Vous y croyez vraiment, vous, au paradis que titrent encore tant de nos brochures ? Parce que de plus en plus de clients n’y croient plus depuis longtemps et gobent de moins en moins les histoires trompeuses de contrées paradisiaques sur papier glacé- DR : DepositPhotos, avemario
Parmi les industries qui aiment nous (et se) raconter des histoires, le tourisme est sur le podium des champions.
Dans leurs grands élans créatifs, les industriels et Offices du tourisme continuent à vendre des charters entiers de « Destinations de rêve », de sublimes « Best kept secrets » et autres « Trésors cachés » (pourtant promus à grands renforts de marketing…) ou encore de merveilleux « Paradis sur Terre » (le plus souvent artificiels) - « Where to be ».
Bref, ne nous racontons pas d’histoires : les professionnels du tourisme comptent parmi les maîtres du storytelling de destinations « bisounours ». J’en prends ma part.
Pourtant, derrière ce storytelling se cachent souvent lagons massacrés, esclavage moderne, prisonniers d’opinion, pauvreté criante, démocratie d’opérette, atteintes aux plus élémentaires des droits humains, voire irrespect viscéral pour ce que le visiteur est intimement (un mécréant, une femme jugée trop libre, un homosexuel... vous pouvez compléter la liste).
Mais n’est-il pas le propre d’un certain storytelling que de simplifier en narrant, d’embellir en cachant, de séduire en exagérant pour mieux vendre les destinations ?
Pour paraphraser Edgar Morin - puisque la valeur des vacances tiendrait à la vacance des valeurs - les nouveaux patronages du tourisme éthico-solidaro-responsabilo-durable restent encore loin de gonfler le chiffre d’affaires des professionnels.
Dans leurs grands élans créatifs, les industriels et Offices du tourisme continuent à vendre des charters entiers de « Destinations de rêve », de sublimes « Best kept secrets » et autres « Trésors cachés » (pourtant promus à grands renforts de marketing…) ou encore de merveilleux « Paradis sur Terre » (le plus souvent artificiels) - « Where to be ».
Bref, ne nous racontons pas d’histoires : les professionnels du tourisme comptent parmi les maîtres du storytelling de destinations « bisounours ». J’en prends ma part.
Pourtant, derrière ce storytelling se cachent souvent lagons massacrés, esclavage moderne, prisonniers d’opinion, pauvreté criante, démocratie d’opérette, atteintes aux plus élémentaires des droits humains, voire irrespect viscéral pour ce que le visiteur est intimement (un mécréant, une femme jugée trop libre, un homosexuel... vous pouvez compléter la liste).
Mais n’est-il pas le propre d’un certain storytelling que de simplifier en narrant, d’embellir en cachant, de séduire en exagérant pour mieux vendre les destinations ?
Pour paraphraser Edgar Morin - puisque la valeur des vacances tiendrait à la vacance des valeurs - les nouveaux patronages du tourisme éthico-solidaro-responsabilo-durable restent encore loin de gonfler le chiffre d’affaires des professionnels.
Entre pros, arrêtons de nous raconter des histoires, inventons-en d’autres !
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La machine à (se) raconter des histoires se poursuit alors de plus belle et s’amplifie même davantage par le storytelling des réseaux digitaux mettant en scène les paradis sur selfie.
Elle n’est donc pas encore née l’agence de notation spéciale tourisme qui parviendrait à irriguer les hordes de voyageurs vers les destinations AAA championnes de la RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale).
Sérieux, vous y croyez vraiment, vous, au paradis que titrent encore tant de nos brochures ?
Parce que de plus en plus de clients n’y croient plus depuis longtemps et gobent de moins en moins les histoires trompeuses de contrées paradisiaques sur papier glacé…
Ils mûrissent et tranchent leur choix de destination parfois davantage devant les écrans de BFM et à la lecture de Courrier International qu’à l’analyse de magnifiques catéchismes de notre industrie.
Alors pourquoi ne pas leur livrer d’emblée une vérité plus complète, complexe et connexe sur les destinations proposées ?
Sommes-nous finalement des marchands de rêve ou de réalité ? Les deux mon capitaine ?
Entre pros, arrêtons de nous raconter des histoires, inventons- en d’autres !
Elle n’est donc pas encore née l’agence de notation spéciale tourisme qui parviendrait à irriguer les hordes de voyageurs vers les destinations AAA championnes de la RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale).
Sérieux, vous y croyez vraiment, vous, au paradis que titrent encore tant de nos brochures ?
Parce que de plus en plus de clients n’y croient plus depuis longtemps et gobent de moins en moins les histoires trompeuses de contrées paradisiaques sur papier glacé…
Ils mûrissent et tranchent leur choix de destination parfois davantage devant les écrans de BFM et à la lecture de Courrier International qu’à l’analyse de magnifiques catéchismes de notre industrie.
Alors pourquoi ne pas leur livrer d’emblée une vérité plus complète, complexe et connexe sur les destinations proposées ?
Sommes-nous finalement des marchands de rêve ou de réalité ? Les deux mon capitaine ?
Entre pros, arrêtons de nous raconter des histoires, inventons- en d’autres !
Prenons garde, la novlangue touristique nous guette...
En respectant davantage l’intelligence de leurs clients, les marqueteurs touristiques oseront alors s’affranchir plus aisément d’un storytelling trop convenu sur les Edens chimériques.
Mais prenons garde, la novlangue touristique nous guette et se réinvente chaque jour en continuant à faire des ravages d’emphase, notamment dans l’hôtellerie, sur de petits détails langagiers qui veulent tordre la réalité.
Avez-vous noté que le plus banal des repas se transforme parfois dans les brochures et la bouche de vos serviteurs en « culinary experience », le jacuzzi-sauna en « Spa retreat », le dodo-réparateur en « sleeping session » et la trempette aquatique en « beach adventure » ?
La terminologie du « marketing expérientiel » peut parfois conduire à pouffer de rire.
Au restaurant, commandez une modeste salade César en entrée et le serveur vous encouragera mécaniquement, comme chez Ducasse, d’une « Bonne dégustation ! », sans parler de la « Bonne continuation ! » du plat suivant… et « Bonne fin de dégustation » du dessert surgelé. Même Flunch s’y est mis !
Mais prenons garde, la novlangue touristique nous guette et se réinvente chaque jour en continuant à faire des ravages d’emphase, notamment dans l’hôtellerie, sur de petits détails langagiers qui veulent tordre la réalité.
Avez-vous noté que le plus banal des repas se transforme parfois dans les brochures et la bouche de vos serviteurs en « culinary experience », le jacuzzi-sauna en « Spa retreat », le dodo-réparateur en « sleeping session » et la trempette aquatique en « beach adventure » ?
La terminologie du « marketing expérientiel » peut parfois conduire à pouffer de rire.
Au restaurant, commandez une modeste salade César en entrée et le serveur vous encouragera mécaniquement, comme chez Ducasse, d’une « Bonne dégustation ! », sans parler de la « Bonne continuation ! » du plat suivant… et « Bonne fin de dégustation » du dessert surgelé. Même Flunch s’y est mis !
Dix interrupteurs à maîtriser et trois télécommandes à dompter !
Si cela n’était que de la préciosité verbale, amusons-nous en. Sauf que l’industrie hôtelière peut aussi se payer de mots et de concepts tout en rendant la vie de ses clients encore plus complexe et stressante, voulant pourtant son bien. L’enfer est pavé de bonnes intentions…
Par expérience, le voyageur angoisse désormais dès l’ascenseur à l’idée de devoir une fois sur dix effectuer un aller-retour chambre-réception pour changer sa carte magnétique défectueuse d’ouverture de porte.
Finalement arrivé à bon port, et avant de pouvoir s’endormir après une journée de décalage horaire éprouvant, il doit parfois s’imposer au moins dix minutes d’exploration, tâtonnement et déconvenues diverses pour finalement réussir à éteindre rapidement toutes les lumières, la TV qui vous accueille d’un « Bienvenue Madame X », la climatisation et fermer les rideaux automatiques de sa « Deluxe Superior Suite Room » (comprendre « très grande chambre »).
Ceci fait, il n’est cependant pas entièrement rassuré sur sa capacité à pouvoir aisément rallumer une lumière en cas de besoin dans la nuit...
Dans cette phase pré-sommeil de chasse aux trésors d’interrupteurs, il est également vital pour lui de localiser la prise - avec l’éventuel adaptateur qui convient (qu’il a évidemment oublié de demander à la réception) - dans laquelle son smartphone pourra se recharger pendant la nuit…
Et comme il est tout de même plus rassurant de le garder à portée de son lit (en effet, le précieux objet téléphonique fait aisément lampe torche et réveil matin - lui !), cela peut obliger le voyageur à débrancher la lampe de chevet puis déplacer la table de nuit qui cache ladite prise utile au chargement salvateur.
Dix interrupteurs à maîtriser et trois télécommandes à dompter dans une chambre et toujours aucune prise électrique à côté du lit, telle est parfois la nouvelle réalité du nomade connecté !
Par expérience, le voyageur angoisse désormais dès l’ascenseur à l’idée de devoir une fois sur dix effectuer un aller-retour chambre-réception pour changer sa carte magnétique défectueuse d’ouverture de porte.
Finalement arrivé à bon port, et avant de pouvoir s’endormir après une journée de décalage horaire éprouvant, il doit parfois s’imposer au moins dix minutes d’exploration, tâtonnement et déconvenues diverses pour finalement réussir à éteindre rapidement toutes les lumières, la TV qui vous accueille d’un « Bienvenue Madame X », la climatisation et fermer les rideaux automatiques de sa « Deluxe Superior Suite Room » (comprendre « très grande chambre »).
Ceci fait, il n’est cependant pas entièrement rassuré sur sa capacité à pouvoir aisément rallumer une lumière en cas de besoin dans la nuit...
Dans cette phase pré-sommeil de chasse aux trésors d’interrupteurs, il est également vital pour lui de localiser la prise - avec l’éventuel adaptateur qui convient (qu’il a évidemment oublié de demander à la réception) - dans laquelle son smartphone pourra se recharger pendant la nuit…
Et comme il est tout de même plus rassurant de le garder à portée de son lit (en effet, le précieux objet téléphonique fait aisément lampe torche et réveil matin - lui !), cela peut obliger le voyageur à débrancher la lampe de chevet puis déplacer la table de nuit qui cache ladite prise utile au chargement salvateur.
Dix interrupteurs à maîtriser et trois télécommandes à dompter dans une chambre et toujours aucune prise électrique à côté du lit, telle est parfois la nouvelle réalité du nomade connecté !
Le voyageur veut avant tout dormir - et vite !
Ne vous êtes vous jamais trouvé dans cette situation de devoir débrancher, déplacer meubles… pour pouvoir simplement rapidement dormir ?
En matière de « branding » et de « service naming », sous Pompidou, le voyageur y retrouvait plus facilement ses petits.
A l’hôtel « Bellevue », la vue était belle. A l’hôtel « Beau Site », le lieu était pas mal. A l’hôtel « Au Lion d’Or », au lit on dort. Simple et efficace côté promesse-produit ! Emballé, pesé, vendu.
Une préciosité langagière dans les services et équipements a désormais gagné une certaine hôtellerie et la novlangue qui l’accompagne veut nous endormir. Mais - de grâce - si seulement l’entrée dans le sommeil était plus douce et rapide… Le voyageur veut avant tout dormir - et vite !
Bref, vous l’avez compris, je suis suspicieux face au paradis marketé de certaines destinations et bon nombre de leurs marchands de sommeil me fatiguent.
Je crains que nos clients et visiteurs potentiels soient également saoulés de notre prêchi-prêcha de pros du tourisme. Alors, comment réinventer notre « wording », « naming » et « storytelling » ?
Vous avez une heure. Le débat est ouvert.
En matière de « branding » et de « service naming », sous Pompidou, le voyageur y retrouvait plus facilement ses petits.
A l’hôtel « Bellevue », la vue était belle. A l’hôtel « Beau Site », le lieu était pas mal. A l’hôtel « Au Lion d’Or », au lit on dort. Simple et efficace côté promesse-produit ! Emballé, pesé, vendu.
Une préciosité langagière dans les services et équipements a désormais gagné une certaine hôtellerie et la novlangue qui l’accompagne veut nous endormir. Mais - de grâce - si seulement l’entrée dans le sommeil était plus douce et rapide… Le voyageur veut avant tout dormir - et vite !
Bref, vous l’avez compris, je suis suspicieux face au paradis marketé de certaines destinations et bon nombre de leurs marchands de sommeil me fatiguent.
Je crains que nos clients et visiteurs potentiels soient également saoulés de notre prêchi-prêcha de pros du tourisme. Alors, comment réinventer notre « wording », « naming » et « storytelling » ?
Vous avez une heure. Le débat est ouvert.
Fondateur d’Attract, Philippe Mugnier est consultant en marketing international de destinations - www.linkedin.com/in/philippemugnier