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Mieux gérer les dépenses hôtelières

Table ronde


Les entreprises peinent toujours à optimiser leurs dépenses hôtelières. Pour les aider à mettre en place une politique efficace, les acteurs du voyage d’affaires travaillent à l’élargissement de leurs offres et améliorent leurs outils, dans le but de les rendre plus conviviaux.


Rédigé par Nicolas Langis le Mercredi 14 Décembre 2016

© Photos Cyril Etien
© Photos Cyril Etien
Les participants à la table ronde :

  • Julien Chambert - AVEXIA
  • Emmanuel Ebray - HRS FRANCE
  • Annette Botticchio - HYATT
  • Linda Hellal - CDS GROUPE
  • Frédéric Fuzillier - EGENCIA
  • Olivier Lautissier - BEST WESTERN
  • Patricia Morosini - SELECTOUR AFAT


Le poids de l’hôtellerie

Emmanuel Ebray : En France, le chiffre d’affaires consolidé des hôtels atteint 18 milliards d’euros, dont environ 50% générés par les voyages d’affaires. On peut considérer qu’un tiers de ce marché est «intermédié», c’est à dire qu’il passe par une agence de voyage, un Hotel Booking Tool, etc.
Avec des différences considérables selon les entreprises. Tout dépend de la solution de paiement adoptée, des outils de réservation, de la culture de l’entreprise plus ou moins permissive quant à sa politique voyages, de sa maturité...

Une société que nous avons récemment interrogée sur le volume de ses dépenses hôtelières annuelles nous a répondu entre 13 et 30 M€ ! Il y a beaucoup de zones d’ombres...

Fréderic Fuzillier : Chez Egencia, l’hôtellerie représente le deuxième poste derrière l’aérien, soit 24% des dépenses de voyages. Toute la difficulté pour les agences de voyages est de capter ces dépenses. Notre taux de captation oscille entre 40 et 50% selon les clients, plutôt mieux que le marché.

Julien Chambert : Avexia travaille avec des entreprises de taille intermédiaire, qui offrent une flexibilité plus forte à leurs salariés quant aux choix de leur hôtel comparé aux grands comptes.

On capte environ 20% des réservations effectuées par nos entreprises clientes. Nous serions très satisfaits si nous arrivions à doubler ce chiffre dans les prochaines années.

Patricia Morosoni : Il est effectivement très difficile de mesurer ce que l’on peut capter, dans la mesure où les entreprises ne savent pas toujours elles mêmes ce qu’elles dépensent en hôtellerie. Avec une forte clientèle de PME, Selectour Afat est dans le même ordre de grandeur qu’Avexia, avec toutefois des différences importantes entre les clients « online » et « offline ».

Ces derniers ont plus tendance à réserver un hôtel en open-booking, c’est-à-dire en dehors de la politique voyage mise en place par leur entreprise.

"Tout dépend de la solution de paiement adoptée, des outils de réservation, de la culture de l’entreprise ]bplus ou moins permissive quant à sa politique voyages, de sa maturité... "

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Linda Hellal : Au-delà des outils de réservation, le taux de captation évolue également en fonction du moyen de paiement, qui peut être différent au sein d’une même entreprise, selon le service, le statut hiérarchique du voyageur...

L’offre d’hôtels est un pré-requis nécessaire pour améliorer ce taux; elle doit être la plus large possible. Mais nous devons aussi être capable de proposer des solutions couvrant tous les canaux de réservation, et compatibles avec les moyens de paiement de l’entreprise, afin d’affiner le reporting.
C’est indispensable pour déchiffrer les comportements des voyageurs et optimiser les dépenses.

Olivier Lautissier : Il est vrai qu’un programme hôtelier ne peut pas couvrir tous les besoins. Mais les entreprises françaises ont encore peur d’être trop directives, certains travel managers n’y sont pas prêts.

La maturité, dans d’autres pays étrangers, est beaucoup plus forte. Il faut aussi parler du manque de maturité des hôtels. Même dans le réseau Best Western, certains hôteliers refusent d’être accessibles via certains outils de réservations. Nous nous efforçons de les convaincre...

Annette Botticchio : Hyatt gère 560 hôtels dans le monde dont 7 en France, qui vont du palace au boutique-hôtel.

Nous constatons que la vie privée entre de plus en plus dans la sphère du voyage d’affaires, en particulier pour la génération Y. Elle préfère avoir un accès wi-fi gratuit plutôt que du personnel qui lui déroule le tapis rouge à l’accueil.

Dans ce contexte, les habitudes de réservation changent. Chez nous, les réservations transitent pour l’essentiel via des outils du type HBT. Mais il est vrai qu’avec notre profil, nous travaillons beaucoup avec les grands comptes.

La situation est différente pour les hôtels indépendants, très nombreux en France. Par ailleurs, la maturité n’est pas la même selon les entreprises.
Au-delà de l’aspect technologique, il existe des différences culturelles.

Les entreprises anglo-saxonnes sont beaucoup plus en pointe quant à la gestion de leurs dépenses hôtelières, avec une politique plus directive.

"Certains hôteliers refusent d’être accessibles via certains outils de réservations. Nous nous efforçons de les convaincre..."

Julien Chambert : Effectivement, dans certaines régions, trouver un hôtel proche du lieu de rendez-vous justifie parfois de sortir d’un programme hôtel.

Dans certains cas, c’est le voyageur qui nous dit avoir l’habitude de dormir dans un hôtel précis. À nous de convaincre cet hôtel d’intégrer notre outil de réservation afin que, la fois suivante, le collaborateur puisse réserver son hôtel au travers de cet outil et consolider les données liées à son déplacement. Mieux, le voyageur deviendra ensuite un préconisateur de l’outil auprès de ses collègues...

Patricia Morosini : En France, il y a encore une bonne partie des hôtels qui ne répondent pas à la demande des clients et refusent d’être accessibles via les centrales de réservation et les SBT. C’est préjudiciable ! Ce problème est moins sensible sur les marchés internationaux.

Au-delà, le moyen de paiement demeure à mes yeux un autre point majeur. Fort heureusement, on constate une évolution conséquente.

Jusqu’à récemment, beaucoup d’hôteliers indépendants refusaient les moyens de paiement virtuel, pour divers raisons et notamment de trésorerie. Ça devient une minorité, quand c’était récurrent il y a trois ans.


Une priorité pour les entreprises ?

Frédéric Fuzillier : La dépense hôtelière est devenue une priorité car les entreprises n’ont pas de visibilité sur ce qu’elles dépensent réellement, avec de nombreuses réservations qui sortent du circuit officiel, par exemple, via des sites grands publics comme Booking.com; ou Hotels.com.

C’est une grosse épine dans le pied des travel managers, qui ont besoin de visibilité pour mieux piloter les dépenses et initier des stratégies d’économies. Le travail a été fait sur l’aérien, les acheteurs se focalisent désormais sur l’hôtellerie.

Linda Hellal : Les travel managers ne sont plus les mêmes qu’il y a quelques années. Il y a aujourd’hui une vraie notion d’achat, dans un contexte de situation de crise. Plus que jamais, ils doivent justifier leur salaire.

Où peut-on faire des économies ? Une politique hôtelière efficace peut aboutir à une économie sur le prix des nuitées de l’ordre de 15%, et encore 15% sur les coûts indirects, en particulier le traitement des données.

Emmanuel Ebray : Les économies potentielles dépendent toutefois du profil de l’entreprise, de l’utilisation ou non d’un SBT, de sa volonté de récupérer la TVA...

Prenons l’exemple d’une société qui dépense en hôtellerie un million d’euros par an, 60% en France et 40% en Europe. Au lieu de se concentrer sur une négociation pour gagner un ou deux euros par chambre, si l’acheteur met en place des outils pour récupérer la TVA sur les nuitées européennes, les économies deviennent substantielles.

Les choses sont plus complexes qu’elles en ont l’air !

"Les entreprises sont de plus en plus sensibles au problème car elles n’arrivent pas à tracer correctement leurs dépenses, ce qui se traduit ensuite par une négociation plus ardue."

© Cyril Etien
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Julien Chambert : Autre exemple : le coût des « no-show ». Il est essentiel d’analyser de manière pointue les dépenses. Il est parfois préférable d’avoir des chambres 5 euros plus chères toute l’année, mais avec des conditions d’annulation plus souples.

En négociant des annulations possibles jusqu’à 18h le jour J moyennant un prix par nuitée un peu plus élevé, nous avons fait économiser 11% à un client !

Au final, je ne sais pas si c’est l’entreprise qui estime que la gestion de la dépense hôtelière devient prioritaire, ou si ce sont les agences qui ont contribué à faire passer le message. Mais une chose est sûre : les entreprises sont de plus en plus sensibles au problème car elles n’arrivent pas à tracer correctement leurs dépenses, ce qui se traduit ensuite par une négociation plus ardue.

On voit aussi des acteurs technologiques de plus en plus présents auprès des entreprises, avec des outils plus performants.

Patricia Morosini : Les agences ont effectivement participé à cette prise de conscience. N’oublions pas que les ventes d’hôtels représentent un volume important, qui leur échappait dans le passé.

Avec l’aide des éditeurs de technologies, elles peuvent désormais proposer à leurs clients des solutions et des offres pertinentes.

Autre problème majeur qui pousse les entreprises à mieux gérer leur politique hôtelière : celui de la sécurité. À partir du moment où l’entreprise n’identifie pas le lieu de séjour de ses salariés, cela pose un réel problème quant à sa responsabilité.


Comment aider les entreprises ?

Frédéric Fuzillier : Les entreprises demandent une offre la plus large possible, de la transparence, de la technologie pour accéder à l’offre – notamment avec des outils nomades –, et un meilleur taux d’adoption de ces outils pour pouvoir capter les réservations et consolider les dépenses.
Chez Egencia, notre site de réservation s’inspire de celui notre actionnaire Expedia.

La convergence des besoins est au cœur de notre stratégie. Nous souhaitons mettre à disposition des voyageurs d’affaires des outils aussi simples que ceux qu’ils utilisent pour leurs loisirs, via nos marques Expedia, Hotels.com ou Trivago.

Les avis Tripadvisor y sont également intégrés, avec un affichage prioritaire des avis de voyageurs d’affaires.

Impossible par ailleurs d’avoir un débat sur la gestion des dépenses hôtelières sans évoquer le mobile. En 2014, 18% des réservations hôtelières, tous marchés confondus, se font via un appareil mobile, ce sera 50% en 2016. Notre application permet d’effectuer des réservations tout en y intégrant les problématiques du voyage d’affaires ; c’est-à-dire le respect de la politique voyage et les circuits d’approbation. Que ce soit via un PC ou un mobile, toutes les informations sont consolidées.

"Nous souhaitons mettre à disposition des voyageurs d’affaires des outils aussi simples que ceux qu’ils utilisent pour leurs loisirs..."

Linda Hellal : Nous sommes sur un marché hétérogène, avec une forte proportion d’hôtels indépendants qu’il faut aller chercher.
Nous devons, à travers un partenariat avec les clients et les agences, leur expliquer pourquoi il est nécessaire qu’ils soient accessibles via divers canaux.

Par ailleurs, dès notre création en 2001, nous sommes partis du constat que les outils de réservation n’étaient pas assez séduisants, d’où une tendance générale à utiliser des sites grands publics pour réserver un hôtel, au détriment de la politique voyages de l’entreprise.

Nous avons essayé de construire l’outil le plus ludique et le plus intuitif possible. À l’avenir, il va nous falloir intégrer de plus en plus la dimension réseau social, afin que les voyageurs d’affaires puissent déposer un avis. Comme pour le loisir, leur préconisation devient essentielle.

Patricia Morosini : En effet, les avis que l’on peut consulter sur les sites grands publics sont devenus essentiels. Ils n’étaient pas, jusqu’à récemment, disponibles dans les SBT.

C’est un point important dans la préconisation. Pendant longtemps, les agences n’ont pas poussé la vente d’hôtels car elles ne pouvaient pas connaître tous les établissements, tant l’offre est large. Les avis permettent de contourner ce handicap.

Emmanuel Ebray : Les programmes hôtels ne peuvent pas couvrir 100% de la dépense hôtelière. Il y a d’autres pistes à explorer pour orienter les voyageurs et leur donner envie d’utiliser les outils à disposition, comme leur ergonomie.

À ce titre, HRS profite de toutes les innovations proposées au grand public afin d’en faire profiter le marché BtoB. Il nous faut proposer des outils flexibles et suffisamment paramétrables afin d’orienter le comportement d’achat du voyageur vers les hôtels que souhaitent promouvoir le travel manager, avec des systèmes d’approbation plus ou moins contraignants en fonction de la culture de l’entreprise.

"Il va nous falloir intégrer de plus en plus la dimension réseau social, afin que les voyageurs d’affaires puissent déposer un avis. Comme pour le loisir, leur préconisation devient essentielle."

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Julien Chambert : Toutefois, il ne faut pas oublier qu’on entre dans la sphère privée du collaborateur, qui n’a pas choisi de dormir chez lui. C’est une contrainte, le confort et la commodité sont donc des données à prendre en compte.

Si en plus on lui impose une adresse, c’est un peu la double-peine !

Si un client aime bien aller dans un hôtel, à nous de discuter avec ce dernier, de le convaincre de rejoindre un outil qui permettra de simplifier la réservation, le règlement, plutôt que d’imposer au voyageur une autre adresse.

Il faut aussi travailler sur l’ergonomie des outils de réservation. Le problème est que l’on perd beaucoup lorsque ces outils sont intégrés aux SBT. Aux éditeurs de faire aussi des efforts, de proposer des photos qui s’affichent correctement, des filtres qui prennent en compte les attentes des voyageurs d’affaires, comme le petit déjeuner ou le wi-fi inclus...

Réserver un hôtel en 2008 prenait en moyenne 23 minutes, on le faisait très peu car ce n’était pas rentable et on prenait des risques en cas de litige. Aujourd’hui, on entend récupérer ce trafic, avec une offre la plus large possible.

Chez Avexia, nous référençons 5 sources hôtelières différentes, car il faut pouvoir répondre à tous les profils de clients. Et pourquoi pas demain l’offre d’acteurs tels que Airbnb, comme pour les VTC que nous avons intégrés il y a un an ?

Frédéric Fuzillier : On regarde effectivement ce qui se passe sur le marché CtoC, de part la stratégie même d’Egencia qui repose sur le fait que ce qui marche dans le monde des loisirs marchera à terme sur le segment du voyage d’affaires ; même si aujourd’hui, il n’y a pas de réelle demande de nos clients et qu’il reste à lever des problèmes liés à la sécurité.
Airbnb annonce faire 10% de ses réservations en affaires. Ils ont récemment recruté une personne qui a pour mission de développer ce marché. À suivre donc...

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