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FUTUROSCOPIE - Entre thérapie et ésotérisme : les voyages pas comme les autres rebondissent 🔑

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Alors que la pandémie de Covid rebondit dans certains pays mais que la plupart des populations touristiques qui sont autorisées à partir, expriment une envie profonde de voyages et d’expériences exceptionnelles, il semblerait que la quête de paix, de détente, de sens...constitue l’une des voies particulièrement recherchées. Certes, la vogue des voyages en « conscience » voire en « pleine conscience » n’a pas attendu la pandémie pour déferler. Voilà plusieurs décennies qu’une clientèle « new age » fait coïncider ses vacances avec une quête de spiritualité́, de développement personnel et de reconnexion avec soi et avec le monde. Parmi tant d’autres, la recherche de nouvelles pistes auprès des peuples autochtones de quelques destinations insolites reprend des couleurs. Tête d’affiche : le chamanisme. Une pratique adaptée aux besoins d’une société occidentale déboussolée, dont on est loin d’avoir exploité tous les aspects.


Rédigé par le Lundi 11 Avril 2022

Une substance, absorbée sous le contrôle de chamans qui est censée provoquer des visions et guérir diverses maladies - Depositphotos.com Auteur ammmit
Une substance, absorbée sous le contrôle de chamans qui est censée provoquer des visions et guérir diverses maladies - Depositphotos.com Auteur ammmit
Les baby-boomers nord américains qui ont eu la chance de pouvoir dévaler les routes du Mexique pour y passer l’hiver à la fin des années soixante, se souviendront avec nostalgie des écrits de Carlos Castaneda qui prônait la fumette d’une petite « herbe verte » et l’absorption de champignons hallucinogènes.

L’époque était au psychédélisme, aux aventures artificielles à travers lesquelles se pratiquait une sorte d’« escapism » amplement prôné par les gurus de la Beat Generation, de Williams Burrough à Allen Ginsberg et autres Timothée Leary, autant d’âmes perdues en quête de remèdes miracles à leurs maux existentiels.

Bien des années plus tard, la ville et l’état de Oaxaca où échouait la majorité de ces touristes, sont loin d’avoir retrouvé leur tranquillité.

Les touristes, malgré la pandémie, y reviennent peu à peu. Mais, le style a changé. Le « hippie » légèrement paumé d’hier voisine avec un touriste standard échappé d’une usine touristique yucathèque, espérant le temps d’une excursion saisir l’âme d’un peuple aussi complexe que le peuple mexicain.

À la même époque, n’oublions pas non plus que les plages balinaises accueillaient massivement les amateurs de champignons hallucinogènes. Pour le meilleur et pour le pire !


Du chamanisme au «candomble »

Défraîchies, ces images sont remplacées par celles d’une nouvelle forme de tourisme à laquelle on s’est empressé de donner un nom : le tourisme chamanique !

Car, selon un article du Monde Diplomatique, que l’on ne peut pas taxer de complaisance, « l’Amazonie péruvienne par exemple voit affluer un nombre croissant de touristes venus du monde entier à la recherche d’un breuvage hallucinogène désormais connu : l’ayahuasca. »

Une substance, absorbée sous le contrôle de chamans qui est censée provoquer des visions et guérir diverses maladies. Ainsi, insensiblement, « Le tourisme chamanique est devenu une industrie, un phénomène de mode qui a largement investi l’espace public et les médias des pays occidentaux, poursuit le journal.

On ne compte plus les témoignages sur les aventures psychédéliques de ceux qui, pour des raisons mystiques ou médicales, se rendent au Pérou afin d’y consommer cette potion magique
».

On peut également découvrir la tradition chamanique mongole, seul ou au cours de voyages organisés par des opérateurs comme le Français Orso Voyages qui conçoit des visites de 15 jours incluant toutes sortes de pratiques thérapeutiques complémentaires : méditation, réflexologie, danse libre...

Oasis Voyage de son côté propose une offre très diversifiée aussi bien en Grèce, qu’au Japon, au Chili, en Egypte.

Bien qu’Haïti soit encore loin d’afficher des performances touristiques, il n’a pas échappé aux autorités que le balnéaire aussi paradisiaque soit-il ne suffisait pas à ensorceler tous les touristes. Certains en effet fréquentent l’île pour s’initier et pratiquer le Vaudou. Tout comme on le fait dans certains pays d’Afrique, à Cuba, au Brésil où il prend la forme de « candomblé ».

Mais, évidemment, gare au « fake » et toutes autres cérémonies frelatées parodiant la réalité qui, in fine peuvent contribuer à déboussoler encore plus les esprits fragiles.

Le rejet des religions occidentales

A l’origine d’un engouement qui n’est pas près de s’éteindre, surtout en ces années de Covid, le rejet par certains occidentaux de religions judéo-chrétiennes dissociant volontiers le corps et l’esprit.

Ce qui constitue une contradiction totale avec les nouveaux diktats du bien-être, prônant une prise en compte holistique des maux et une réconciliation parfaite du corps et de l’esprit pour atteindre l’harmonie.

Pour l’auteure nord-américaine d’une thèse sur le sujet : « l’intérêt des Occidentaux pour l’ayahuasca n’est pas un prétexte pour prendre des drogues mais un moyen d’accéder à une transformation personnelle tant souhaitée ».

Encore plus intéressant, l’auteure explique qu’à la lumière de l’intérêt que les Occidentaux portent au chamanisme, celui-ci s’adapte et se transforme en une nouvelle thérapie hybride.

Si le chamanisme parle tant aux esprits occidentaux c’est également grâce à ses prétendues capacités à faire communiquer le monde des morts et des vivants. Aucune quête n’a jamais été plus tenace dans l’esprit de l’homme que celle-ci. Et il n’y aura aucune raison que cela cesse.

Tourisme de niches ?

Bien évidemment, il est totalement impossible de quantifier ces flux de touristes qui se déversent dans les différentes régions citées. Non seulement, ils voyagent en individuel mais logent dans un habitat dispersé dans des régions très vastes.

De plus, la majorité évite d’afficher le but de son voyage car, au Pérou notamment, la consommation d’ayahuasca est réprimée au même titre que l’usage de stupéfiants classiques. Cependant, le Français Jean Loup Amselle qui s’est intéressé au sujet, explique qu’il existe trois types de clients :

- Les mystiques ou « psychonautes », venus en Amazonie pour se lancer dans l’exploration d’eux-mêmes.

- Les patients, ensuite, qui se rendent dans ces centres chamaniques pour guérir de maux de toute sorte, tant organiques que psychiques. Parmi eux, certains sont au stade terminal d’une maladie.

- La troisième catégorie de touristes est composée de ceux qui veulent s’initier à la médecine de l’ayahuasca, pour devenir à leur tour des chamanes. Nombre de grands « chamanes-operators » forment des apprentis ou des adeptes qui, une fois initiés, se vouent à la transmission du savoir de leur maître, s’installant comme « médecins végétalistes » dans le monde entier et dirigeant les patients vers les centres thérapeutiques du Pérou.

Business is business

... De quoi se demander si l’Amazonie ne deviendra pas dans un proche avenir une vaste maison de retraite médicalisée... C’est en tout cas dans cette direction que s’oriente un certain nombre de centres chamaniques qui se dotent de psychologues et de médecins, voire même se transforment en hôpitaux alternatifs.

On assiste aussi à une spécialisation des donneurs de soins en fonction des besoins des différentes catégories de clientèles.

Une place particulière est consacrée à la clientèle féminine, comme dans la clinique Shipibo Shinan de Santa Rosa de Dina Marca, sur le fleuve Ucayali, où les soins spécifiques des femmes sont assurés par des guérisseuses autochtones.

Mais, on pourrait aussi évoquer bon nombre d’autres destinations comme l’une des moins accessibles pour le moment mais promise à un avenir touristique, l’île philippine des « Guérisseurs de la foi » (qui soignent à mains nues).

Certains témoignent qu’ils en sont revenus guéris de maladies lourdes telles des cancers… Y croire ou ne pas y croire, telle est la question… Ou l’une des questions, car la curiosité anime aussi beaucoup de ceux qui recherchent ces aventures d’un autre type.

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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