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TourMaG.com - Une saison se termine à la montagne, avec un hiver relativement doux et assez peu enneigé. Le réchauffement climatique semble s'accélèrer ces dernières années, de quoi remettre en cause la façon dont la France a imaginé son tourisme blanc...
Valérie Paumier : Il y a clairement un sentiment d'accélération.
Il y a quelques jours, j'ai pu échanger avec une climatologue suisse sur ce sujet justement. Selon elle, le recul n'est pas suffisant pour arriver à ce jugement, par contre nous constatons des écarts de température fulgurants.
Je suis basée à Annecy, en bas des stations, tous les torrents sont en gros sous débit. Certains sont devenus des simples ruisseaux, cela devient dramatique. La préfecture commente en disant que même les pluies de mars et avril ne sauveraient pas les meubles, car la végétation pompe l'eau pour le printemps.
TourMaG.com - Pour en venir à votre sujet de prédilection à savoir la montagne, nous observons que l'économie du ski a atteint certaines limites...
Valérie Paumier : Je comprends que les acteurs ne disent pas qu'ils vont fermer les stations, parce qu'il n'y a plus ou peu de neige.
Par contre, je pensais vraiment que l'après-covid serait différente. J'ai cru à la prise de conscience. Ils en ont surtout profité pour rattraper le retard.
"Rien n'a été fait pour orienter les subventions vers autre chose que le ski"
TourMaG.com - C'est-Ă -dire ?
Valérie Paumier : Les trous dans les comptes des remontées mécaniques ont été comblés.
Ils cherchent juste Ă attirer plus de monde.
Finalement, il aurait fallu instaurer des conditions, au moment de distribuer les subventions qui ont permis à faire perdurer le modèle. Nous aurions pu demander aux acteurs de présenter un plan de changement accompagné par l'Etat, via les subventions.
Le Gouvernement aurait pu exiger du donnant donnant.
Par le passé, je travaillais dans une ONG distribuant des vaccins dans certains pays en guerre ou sous-développés. Notre objectif était qu'ils deviennent à terme autonomes dans leurs campagnes de vaccination. Sauf que cet accompagnement n'a pas eu lieu.
TourMaG.com - Quel est le principal problème pour les territoires ?
Valérie Paumier : Il n'y a aucune volonté politique.
J'ai un peu l'impression que l'actuelle ministre du Tourisme écoute la dernière personne qui lui parle. Quand le lobby du ski va la voir, elle prend note et reprend leurs problématiques.
Nous avons comme l'impression que personne ne suit les dossiers, ni les enjeux de la montagne.
Nous entendons toujours les mêmes chiffres pour justifier le maintien du ski. Nous ne cherchons pas à accompagner un territoire qui oserait dire non à une politique régionale et départementale.
Je me réfère au rapport des comptes de la Cour des comptes de 2011 disant que les stations de ski des Alpes du Nord doivent se réinventer face au réchauffement climatique.
Lors de la dernière décennie rien n'a été fait pour orienter les subventions vers autre chose que le ski, alors que la sonnette d'alarme a été tirée depuis longtemps.
Valérie Paumier : Les trous dans les comptes des remontées mécaniques ont été comblés.
Ils cherchent juste Ă attirer plus de monde.
Finalement, il aurait fallu instaurer des conditions, au moment de distribuer les subventions qui ont permis à faire perdurer le modèle. Nous aurions pu demander aux acteurs de présenter un plan de changement accompagné par l'Etat, via les subventions.
Le Gouvernement aurait pu exiger du donnant donnant.
Par le passé, je travaillais dans une ONG distribuant des vaccins dans certains pays en guerre ou sous-développés. Notre objectif était qu'ils deviennent à terme autonomes dans leurs campagnes de vaccination. Sauf que cet accompagnement n'a pas eu lieu.
TourMaG.com - Quel est le principal problème pour les territoires ?
Valérie Paumier : Il n'y a aucune volonté politique.
J'ai un peu l'impression que l'actuelle ministre du Tourisme écoute la dernière personne qui lui parle. Quand le lobby du ski va la voir, elle prend note et reprend leurs problématiques.
Nous avons comme l'impression que personne ne suit les dossiers, ni les enjeux de la montagne.
Nous entendons toujours les mêmes chiffres pour justifier le maintien du ski. Nous ne cherchons pas à accompagner un territoire qui oserait dire non à une politique régionale et départementale.
Je me réfère au rapport des comptes de la Cour des comptes de 2011 disant que les stations de ski des Alpes du Nord doivent se réinventer face au réchauffement climatique.
Lors de la dernière décennie rien n'a été fait pour orienter les subventions vers autre chose que le ski, alors que la sonnette d'alarme a été tirée depuis longtemps.
"Nous devons stopper la politique de l'immobilier, arrĂŞter de construire"
TourMaG.com - Quel est le principal enjeu pour faire infléchir, l'économie de la montagne ?
Valérie Paumier : Nous devons stopper la politique de l'immobilier, arrêter de construire.
Depuis le plan neige, un mécanisme de rente à court terme a été créé, avec des culbutes financières hors norme. Nous ne pouvons pas l'arrêter, les gens ne comprendront pas.
Nous avons 50% de lits froids, avec la problématique des passoires thermiques. Mais dans le même temps, nous continuons d'augmenter les capacités des stations de ski. Avec le prix du foncier, les biens sont vendus et loués très cher, ce qui entraine une montée en gamme.
Quand une station annonce un taux d'occupation de 80%, cela signifie que 80% des lits chauds sont occupés, donc bien moins que la moitié de l'ensemble de ses logements.
Il y a une tromperie dans ces chiffres.
Les stations perdent la clientèle locale et se tournent vers celle internationale, donc on carbone les séjours. Personne ne se pose la question des lendemains.
Le problème c'est que la loi encourage cette fuite en avant, par la défiscalisation de l'immobilier neuf en station. Nous parlons là d'un marché de niche, comme dans des villes comme Val-d'Isère, où le mètre carré frise les 20 000 euros.
Après les plus petites stations ne sont pas épargnées par cette flambée, puisque la Clusaz dépasse les 9 000 euros et le Grand Bornand 7 000 euros. Des tarifs qui empêchent clairement les primo-accédants de s'installer.
Nous devrions défiscaliser à fond l'achat de l'ancien et subventionner leur rénovation énergétique.
Il faut arrêter de parler du ruissellement de l'économie du ski, puisque nous n'arrivons pas à loger les salariés. Pour s'acheter des logements à plus de 10 ou 13 000 euros du mètre carré, il faut travailler à Genève. Le ski est une économie de ruissellement pour quelques familles rentières.
Valérie Paumier : Nous devons stopper la politique de l'immobilier, arrêter de construire.
Depuis le plan neige, un mécanisme de rente à court terme a été créé, avec des culbutes financières hors norme. Nous ne pouvons pas l'arrêter, les gens ne comprendront pas.
Nous avons 50% de lits froids, avec la problématique des passoires thermiques. Mais dans le même temps, nous continuons d'augmenter les capacités des stations de ski. Avec le prix du foncier, les biens sont vendus et loués très cher, ce qui entraine une montée en gamme.
Quand une station annonce un taux d'occupation de 80%, cela signifie que 80% des lits chauds sont occupés, donc bien moins que la moitié de l'ensemble de ses logements.
Il y a une tromperie dans ces chiffres.
Les stations perdent la clientèle locale et se tournent vers celle internationale, donc on carbone les séjours. Personne ne se pose la question des lendemains.
Le problème c'est que la loi encourage cette fuite en avant, par la défiscalisation de l'immobilier neuf en station. Nous parlons là d'un marché de niche, comme dans des villes comme Val-d'Isère, où le mètre carré frise les 20 000 euros.
Après les plus petites stations ne sont pas épargnées par cette flambée, puisque la Clusaz dépasse les 9 000 euros et le Grand Bornand 7 000 euros. Des tarifs qui empêchent clairement les primo-accédants de s'installer.
Nous devrions défiscaliser à fond l'achat de l'ancien et subventionner leur rénovation énergétique.
Il faut arrêter de parler du ruissellement de l'économie du ski, puisque nous n'arrivons pas à loger les salariés. Pour s'acheter des logements à plus de 10 ou 13 000 euros du mètre carré, il faut travailler à Genève. Le ski est une économie de ruissellement pour quelques familles rentières.
"Il faut arrĂŞter de parler du ruissellement de l'Ă©conomie du ski"
TourMaG.com - Comment souhaitez-vous agir ?
Valérie Paumier : Nous devons agir maintenant et ne pas attendre qu'il soit trop tard.
L'enjeu global est de décarboner. Quand vous savez que 60% des gaz à effet de serre proviennent de la mobilité, seulement 7 à 10% des Français skient.
Sur Flight Radar, mi-février un avion se posait à l'aéroport de Chambéry toutes les dix minutes, en provenance de l'Angleterre. Vous pouvez ajouter les aéroports d'Annecy et de Genève.
La fréquentation de Val d'Isère est composée à plus de 70% d'étrangers, dont 40% d'Anglais : comment va-t-elle faire si nous devons appliquer les Accords de Paris ?
Dans le mĂŞme temps, il n'y a pas de nouvelles lignes de train. C'est une catastrophe.
TourMaG.com - Finalement, le plan de développement des stations imaginé dans les années 60-70 n'a pas fonctionné ? Il a été pensé pour maintenir les populations mais ce sont juste les propriétaires fonciers qui peuvent vivre dans ces villages.
Valérie Paumier : Non, il n'a pas fonctionné.
Enfin au début le plan a marché, lorsque nous avons voulu démocratiser le ski. A l'époque, l'énergie n'était pas chère. Puis Valéry Giscard d'Estaing, dans son discours de Vallouise dit stop au Plan Neige. Il déclare déjà que construire dans un site vierge pose un problème.
Près de 50 ans plus tard, rien n'a changé, nous construisons toujours sur des sites vierges.
TourMaG.com - Les acteurs qui construisent en montagne ne sont pas engagés sur le long terme, car généralement ils viennent juste gérer les établissements, mais ne sont plus propriétaires des murs ?
Valérie Paumier : Si vous prenez une marque comme le Club Med, c'est une entreprise qui a de la valeur comme exploitant.
La création d'emplois sur le territoire est minime. Vous ajoutez la montée en gamme. Il y a un marché étranger, mais est-ce que nous devons continuer ? Je ne suis pas sûre.
Puis quand de tels acteurs arrivent, cela fausse le marché local, entraînant la montée en gamme du village.
Valérie Paumier : Nous devons agir maintenant et ne pas attendre qu'il soit trop tard.
L'enjeu global est de décarboner. Quand vous savez que 60% des gaz à effet de serre proviennent de la mobilité, seulement 7 à 10% des Français skient.
Sur Flight Radar, mi-février un avion se posait à l'aéroport de Chambéry toutes les dix minutes, en provenance de l'Angleterre. Vous pouvez ajouter les aéroports d'Annecy et de Genève.
La fréquentation de Val d'Isère est composée à plus de 70% d'étrangers, dont 40% d'Anglais : comment va-t-elle faire si nous devons appliquer les Accords de Paris ?
Dans le mĂŞme temps, il n'y a pas de nouvelles lignes de train. C'est une catastrophe.
TourMaG.com - Finalement, le plan de développement des stations imaginé dans les années 60-70 n'a pas fonctionné ? Il a été pensé pour maintenir les populations mais ce sont juste les propriétaires fonciers qui peuvent vivre dans ces villages.
Valérie Paumier : Non, il n'a pas fonctionné.
Enfin au début le plan a marché, lorsque nous avons voulu démocratiser le ski. A l'époque, l'énergie n'était pas chère. Puis Valéry Giscard d'Estaing, dans son discours de Vallouise dit stop au Plan Neige. Il déclare déjà que construire dans un site vierge pose un problème.
Près de 50 ans plus tard, rien n'a changé, nous construisons toujours sur des sites vierges.
TourMaG.com - Les acteurs qui construisent en montagne ne sont pas engagés sur le long terme, car généralement ils viennent juste gérer les établissements, mais ne sont plus propriétaires des murs ?
Valérie Paumier : Si vous prenez une marque comme le Club Med, c'est une entreprise qui a de la valeur comme exploitant.
La création d'emplois sur le territoire est minime. Vous ajoutez la montée en gamme. Il y a un marché étranger, mais est-ce que nous devons continuer ? Je ne suis pas sûre.
Puis quand de tels acteurs arrivent, cela fausse le marché local, entraînant la montée en gamme du village.
"Nous devons retravailler l'imaginaire de la montagne"
TourMaG.com - Ce serait moins gênant si ces skieurs fortunés permettaient à ceux ayant moins de pouvoir d'achat de pouvoir en profiter aussi. Vous voudriez plus de solidarité ?
Valérie Paumier : En quelque sorte, ce serait plus juste socialement.
De facto, avec l'immobilier tout augmente. Au Col de la croix fry, un parking va être transformé en résidence de tourisme haut de gamme, donc vous ajoutez une piscine et le ski aux pieds.
Des retenues collinaires vont être creusées pour garantir la promesse du promoteur, puis cela entraine une montée en gamme du village. Nous sommes dans le travers de ce qu'il ne faut pas faire à basse altitude, avec la création de stations reposant sur la neige artificielle.
TourMaG.com - Quel pourrait être l'après-ski dans ces territoires ?
Valérie Paumier : La richesse des vallées réside dans ses terres.
Dans le passé, la vie était dure, mais l'or est sous nos pieds. Ce sont les nouvelles terres nourricières, mais nous continuons de les bétonner.
Quand vous louez un appartement sur la cĂ´te Atlantique ou en Bretagne, le soleil ne vous est aucunement garanti. Les voyageurs y vont pour autre chose : les paysages, le moral, la culture, etc.
Alors pourquoi faudrait-il garantir la neige en montagne ? Nous faisons en sorte de conforter l'offre pour augmenter la demande, afin de véhiculer l'image que tout est sous contrôle. Nous devons adapter les communications, le marketing territorial, dire la vérité aux gens.
Nous devons dire à tous, comment nous assurons les quelques centimètres de neige permettant aux skieurs de descendre les pistes. Nous devons voir la montagne, juste comme un espace de montagne, nous devons retravailler l'imaginaire.
Nous devons arrêter de vendre du ski, quand nous ne sommes plus sûrs d'en avoir et plutôt vanter les éleveurs, l'agriculture ou encore l'artisanat local, l'environnement.
Valérie Paumier : En quelque sorte, ce serait plus juste socialement.
De facto, avec l'immobilier tout augmente. Au Col de la croix fry, un parking va être transformé en résidence de tourisme haut de gamme, donc vous ajoutez une piscine et le ski aux pieds.
Des retenues collinaires vont être creusées pour garantir la promesse du promoteur, puis cela entraine une montée en gamme du village. Nous sommes dans le travers de ce qu'il ne faut pas faire à basse altitude, avec la création de stations reposant sur la neige artificielle.
TourMaG.com - Quel pourrait être l'après-ski dans ces territoires ?
Valérie Paumier : La richesse des vallées réside dans ses terres.
Dans le passé, la vie était dure, mais l'or est sous nos pieds. Ce sont les nouvelles terres nourricières, mais nous continuons de les bétonner.
Quand vous louez un appartement sur la cĂ´te Atlantique ou en Bretagne, le soleil ne vous est aucunement garanti. Les voyageurs y vont pour autre chose : les paysages, le moral, la culture, etc.
Alors pourquoi faudrait-il garantir la neige en montagne ? Nous faisons en sorte de conforter l'offre pour augmenter la demande, afin de véhiculer l'image que tout est sous contrôle. Nous devons adapter les communications, le marketing territorial, dire la vérité aux gens.
Nous devons dire à tous, comment nous assurons les quelques centimètres de neige permettant aux skieurs de descendre les pistes. Nous devons voir la montagne, juste comme un espace de montagne, nous devons retravailler l'imaginaire.
Nous devons arrêter de vendre du ski, quand nous ne sommes plus sûrs d'en avoir et plutôt vanter les éleveurs, l'agriculture ou encore l'artisanat local, l'environnement.
"Décorréler la montagne de la mono-activité du tourisme"
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TourMaG.com - Si rien n'est fait, nous allons vers des montagnes sans habitants ?
Valérie Paumier : Oui, tout l'enjeu est de décorréler la montagne de la mono-activité du tourisme, elle-même liée à la mono-activité du ski.
Pour que les gens restent dans leurs villages et que d'autres arrivent, nous allons devoir changer de paradigme. Aucun plan n'est prévu pour le moment. Pour attirer des populations, nous allons devoir sortir de la manne du ski sur 3 mois dans l'année, pour laisser la possibilité à d'autres métiers de s'installer.
Les gens doivent comprendre que leurs terres valent de l'or, que ce soit les forĂŞts ou leurs terrains.
Valérie Paumier : Oui, tout l'enjeu est de décorréler la montagne de la mono-activité du tourisme, elle-même liée à la mono-activité du ski.
Pour que les gens restent dans leurs villages et que d'autres arrivent, nous allons devoir changer de paradigme. Aucun plan n'est prévu pour le moment. Pour attirer des populations, nous allons devoir sortir de la manne du ski sur 3 mois dans l'année, pour laisser la possibilité à d'autres métiers de s'installer.
Les gens doivent comprendre que leurs terres valent de l'or, que ce soit les forĂŞts ou leurs terrains.