Le transporteur est responsable des dommages suite "au retard dans le transport aérien" sans se préoccuper de savoir à quel stade ce retard a eu lieu - Photo J.D.L.
Le Règlement CE 261/2004, bien connu des professionnels du monde du voyage, est le texte de base qui prévoit qu’en cas de retard, les passagers ont droit à une assistance de la part du transporteur aérien effectif.
Le texte lui-même ne prévoit pas de paiement de compensations statutaires en cas de retard (par opposition aux cas d’annulations de vols pour lesquels chaque passager peut prétendre au paiement des dites compensations).
Depuis plusieurs années, la jurisprudence a développé de nouvelles règles octroyant des compensations lorsque le retard au départ est de plus de trois heures et selon les conditions spécifiques définies par la Cour de Justice européenne.
Ce 26 février 2013, un nouvel Arrêt de la Cour de Justice européenne va encore plus loin.
L’occasion donc d’expliquer les fondements de cette importante décision de justice et ses conséquences en matière de compensation des passagers aériens.
Le texte lui-même ne prévoit pas de paiement de compensations statutaires en cas de retard (par opposition aux cas d’annulations de vols pour lesquels chaque passager peut prétendre au paiement des dites compensations).
Depuis plusieurs années, la jurisprudence a développé de nouvelles règles octroyant des compensations lorsque le retard au départ est de plus de trois heures et selon les conditions spécifiques définies par la Cour de Justice européenne.
Ce 26 février 2013, un nouvel Arrêt de la Cour de Justice européenne va encore plus loin.
L’occasion donc d’expliquer les fondements de cette importante décision de justice et ses conséquences en matière de compensation des passagers aériens.
L’Arrêt Air France c/ Folkerts
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Madame Folkerts disposait d’une réservation confirmée pour un voyage la menant de Brême à Asunción via les aéroports de Paris CDG et Sao Paulo.
Le premier vol, opéré par Air France, est parti de Brême avec un retard d’environ 2 heures et ce retard a engendré le manquement de la correspondance vers Sao Paulo.
La cliente a donc été reroutée vers Sao Paulo sur le vol suivant et arriva in fine à Asunción avec un retard de 11 heures par rapport à l’horaire initial.
La cliente a donc assigné Air France pour le paiement de compensations statutaires d’un montant de 600 euros.
La question qui est posée est la suivante : doit-on prendre en compte le retard au départ ET/OU celui à l’arrivée du dernier vol de la série complète de vols ?
Le premier vol, opéré par Air France, est parti de Brême avec un retard d’environ 2 heures et ce retard a engendré le manquement de la correspondance vers Sao Paulo.
La cliente a donc été reroutée vers Sao Paulo sur le vol suivant et arriva in fine à Asunción avec un retard de 11 heures par rapport à l’horaire initial.
La cliente a donc assigné Air France pour le paiement de compensations statutaires d’un montant de 600 euros.
La question qui est posée est la suivante : doit-on prendre en compte le retard au départ ET/OU celui à l’arrivée du dernier vol de la série complète de vols ?
La réponse de la Cour de Justice
Me. David Sprecher - Photo DR
La Cour prend en compte les dispositions de l’article 19 de la Convention de Montréal selon lequel le transporteur est responsable des dommages suite "au retard dans le transport aérien" sans se préoccuper de savoir à quel stade ce retard a eu lieu (au départ ? à l’arrivée ?).
La Cour estime donc que ce qui compte est l’heure d’arrivée à la destination finale et comme le rappelle la Cour :
"La notion de « destination finale » est définie à l’article 2, sous h), du règlement nº 261/2004 comme étant la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol.
Il en résulte que, en cas de vol avec correspondances, seul importe aux fins de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement nº 261/2004, le retard constaté par rapport à l’heure d’arrivée prévue à la destination finale, entendue comme la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné."
Et la Cour de conclure :
"Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l’article 7 du règlement n° 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’une indemnisation est due, sur le fondement dudit article, au passager d’un vol avec correspondances qui a subi un retard au départ d’une durée inférieure aux seuils fixés à l’article 6 dudit règlement, mais qui a atteint sa destination finale avec un retard égal ou supérieur à trois heures par rapport à l’heure d’arrivée prévue, étant donné que ladite indemnisation n’est pas subordonnée à l’existence d’un retard au départ et, par conséquent, au respect des conditions énoncées audit article 6.
C’est donc bien le retard à l’arrivée qui désormais prévaut et non celui au départ (dans ce cas-ci, ce retard n’aurait pas donné lieu au paiement de compensations quelconques car inférieur selon la jurisprudence à 3 heures)."
La Cour estime donc que ce qui compte est l’heure d’arrivée à la destination finale et comme le rappelle la Cour :
"La notion de « destination finale » est définie à l’article 2, sous h), du règlement nº 261/2004 comme étant la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol.
Il en résulte que, en cas de vol avec correspondances, seul importe aux fins de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement nº 261/2004, le retard constaté par rapport à l’heure d’arrivée prévue à la destination finale, entendue comme la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné."
Et la Cour de conclure :
"Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l’article 7 du règlement n° 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’une indemnisation est due, sur le fondement dudit article, au passager d’un vol avec correspondances qui a subi un retard au départ d’une durée inférieure aux seuils fixés à l’article 6 dudit règlement, mais qui a atteint sa destination finale avec un retard égal ou supérieur à trois heures par rapport à l’heure d’arrivée prévue, étant donné que ladite indemnisation n’est pas subordonnée à l’existence d’un retard au départ et, par conséquent, au respect des conditions énoncées audit article 6.
C’est donc bien le retard à l’arrivée qui désormais prévaut et non celui au départ (dans ce cas-ci, ce retard n’aurait pas donné lieu au paiement de compensations quelconques car inférieur selon la jurisprudence à 3 heures)."
Remarques importantes
1. La Cour n’a pas pris en compte l’identité du transporteur du dernier tronçon (en l’occurrence ici un transporteur sud-américain dont le vol n’est pas parti d’Europe mais bien du Brésil et qui donc normalement n’aurait pas été couvert par les dispositions du Règlement 261/2004).
C’est donc une avancée importante en ce qui concerne le champ d’application du Règlement et il faudra bien évidemment s’intéresser à ce que les instances européennes répondront à ceci. On notera toutefois que c’est bien Air France et non le dernier transporteur qui aura payé les compensations.
2. La Cour n’a pas évoqué la différentiation entre un passager ayant en sa possession un billet de bout en bout (dans ce cas un Brême/Asunción) par rapport à un passager ayant en sa possession une succession de billets différents pour le parcours (comme par exemple un Brême/Paris puis un Paris/Sao Paulo et enfin un billet entre Sao Paulo et Asunción).
Dans ce dernier cas, les dispositions du Règlement 261/2004 ne s’appliquent pas sur le voyage en entier mais en fonction des divers segments pris séparément et on comprendra que le résultat risque d’être totalement différent.
C’est donc une avancée importante en ce qui concerne le champ d’application du Règlement et il faudra bien évidemment s’intéresser à ce que les instances européennes répondront à ceci. On notera toutefois que c’est bien Air France et non le dernier transporteur qui aura payé les compensations.
2. La Cour n’a pas évoqué la différentiation entre un passager ayant en sa possession un billet de bout en bout (dans ce cas un Brême/Asunción) par rapport à un passager ayant en sa possession une succession de billets différents pour le parcours (comme par exemple un Brême/Paris puis un Paris/Sao Paulo et enfin un billet entre Sao Paulo et Asunción).
Dans ce dernier cas, les dispositions du Règlement 261/2004 ne s’appliquent pas sur le voyage en entier mais en fonction des divers segments pris séparément et on comprendra que le résultat risque d’être totalement différent.
Me David Sprecher est avocat spécialisé dans le droit du tourisme et de l’aviation civile et par ailleurs avocat du CEDIV.
Il dirige les modules Droit du Tourisme du Programme EMVOL de l’ESC Troyes et du Mastère Spécialisé et MSc. en Management & Marketing des secteurs Voyage, Hôtellerie, Tourisme ESC Toulouse.
Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action.
Les textes mentionnés dans cet article sont disponibles aux professionnels du tourisme sur simple demande à david.sprecher@sprecher.co.il.
Il dirige les modules Droit du Tourisme du Programme EMVOL de l’ESC Troyes et du Mastère Spécialisé et MSc. en Management & Marketing des secteurs Voyage, Hôtellerie, Tourisme ESC Toulouse.
Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action.
Les textes mentionnés dans cet article sont disponibles aux professionnels du tourisme sur simple demande à david.sprecher@sprecher.co.il.