énième commission Bidule-Tartempion. C’est la tradition française dans toute sa lâcheté.
Bien sûr, dans ce nouveau rapport on parle de tout sauf du problème central : le coût interne des compagnies françaises.
Quelle triste rigolade. C’est affligeant.
Ce dont nous avons besoin ce sont des hommes COURAGEUX comme M. Baladur et les armateurs maritimes français. En d’autres termes, il faut donner un coup de pied dans la fourmilière et CRÉER LE P.I.A.F.
Avec tristesse, je vois que vous-mêmes, Messieurs, qui êtes des professionnels qualifiés, vous n’avez jamais osé évoquer le PIAF.
Un gouvernement courageux créerait le PIAF et, ensuite, en position de force les compagnies aériennes françaises pourraient négocier avec leurs interlocuteurs.

Hélas, ce n’est qu’un rêve. Cela finira comme annoncé, en cauchemar, la fin du pavillon français.

3.Posté par Pascal le 20/11/2014 15:47 | Alerter
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Ce que je retiens de votre article, ce sont vos conclusions.

-"Ce n’est pas en empêchant les compagnies du Golfe d’opérer que l’on vendra des Airbus.":
Et alors? Ce qu'on gagne en emplois chez Airbus, on le perd chez le pavillon français. Au mieux c'est à somme nulle, et Airbus (pour la part française) est très loin d'avoir 576000 salariés

-"Ce n’est pas non plus en demandant le secours financier d’un Etat exsangue que l’on rendra les compagnies françaises profitables.":
Le rapport ne demande aucun "secours" mais tout simplement l'équité fiscale et juridique. Merci de vous en tenir au texte et de ne pas le réécrire.

-"Enfin je n’ai vu nulle part dans le rapport une quelconque allusion à la détérioration de la qualité de service des compagnies françaises qui reste la principale explication à la réussite de concurrents bien mieux dotés en la matière.":
C'est pas faux, enfin, ce n'était pas faux, car vous balayez d'un revers de main très méprisant toutes les annonces et les efforts faits par les cies françaises en terme de produits et de QDS (même Corsair d'ailleurs...) ces 12 derniers mois

But don't worry, le boulot est fait et vous continuerez à voyager gratuitement sur les cies du Golfe

4.Posté par dom31 le 21/11/2014 09:59 | Alerter
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Oui, en effet les effets d'annonces changent la façon de se comporter... Notamment chez Air France ou nous avons vu comment ils ont l'habitude de se comporter avec leurs clients qu'ils prennent pour des usagers. Terme qu'ils affectionnent. Les efforts s'ils étaient vraiment réalisés par le personnel cela se saurait et se refléterait sur les résultats.

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