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Salaires minima : "J'ai demandé la réouverture des NAO", annonce V. Boned (EDV)

Le syndicat veut accélérer sur l'attractivité des métiers


Alors qu'une partie des salaires minima des agents de voyages est toujours en-dessous du SMIC, la nouvelle présidente des EDV, Valérie Boned, a décidé d'anticiper la réouverture des négociations avec les syndicats de la branche, à la fois par obligation mais aussi pour impulser une nouvelle dynamique pour la profession. Mais si les salaires restent le nerf de la guerre, le syndicat patronal se déploie sur tous les fronts pour booster l'attractivité des métier de la distribution de voyages. Tour d'horizon.


Rédigé par le Mardi 7 Novembre 2023

V. Boned : « Nous devons montrer que nous sommes dans une industrie de services, et que les salariés et les entreprises ont saisi les enjeux de qualité au travail, de rémunération, de formation tout au long de la vie, de RSE. C'est une question d'image, qui doit être prise au sérieux, car nous sommes attendus au tournant » - DR : A.B.
V. Boned : « Nous devons montrer que nous sommes dans une industrie de services, et que les salariés et les entreprises ont saisi les enjeux de qualité au travail, de rémunération, de formation tout au long de la vie, de RSE. C'est une question d'image, qui doit être prise au sérieux, car nous sommes attendus au tournant » - DR : A.B.
Face au manque d'attractivité de la branche, la présidente des Entreprises du Voyage (EDV), Valérie Boned, sort l'artillerie lourde et repart au front.

C'est en tous cas ce qui transpirait de son intervention à Djerba, lors de la Convention 2023 des EDV Centre Ouest, le 6 novembre dernier.

Lire aussi : EDV : Valérie Boned au plus près des adhérents pour ses premiers pas de présidente

« C'est un travail de longue haleine, mais nous allons essayer d'accélérer sur le mouvement. Nous n'avons pas le choix si nous voulons être une industrie reconnue comme telle, avec des compétences, des expertises et des entreprises attractives ».

Pour cela, il va falloir s'attaquer à la question des salaires.

« Nous ne sommes pas dans une situation très confortable au niveau des rémunérations », a constaté la présidente, précisant que 80 branches sur 171 en France ont, comme les agences de voyages, des minima sociaux en-dessous du SMIC, même si la grille conventionnelle des salaires ne reflète pas la réalité pour une majorité des entreprises du secteur « qui payent au-dessus de ces minima.

Dans certaines entreprises, on peut considérer que 25% environ des salariés en groupe A, B ou C sont payés aux minima du Groupe ou au SMIC
 », a estimé Valérie Boned.

Salaires minima : « L'échec est partagé »

Néanmoins, après avoir été « invitées » durant deux ans à régulariser cette situation, les EDV sont aujourd'hui « sommées » par la Direction générale du Travail (DGT) de se mettre en conformité.

« Nous avions un projet que nous avons mis à trois reprises sur la table des négociations, mais qui n'a pas abouti sur une négociation avec un accord », a rappelé Valérie Boned.

Une proposition qui prévoyait d'augmenter les minima pour dépasser les niveaux du SMIC mais aussi une décorrélation du calcul de la prime d'ancienneté des salaires minima, et qui a été rejetée en bloc par les organisation syndicales représentatives de la branche.

« L'échec dans lequel nous sommes est partagé, le dialogue social a échoué sur ce point. Nous n'avions pas la même vision et nous n'avons pas réussi à avancer », a-t-elle reconnu.

Face à cette opposition générale, le projet de « modernisation » a donc été rangé dans les cartons, mais la présidente des EDV n'a pas dit son dernier mot. « J'ai indiqué au conseil d'administration que je souhaitais qu'on revienne sur des bases moins tendues.

Donc la prochaine réunion de la commission des affaires sociales (CPPNI) aura à l'ordre du jour la négociation annuelle des salaires (NAO). Nous n'attendrons pas que les syndicats demandent la réouverture, nous la demandons.

J'espère que nous allons repartir sur quelque chose qui sera très certainement plus classique et moins moderne, mais que nous aurons enfin des minima qui soient au-dessus de la grille
 ».

Un réajustement des minima qui concerne pour l'heure les catégories A et B de la Convention collective des opérateurs de voyages. Pour autant, Valérie Boned n'en oublie pas les autres groupes et l'importance de conserver les écarts de salaires avec les catégories supérieures.

Lire aussi : Salaires tourisme : vers des déséquilibres entre "nouveaux" et "anciens" salariés ? 🔑

La convention collective fusionnée

La Convention Collective des Agences de Voyages a fusionné l'an dernier avec deux autres conventions : celle des guides-accompagnateurs pour la région parisienne et celle des guides-accompagnateurs au niveau national. « Nous avons signé l'accord mais celui-ci devait être étendu », rappelle Valérie Boned.

C'est chose faite depuis une quinzaine de jours. La Convention collective nationale des opérateurs de voyages et des guides du 19 avril 2022 ou Convention collective nationale IDCC 3245 s'applique désormais à l'ensemble du secteur.

« De ce fait, vous devez le notifier à vos salariés, ils doivent savoir sous l'empire de quelle convention collective ils sont et surtout, dites-le à vos cabinets d'experts-comptables, pour que les bulletins de salaire fassent référence à la bonne convention », a conseillé Valérie Boned.

A noter que cette nouvelle convention implique une modification de la prise de congés : ils démarrent au 1er mai jusqu'au 30 avril, et non plus au 1er juin. « Cela prend effet immédiatement, mais nous recommandons une forme de souplesse des deux côtés, poursuit la présidente. Si vous avez des CSE, il faut les informer ».

Un autre changement concerne les cadres au forfait jour, avec des modifications et un avenant à remplir par écrit. Un webinaire dédié à cette nouvelle convention sera organisé par les EDV le 5 décembre 2023 à 10h.

Faire partie des 80 branches pointées du doigt sur les 171 « n'est pas très agréable pour nous, ni pour le secteur.

Si les choses n'évoluent pas, il y aura du « name and shame », et des dispositions pourraient être prises pour enlever, par exemple, certaines exonérations patronales si nous sommes toujours dans cette situation. C'est vraiment une responsabilité au niveau de la branche
 », a évoqué Valérie Boned qui, au-delà de l'aspect obligatoire, veut aussi impulser une nouvelle dynamique et avancer.

Pour cela, elle a confié la mission de négocier auprès des organisations syndicales à Morgan Butty, DRH de CWT et président de la CPPNI et à son nouveau secrétaire général adjoint, Guillaume Beurdeley.

Ils vont ainsi préparer la prochaine réunion patronale avec les entreprises, pour s'accorder sur les propositions qui seront soumises aux syndicats, et également évaluer l'impact réel sur les salaires d'une évolution des minima sur les entreprises.

Lire aussi : Débat sur les salaires minima : l'arbre qui cache la forêt ? 🔑

La volonté de créer une marque employeur

Toutefois, cette réouverture « anticipée » des NAO s'inscrit dans un projet plus large de « proposer une marque employeur du secteur  », qui comprendrait un volet attractivité pour les salariés avec de l'intéressement, des parcours de formation, une rémunération à la hauteur.

« Nous devons montrer que nous sommes dans une industrie de services, et que les salariés et les entreprises ont saisi les enjeux de qualité au travail, de rémunération, de formation tout au long de la vie, de RSE jusque dans l'inclusion et la diversité.

C'est une question d'image, qui doit être prise au sérieux, car nous sommes attendus au tournant
 ».

Pour tendre vers cette vision, Valérie Boned a rappelé les outils déjà mis à la disposition des adhérents, tel l'accord sur l'intéressement, et ceux qui arrivent.

« Nous venons de signer un accord sur le télétravail », a annoncé Valérie Boned, pour lequel les adhérents vont recevoir prochainement une note d'explication. « Il ne s'agit pas de donner un cadre obligatoire, mais cela permet d'avoir un écrit ».

Si l'accord reprend dans son ensemble ce que prévoit déjà la loi française, il inclut également quelques précisions, comme le fait d'accorder des titres restaurant à ses salariés même pour les jours où ils sont en télétravail. « Nous avons également rendu obligatoire l'équipement du télétravailleur, lorsque celui-ci est à 100% en télétravail », précise Valérie Boned.

Une autre réflexion est actuellement menée sur la question des frais de santé et de prévoyance. Il part d'un constat : « le recours à AG2R n'est pas majoritaire, il y a des choses à améliorer sur les montants de garantie, sur le coût pour l'employeur, afin de le rendre plus intéressant pour l'entreprise et pour le salarié », indique Valérie Boned.

Un appel auprès des organismes de frais de santé et de prévoyance est en cours pour faire évoluer le régime. « Plus il sera intéressant et plus les entreprises y adhéreront, et plus il sera mutualisé, et plus il sera favorable », a rappelé la présidente.

Prise en charge des conjoints, des ayant droits... certains critères ne sont pas négligeables pour augmenter l'attractivité en cas d'embauche.

Les éductours, bientôt reconnus comme de la formation ?

Autre outil visant à améliorer l'attractivité du secteur : les éductours. « L'OPCO Mobilités est d'accord pour que les éductours, s'ils répondent à certains critères, soient considérés comme de la formation », a annoncé Valérie Boned.

La démarche est entrée dans « sa phase ultime », alors que les EDV travaillent sur la formalisation du contenu pédagogique qui sera demandé. « Il n'y a rien d'obligatoire, c'est un outil en plus au service des entreprises, des fournisseurs tour-opérateurs et compagnies aériennes », a-t-elle mentionné.

A noter que celui qui délivre la formation devra disposer de l'agrément Qualiopi, ou bien disposer d'une personne dédiée en interne, ou pourra passer par un organisme de formation qui portera l'éductour pour le fournisseur, l'entreprise et le salarié.

Par ailleurs, avant l'éductour, le salarié devra faire un point sur son niveau de connaissances par rapport à la formation qu'il va avoir, puis un autre six mois après - réalisable à distance.

Malgré les critères demandés, le dispositif « n'est pas une usine à gaz, a soutenu Valérie Boned. La formation est prise en charge et peut rentrer dans un plan de développement des compétences. Cela permet au collaborateur d'être certifié comme un expert sur une destination par exemple ».

Plus de financements pour la formation

Pour mémoire, chaque entreprise a le droit, tous les ans, en fonction de ses effectifs, à un montant précis pour son plan de développement des compétences (ex-plan de formation).

Les EDV ont obtenu auprès de l'OPCO Mobilités une augmentation du financement du plan de développement des compétences à hauteur de 600€, quelque soit l'effectif. « La majorité de nos entreprises ont moins de 10 salariés et avaient droit jusqu'à présent à 1 200€ par an tous salariés confondus. Avec cette augmentation, elles ont droit à 1 800€ », donne en exemple Valérie Boned.

Autre bonne nouvelle : toutes les formations pour les femmes sont prises en charge dans une enveloppe d'un million d'euros qui vient d'être débloquée par l'OPCO.

« Il faut trouver d'autres formes d'engagement »

Les EDV, au niveau de la branche, pourraient aller plus loin en termes de formation. « Nous sommes en train de réfléchir au niveau de la CPPNI, à un passeport de formation pour rendre visibles l'expertise et l'évolution d'un collaborateur tout au long de sa vie dans l'entreprise, mais aussi inter-entreprises ».

Le syndicat met donc le paquet, notamment par le biais de son organisme interne, TravelPro Formations, « qui est en train de se rénover et de se déployer. La direction administrative et managériale a changé, nous avons de nouveaux interlocuteurs », indique Valérie Boned, rappelant au passage le partenariat signé avec UMIH Formation, « qui est un organisme assez puissant, structuré, ancien, avec une force de déploiement importante ».

L'offre des EDV est ainsi combinée avec celle de l'UMIH sur les formations « socle » (administratif, comptabilité, social, etc.) et comprend aussi l'offre tourisme et business travel à des coûts intéressants, avec la possibilité de faire de la formation intra-entreprise, inter-entreprises, à distance ou en présentiel.

« Nous avons été chercher les moyens, nous mettons en place une offre, il faut l'utiliser », a-t-elle insisté auprès des adhérents de la région centre ouest.

Pour renforcer encore plus l'attractivité du secteur, la présidente encourage les chefs d'entreprise à lui témoigner des bonnes pratiques mises en place au sein de leurs entreprises.

« Je suis également convaincue que l'entreprise est une société en soi, un lieu social en soi. Il y a beaucoup à faire sur le modèle de l'entreprise, qu'elle soit petite ou grande. Il faut trouver d'autres formes d'engagement : décisionnel, partage de la vision...

Engager des salariés, c'est leur montrer qu'ils sont aussi impliqués dans l'avenir et l'évolution de l'entreprise, en plus des conditions de travail, de la rémunération, des frais de santé, etc.
 », a conclu Valérie Boned, invitant les professionnels présents à Djerba à repenser l'ADN de leur entreprise.


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