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Coronavirus : comment les professionnels du tourisme italien survivent-ils "dans un pays en guerre" ?

A l'arrêt le tourisme se cherche une raison d'espérer


Pendant que la Chine voit le nombre de contaminations baisser, l'inquiétude ne se situe pas vraiment à l'Est de notre continent, mais plutôt au sud de la France. Après avoir placé la Lombardie, puis la Vénétie en quarantaine, le gouvernement a décidé d'étendre l'alerte rouge à l'ensemble du pays, une première. Nous avons appelé des professionnels du tourisme pour connaître leur quotidien et l'état économique de l'industrie. Des témoignages qui pourraient trouver un écho particulier dans les prochaines heures ou jours en France.


Rédigé par le Lundi 16 Mars 2020

A l'arrêt le tourisme se cherche une raison d'espérer en Italie - Crédit photo : compte Twitter @thalassa2008
A l'arrêt le tourisme se cherche une raison d'espérer en Italie - Crédit photo : compte Twitter @thalassa2008
Le coronavirus a connu différents traitements, depuis son apparition au début de l'année 2020.

Tout d'abord, le dédain, d'une maladie estampillée comme exotique car lointaine. Ensuite la suffisance des Européens qui pensaient être en mesure de maîtriser sa propagation. Maintenant il inspire la crainte de voir toute une économie s'effondrer et les fondements mêmes de nos sociétés remis en cause.

Si pour le moment la France fait face à de nouvelles mesures, de l'autre côté des Alpes la situation est tout autre, se rapprochant même du film catastrophe voire post-apocalyptique.

"Les mesures sont de plus en plus restrictives, les bars et les restaurants sont dorénavant fermés, nous avons l'impression de jouer dans un film de science-fiction," sourirait presque Frédéric Naar, le président du tour-opérateur du même nom.

Basé à Milan en plein cœur d'un des principaux foyers, le vice-président Astoi, l'équivalent du Seto italien, vit depuis quelques semaines avec le sentiment d'être seul et isolé, à l'image de son pays.

Un peu plus à l'est de la Botte, même ambiance, autre foyer.

"Jusqu'à lundi (et l'annonce de l'élargissement de la zone rouge à l'ensemble du pays, ndlr) nous vivions quasiment normalement, mais depuis c'est devenu l'horreur," rapporte Corinne Labadie-Barbé, la responsable des ventes d'Albatravel Group.

"C'est un cauchemar, cela devient de plus en compliqué, dans la vie de tous les jours..."

Après le développement devenu quasiment incontrôlable de l'épidémie, le gouvernement italien a pris le parti de confiner sa propre population jusqu'au 3 avril 2020.

La situation sanitaire est si préoccupante que pour Frédéric Naar, les agents hospitaliers en sont arrivés à choisir qui a le droit de mourir ou survivre.

"Les hôpitaux n'arrivent plus à faire face à l'afflux de malades et les stocks d'oxygène ont été épuisés. Les installations ne sont pas les mêmes qu'en France," souffle de patron du voyagiste.

Avec 24 747 cas de coronavirus sur son sol et 1 809 morts, l'Italie est le deuxième pays le plus touché derrière la Chine qui connaît actuellement une décrue saisissante de son nombre de cas diagnostiqués.

Si l'ambiance vient de changer passablement en France après l'allocution d'Emmanuel Macron, elle est plus que lourde pour nos voisins transalpins.

"C'est un cauchemar, cela devient de plus en compliqué, dans la vie de tous les jours. Même sortir le chien n'est plus possible. Nous vivons comme en période de guerre. Il y aura beaucoup de blessures après cette période," nous rapporte Corinne Labadie-Barbé.

En Italie pour se déplacer il devient nécessaire de se prémunir d'un certificat et seulement les déplacements sanitaires sont autorisés.

Une vie en autarcie peu commune pour des Méditerranéens.

"Tout le monde suit bien les consignes, mais je me demande combien de temps les gens vont rester calmes avant de se tourner vers des réactions en forme de rébellions contre ces décisions," rapporte Marco Guaramonti, responsable de la filiale française de Naar.

"A part les appels des clients pour annuler, nous n'avons presque plus de travail"

Pour le moment, la Botte marche au pas, allant même jusqu'à s'offusquer du comportement français.

Il y a une semaine, un village breton organisait le plus grand rassemblement de schtroumpfs du monde, un événement qui est resté en travers de la gorge des Italiens.

"C'est totalement inconscient. Nous avons tous été choqués par un tel comportement tout comme le maintien des élections, c'est une décision mal honnête," explique la responsable commerciale.

Le temps de la politique est parfois plus long que celui des crises sanitaires, qu'en est-il de l'activité touristique ?

"Le secteur du voyage est totalement à l'arrêt, le gouvernement a toutefois choisi de ne pas laisser tomber l'industrie avec un plan d'aide, mais surtout la mise en place du voucher," rapporte Marco Guaramonti, qui possède de nombreuses attaches dans le nord de l'Italie.

Un décret qu'attendent, comme le lait sur le feu, les professionnels du tourisme français.

En attendant, pour nos voisins transalpins, le quotidien se résume à traiter les demandes de remboursement, transformées en avoirs, par centaines voire même milliers.

Si les rues de la grouillante Venise ou de la dynamique Milan sont battues par le vent et la solitude, les bureaux sont frappés du même mal.

"A part les appels des clients pour annuler, nous n'avons presque plus de travail. Nous sommes tous à mi-temps, la prochaine étape sera le chômage total," souffle la responsable d'Albatravel.

Avant de compter les acteurs n'ayant pas supporté la quarantaine étendue intégralement au pays.

"Nous avons 10 jours d'avance sur vous..."

Et ceux-ci pourraient être nombreux, notamment pour les acteurs qui sont en frontal avec les touristes. Ces derniers se retrouvent sans revenu depuis de trop longues semaines.

Certains ont d'ores et déjà dû mettre la clé sous la porte, mais l'Italie doit-elle craindre une généralisation des faillites ?

"Je ne pense pas, l'union des tour-opérateurs a fait beaucoup de bien. Vous savez avec la crise de 2008, près de 50% des TO ont disparu ici, alors ceux qui sont encore debout sont assez solides," espère Frédéric Naar.

D'autant que les acteurs ont moins été impactés de ce côté des Alpes, par la chute de Thomas Cook. Alors que les fondations de la maison n'ont pas été ébranlées, il se peut qu'en France, les appuis soient moins stables et la situation bien différente.

"Une chose est sûre, il y aura un avant et un après cette crise, notamment en Europe.

L'Union Européenne va sans doute arrêter de regarder les déficits, pour soutenir les économies, même Angela Merkel (la chancelière allemande ndlr) a remis en question le déficit 0 de l'Allemagne,
" ouvre en note d'espoir la responsable de la filiale française Naar Voyages.

Avant de regarder aussi loin, il va falloir déjà que cette époque étrange prenne fin. Et pour une fois, au moment de raccrocher avec l'ensemble de mes interlocuteurs, je n'avais pas le dernier mot ou la dernière formule de politesse.

"S'il vous plaît en France, ne prenez pas le coronavirus à la légère, ce qu'il se passe en Italie arrivera chez vous. Nous avons 10 jours d'avance sur vous. Prenez soin de vous et respecter les mesures," conclue Corinne Labadie-Barbé, la responsable des ventes d'Albatravel Group.

Nous souhaitons un bon courage à l'ensemble de nos amis italiens, en espérant que cette maladie ne soit qu'un avertissement sans trop de frais pour l'ensemble de la profession, de la société et de la planète.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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