Selon l'économiste Marc Touati "avant même l'attaque russe, nous avions utilisé toutes nos cartouches et nous avions parallèlement alimenté une hausse des prix" - Depositphotos @
TourMaG.com - Malheureusement, rien ne s'arrange depuis notre dernier entretien. A l'époque le prix du pétrole s'envolait, dorénavant, nous craignons pour la paix en Europe et notre économie...
Marc Touati : Nous n'avions vraiment pas besoin de ça, pour nos économies.
Après les deux années de pandémie et au moment, où nous commencions à voir le bout du tunnel, une crise dramatique éclate aux portes de l'Europe. L'enjeu de l'entretien n'est pas de minimiser le véritable drame humain qui se joue en ce moment, bien au contraire, mais d'apporter ma seule vision d'économiste.
Les premières conséquences se font déjà ressortir, avec une incertitude qui ne cesse de s'accroitre. Cette inquiétude grandissante n'est pas bonne pour les investissements, les voyages et les entreprises dans leur ensemble.
Nous observons aussi une flambée du cours des matières premières, notamment du pétrole. Le baril a dépassé les 118 dollars (jeudi 3 mars 2022, ndlr), ça devient dangereux pour nos économies.
Marc Touati : Nous n'avions vraiment pas besoin de ça, pour nos économies.
Après les deux années de pandémie et au moment, où nous commencions à voir le bout du tunnel, une crise dramatique éclate aux portes de l'Europe. L'enjeu de l'entretien n'est pas de minimiser le véritable drame humain qui se joue en ce moment, bien au contraire, mais d'apporter ma seule vision d'économiste.
Les premières conséquences se font déjà ressortir, avec une incertitude qui ne cesse de s'accroitre. Cette inquiétude grandissante n'est pas bonne pour les investissements, les voyages et les entreprises dans leur ensemble.
Nous observons aussi une flambée du cours des matières premières, notamment du pétrole. Le baril a dépassé les 118 dollars (jeudi 3 mars 2022, ndlr), ça devient dangereux pour nos économies.
Economie : "avant même l'attaque russe, nous avions utilisé toutes nos cartouches"
TourMaG.com - Nous avons déjà connu pire par le passé, surtout en 2008 où le baril avait franchi les 140 dollars. En quoi cette fois-ci est-ce plus inquiétant ?
Marc Touati : Par rapport aux décennies passées, nous sommes moins dépendants du pétrole.
Néanmoins, quand le baril augmente de 10 dollars sur une année, cela enlève 0,4 point à la demande mondiale. En l'espace de deux ans, nous sommes passés de 19 dollars (en 2020) à plus de 118 dollars, aujourd'hui.
Si nous restons sur cette dynamique haussière, alors la croissance mondiale passera de 5% à 1%. Elle sera durement affectée. Nous ne sommes pas sur une récession, à proprement parler, mais nous allons vers de vraies difficultés.
Pour le tourisme l'impact sera réel avec une hausse des prix en raison de l'inflation et de la flambée du pétrole.
TourMaG.com - La situation a l'air plus dramatique qu'à l'entrée de la crise en 2020...
Marc Touati : En 2020, il n'y avait pas d'inflation et nous avons pu mettre en place le fameux "quoiqu'il en coute".
L'impact de la crise a été douloureux, mais nous avons pu relancer la machine, à coût de dette publique et grâce à la planche à billets. La dette publique dans la zone euro a augmenté de 2 000 milliards d'euros en l'espace de 2 ans. Les sommes sont complètement folles.
Si cela a permis de remettre de l'huile dans les rouages, nous avons créé de l'inflation, en relançant la demande alors même que l'offre n'était pas là. Avant même l'attaque russe, nous avions utilisé toutes nos cartouches et nous avions parallèlement alimenté une hausse des prix.
Cette guerre arrive et va accélérer l'inflation, alors qu'elle est déjà à 5,8% en Europe.
En France, nous sommes un peu épargnés, mais nous allons nous approcher de cette moyenne. Dans le même temps, les prix à la production sont historiquement élevés, à plus de 20% de croissance annuelle.
Marc Touati : Par rapport aux décennies passées, nous sommes moins dépendants du pétrole.
Néanmoins, quand le baril augmente de 10 dollars sur une année, cela enlève 0,4 point à la demande mondiale. En l'espace de deux ans, nous sommes passés de 19 dollars (en 2020) à plus de 118 dollars, aujourd'hui.
Si nous restons sur cette dynamique haussière, alors la croissance mondiale passera de 5% à 1%. Elle sera durement affectée. Nous ne sommes pas sur une récession, à proprement parler, mais nous allons vers de vraies difficultés.
Pour le tourisme l'impact sera réel avec une hausse des prix en raison de l'inflation et de la flambée du pétrole.
TourMaG.com - La situation a l'air plus dramatique qu'à l'entrée de la crise en 2020...
Marc Touati : En 2020, il n'y avait pas d'inflation et nous avons pu mettre en place le fameux "quoiqu'il en coute".
L'impact de la crise a été douloureux, mais nous avons pu relancer la machine, à coût de dette publique et grâce à la planche à billets. La dette publique dans la zone euro a augmenté de 2 000 milliards d'euros en l'espace de 2 ans. Les sommes sont complètement folles.
Si cela a permis de remettre de l'huile dans les rouages, nous avons créé de l'inflation, en relançant la demande alors même que l'offre n'était pas là. Avant même l'attaque russe, nous avions utilisé toutes nos cartouches et nous avions parallèlement alimenté une hausse des prix.
Cette guerre arrive et va accélérer l'inflation, alors qu'elle est déjà à 5,8% en Europe.
En France, nous sommes un peu épargnés, mais nous allons nous approcher de cette moyenne. Dans le même temps, les prix à la production sont historiquement élevés, à plus de 20% de croissance annuelle.
" Par rapport à la pandémie, la situation est presque pire"
TourMaG.com - Le risque qui nous pend au nez en remettant une pièce dans la planche à billets, c'est que nous allons dévaluer la monnaie, est-ce bien ça ?
Marc Touati : Exactement, mais nous ne pouvons pas le faire.
Comme nous n'avons plus de cartouche pour relancer la machine, la question est de savoir comment y parvenir ? C'est tout, le problème. Par rapport à la pandémie, la situation est presque pire.
Nous ne pouvons plus réutiliser la même arme, car nous l'avons trop utilisée.
Si nous réactivons la planche à billets, alors que les prix flambent, c'est comme mettre de l'huile sur le feu. C'est extrêmement dangereux. La poursuite de la hausse du baril, sur un certain laps de temps, va faire s'effondrer la croissance mondiale.
A terme, la flambée des matières premières va générer une récession. Nous sommes dans la problématique des années 80, avec la relance de Mitterrand, aggravant l'inflation et les déficits publics. Nous avions frôlé la catastrophe.
La situation est la même. La banque centrale américaine a dit qu'elle allait augmenter les taux directeurs.
Je l'avais déjà dit à Bruno Le Maire : vous avez trop lâché les vannes. Alors que nous ne pouvons plus utiliser la planche à billets, si les taux d'intérêt augmentent, le quoiqu'il en coûte va nous coûter très cher !
C'est une erreur stratégique, nous aurions du arrêter cela en 2021, alors que le contexte était un peu plus favorable. Nous allons en payer les pots cassés, nous n'avons pas les moyens de supporter une nouvelle crise.
Habituellement, les crises se succèdent à 10 ans d'intervalle, ce qui nous permet de récupérer des marges de manoeuvre, sauf que là... nous n'avons pas pu. La difficulté à laquelle nous faisons face, c'est que les crises se succèdent.
Il n'y a plus de marge de manoeuvre, pour la relance. Cela tombe au moment, où l'économie allait mieux, avec des indicateurs euphoriques, le pass vaccinal sautait... la guerre en Ukraine tombe mal.
Marc Touati : Exactement, mais nous ne pouvons pas le faire.
Comme nous n'avons plus de cartouche pour relancer la machine, la question est de savoir comment y parvenir ? C'est tout, le problème. Par rapport à la pandémie, la situation est presque pire.
Nous ne pouvons plus réutiliser la même arme, car nous l'avons trop utilisée.
Si nous réactivons la planche à billets, alors que les prix flambent, c'est comme mettre de l'huile sur le feu. C'est extrêmement dangereux. La poursuite de la hausse du baril, sur un certain laps de temps, va faire s'effondrer la croissance mondiale.
A terme, la flambée des matières premières va générer une récession. Nous sommes dans la problématique des années 80, avec la relance de Mitterrand, aggravant l'inflation et les déficits publics. Nous avions frôlé la catastrophe.
La situation est la même. La banque centrale américaine a dit qu'elle allait augmenter les taux directeurs.
Je l'avais déjà dit à Bruno Le Maire : vous avez trop lâché les vannes. Alors que nous ne pouvons plus utiliser la planche à billets, si les taux d'intérêt augmentent, le quoiqu'il en coûte va nous coûter très cher !
C'est une erreur stratégique, nous aurions du arrêter cela en 2021, alors que le contexte était un peu plus favorable. Nous allons en payer les pots cassés, nous n'avons pas les moyens de supporter une nouvelle crise.
Habituellement, les crises se succèdent à 10 ans d'intervalle, ce qui nous permet de récupérer des marges de manoeuvre, sauf que là... nous n'avons pas pu. La difficulté à laquelle nous faisons face, c'est que les crises se succèdent.
Il n'y a plus de marge de manoeuvre, pour la relance. Cela tombe au moment, où l'économie allait mieux, avec des indicateurs euphoriques, le pass vaccinal sautait... la guerre en Ukraine tombe mal.
"En terme de résilience les Russes sont mieux armés que nous"
"Nous sommes devenus très dépendant du pays de Poutine, avec le temps, au niveau de l'approvisionnement énergétique et alimentaire" selon Marc Touati - DR
TourMaG.com - Est-ce que justement cela a pu être prémédité par le Kremlin, d'attendre de voir nos dépenses exploser afin de réduire nos capacités à encaisser un nouveau conflit ? Ce serait machiavélique, mais pour le moment, Vladimir Poutine ne nous épargne pas vraiment.
Marc Touati : Non, je ne pense pas.
Le problème risque aussi de se répercuter sur la Russie, car si l'économie européenne s'effondre, celle russe va suivre aussi. Nous sommes devenus très dépendant du pays de Poutine, avec le temps, au niveau de l'approvisionnement énergétique et alimentaire, avec le blé.
L'Allemagne est dépendante à hauteur de 60% du gaz russe, en tout il représente 40% du gaz dans l'Union européenne. La Russie est le 1er exportateur mondial de blé.
Même si nous arrêtons de commercer avec ce pays, la hausse des cours des matières premières va casser la croissance. La Russie n'a eu aucune aide durant la crise sanitaire, pendant ce temps, nous avons ouvert les robinets.
La dette publique de la Russie est de 20% du PIB c'est incroyable, dans le même temps, la notre dépasse les 116%. Ils ont un autre état d'esprit, nous devons le comprendre, en terme de résilience les Russes sont mieux armés que nous.
Marc Touati : Non, je ne pense pas.
Le problème risque aussi de se répercuter sur la Russie, car si l'économie européenne s'effondre, celle russe va suivre aussi. Nous sommes devenus très dépendant du pays de Poutine, avec le temps, au niveau de l'approvisionnement énergétique et alimentaire, avec le blé.
L'Allemagne est dépendante à hauteur de 60% du gaz russe, en tout il représente 40% du gaz dans l'Union européenne. La Russie est le 1er exportateur mondial de blé.
Même si nous arrêtons de commercer avec ce pays, la hausse des cours des matières premières va casser la croissance. La Russie n'a eu aucune aide durant la crise sanitaire, pendant ce temps, nous avons ouvert les robinets.
La dette publique de la Russie est de 20% du PIB c'est incroyable, dans le même temps, la notre dépasse les 116%. Ils ont un autre état d'esprit, nous devons le comprendre, en terme de résilience les Russes sont mieux armés que nous.
"La stagflation est la pire des choses en économie"
TourMaG.com - Qu'a prévu la Banque Centrale Européenne, par rapport à cette situation ?
Marc Touati : Face à une telle crise, les banques centrales doivent baisser les taux d'intérêt, sauf qu'ils sont déjà à 0.
L'erreur, c'est qu'elles auraient dû arrêter la planche à billets en 2021, pour permettre d'avoir des marges de manœuvre pour relancer la machine. Il n'y aura malheureusement pas de changement possible, car elle ne peut pas augmenter les taux, même si l'inflation flambe.
Nous sommes un peu bloqués.
TourMaG.com - Nous allons vers des semaines très difficiles pour l'économie française et mondiale...
Marc Touati : Bien sûr, nous entrons dans un phénomène qui se nomme la stagflation. C'est lorsque vous avez en même temps un ralentissement économique et de l'inflation.
Après la déflation, baisse durable du niveau général des prix, la stagflation est la pire des choses en économie.
Marc Touati : Face à une telle crise, les banques centrales doivent baisser les taux d'intérêt, sauf qu'ils sont déjà à 0.
L'erreur, c'est qu'elles auraient dû arrêter la planche à billets en 2021, pour permettre d'avoir des marges de manœuvre pour relancer la machine. Il n'y aura malheureusement pas de changement possible, car elle ne peut pas augmenter les taux, même si l'inflation flambe.
Nous sommes un peu bloqués.
TourMaG.com - Nous allons vers des semaines très difficiles pour l'économie française et mondiale...
Marc Touati : Bien sûr, nous entrons dans un phénomène qui se nomme la stagflation. C'est lorsque vous avez en même temps un ralentissement économique et de l'inflation.
Après la déflation, baisse durable du niveau général des prix, la stagflation est la pire des choses en économie.