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Non, le contrôle aérien n’est pas TOTALEMENT inefficace !

Droit de réponse à la chronique de JL Baroux


Suite à la parution de la chronique de Jean-Louis Baroux intitulé "L’organisation actuelle du contrôle aérien européen est un non-sens !", Stéphane LONNE, contrôleur aérien au CRNA/SO (Bordeaux) depuis 1995 a souhaité publier un droit de réponse.


Rédigé par le Lundi 24 Juin 2013

La chronique de Jean-Louis Baroux sur le contrôle aérien le 18 Juin appelle quelques précisions sur les affirmations et l’argumentaire développés. En effet, le sujet, complexe, mérite qu’on ne fasse pas que le survoler et ne se limite pas à l’étalage des conditions de travail des contrôleurs aériens français.

Il est d’ailleurs intéressant d’ouvrir un vrai débat entre représentants de ces deux composantes essentielles du transport aérien que sont les compagnies aériennes d’un côté et les prestataires européens de navigation aérienne d’un autre. Ces deux entités doivent se développer conjointement, plutôt que l’une contre l’autre.

C’est un des enjeux du développement du transport aérien civil en Europe dans les années à venir.

Ne croyons pas que les syndicats représentatifs de la DGAC décident de gaieté de cœur de quasi-paralyser le trafic dans une période de récession économique. Ce préavis fut une responsabilité lourde.

Pour preuve, le syndicat professionnel autonome majoritaire des contrôleurs aériens (le SNCTA) n’a déclenché un préavis que 3 fois en 20 ans. Preuve aussi que les revendications ne sont pas anodines.

Pour revenir à l’article de JL Baroux, il est amusant de noter que l’argumentaire sur SES (Single European Sky) de Siim Kallas, commissaire européen aux transports, est repris quasiment sans discernement.

Premièrement, une précision : SES est DEJA entré en vigueur depuis le début des années 2000. Nous en sommes à la mise en service de SES 2, deuxième paquet législatif. Par contre, c’est bien la version suivante, SES 2+, accompagnée par un plan de réduction très important des redevances, qui provoque la contestation de TOUS les prestataires de navigation aérienne. A des degrés divers, certes.

L'Europe se cherche

Prenons ensuite l’exemple sur les « raccourcis de 50 km » générés par SES.

De quels raccourcis parle-t-on ? Les chiffres annoncés ci et là sont TOUS différents : 50km ici, 43 nautiques ailleurs. Sauf à penser que nous pourrons désormais tirer une ligne droite entre départ et destination en faisant fi des procédures de départ/arrivée, du contournement des zones (parfois énormes) d’entraînement militaire aérien, on peut certifier que les gains seront bien moindres en distance, carburant, coût direct et émission de CO2. A croire que la Commission Européenne embellit ses rapports pour les rendre plus « glamour » aux yeux de tous.

Pour autant, les prestataires de navigation aérienne ne peuvent s’exonérer d’une réflexion pour rationaliser l’espace aérien et effectivement tenter de passer au-dessus des questions de souveraineté. Le programme SESAR en est le meilleur exemple. Mais sur ces questions comme sur de nombreuses autres, l’Europe se cherche.

Se rajoute à cela, une lutte des divers gros prestataires de navigation aérienne pour pérenniser leurs ressources.

En terme plus concret, « pérenniser ses ressources » signifie garder le maximum de routes aériennes dans les espaces qu’ils contrôlent et… les redevances qui vont avec ! Bref, la compétition entre prestataires va à l’encontre des simplifications voulues par la Commission Européenne. Comme quoi, la concurrence dans la navigation aérienne n’a pas que du bon…

L'UE veut baisser les coûts de redevance uniformément

JL Baroux nous affirme que la Commission Européenne voudrait que le nouveau système soit géré par un ensemble unique européen, ce qui, d’après lui, serait la seule façon de réussir l’opération. Plus loin, il conseille aux contrôleurs français de négocier cette intégration.

Ce que JL Baroux ne sait pas, c’est que la Commission Européenne ne veut pas d’un ensemble unique européen, jugé notamment trop monopolistique et refusé, en outre, par le puissant prestataire allemand… mais souhaite baisser les coûts de redevance uniformément en demandant d’externaliser la plupart des fonctions supports : maintenance, surveillance, informations météo… Siim Kallas, dans sa conférence de presse du 12 Juin 2013 présentant son projet SES 2+, note même à ce sujet des « good opportunities for business ».

Ce que JL Baroux ne sait pas non plus, c’est qu’il y a 3-4 ans, le syndicat autonome majoritaire des contrôleurs aériens a soutenu un projet de prestataire unique de contrôle aérien, projet qui n’a pas abouti sous des pressions diverses.

Preuve que les contrôleurs aériens français ne sont pas aussi autistes qu’on veut bien le faire croire, et qu’ils ne sont pas uniquement préoccupés par la défense de leurs avantages présentés comme outrageux.

Les avantages sont ils vraiment outrageux ?

Parlons justement de ces avantages. Sont-ils vraiment outrageux ? Ils le seraient s’ils étaient très supérieurs à ceux de leurs collègues européens travaillant dans des prestataires de taille et de complexité équivalentes. Or, que remarque-t-on ?

Que nos collègues travaillent certes 10% à 20% de plus en moyenne (170 jours par an contre 155 en France), mais sont payés 50% de plus en moyenne. Que nombre d’entre eux, dont les Allemands, partent en retraite à 55 ans (avec des pensions très importantes) quand nous partirons à 59 ans (voire plus ?) très bientôt. Sans parler d’autres avantages encore plus « outrageux »…

Nous ne plaignons pas mais nous tentons de nous faire entendre. Et nous n’acceptons pas d’être cloués au pilori sans discernement et demandons à être « comparés » à des gens qui exercent le même métier que nous, métier à responsabilités, voué à devenir de plus en plus complexe à mesure que le ciel se densifie.

Enfin, affirmer que le contrôle aérien européen est TOTALEMENT inefficace, c’est ne voir de façon étriquée, que la vision comptable de notre métier. Or le cœur de celui-ci, c’est la SECURITE, et que je sache, cette mission première est pleinement remplie. Oui, le contrôle aérien doit travailler à être plus efficace économiquement, mais pas n’importe comment ! Les acteurs du transport aérien ont tout intérêt à ne pas perdre ceci de vue, sous peine de grosses déconvenues dans les années à venir.

Stéphane LONNE, contrôleur aérien au CRNA/SO (Bordeaux) depuis 1995.

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Commentaires

1.Posté par Stan Brun le 28/06/2013 09:41 | Alerter
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Monsieur Lonne,
Je me permets de réagir à votre article pour vous transmettre mon sentiment personnel.
Je n'ai pas les connaissances pour être capable de débattre avec vous des différents points techniques évoqués dans l'article de Monsieur Baroux et le votre. Il semble normal que chaque intervenant présente les faits de manière quelque peu orienté. Dans tout domaine, je pense que le débat est nécessaire pour améliorer l'existant.
A mes yeux, le contenu du dernier paragraphe de votre article intitulé "Les avantages sont ils vraiment outrageux ?" jette le discrédit sur la totalité des faits avancés précédemment.
Vous affirmez qu'un contrôleur du ciel travaillant 155 jours par an, ce n'est pas un avantage outrageux. Hé bien permettez moi de vous dire que pour moi, SI, c'est un avantage outrageux. Travailler 155 jours par an, cela signifie travailler 2,9 jours par semaine, c'est à dire moins de 3 jours!
Personnellement, et au regard de la situation de la majorité de la population active de notre pays, je trouve indécent que vous n'ayez pas conscience de ce simple état de fait.

2.Posté par Stéphane Lonné le 30/06/2013 12:12 | Alerter
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Mr Brun,

Le paragraphe sur les avantages outrageux ne devait pas être suffisamment clair pour que vous m'adressiez un procès en indécence. J'en suis désolé.

Vous lisez ce paragraphe à travers le prisme des conditions de travail de la majorité des salariés de ce pays et vous en concluez qu'à 155 jours de travail, nous sommes des fichus indécents. Soit. Même si je vous soupçonne de nous condamner avant même de vous informer.

Je vous pose juste une question (qui n'est que l'expression différente de ce dernier paragraphe) : un contrôleur britannique, allemand, suisse, espagnol et j'en passe, n'est-il pas moins indécent avec ses 15 jours de plus de travail annuel et un différentiel conséquent de salaire ? Peut-être que si l'Europe du contrôle aérien travaille aussi "peu" à vos yeux, peut-être y-a-t-il quelques raisons opérationnelles à ce que vous qualifiez d'indécence ? Peut être que le grand public devrait savoir mieux qu'un contrôleur aérien est amené parfois à donner une dizaine d'autorisations à la minute influant directement sur la sécurité des vols, et ce, à midi, minuit, un 15 août brûlant ou 1er janvier glacial ?

Bien à vous.

3.Posté par Brun Stan le 22/07/2013 10:40 | Alerter
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Monsieur Lonne,
Croyez vous être la seule profession à travailler en horaires décalés, tous les jours de l'année?
Croyez vous être la seule profession à exercer une activité en lien avec la sécurité d'autres concitoyens?
Vos propos sont offensant vis à vis de la population active subissant ce type de contraintes mais qui elle ne bénéficie pas des avantages outrageux que les responsables de votre profession ont obtenu au fil des ans auprès des pouvoirs publics.
Je me suis insurgé dans mon 1er message sur vos 155 jours de vacances par an. Et je confirme : je trouve votre profession anormalement privilégiée sur ce point des congés.
Vous me répondez en évoquant des salaires plus faibles que les contrôleurs d'autres pays européens.
Mais de grace, n'abordez pas le sujet de la rémunération, tout le monde en France est d'accord pour dire que vous êtes surpayés!
Au lieu de vous comparer avec vos homologues européens, regardez les gens qui travaillent autour de vous (pas dans votre tour de contrôle....les autres!) et intéressez vous à leur horaires et leur salaires.
Et vous réaliserez que vous n'avez pas le droit de vous plaindre de vos conditions de travail.
Cordialement
Stan

4.Posté par Lonné le 22/07/2013 11:27 | Alerter
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Mr Brun,

Décidément, vous semblez aveuglé par votre colère contre les controleurs aériens à tel point que vous ne me lisez pas.

Nous ne plaignons pas. Nous nous défendons. Grosse nuance.

Nous n'avons jamais prétendu être les seuls à travailler en décalé. Mais c'est aussi une raison parmi d'autres de nos rémunérations.

Vous dites rageusement (merci pour le cours de morale, au passage, car c'est bien connu, nous avons la tête dans le ciel et les pieds bien peu sur terre) que nous sommes surpayés. Sur quelle base ? Celle d'un bénéficiaire du RSA, d'une caissière de supermarché, d'un personnel administratif dans une entreprise, d'un technico commercial, d'un chef d'entreprise, d'un ingénieur, d'un pilote d'avion ? Désolé, mais on peut effectivement jouer à comparer les choux et les cailloux mais lorsque vous regardez votre fiche de salaire à vous, vous vous comparez à qui ? A quelqu'un qui exerce votre profession, non ? Ou à un bénéficiaire du RSA, une caissière de supermarché, un personnel administratif dans une entreprise, un technico commercial, un chef d'entreprise, d'un ingénieur ou un pilote d'avion ???

Vous nous refusez le droit de nous défendre au prétexte que à vos yeux, nous avons des avantages outrageux. Je veux bien engager un débat avec vous mais si vous mettez le curseur sur un mode extrêmement moralisateur et partial sans considérer les aspects techniques de la chose, cela va vite être compliqué.

Bien à vous.

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