II. Marseille : la métamorphose de la belle rebelle est en route...

Près du centre-ville, les quartiers de la Joliette et d’Arenc font leur révolution.

Dans ces secteurs portuaires chargés d’histoire, aménagements et réhabilitation vont bon train, sous l’étiquette du projet Euroméditerranée.

La future façade maritime de Marseille prend forme, noyant peu à peu les signes de l’activité passée.

Les « anciens » qui ont embarqué à Marseille n'y retrouveraient pas leurs petits. Pour changer, il change ce port, depuis le lancement en 1995 du chantier Euroméditerranée.

La plus vaste entreprise de rénovation urbaine de l’Hexagone n’y va pas avec le dos de la cuillère. Destruction d’îlots, percement de tunnels, rénovation de sites industriels, construction de tours… Certains y voient la fin d’une époque et pleurent déjà la perte du tissu populaire.

D’autres applaudissent en rappelant l’exemple de Barcelone et de son port devenu vitrine touristique. Pour juger de ces mutations, rien de tel qu’une bonne randonnée urbaine.

A côté du fort St-Jean, on l’appelle encore le J4 mais cette terminologie portuaire va cesser.

L’an prochain, pour l’événement « Marseille Provence, capitale européenne de la culture 2013 », l’esplanade bétonnée accolée à la darse, à l’arrière du fort, accueillera le MUCEM, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Un bâtiment de 26 000 m² imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti et alimenté en partie par les collections du musée des Arts et Traditions Populaires (Paris).

A côté du MUCEM, le public trouvera le CEREM (Centre Régional de la Méditerranée), un autre espace moderne dédié à la culture méditerranéenne.

Plus loin, c’est la Major, la célèbre cathédrale romano-byzantine. Une position de vigie exceptionnelle bien comprise par les aménageurs qui y achèvent une esplanade piétonne new look, avec vues mer et bateaux garanties.

Entre la cathédrale et l’hôtel de Police, le secteur est déjà piétonnier. Mais face à la place du Séminaire, rénovée, quelques marches encadrées de palmiers plongent vers le Marseille d’autrefois.

Rues Marchetti, Mazenot, Leca… : à deux pas des quais historiques d’où partent les ferries pour l’Algérie, cachés par les beaux immeubles haussmanniens où le linge sèche encore en façade, l’imminence du départ est toujours dans l’air.

Il faut se dépêcher, avant disparition, d’aller voir l’Hôtel de France, l’hôtel Terminus des Ports, la vieille enseigne de la Compagnie Générale Transatlantique… et le siège social de la SNCM, récemment vendu, qui attend sa reconversion en immeuble de standing ou commercial.

Les mécanos des ferries, salopettes bleues dur le dos, trinquent encore à la terrasse du Cursichella (authentique bar corse, à l’angle du bd des Dames), tandis que des nord-africains marchent vers la gare maritime, de lourds sacs à bout de bras.

Plus loin, le nouvel urbanisme est déjà passé par là. Voilà la place de la Joliette et le magnifique bâtiment des Docks, 365 mètres d’entrepôts du 19ème s. transformés depuis plusieurs années en 80 000 m² de bureaux.

On le traverse de part en part, via un long corridor recouvert de parquet et entrecoupé de patios ouverts en puits de lumière.

A l’air libre, de l’autre côté, on retrouve le Marseille en chantier. Citons en vrac ce qui est sorti de terre dans ce secteur où va l’être d’ici 2013-2014 et même au-delà : un nouveau tunnel routier (en service, la passerelle autoroutière a été démolie), les Terrasses du Port (immense centre commercial en construction en bord de mer, jusqu’à 200 boutiques au dessus du terminal de ferries pour la Corse), une tour de bureaux signée Jean Nouvel, deux hôtels quatre étoiles, d’autres immeubles et un « multiplex de cinéma Luc Besson », même si ce dernier projet a pris du retard.

Le quartier situé entre le bâtiment des Docks et Arenc est déjà méconnaissable. Passé l’îlot d’hôtels-bureaux qui borde le boulevard de Dunkerque, le passage du nouveau tramway scande ce renouveau alors qu’en face, rue Désirée Clary, rue Chevalier Paul, subsistent les marques d’un habitat collectif populaire, avec de grandes façades d’immeubles offertes au soleil et à la mer.

Voyez par exemple l’immeuble des Archives et de la bibliothèque départementale Gaston Deferre. Le bâtiment est devenu un pôle urbain, agrémenté d’un « jardin de lecture », adopté par les habitants du quartier.

Dans ce no man’s land, les chantiers d’aujourd’hui révèlent l’activité d’hier. A quelques mètres de là, rue Chanterac, subsiste un vieil entrepôt de stockage de palettes en bois, signe d’une activité logistique portuaire encore féconde.

De l’autre côté des voies ferrées, quai d’Arenc, le Silo a changé de vocation. D’industriel, cet ancien bâtiment est devenu culturel, avec des bureaux et une salle de spectacles new look, aménagée dans son ventre.

Pile face aux ferries de la Corse, les « Napoléon Bonaparte » et autres « Danielle Casanova » qui cinglent toute l’année depuis Marseille vers l’Île de Beauté.

On doit achever la balade par le symbole de cette transmutation. On veut parler de la tour CMA CGM, totem du troisième armateur mondial.

147 mètres de verre et d’acier imaginés par la star architecte d’origine irakienne Zaha Hadid pour affirmer la puissance de l’opérateur et ancrer définitivement l’avant-port de Marseille dans son futur urbanistique.