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Futuroscopie : l’hôtellerie diffuse ou dispersée, une solution d’avenir ? 🔑

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


A l’heure où la sensibilité environnementale n’a jamais été aussi élevée et où l’industrie touristique cherche des solutions pour ne pas se faire remarquer, le concept des « auberges diffuses » mis au point par l’Italie il y a déjà quelques années pourrait être d’autant plus pertinent que les villages à vendre dans notre pays et en Europe sont légions. De plus, ces hôtels devraient flirter avec un certain goût de l’insolite. Une tendance ancienne mais remise en valeur aujourd’hui.


Rédigé par le Mercredi 19 Octobre 2022

La suite Ambre de MiHotel situé à Lyon - photo MiHotel
La suite Ambre de MiHotel situé à Lyon - photo MiHotel
« Une collection de suites, toutes différentes, au design contemporain et élégant, des adresses confidentielles, dans le centre des villes et une décoration exclusive dans un cocon urbain pour se retrouver … » C’est à quelques mots près comme cela que sont décrites les chambres de MiHotel.

Comme son nom l’indique, MiHotel, c’est un hôtel à moitié. Ce sont donc avant tout des chambres, voire des suites haut de gamme, mais dont la particularité est de ne pas faire partie d’une construction unique. Au contraire, ces chambres sont disséminées à travers une ville.

La ville de Lyon en compte une trentaine. Certaines des suites (au sein de l’Hôtel Particulier Gailleton) sont même équipées d’une cuisine américaine pour permettre à leurs occupants une plus grande autonomie.

Et, pour prouver leur ouverture sur le monde et leur volonté de satisfaire toutes les demandes, il y a même des suites accessibles aux personnes à mobilité réduite ainsi que d’autres adaptées aux clientèles d’affaires auxquelles est proposé un kit BusinesSuite comprenant un partenariat avec organisateurs de séminaires et événements.

Pour se développer, des levées de fonds dont la dernière au printemps 2018 a atteint 2.8 millions d’euros ont permis à MiHotels de prolonger l’aventure.


Enso Ango inaugure cette nouvelle génération au Japon

Au Japon, on trouve ce même style de concept avec l’hôtel Enso Ango, le premier hôtel dispersé du pays, installé à Kyoto. Dispersé, mais haut de gamme.

Là aussi, la décoration intérieure des 86 chambres, faites de murs blancs et d’éléments boisés, a été pensée pour offrir une expérience zen aux hôtes. Le minimalisme s’étend aux cinq bâtiments, imaginés par des designers suisses et japonais. Salle de sport dernier cri et œuvres d’artistes contemporains côtoient tatamis et panneaux coulissants.

Avec un plus : cet hôtel offre un restaurant. Si bien que pour le rejoindre depuis sa chambre, il faut marcher quelques minutes dans le centre-ville. Pour les auteurs du concept, c’est une occasion d’admirer le patrimoine urbain, son animation ou de s’arrêter devant une vitrine et de faire un brin de shopping.

On est donc toujours sur le même concept : faire sortir le client de sa bulle et s’ouvrir au territoire. Car, Enso Ango cherche également à redynamiser l’économie locale et à créer du lien social. Dans les prochaines années, si le premier établissement de Kyoto fait ses preuves, ses fondateurs comptent créer sept autres hôtels de ce type au Japon.

Amsterdam investit les maisons d’éclusiers

28 petites maisons isolées les unes des autres sous la marque de SWEETS hotels - Sweet Hotels
28 petites maisons isolées les unes des autres sous la marque de SWEETS hotels - Sweet Hotels
Dans la capitale néerlandaise en proie à une massification touristique insupportable qui l’a obligée à prendre des mesures drastiques, le concept est plus élaboré, différent en tout cas dans la forme.

En effet, ce sont des bâtiments du patrimoine ordinaire, des maisons d’éclusiers dont certaines datent du XVIIe siècle qui ont été transformées en chambres d’hôtels offrant non seulement un excellent confort mais aussi et surtout une situation, une vue imprenable et une authenticité indiscutable.

Au nombre de 28, ces petites maisons isolées les unes des autres le long des canaux, sont commercialisées sous la marque de SWEETS hotels.

D’autres éléments du patrimoine devraient aussi être investis et offrir un hébergement touristique original capable de séduire une clientèle un brin élitiste recherchant à la fois le confort et le service hôtelier, tout en tentant d’éviter la proximité avec d’autres clientèles touristiques.

Italie : « l’albergo diffuso »

En Italie il existe une association nationale "Alberghi diffusi" - Photo Alberghi diffusi
En Italie il existe une association nationale "Alberghi diffusi" - Photo Alberghi diffusi
En Italie, le concept d’« albergo diffuso » n’est pas nouveau. Il a permis il y a déjà une vingtaine d’années de requalifier en chambres d’hôtels, un habitat rural abandonné. Il existe même une association nationale d’ « Alberghi diffusi », dont la charte exige qualité, unité culturelle du territoire, services et surtout présence d’une population locale.

Il est en effet important pour les italiens de ne pas muséifier l’hôtellerie. La vie locale doit être préservée. A Semproniano dans le sud de la Toscane, les chambres de l’hôtel Borgo di Sempronio par exemple sont éparpillées le long des rues pavées du village construit vers la fin du Moyen Age. Elles n’en sont pas moins parfaitement contemporaines tout en offrant une touche raffinée d’authenticité.

En Suisse, le village de Corippo est en train de construire un hôtel dispersé de 60 cottages. Dans les deux cas, restaurants, salons, offres d’activités complètent le séjour très apprécié par les familles en général.

Autres exemples légèrement différents, dans les villes italiennes, il n’est pas rare de trouver de superbes chambres d’hôtels au milieu d’un immeuble d’habitations. L’enseigne est inexistante ou à peine signalée. Les réceptions et points d’accueil n’apparaissent pas ou sont confondus avec la conciergerie de l’immeuble.

Refaites à neuf, élégantes, parfois luxueuses, ces chambres ont un avantage : elles sont plus économiques que celles des hôtels traditionnels mais, leur clientèle touristique ne dérange-t-elle pas la clientèle résidente ? En milieu urbain, la question mérite d’être posée.

Privées mais connectées

Enfin, comment se fait l’accueil dans tous ces établissements dispersés ? Eh bien, la technologie aidant, la conciergerie est digitale. On ouvre la porte avec un code barre ou un code fourni au moment de l’accueil.

Idem pour l’éclairage, le chauffage, éventuellement l’accompagnement musical et toutes les demandes de services petits-déjeuners, repas, boissons, voituriers ou guides locaux.

Tout a donc été pensé, testé, vérifié, validé par la clientèle. Et, cela marche. Une bonne nouvelle pour le tourisme durable qui n’aura pas à supporter de nouvelles constructions risquant de polluer le paysage !

La tentation des villages à vendre : la copropriété marche

Mais où peut-on encore développer un tel concept ? En France, et en Europe, nous avons la chance de compter encore des milliers de hameaux à vendre.

Depuis l’exode rural de l’après-guerre, ces hameaux désertés par leurs habitants partis travailler en ville ont constitué une manne pour les entrepreneurs courageux tentés par l’aventure « verte » ou tout simplement par la rénovation d’une résidence secondaire.

Vendu massivement, ce patrimoine de plus en plus vieillissant connaît un regain de popularité depuis la pandémie et un nouveau départ d’urbains vers les campagnes et se transforme souvent en partie en gîtes et autres chambres d’hôtes.

Mais, on peut aussi se souvenir que Pierre Cardin s’était offert une quarantaine d’habitations dans le village de Lacoste dans le Lubéron qu’il a entièrement rénovées pour en faire un village culturel.

L’acteur américain Johnny Depp quant à lui s’était offert un hameau dans le village varois du Plan-de-la Tour, avant de le remettre en vente…

… Dernier point, comme le souligne le Figaro Immobilier, la copropriété est devenue à la mode. Ainsi, lancée par Dartagnans, les mousquetaires du patrimoine et du crowdfunding, une campagne de financement a permis à 5000 internautes d’acquérir une petite part d’un château située à une heure de Paris dans l’Oise : 500 000 euros ont été récoltés avec des participations à un peu moins de 60 euros.

De quoi faire des résidences secondaires ou de l’habitat touristique… un brin insolite.

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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