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Pierre-André Romano : les agents de voyages veulent changer de vie professionnelle...

II. - Tour de France à la rencontre des professionnels


Patron de Twim Travel, Pierre Romano a pris son bâton de pèlerin du tourisme et fait un tour de France à la rencontre des professionnels du tourisme. Fort de ce travail de terrain, il revient pour TourMaG.com sur un état des lieux qui ne laissera pas d'interpeller tous les professionnels. Le doute s'est instillé dans une profession de plus en plus fragilisée. Deuxième volet.


Rédigé par Pierre-André ROMANO le Lundi 27 Février 2012

Du coté des chômeurs du tourisme on se demande vers quel saint se tourner : « Retourner en agence ? Plus jamais ! », me confie une ancienne chef d’agence licenciée économique à l’occasion de la fermeture de son point de vente pour regrouper deux agences d’un mini-réseau régional./photo-Libre.fr
Du coté des chômeurs du tourisme on se demande vers quel saint se tourner : « Retourner en agence ? Plus jamais ! », me confie une ancienne chef d’agence licenciée économique à l’occasion de la fermeture de son point de vente pour regrouper deux agences d’un mini-réseau régional./photo-Libre.fr
Le tourisme n’a pas plus échappé à la concentration et aux fusions que les autres secteurs, mais à la différence de l’automobile, la chimie, ou la finance, notre activité suscite des vocations plus par passion que par ambition financière ou carriérisme.

« N’importe qui pouvait intervenir en assemblée générale et était écouté, le patron lui-même y tenait...» rappelle un jeune pré-retraité d’un grand groupe Français.

Les anciens du tourisme ne sont pas nostalgiques, ils sont déçus, et un peu désabusés, ils ne se plaignent pas mais cherchent simplement à continuer à exercer leur métier avec leur cœur.

Entre les faillites depuis 3 ans des TO de taille moyenne et le rapprochement des grands groupes, la production est devenue chasse gardée oligopolistique de quelques acteurs, répondant ainsi aux besoins du tourisme de masse, en concurrence avec les pure players internet.

Quelques artisans proposent des produits hors des sentiers battus, et les agences traditionnelles cherchent à valoriser le contact humain, le conseil, et la proximité.

Le multicanal reste présent dans les discours mais à fait long feu : Internet reste aux mains des Promovacances, Expédia, et autres acteurs indépendants des réseaux et des TO, tandis que les sites des réseaux de distribution et de nos agences peinent à exister sur la toile.

Les effets d’annonce ne sont plus suffisants. Et les professionnels rencontrés ça et là en France se demandent s’il reste une place pour leur savoir faire entre le package à 399 euros all inclusive vendu sur internet et le circuit sur mesure proposé en direct par les réceptifs aux passionnés de voyages fiers d’avoir court-circuité toute la chaine de valeur et de responsabilité du tourisme.

Que faut-il faire de tous ces professionnels sur le carreau ?

Pierre-André Romano : les agents de voyages veulent changer de vie professionnelle...
Du coté des chômeurs du tourisme on se demande vers quel saint se tourner : « Retourner en agence ? Plus jamais ! » me confie une ancienne chef d’agence licenciée économique à l’occasion de la fermeture de son point de vente pour regrouper deux agences d’un mini-réseau régional.

« La pression et la responsabilité assumées pour 1800 euros nets par mois au bout de 14 ans d’ancienneté, très peu pour moi, surtout pour se faire remercier du jour au lendemain et voir ses clients confiés à une jeune recrue fraichement diplômée mais nettement moins cher que moi…».

La pression sur les marges, les commissions peau de chagrin et les promotions permanentes commissionnées à 10% (sur les produits hors taxes, donc autant dire commissionnés à 7,5 % sur le prix total) ont eu raison du modèle économique des agences de quartier.

Et pourtant la passion est toujours là, elle illumine le regard de cette professionnelle motivée qui me parle de ses voyages avec enthousiasme et du plaisir non dissimulé qu’elle éprouve à partager ses émotions avec les clients séduits par sa flamme.

Créer son agence, elle y pense, mais les contraintes juridiques et financières que cela implique sont dissuasives.

Que faut-il faire de tous ces professionnels sur le carreau, victimes de la crise conjuguée à la métamorphose qui secoue le secteur depuis 10 ans ?

Ni les pouvoirs publics, plus enclins à se préoccuper de la France destination que de la France émettrice (plus d’un millions de salariés dans le tourisme réceptif contre moins de 50 000 dans la production et distribution de voyages), ni les syndicats (le secteur de la distribution est trop atomisé pour que des mouvements sociaux soient envisageables) ne s’en préoccupent.

Certains, à reculons, changent de secteurs, d’autres deviennent apporteurs d’affaires ou « courtiers » indépendants…

« Que pouvez vous m’apporter de plus que ce que j’ai actuellement ? » me demande avec une quasi-arrogance une « Conseillère indépendante », non immatriculée, bien entendu.

Heureusement plus sympathique que prétentieuse, la discussion nous amène à détailler son activité et son fonctionnement : honnêtement et avec toute ma bonne volonté j’ai du mal à distinguer son activité de celle d’une agence de voyages…

La réalité économique impose un tout autre modèle

Professionnelle aguerrie, elle reste un peu sur la défensive, consciente que son statut surfe sur les limites de la loi. « Je ne facture pas le voyage, seulement mes honoraires, donc je ne suis pas responsable ».

Soit. Le débat est ouvert depuis plusieurs années maintenant, mais aujourd’hui les courtiers ont une vitrine : internet. Contrairement aux apporteurs d’affaires qui sévissent depuis toujours dans le secteur en rabattant des clients pour les agences, les courtiers n’opèrent pas dans l’ombre.

Bien au contraire ils s’affichent haut de fort et défendent leur valeur ajoutée face à un client perdu dans les dédales d’un marché où producteurs/distributeurs/réceptifs/conseillers effacent peu à peu les limites de leurs compétences et nuancent la définition de leurs métiers.

Réelle réponse à un besoin des clients ou réaction pragmatique à un marché du travail saturé dans le tourisme, ces intermédiaires non immatriculés sont aujourd’hui une réalité économique avec laquelle il faudra compter et non une conséquence anecdotique de la crise.

« Je vais essayer de négocier une rupture conventionnelle mais ce n’est pas gagné, quoi qu’il arrive il faut que je parte ».

A quelques nuances de vocabulaire près selon les régions, c’est le discours le plus couramment entendu de la part des agents en poste dans des agences.

Certes, ce n’est peut être pas représentatif de la population des agents de voyages puisque ce sont ceux qui ont répondu à mon appel à les rencontrer, mais j’ai entendu cette phrase si souvent que je ne peux m’empêcher de penser qu’à défaut de malaise, un mal-être certain est ressenti chez les professionnels en poste dans les agences traditionnelles.

L’insatisfaction de devoir « faire du volume » au dépends de la qualité et du conseil, de faire des heures de présence, samedi compris, pour un salaire rarement plus élevé que le SMIC, et sans prime quelque soit le chiffre d’affaires réalisé, alimentent un sentiment d’amertume grandissant.

« Même les éductours on n’y a plus droit, alors que c’est le meilleur moyen de bien vendre une destination… ».

Ces fameux voyages d’étude, pauvre cerise sur le gâteau sec des emplois du tourisme, deviennent plus rares, et parfois réservés au patron de l’agence qui, faute de parvenir à s’enrichir avec son agence, se console en bénéficiant de ces invitations à découvrir en 3 ou 4 jours plus de 30 hôtels au pas de course.

Nombreux sont les agents, qu’ils soient au comptoir ou chef d’agence, à vouloir changer de vie professionnelle.

Ils rêvent de pouvoir choisir leurs clients, de ne vendre que des produits de qualité et adapté aux attentes des voyageurs, et de savourer le plaisir d’un message de remerciement enthousiaste au retour du client.

Mais la réalité économique impose un tout autre modèle : faire du chiffre, une course en avant qui ne permet pas de prendre suffisamment de recul pour analyser son marché et définir une approche marketing réfléchie et innovante.

A LIRE DEMAIN : ''La flamme est toujours là... mais elle vacille !''

Fondateur et dirigeant de Twim Travel et de T-linea, Pierre-André Romano a une maîtrise en management financier et est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Il a débuté dans le tourisme en 1988 en tant que responsable financier d'un tour opérateur spécialisé. Après deux années en Asie dans le commerce international, il a accompagné le démarrage de plusieurs start-up sur internet et mené des opérations de fusions-acquisitions. DG de Travelia de 2002 à 2006, il créé T-linea en 2007 puis Twim Travel en 2008.

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Commentaires

1.Posté par phil2mars le 01/03/2012 11:50 | Alerter
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trés interessant.

Malheureusement , je pense que nombre des pros concernés vont tout simplement sortir du jeu car tout le monde s'en fout.. ..
C'est le cas de beaucoup de secteurs en crise et en mutation ... Aujourd'hui des pans entiers de l'industrie française aprés avoir viré les anciens ont perdu savoir faire et capacité d'innovation et en sont réduits à aller faire la danse du ventre dans les ecoles d'ingénieurs pour récupérer techniciens et créatifs malgré leur innexperience...

Le tourisme n'echappe pas à la règle ... Les jeunes qui y font leur trou sont diplomés d'ecole de commerce comme ceux de l'ESCAET qui forment des cyber acheteurs , cyber marketeurs , ( voir l'article Travel Manager d'hier sur Tourmag) ou encore des etudiants en controle de gestion qui envahissent les equipes de direction des TO pour chasser toute distorsion de rentabilité...

Mais manifestement des jeunes aux antipodes des valeurs et des pratiques des plus de 35 piges dans notre belle profession...
Eux ils n'ont jamais mis les pieds dans une agence , et ne le feront jamais... et je pense que la plupart ne verront des clients que leurs clicks...et n'auront jamais l'opportunité de parler physiquement en face à face à un " client"....

Alors , les vieux " ringards" qui ne comprennent pas grand chose au R.O.I ; taux d'ouverture , adwords ... pff...!!!

Tout celà n'estp as trés optimiste , mais notre profession perd tous les jours de ses effectifs et ce sont des milliers de savoir faire qui s'effacent...sans tambour et trompettes....

Et Bravo , à celles et ceux qui essaient de résister en essayant de valoriser leur savoir faire en devenant courtier , conseiller.... Mais que dire d'une profession qui créé les conditions financières et juridique pour rendre quasi impossible une reconversion de ce style dans un cadre clair et légal....
Une fois de plus on se trompe d'ennemi...

désolé , mais ce n'est pas gai tout ça...



A

2.Posté par cycy the globe trotter le 01/03/2012 13:25 (depuis mobile) | Alerter
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Tellement vrais! Tellement douloureux.... Dur de débuter dans un secteur en souffrance, toute la passion et la motivation que l'on peut avoir est doucement balayer par des discourt comme celui ci!

3.Posté par katherine le 06/03/2012 04:09 | Alerter
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Nous nous devons nous "les anciens" de garder optimisme pour encourager et former des jeunes pro de qualité
il y en aura toujours besoin car les "clicks" ne conseillent pas et nos pro si...
alors oui développons les eductours de découvertes et pas seulement de récompenses pour les jeunes et ils reprendront goût à ce merveilleux métier
c'est à nous de transmettre la flamme et de laisser la place....

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