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Le business travel plongé dans le brouillard par le Covid-19

Retour sur le webinar organisé par l'AFTM


Le business travel est touché de plein fouet par la crise liée au Covid-19. Quid de la reprise de l'activité dans un contexte incertain, du trafic aérien et des multiples freins auxquels doit faire face le secteur ? L'Association Française du Travel Management (AFTM) a fait un point d'étape le 1er juillet dernier à l'occasion d'un webinar qui a accueilli Sammy Gammar, responsable des achats indirects Bouygues Construction, Manuel Flahault, Corporate Sales Director chez Air France-KLM, Patricia Morosini, directrice voyage d'affaires Selectour Radius Travel et Marc Houalla, directeur général adjoint de l'aéroport Paris-CDG (Groupe ADP). Pour aller plus loin, voici l'intégralité du webinar.


Rédigé par le Mercredi 8 Juillet 2020

Les prévisions concernant la reprise du transport aérien sont loin d'être optimistes.

Comme le rappelle Manuel Flahault, Corporate Sales Director chez Air France-KLM, "le secteur traverse la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale".

Les avions cloués au sol reprennent lentement du service, mais la reprise ne sera pas fulgurante, loin sans faut. Dépendante de la réouverture des frontières, l'Europe, malgré les discours de façade, tire en ordre dispersé.

Ajoutez à cela une incertitude ambiante qui provoque des fermetures ou des changements de conditions d'entrée parfois du jour au lendemain, difficile pour l'industrie touristique d'y voir clair.

Dans ce contexte inédit, l'Association internationale du transport aérien (IATA) prévoit une baisse du trafic aérien comprise entre -45% et -62% en 2020 et pas de retour aux niveaux de 2019 avant 2023.

Rien qu'en Europe pendant la semaine du 15 au 21 juin, 7 706 vols ont été effectués en moyenne par jour, soit une baisse de 77,9% par rapport à la même période en 2019.

Le transport aérien est "décimé" comme le rappelle François-Xavier Izenic, animateur du webinar, avec des prévisions de chiffre d'affaires en baisse de 50% et des pertes qui pourraient atteindre 84 M$ en 2020.

25% des entreprises ne savent pas quand leurs voyages reprendront

Comment dans cet environnement les entreprises envisagent-elles de reprendre leurs déplacements professionnels ?

Air France a réalisé une enquête en interne auprès de 2 000 de ses clients entreprises. Résultat : 25% des entreprises ne savent pas quand leurs voyages reprendront.

76% des entreprises pensent que la reprise sur le long-courrier ne se fera pas avant septembre et 50% pas avant le dernier trimestre. Enfin, 70% des entreprises pensent réaliser -50% de déplacements professionnels dans les 6 prochains mois.

Chez Bouygues Construction, qui dépense 25 M€ d'aérien par an, Sammy Gammar, responsable des achats indirects, constate une reprise plus rapide liée au cœur de l'activité du groupe, le BTP, mais aussi un fort retrait versus 2019.

"Notre industrie a fait partie des secteurs qui ont repris plus vite dès le début avril, puis de manière progressive, pour atteindre pas loin de 100%, notamment en France et en Suisse".

Pour autant, il s'attend sur le second semestre à un recul de 30 à 50% des dépenses travel sur la partie aérienne par rapport à 2019, et à une baisse de 50 à 60% sur l'ensemble de l'année 2020.

Un besoin d'informations fiables

Du côté de Selectour, Patricia Morosini, directrice voyage d'affaires Selectour Radius Travel, préfère parler de "montée en charge" plutôt que de reprise.

Si pendant le confinement quelques réservations ont été maintenues avec des secteurs spécifiques (journalistes, ONG, santé...), en juin, le marché est tourné essentiellement vers le domestique.

Pour travailler plus sereinement et entrevoir le bout du tunnel, le secteur devra compter sur un environnement moins fluctuant : "l'entreprise et le voyageur ont besoin d'être rassurés, nous devons aussi pouvoir communiquer sur les protocoles sanitaires dans les hébergements et dans les transports.

Nous avons besoin d'une information fiable dans les systèmes de réservation SBT (self booking tool), OBT (online booking tool) et GDS, la mise à jour des annulations de vols, la fermeture des hôtels, des agences de location de voitures et puis aussi des mises à jour concernant les contenus et les services servis à bord",
ajoute Patricia Morosini.

"Nous comptons beaucoup sur nos partenaires technologiques pour évoluer. Les SBT notamment ont prévu de mettre en place des liens pour suivre les conditions d'entrée demandées, mais aussi les prestations délivrées par les compagnies à bord", ajoute-t-elle.

Autre problématique soulevée : le traitement manuel entraîné par l'émission d'avoirs sur les vols annulés. "Les systèmes n'ont pas pris en compte dans le profil du voyageur ces avoirs en attente. Il faut donc le faire de façon manuelle, ce qui entraîne un surcroît de travail".

Air France : la reprise du voyage d'affaires va être plus lente et plus progressive

Du côté d'Air France aussi, on perçoit une reprise poussive.

Manuel Flahault, Corporate Sales Director chez Air France-KLM, souligne : "même si la période est davantage favorable au segment loisir plutôt qu'au business travel, la proportion des voyages d'affaires est moins élevée que ce que nous avons l'habitude de connaître. Côté voyage d'affaires, la reprise va être plus lente et progressive".

La compagnie reprend aussi doucement avec une demande en retrait.

La semaine du 22 juin 2020, le transporteur tricolore a transporté 25 000 pax par jour, alors qu'à cette période, elle tourne aux alentours des 150 000 passagers.

"Actuellement nous opérons entre 16% et 20% du programme de vols habituels, avec des taux de remplissage à 57%, soit 30 points de moins que ceux enregistrés habituellement (50% sur le long-courrier et 70% sur le moyen-courrier).

L'été nous prévoyons une reprise progressive de la demande : 150 destinations seront opérées, soit 80% du réseau, mais avec moins de vols en terme de sièges, nous tournons autour des 35% en juillet et 40% en août. Nous comptons opérer la moitié de nos vols."


Enfin même son de cloche du côté d'Aéroports de Paris. Marc Houalla, directeur général adjoint, directeur de l'aéroport Paris-CDG (Groupe ADP) le confirme aussi : "Roissy accueille 30 000 passagers par jour là où nous traitions 250 000 passagers à la même période, nous sommes à 12% du trafic habituel".

ADP : "Nous sommes déçus du trafic Schengen"

Le trafic est là aussi tiré par le domestique, Air France n'ayant pas transféré ses opérations sur Orly.

Reste qu'avec l'ouverture des frontières en Europe, le gestionnaire des aéroports parisiens s'attendait à une reprise plus rapide des vols continentaux : "nous sommes déçus du trafic Schengen qui est à 10% de ses niveaux habituels."

Ce qui rend les projections pour l'avenir complexes. "Nous ne voyons jamais plus au-delà que la semaine. Nous voyons un certain nombre de compagnies qui annulent les vols au dernier moment. Nous avons entre 40% et 50% d'annulations.

Sur la partie domestique, nous devrions avoir sur CDG 85% de ce que l'on faisait l'an dernier et sur Schengen et l'Union Européenne nous espérons atteindre 40% à 50% du trafic de 2019, quant à l'international c'est la boule de cristal."


Sans visibilité, aéroports, compagnies aériennes, hôteliers... et autres acteurs de la chaîne ont dû mettre en oeuvre des protocoles sanitaires.

Depuis la crise, Bouygues Construction a intégré le risque Covid-19 dans les protocoles sécurité-sûreté. Si sur le domestique, les collaborateurs peuvent se déplacer sans autorisation de la direction de la sûreté, ce n'est toutefois pas le cas sur le continental et l'inter-continental.

"Notre système comporte 4 niveaux de notation, et par exemple le Royaume-Uni et le Portugal sont chez nous non autorisés, tout comme l'Australie ou Singapour", précise Sammy Gammar, qui se veut rassurant sur l'impact des mesures sanitaires.

Le visage du business travel post-covid sera profondément modifié

"Nous avons eu des bons retours d'expériences clients," estime le responsable des achats indirects.

"Par ailleurs, poursuit-il, "les temps d'attente plus longs induits par les contrôles sanitaires ne devraient pas impacter la productivité. Selon les retours que nous avons eu, ce temps sera pris sur le temps collaborateur et non celui de l'entreprise".

Mais ce qui pourra impacter selon lui le voyage d'affaires, c'est l'utilisation pendant la crise des outils de web conférence. "Le succès de la web conférence va amener une réduction des voyages sur les fonctions supports, transverses, et réunions internes, cela va freiner les voyages que j'appelle inutiles.

Les autres voyages restent nécessaires et continueront d'exister. Chaque voyageur manager aura une plus grande analyse sur l'utilité du voyage en terme de coûts, de sûreté et aussi sur le plan RSE".


Après cette crise liée au Covid-19, le voyage d'affaires devra-t-il se réinventer ? Une seule chose est sûre, le visage du business travel post-covid sera profondément modifié à court et moyen terme, jusqu'à ce que le contexte international retrouve (enfin) un peu de stabilité...

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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