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Europe : jusqu'où ira Etihad Airways pour mettre la main sur Alitalia ?

la chronique de Jean-Louis Baroux


Jusqu'où ira Etihad Airways, dans ses effort pour prendre le contrôle d'Alitalia ? Jean-Louis Baroux, expert aérien revient sur la stratégie de conquête de la compagnie d'Abu Dhabi en Europe. Et si le transporteur emirati réussissait son pari ?


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Mardi 18 Février 2014

James Hogan, President et Chief Executive Officer d'Etihad Airways aura mis la main sur le marché italien et sa compagnie de référence, réorienté les opérations du deuxième transporteur allemand, contrôlé entièrement une compagnie régionale située au centre de l’Europe, passé des accords de partenariat, qui ne sont peut-être qu’une première étape vers une prise de participation avec le deuxième groupe Européen : Air France/KLM et ouvert une énorme brèche dans le marché indien avec l’entrée au capital de Jet Airways. - DR
James Hogan, President et Chief Executive Officer d'Etihad Airways aura mis la main sur le marché italien et sa compagnie de référence, réorienté les opérations du deuxième transporteur allemand, contrôlé entièrement une compagnie régionale située au centre de l’Europe, passé des accords de partenariat, qui ne sont peut-être qu’une première étape vers une prise de participation avec le deuxième groupe Européen : Air France/KLM et ouvert une énorme brèche dans le marché indien avec l’entrée au capital de Jet Airways. - DR
Il semble que l’on soit entré dans la dernière ligne droite des négociations avant que Etihad Airways prenne 49% du capital d’Alitalia en injectant entre 300 et 400 millions d’€, selon les dernières analyses.

Les syndicats ont donné leur accord pour la suppression de 1900 postes de travail sur les 14000 que compte la compagnie, soit tout de même 14% des effectifs.

Reste un obstacle de taille : Etihad, tout comme Air France/KLM en son temps, demande une restructuration de la dette de 1 milliard d’€ actuellement portée par les banques dont deux d’entre elles : Intesa SanPaolo et Unicredit sont actionnaires du transporteur italien.

Et les banquiers se font tirer l’oreille : pourquoi seraient-ils les seuls à payer l’addition ?

Nul doute que si l’affaire est menée à terme, cela changera en profondeur la situation du transport aérien européen.

Première remarque : Etihad détiendra alors 49% de la compagnie nationale italienne qui viendront s’ajouter aux 29% qu’elle possède dans Air Berlin et 49% dans Darwin, le transporteur régional suisse.

Une part significative du marché européen

Rajoutez à cela un accord de partenariat important avec Air France/KLM autre transporteur majeur et vous constaterez que la compagnie d’Abu Dhabi pourra contrôler à court terme une part très significative du marché européen.

Certes les règles communautaires l’empêcheront de détenir la majorité du capital, mais est-ce nécessaire pour dicter la stratégie surtout si elle est l’actionnaire principal.

C’est ainsi que l’on voit un redéploiement des opérations d’Air Berlin et de Darwin Airlines vers une orientation destinée à alimenter le « hub » d’Abu Dhabi.

Ce n’est d’ailleurs pas terminé.

Air France/KLM a entamé une alimentation plus forte de la même plateforme en se disant sans doute avec quelque malignité, que cela serait assez mal vu d’Emirates, le concurrent et peut-être l’ennemi de Dubaï.

La grande difficulté sera de créer un ensemble homogène

Ainsi, moins de 2 ans après avoir entamé sa stratégie de conquête par prise de positions minoritaires dans des transporteurs en difficulté trop contents de pouvoir bénéficier du financement, à priori sans fond de l’Emirat d’Abu Dhabi, James Hogan aura mis la main sur le marché italien et sa compagnie de référence.

On peut le créditer aussi d'avoir réorienté les opérations du deuxième transporteur allemand, contrôlé entièrement une compagnie régionale située au centre de l’Europe, passé des accords de partenariat, qui ne sont peut-être qu’une première étape vers une prise de participation avec le deuxième groupe Européen : Air France/KLM et ouvert une énorme brèche dans le marché indien avec l’entrée au capital de Jet Airways. Ouf !

Reste que tout n’est pas gagné. Tout d’abord cette croissance externe à marche forcée sera difficile à absorber. Rien ne sert de recapitaliser des entreprises si ces dernières ne se réforment pas.

Car la conséquence sera alors l’obligation d’apporter en permanence le « cash » nécessaire à leur survie.

Et cela conduira inéluctablement à affaiblir la maison mère Etihad. La grande difficulté sera de créer un ensemble homogène non seulement quant à son exploitation, mais à sa définition du produit. Or les cultures sont très différentes et marquées.

Faire vivre ensemble des Allemands, des Italiens, des Indiens sans parler des Suisses, voilà une gageure intéressante.

Interrogations sur les politiques de soutien aux compagnies

Et puis, encore une fois si l’affaire avec Alitalia allait jusqu’à la transaction finale, cela amènerait très certainement les autorités européennes à s’interroger sur la politique de soutien aux compagnies aériennes.

Comment ce qui est refusé aux Etats, pourtant parfois actionnaires des transporteurs nationaux, je veux parler des capacités de recapitalisation, serait-il autorisé à des intérêts extra européens ?

D’ores et déjà Lufthansa qui se débat dans une restructuration difficile a pointé cette contradiction.

Il serait surprenant que, compte tenu de son poids et de celui de l’Allemagne en Europe, cette remarque ne soit pas prise en compte.

Certes, il ne semble pas qu’Etihad manifeste un énorme enthousiasme pour prendre place chez Alitalia, mais les Etats ont leur mot à dire et le « deal » est peut-être déjà scellé entre le gouvernement Italien et celui d’Abu Dhabi.

Alors il faudra bien que les uns et les autres s’exécutent.

Le paysage du transport aérien et peut-être même mondial en sera certainement transformé.

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com

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Commentaires

1.Posté par Rick Sailor le 18/02/2014 08:38 | Alerter
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Cher Monsieur

Il y a un chiffre que vous oubliez : la participation financière d'Abu Dhabi dans le monde de l'aérien est inférieur à 1% de sa capacité de financement global. Ajoutez la rumeur qui veut qu'une partie du capital d'Emirates soit dans les mains des banques d'Abu Dhabi.... après la crise financière de 2009.

Au final, qui a la même capacité d'investissement ? Dubaï ? Certainement pas. Le Qatar, sans doute mais avec un choix plus diversifié en matière de financement.

Bref, avec 1% d'investissement, qu'importe le coût d'acquisition des parts de marché ?
Pour nous en sortir, il faudrait diminuer la pression pétrolière (mais le gaz de schiste est un dogme intouchable) et le coût du travail. Deux dossiers impossibles à gérer aujourd'hui.

Votre jugement est juste mais dépassé. Nous n'en sommes plus au risque mais à la gestion du risque.

Bien à vous
Rick

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