Réussir une observation en Brenne demande un peu de connaissance… et pas mal de chance - DR : J.-F. R.
Petit rappel géo-historique. La Brenne est un plateau argileux sur lequel les moines et les seigneurs ont, dès le 12e s., fait creuser des étangs pour élever du poisson.
La raison était simple : il fallait nourrir la population.
700 ans plus tard, ce territoire de près de 200 000 hectares est percé de plus de 3 000 étangs, la plupart privés.
La Brenne est grosso modo divisée en deux parties, séparées par la vallée de la Creuse.
Au nord, la Grande Brenne, mosaïque d’étangs remplis d’eau de pluie, entre lesquels émergent des petites éminences de grès appelées buttons, et des prairies pauvres réservées à l’élevage bovin.
Au sud, la Petite Brenne, paysage également d’étangs, mais reliés par un manteau forestier plus important.
33 000 habitants se partagent ce territoire. Jadis, on les appelaient les « ventre jaunes », car de vivre dans cet environnement détrempé, on les soupçonnait d’être atteint de malaria…
La majorité de cette zone humide fragile est, depuis 1990, sous la protection du parc naturel régional de la Brenne.
L’organisme s’assure des équilibres naturels, gère plusieurs étangs au travers de réserves naturelles et aménage des « parcours nature » et des observatoires pour les visiteurs.
La raison était simple : il fallait nourrir la population.
700 ans plus tard, ce territoire de près de 200 000 hectares est percé de plus de 3 000 étangs, la plupart privés.
La Brenne est grosso modo divisée en deux parties, séparées par la vallée de la Creuse.
Au nord, la Grande Brenne, mosaïque d’étangs remplis d’eau de pluie, entre lesquels émergent des petites éminences de grès appelées buttons, et des prairies pauvres réservées à l’élevage bovin.
Au sud, la Petite Brenne, paysage également d’étangs, mais reliés par un manteau forestier plus important.
33 000 habitants se partagent ce territoire. Jadis, on les appelaient les « ventre jaunes », car de vivre dans cet environnement détrempé, on les soupçonnait d’être atteint de malaria…
La majorité de cette zone humide fragile est, depuis 1990, sous la protection du parc naturel régional de la Brenne.
L’organisme s’assure des équilibres naturels, gère plusieurs étangs au travers de réserves naturelles et aménage des « parcours nature » et des observatoires pour les visiteurs.
Dénicher le meilleur plan d’eau…
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Porte d’entrée pour les milliers de marcheurs, observateurs et photographes, la Maison du Parc distille quantité d’informations pratiques.
Posée au bord du château du Bouchet et de l’étang de la Mer Rouge - le plus grand de la Brenne avec 160 hectares - 70 000 personnes l’a fréquentent chaque année.
Tous ont à peu près le même espoir : dénicher le meilleur plan d’eau et sentier pour être là au bon moment, quand les oiseaux montrent leur profil le plus engageant.
Mais réussir une observation en Brenne demande un peu de connaissance… et pas mal de chance.
Il ne faut pas hésiter à s’égarer sur les petites routes, à s’engager à pied ou à vélo sur un itinéraire balisé.
Au lever du jour ou au crépuscule, ce serait bien le Diable si vous n’arriviez pas à observer des animaux.
Posée au bord du château du Bouchet et de l’étang de la Mer Rouge - le plus grand de la Brenne avec 160 hectares - 70 000 personnes l’a fréquentent chaque année.
Tous ont à peu près le même espoir : dénicher le meilleur plan d’eau et sentier pour être là au bon moment, quand les oiseaux montrent leur profil le plus engageant.
Mais réussir une observation en Brenne demande un peu de connaissance… et pas mal de chance.
Il ne faut pas hésiter à s’égarer sur les petites routes, à s’engager à pied ou à vélo sur un itinéraire balisé.
Au lever du jour ou au crépuscule, ce serait bien le Diable si vous n’arriviez pas à observer des animaux.
Grèbes huppées, foulques macroules, hérons…
Voyez l’étang des Essarts, dans la réserve naturelle de Chérine - un autre point d’accueil naturaliste.
En ce jour déclinant de fin octobre, quelques minutes suffisent depuis la cabane d’observation pour distinguer sur l’eau grèbes huppées, foulques macroules, hérons, sarcelles et grandes aigrettes, reconnaissables à leur allure hautaine d’échassiers blancs.
Aux jumelles, le silence est d’or et permet de focaliser l’attention sur l’assez rare canard « nette rousse », une variété de palmipède plongeur dont le mâle porte une splendide tête orange à bec rouge.
Étangs Foucault, du Blizon, de Montiacre, du Gabriau, Massé (et son héronnière)… Selon l’heure, la météo, la température, ils réserveront de bonnes surprises où vous laisseront… le bec dans l’eau.
Tout est affaire de patience et d’attention, au bord de ces étangs d’où émergent des roselières et des touffes d’herbes. On les appelle les touradons, ils sont souvent choisis par les oiseaux pour la nidification.
La faune terrestre est aussi au rendez-vous. La Brenne accueille biches, chevreuils, cerfs, sangliers, ragondins et la plus importante colonie française de tortues cistudes, une variété aquatique de petite taille.
Au gré des balades, on croise également des étangs asséchés. Cela ne signifie pas qu’ils sont abandonnés. Ils sont probablement mis en assec, une technique employée en Brenne tous les huit à dix ans pour que les micros organismes « nettoient » les fonds d’étangs de leur vase, qui finirait sinon par les combler.
En ce jour déclinant de fin octobre, quelques minutes suffisent depuis la cabane d’observation pour distinguer sur l’eau grèbes huppées, foulques macroules, hérons, sarcelles et grandes aigrettes, reconnaissables à leur allure hautaine d’échassiers blancs.
Aux jumelles, le silence est d’or et permet de focaliser l’attention sur l’assez rare canard « nette rousse », une variété de palmipède plongeur dont le mâle porte une splendide tête orange à bec rouge.
Étangs Foucault, du Blizon, de Montiacre, du Gabriau, Massé (et son héronnière)… Selon l’heure, la météo, la température, ils réserveront de bonnes surprises où vous laisseront… le bec dans l’eau.
Tout est affaire de patience et d’attention, au bord de ces étangs d’où émergent des roselières et des touffes d’herbes. On les appelle les touradons, ils sont souvent choisis par les oiseaux pour la nidification.
La faune terrestre est aussi au rendez-vous. La Brenne accueille biches, chevreuils, cerfs, sangliers, ragondins et la plus importante colonie française de tortues cistudes, une variété aquatique de petite taille.
Au gré des balades, on croise également des étangs asséchés. Cela ne signifie pas qu’ils sont abandonnés. Ils sont probablement mis en assec, une technique employée en Brenne tous les huit à dix ans pour que les micros organismes « nettoient » les fonds d’étangs de leur vase, qui finirait sinon par les combler.
Des milliers de grues cendrées
Mais quel est ce bruit dans le ciel ? Corps fuselés, cous tendus, ailes ouvertes… ce sont des grues cendrées !
Chaque automne, dans leur transhumance du nord de l’Europe vers l’Espagne - elles filent en Estrémadure pour se gaver de glands -, des milliers d’entre elles se posent en Brenne. 3 000 à 4 000, selon les années, y passent même l’hiver.
Pour être certain de les apercevoir, le mieux est d’être accompagné par Tony Williams, sympathique Britannique installé dans la région depuis plus de 30 ans.
Guide naturaliste à LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux), il connait les spots où les grues font relâche, notamment près des champs de maïs.
« Tout a changé depuis que l’on cultive cette plante autour de la Brenne. Auparavant, on trouvait les grues dans le sud-ouest. Désormais, elles viennent ici manger les grains laissés après la récolte », explique Tony, avec son accent so british.
Posées en groupes près des étangs, qui leur assurent une certaine sécurité, on entend leurs « croh ! croh ! » rauques de loin.
Impressionnante au sol comme en vol, la grue est le plus grand oiseau d’Europe occidentale. Il mesure entre 1,1 m et 1,3 m de haut et jusqu’à 2,30 m en envergure.
Amis naturalistes, pas d’inquiétude : si vous les avez ratées en automne, vous pourrez toujours les observer en février, de retour d’hivernage.
En levant la tête, il n’est pas rare alors de voir des groupes de 300 à 400 grues cendrées filant vers le septentrion et daignant se reposer un peu autour des étangs de la Brenne.
Chaque automne, dans leur transhumance du nord de l’Europe vers l’Espagne - elles filent en Estrémadure pour se gaver de glands -, des milliers d’entre elles se posent en Brenne. 3 000 à 4 000, selon les années, y passent même l’hiver.
Pour être certain de les apercevoir, le mieux est d’être accompagné par Tony Williams, sympathique Britannique installé dans la région depuis plus de 30 ans.
Guide naturaliste à LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux), il connait les spots où les grues font relâche, notamment près des champs de maïs.
« Tout a changé depuis que l’on cultive cette plante autour de la Brenne. Auparavant, on trouvait les grues dans le sud-ouest. Désormais, elles viennent ici manger les grains laissés après la récolte », explique Tony, avec son accent so british.
Posées en groupes près des étangs, qui leur assurent une certaine sécurité, on entend leurs « croh ! croh ! » rauques de loin.
Impressionnante au sol comme en vol, la grue est le plus grand oiseau d’Europe occidentale. Il mesure entre 1,1 m et 1,3 m de haut et jusqu’à 2,30 m en envergure.
Amis naturalistes, pas d’inquiétude : si vous les avez ratées en automne, vous pourrez toujours les observer en février, de retour d’hivernage.
En levant la tête, il n’est pas rare alors de voir des groupes de 300 à 400 grues cendrées filant vers le septentrion et daignant se reposer un peu autour des étangs de la Brenne.
En Brenne, un matin de pêche à l’étang Jacquet
Équipé d’une combinaison néoprène imperméable, un petit groupe d’hommes et de femmes se met à l’eau et déroule en arc de cercle un tramail (filet) - DR : J.-F. R.
La Brenne, cette région de l’Indre constellée d’étangs, prend un tour sauvage en automne. A partir d’octobre, les poissons y vivent leurs derniers instants. Comme ce matin d’avant Toussaint, sur ce plan d’eau de la Grande Brenne, entre Rosnay et Lingé...
Il faut d’abord trouver l’étang, le bon. Pas simple dans cette région où tous les plans d’eau se ressemblent.
Après avoir emprunté un chemin de traverse, quelque part entre les villages de Lingé, Rosnay et Saint-Michel-de-Brenne, nous voilà à l’étang Jacquet, rosée matinale au sol et brume flottante à l’horizon.
Situé dans la réserve naturelle Terre et Étangs de Brenne Massé-Foucault, l’étang appartient au Conservatoire des Espaces Naturels de la région Centre.
Une gouvernance qui permet à l’opérateur d’empoissonner des étangs sinon délaissés, une façon de les entretenir et de les conserver en l’état.
Poissons pris au piège
Le principe de la pêche parait simple : ouvrir la bonde de l’étang ; le vider dans celui d’à-côté ; et jeter un filet dans l’eau résiduelle pour récupérer le poisson pris au piège.
« On va déculasser l’étang », jargonne Julien Darreau, directeur de la pêcherie Couturier, missionnée pour l’exercice du matin.
Équipé d’une combinaison néoprène imperméable, un petit groupe d’hommes et de femmes se met à l’eau et déroule en arc de cercle un tramail (filet).
Sur ce premier « coup de pêche », la maille est de 10, histoire de ramasser d’abord le plus gros fretin. « Il en faut un au bouchon et tout le monde au plomb ! », ordonne Julien Darreau.
Méthodiquement, à coups de lentes tractions dans l’eau, le filet est tiré et le cercle se referme. Une fois l’équipe revenue sur la rive, les poissons emprisonnés sont pris de panique et font des bonds. Ils finissent attrapés à la main, jetés dans des bacs.
Ce jour-là, il y a de belles pièces : des brochets, des perches, des tanches… Déversées sur une table de triage, elles sont sélectionnées par espèces, pesées puis stockées.
Tramails, filanches…
C’est le moment du second « coup de pêche », cette fois avec un filet à maille plus fine. Les gardons n’en réchapperont pas, cueillis avec des épuisettes et des filanches (épuisettes sans manche).
Viennent aussi les poissons chats, la plaie des pêcheurs, considérés comme une espèce invasive. Ils finiront dans la pelle d’un tracteur, réservés à l’alimentation animale d’une ferme voisine…
Julien Darreau fait la grimace. « Avec 200 kg, on est loin du compte. Normalement, c’est 150 kg de poissons par hectare. Ici, on aurait du ramasser une tonne mais sans doute l’étang a-t-il été trop longtemps délaissé, pas assez empoissonné ou mal protégé des cormorans », regrette-t-il.
La carpe, espèce reine
Il se rattrapera ailleurs. Alors que le public arrive pour observer la pêche - un peu tard, m’sieurs-dames, il fallait se lever plus tôt ! -, le responsable de la pêcherie, installée à Pouligny-Saint-Pierre, quatrième génération de pisciculteurs, nous précise son quotidien.
« De début octobre à fin janvier, nous pêchons tous les jours, soit entre 100 et 150 étangs. Nous sommes aussi locataires de 400 hectares d’étangs. En février-mars, nous empoissonnons puis nourrissons les étangs », dit-il.
L’espèce reine est la carpe. Elle représente 40% de sa production et est vendue quasi exclusivement en France, notamment en Alsace, pour la consommation.
Tanches, brochets et sandres finissent aussi sur les tables, mais sont également vendus à des associations de pêche, comme les gardons, pour ensemencer d’autres étangs et des rivières de l’Hexagone. « Nous faisons aussi du silure, que nous commercialisons vivant pour le marché autrichien », éclaire Julien Darreau.
Chaque automne en Brenne, des centaines d’étangs, privés ou publics, sont pêchés. Le parc régional et les offices de tourisme renseignent les visiteurs sur les dates.
L’occasion de découvrir une tradition vieille comme le territoire… à condition de faire sonner le réveil !
Il faut d’abord trouver l’étang, le bon. Pas simple dans cette région où tous les plans d’eau se ressemblent.
Après avoir emprunté un chemin de traverse, quelque part entre les villages de Lingé, Rosnay et Saint-Michel-de-Brenne, nous voilà à l’étang Jacquet, rosée matinale au sol et brume flottante à l’horizon.
Situé dans la réserve naturelle Terre et Étangs de Brenne Massé-Foucault, l’étang appartient au Conservatoire des Espaces Naturels de la région Centre.
Une gouvernance qui permet à l’opérateur d’empoissonner des étangs sinon délaissés, une façon de les entretenir et de les conserver en l’état.
Poissons pris au piège
Le principe de la pêche parait simple : ouvrir la bonde de l’étang ; le vider dans celui d’à-côté ; et jeter un filet dans l’eau résiduelle pour récupérer le poisson pris au piège.
« On va déculasser l’étang », jargonne Julien Darreau, directeur de la pêcherie Couturier, missionnée pour l’exercice du matin.
Équipé d’une combinaison néoprène imperméable, un petit groupe d’hommes et de femmes se met à l’eau et déroule en arc de cercle un tramail (filet).
Sur ce premier « coup de pêche », la maille est de 10, histoire de ramasser d’abord le plus gros fretin. « Il en faut un au bouchon et tout le monde au plomb ! », ordonne Julien Darreau.
Méthodiquement, à coups de lentes tractions dans l’eau, le filet est tiré et le cercle se referme. Une fois l’équipe revenue sur la rive, les poissons emprisonnés sont pris de panique et font des bonds. Ils finissent attrapés à la main, jetés dans des bacs.
Ce jour-là, il y a de belles pièces : des brochets, des perches, des tanches… Déversées sur une table de triage, elles sont sélectionnées par espèces, pesées puis stockées.
Tramails, filanches…
C’est le moment du second « coup de pêche », cette fois avec un filet à maille plus fine. Les gardons n’en réchapperont pas, cueillis avec des épuisettes et des filanches (épuisettes sans manche).
Viennent aussi les poissons chats, la plaie des pêcheurs, considérés comme une espèce invasive. Ils finiront dans la pelle d’un tracteur, réservés à l’alimentation animale d’une ferme voisine…
Julien Darreau fait la grimace. « Avec 200 kg, on est loin du compte. Normalement, c’est 150 kg de poissons par hectare. Ici, on aurait du ramasser une tonne mais sans doute l’étang a-t-il été trop longtemps délaissé, pas assez empoissonné ou mal protégé des cormorans », regrette-t-il.
La carpe, espèce reine
Il se rattrapera ailleurs. Alors que le public arrive pour observer la pêche - un peu tard, m’sieurs-dames, il fallait se lever plus tôt ! -, le responsable de la pêcherie, installée à Pouligny-Saint-Pierre, quatrième génération de pisciculteurs, nous précise son quotidien.
« De début octobre à fin janvier, nous pêchons tous les jours, soit entre 100 et 150 étangs. Nous sommes aussi locataires de 400 hectares d’étangs. En février-mars, nous empoissonnons puis nourrissons les étangs », dit-il.
L’espèce reine est la carpe. Elle représente 40% de sa production et est vendue quasi exclusivement en France, notamment en Alsace, pour la consommation.
Tanches, brochets et sandres finissent aussi sur les tables, mais sont également vendus à des associations de pêche, comme les gardons, pour ensemencer d’autres étangs et des rivières de l’Hexagone. « Nous faisons aussi du silure, que nous commercialisons vivant pour le marché autrichien », éclaire Julien Darreau.
Chaque automne en Brenne, des centaines d’étangs, privés ou publics, sont pêchés. Le parc régional et les offices de tourisme renseignent les visiteurs sur les dates.
L’occasion de découvrir une tradition vieille comme le territoire… à condition de faire sonner le réveil !