Croisière Marseille : "Nous prévoyons d'accueillir 2,5 millions de passagers en 2025" [ABO]

TourMaG - Le port de Marseille Fos a dévoilé, ce lundi 27 janvier 2025, les chiffres de la croisière 2024. Au total, entre le terminal du MPCT (Marseille Provence Cruise Terminal) et celui du J4 face au Mucem, combien y’a-t-il eu d’escales dans la Cité phocéenne l’an dernier ?

Jean-François Suhas : Il y a eu 588 escales en 2024, contre 626 en 2023, soit une baisse de -6% qui s’explique par le fait qu’en 2023, nous avions bénéficié du report d’un navire de MSC Croisières, qui représentait une trentaine d’escales supplémentaires.

2023 était une année record en nombre de passagers et - quasiment - en nombre d'escales. L’an dernier, en revanche nous avons enregistré une quarantaine d’escales en moins car des bateaux qui n'étaient pas encore repositionnés, en particulier sur l’Extrême-Orient, sont repartis.

A cela s’ajoute près d’une dizaine d’annulations à cause de la météo. En effet, les bateaux qui tournent en Méditerranée, notamment ceux de moins de 300 mètres, en cas de très fort Mistral, vont préférer rester dans le sud de la Méditerranée et proposer une journée en mer, plutôt que de venir à Marseille.

Mais, d’une manière générale, depuis 6 ou 7 ans, le nombre d’escales ne bouge pratiquement plus. Par contre, les volumes de passagers et les taux de remplissage des navires ont beaucoup augmenté.

Dans les années 2010, nous comptions entre 1,2 et 1,3 million de passagers pour 600 escales. Aujourd’hui, nous gravitons autour de 2,5 millions de passagers, car la jauge moyenne de chaque bateau - notamment ceux de Costa (avec le Smeralda et le Toscana) et MSC (avec le World Europa) - a augmenté.

D’ailleurs, ces deux compagnies représentent à elles seules 80% des escales à Marseille. Nous sommes sur des volumes toujours croissants sur la tête de ligne comme sur le passage en transit.

TourMaG - Vous évoquez Costa et MSC. Quid de la position de Royal Caribbean vis-à-vis de Marseille ?

Jean-François Suhas : La compagnie a décidé de supprimer la moitié de ses escales du mardi en 2024.

Une semaine sur deux, l’Allure of the Seas reste en mer, et RCI est passé d’une cinquantaine d’escales à environ 25 aujourd'hui.

Leur argument a été de nous dire : "nous testons un nouveau produit, une journée en mer, une croisière sur deux". Mais cette journée en mer tombe sur le seul port français de l’itinéraire, alors que ce dernier compte trois escales en Italie et deux en Espagne. Cette décision nous interpelle…

TourMaG - Pensez-vous que la compagnie pourrait à terme partir de Marseille ?

Jean-François Suhas : Je pense qu'elle reviendra, mais pour le moment elle maintient cette journée en mer sur l'année 2025.

Nous ne connaissons pas encore les intentions du Groupe pour 2026, à savoir s’ils reviennent ou s’ils nous quittent complètement. Nous travaillons à leur retour, mais avec quand même une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

TourMaG - A quoi cette décision est-elle liée selon vous ?

Jean-François Suhas : Je dirais qu’il y a, d’une part, l’attitude de certains politiques à Marseille vis-à-vis de la croisière, avec notamment la pétition sortie il y a deux ans. Alors même si la mairie de Marseille fait évoluer son discours depuis quelques semaines, tout ceci a marqué les esprits.

Cela a créé un bruit de fond, alors qu’en règle générale, une compagnie comme Royal Caribbean est accueillie chaleureusement partout où elle vient. On les reçoit et on les remercie d’apporter, avec un bateau tous les mardis qui représente un milliard d'euros d'investissement, de la richesse pour nos territoires.

A Marseille, non seulement, on ne les remercie pas, mais on a plutôt tendance à les "mordre". On peut comprendre que cette situation les lasse, d’autant plus qu'ils construisent leurs bateaux en France…

C’est une forme de double peine : ils ont l'impression de participer au développement économique du pays et que finalement, peu de monde les remercie.

D’autre part, et surtout, il y a les actions anti-croisière comme les kayaks de Stop Croisières qui se sont interposés devant l’un de leur navire en 2022. Si au final, cet incident n’a engendré que deux heures de retard, les photos sont parues partout dans la presse.

Alors, bien sûr, à Barcelone aussi, il y a des tensions sur le tourisme, mais il n'y a pas eu ce type d'événements.

Enfin, il ne faut pas se voiler la face, Royal Caribbean attend de Marseille le même niveau d’expérience client qu’à Barcelone et à Rome, le même type de prestations, et j’estime que nous ne sommes pas au même niveau.

TourMaG - Dans quelles proportions ?

Jean-François Suhas : L’intérêt de la ville, l’insécurité, les problèmes de trafic routier… Il ne faut pas oublier que nous sommes en concurrence directe avec deux métropoles qui ont une offre touristique dingue.

A Marseille, notre offre touristique existe depuis 10 ans, 20 ans diront les plus généreux. Nous devons encore nous améliorer sur la sortie et le retour au port - même si nous avons beaucoup progressé en travaillant avec le port pour que les croisiéristes évitent au maximum de se retrouver dans les embouteillages.

D’ailleurs, nous avons été évalués et la note n’est pas bonne… Nous sommes même moins bien classés que Naples, qui dispose tout de même d’un port en centre-ville.

A l’inverse de Marseille, il y a des villes de la région qui sont beaucoup plus accueillantes. On l’a vu récemment avec Aix-en-Provence, classée parmi les 52 destinations 2025 à visiter par le New York Times. Nos passagers réclament toujours plus Aix-en-Provence d’ailleurs, parce qu'ils sont sensibles à sa beauté.

Il y a Cassis aussi, qui représente 50 000 passagers en excursion par an, ce qui est beaucoup à l'échelle de la ville, puis la Camargue et jusqu’au Pont du Gard.

Lire aussi : Croisière : quel est l'impact économique pour Marseille ?

TourMaG - Etes-vous tout de même satisfait de la croissance de la croisière à Marseille ?

Jean-François Suhas : Bien sûr, nous sommes heureux d’arriver finalement à ce niveau de 2,5 millions de passagers. Peut-être que dans la décennie, nous atteindrons les 3 millions avec des bateaux qui s’agrandissent...

Evidemment, si l'on compare au port de Barcelone, qui accueille environ 1 000 escales par an, ce dernier reçoit les mêmes navires que nous, sauf qu’ils sont tous positionnés en tête de ligne : Norwegian Cruise Line, Royal Caribbean…

A Marseille, nous avons tout de même la chance d’avoir Costa et MSC Croisières. D’ailleurs, cette dernière a ramené une partie de ses escales de Cannes vers Marseille pour des raisons d'embarquement et d'attractivité aussi.

A moyen terme, la compagnie aimerait proposer un départ tous les jours depuis Marseille et je pense qu'elle va y arriver assez rapidement, vu l'offre mondiale dont le Groupe dispose.

TourMaG - Quelles sont vos prévisions pour l'année 2025 ?

Jean-François Suhas : Nous prévoyons d'accueillir 2 580 000 passagers, soit une hausse de 7,5% par rapport à 2024, ainsi qu’une soixantaine d'escales supplémentaires dans les prochains mois (674 en 2025, soit une augmentation de 14,6% par rapport aux 588 de 2024, ndlr).

Il faut dire que, progressivement, les ailes de saison se sont vraiment renforcées. Déjà en mars, il y a du monde.

Autre exemple : en décembre 2024 et janvier 2025, il y a eu entre 25 et 30 escales, ce qui correspond à notre chiffre de l'été en 2016.

A l’heure actuelle, nous accueillons sur certains mois jusqu’à 80 escales, en avril-mai, puis en octobre et novembre. L'été reste toujours plus faible, autour de 45 escales, car de nombreux bateaux sont en Europe du Nord entre juin à septembre. Néanmoins, nous constatons un véritable étalement des croisières.

TourMaG - De nouveaux navires ou de nouvelles compagnies ont-elles prévues de venir à Marseille ?

Jean-François Suhas : La dernière compagnie arrivée à Marseille était CFC Croisières en 2023.

En 2024, sur les 32 compagnies présentes, nous avons eu 10 escales inaugurales, c’est-à-dire des nouveaux navires qui n'étaient jamais venus avant.

En 2025, une quinzaine d'escales inaugurales sont prévues (voir encadré ci-dessous). C’est une tendance que nous constatons depuis 4-5 ans, car il y a énormément de constructions de nouveaux navires, en particulier dans le secteur du luxe.

TourMaG - Comment évolue justement la croisière de luxe à Marseille ?

Jean-François Suhas : Les escales de petits bateaux dans le terminal du J4 sont en croissance chaque année : de 44 en 2023, elles sont passées à 61 en 2024 et nous en attendons 96 en 2025, soit une hausse de +14%.

Lire aussi : En Provence, le monde de la croisière se tourne vers le luxe

- Avril : Mein Schiff Relax (TUI Cruises) ; Silver Ray (Silver Sea Cruises USA)

- Mai : Sylvia Earle (Fred Olsen)

- Juin : Disney Fantasy (Disney Cruise Line) ; Explora II (Explora Journeys) ; Spirit of Discovery (Saga Ocean Cruises)

- Juillet : Ocean Victory (Albatros Expeditions) ; Viking Vesta (Viking Cruises)

- Août : Emerald Sakara (Emerald Yacht Cruises)

- Septembre : Allura (Oceania Cruises USA)

- Octobre : Le Laperouse (Ponant) ; Star Princess (Princess Cruises USA) ; MSC Euribia (MSC Croisières) ; Luminara (Ritz Carlton)

TourMaG - Les chiffres du Port montrent aussi une hausse des escales des navires propulsés au GNL (171 en 2024, pour 9 navires) qui concernent près de 46% des passagers…

Jean-François Suhas : Ce chiffre de 46% permet de dire que pratiquement un passager sur deux est venu de manière neutre en termes de santé publique et de pollution de l'air à Marseille, et c'est quand même très important.

J'en profite pour faire un parallèle avec l’étude dévoilée lors du Blue Maritime Summit, et réalisée par le Pôle Mer Méditerranée et le Citepa, portant sur l’évolution des émissions atmosphériques des navires à Marseille.

Les changements de réglementation qui ont impliqué des changements de carburant depuis 10 ans - notamment l’augmentation du GNL et bientôt je l'espère peut-être le méthanol ou autre - permettent de dire qu’entre 2025 et 2030, à partir du moment où nous allons pouvoir connecter les navires à quai, nous avons l'assurance d'abattre 90% des émissions pour les croisières.

Lire aussi : Croisières : la marche forcée de la décarbonation

TourMaG - Quid de la connexion des navires à quai ? Comment avancent les travaux ?

Jean-François Suhas : Nous ne sommes pas sûrs que la connexion à quai se fasse fin 2025. Elle sera plutôt opérationnelle au premier trimestre 2026.

Aujourd'hui, les transformateurs sont arrivés dans le bâtiment qui doit les accueillir. Le bâtiment est terminé. Les dernières tranchées sont en train d'être rebouchées à l’endroit où les câbles ont été tirés pour venir sur les bateaux.

L’important est de démarrer "en basse saison" pour être prêts en avril 2026, quand les bateaux reviendront.

TourMaG - Combien de bateaux pourront être branchés simultanément ?

Jean-François Suhas : Il y aura trois postes, donc selon la puissance des navires, on pourra brancher deux à trois bateaux.

C'est-à-dire que si nous accueillons deux très gros navires, comme c’est le cas le samedi généralement, avec Costa ou MSC, ce sera plutôt deux gros et un petit ou moyen. Mais si ce sont des navires de capacité moyenne, de type Costa Deliziosa ou MSC Fantasia, là, nous pourrons en brancher trois.

Nous avons l'espoir d’obtenir un quatrième poste, qui permettrait une légère augmentation de la puissance, afin de travailler sur trois postes garantis, voire quatre selon les puissances. Je précise que nous avons calculé qu’à peu près 70% des bateaux seront connectables à Marseille, un chiffre qui est amené à évoluer à la hausse chaque année.

TourMaG - Le port pourrait-il refuser les navires qui ne se connectent pas à quai ?

Jean-François Suhas : Les ports ont un rôle d'accueil, on ne refuse pas les escales, sauf quand elles ne sont pas réglementairement validées.

A partir du moment où le bateau utilise le bon carburant, il n'y a aucune raison de le refuser. D’autant plus que dès mai 2025, la réglementation sur le gasoil change encore en Méditerranée, avec le passage en zone ECA, qui prévoit une limitation à 0,1% de la teneur en soufre des combustibles marins.

En revanche, je pense qu’à partir du moment où la connexion à quai sera opérationnelle, nous allons favoriser les compagnies les plus vertueuses, à travers les tarifs, comme le paiement des droits de port.

TourMaG - L'association Marseille Provence Croisière continue son expansion, avec une centaine d'adhérents - partenaires publics et privés - au compteur, ainsi qu'une nouvelle salariée experte de la croisière fluviale, Stéphanie Rissel. Elle a aussi accueilli en 2024, un président délégué...

Jean-François Suhas : Effectivement, Jacques Hardelay est devenu l'an dernier, le président délégué de Marseille Provence Croisière. Il était à l’origine actionnaire du club.

Nous formons un duo complémentaire : Jacques connait bien les armateurs, étant l'ancien directeur général des chantiers STX France à Saint-Nazaire et également le président d'honneur du Chantier Naval de Marseille.

- 588 escales, dont 171 escales de bateaux capables de se propulser au GNL (9 navires), représentant près de 46% des passagers totaux ;

- 2 400 000 passagers, dont 73% de passagers transit et 27% de passagers en tête de ligne ;

- 396 offres de croisières au départ de Marseille ;

- 29 compagnies de croisière ;

- 61 escales au J4 ;

- 10 escales inaugurales.