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Adriana Minchella : "Je ne sais pas vivre sans penser à ce que je vais faire demain" (Podcast)

L'interview "je ne vous ai rien dit..."


Vous pensiez bien connaître Adriana Minchella, présidente du Cediv et gérante d'Ellipse Voyage ? Et pourtant...

Immigrée italienne, elle en a parcouru du chemin, depuis son arrivée en France, à dix ans. D'Aubervilliers à Béziers, en passant par Perpignan, elle revient pour TourMaG.com sur son enfance, son parcours professionnel, sa famille, ses projets...

Une interview à lire, mais aussi à écouter.


Rédigé par le Lundi 10 Février 2020

Adriana Minchella : "J'aime les rencontres, je suis aussi faite d'émotions, je suis quelqu'un qui vit tout et qui se passionne pour tout" - DR : CEDIV
Adriana Minchella : "J'aime les rencontres, je suis aussi faite d'émotions, je suis quelqu'un qui vit tout et qui se passionne pour tout" - DR : CEDIV
TourMaG.com - Adriana Minchella, qui êtes-vous ?

Adriana Minchella :
Alors qui suis-je ? Et bien je suis déjà une Méditerranéenne, je suis italienne, donc imaginez un peu le tempérament passionné, évidemment !

Ça c'est moi, et c'est ce qui m'a permis de faire une spécialisation sans que je ne fasse des études : le tourisme ! C'est ma passion, c'est ma drogue, c'est ma vie.

Ce que je suis aujourd'hui, ce que j'ai créé, est parti du fait que j'aime partager des moments avec les gens, j'aime les rencontres, je suis aussi faite d'émotions, je suis quelqu'un qui vit tout et qui se passionne pour tout.

Et il est vrai que j'ai réussi à transmettre cette ambiance au Cediv. Je crois que c'est aujourd'hui une grande famille parce que j'ai toujours rêvé d'une grande famille.

Alors, est-ce qu'elle me manque, cette famille que je n'ai pas forcément eu telle que je l'ai toujours rêvée ? Parce que ce n'est pas évident quand on arrive de l'étranger, qu'on est parqué - parce que c'est le mot - dans une zone en France qui n'est pas du tout ce qu'on a eu auparavant et qu'il nous a manqué quelque chose.

Est-ce que je n'ai pas eu envie de recréer ce quelque chose ?

Aujourd'hui, cette belle famille qu'est le Cediv, c'est ma famille de cœur, c'est ce que j'ai réussi à faire avec ma passion, et je crois que le Cediv est tout à fait ce que je suis.

Ecoutez l'interview d'Adriana Minchella en podcast :

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"J'aurai pu vivre en Belgique, être Belge"

TourMaG.com - D’où venez-vous exactement ? Où êtes-vous née ?

Adriana Minchella :
Je suis née en Italie. En fait, en 1961, lorsque le Général de Gaulle a fait appel à la main-d’œuvre étrangère, beaucoup d'étrangers, comme les Italiens, sont soit partis en Belgique, soit en France.

Donc une partie de ma famille est partie en Belgique, j'ai une grosse partie de la famille de mon père qui est à Bruxelles, donc j'aurai pu vivre en Belgique, être Belge.

Et puis, une autre partie est en France, car chez les Italiens on suit sa famille de cœur : les femmes suivent les femmes, les hommes suivent les hommes, mais souvent la femme décide pour l'homme.

Et donc ma mère a souhaité suivre sa famille qui était en France et elle a influencé mon père, qui travaillait dans la construction de digues. La dernière qu'il a construite en Italie se trouvait tout près de mon village, et puis il s'est retrouvé sans travail. Il a donc suivi la main-d’œuvre étrangère appelée par le Général de Gaulle et on est venu s'installer en France.

Je ne vais pas trop m'attarder sur mon enfance, parce qu'elle n'était pas drôle. Quand on vit à la campagne ou à la montagne et qu'on se retrouve dans quelques mètres carrés - car il n'y avait rien eu de prévu pour le logement de ces étrangers... On était parqué !

TourMaG.com - Où vous êtes-vous installée avec votre famille ?

Adriana Minchella :
Je suis arrivée en région parisienne, à Aubervilliers, rue des cités. Dans cette rue, on avait reconstitué le « Little Italy », où tous les Italiens de mon village ou à proximité se sont retrouvés, chacun faisant venir sa famille dès qu'un appartement se libérait.

Je me suis donc retrouvée à faire des études - je voulais être avocate - avec l'idée de repartir en Italie. C'était mon idée première, jusqu'au moment où j'ai compris que chez moi, c'était la France.

"Je me suis plongée dans le tourisme à tout va"

"Quand vous gérez une famille jeune, c'est dur, on ne s'imagine pas, ça peut marquer votre vie" - DR : A.B.
"Quand vous gérez une famille jeune, c'est dur, on ne s'imagine pas, ça peut marquer votre vie" - DR : A.B.
TourMaG.com - Quel âge aviez-vous quand vous êtes partie d’Italie ?

Adriana Minchella :
J'avais 10 ans. Il a fallu que j'apprenne le français en quelques mois, et que je gère une famille - j'ai un frère et deux sœurs - et mes parents puisque c'est moi qui ai fait toutes les démarches administratives pour que notre famille puisse rester en France et avoir des formalités en bonne et due forme.

Ça n'a pas été simple, je ne pense pas avoir eu une enfance très facile, parce que j'ai finalement assumé le rôle de la mère, du père. Et j'ai compris que la difficulté serait de s'intégrer à la France, de se faire respecter et accepter.

C'était pas simple. Se retrouver en CP quand on a dix ans, c'est dur. Mais j'ai eu la chance de pouvoir sauter des classes et de me retrouver au baccalauréat à 19 ans. Donc quelque part, c'était pas mal.

TourMaG.com - Ce besoin d’intégration a dû profondément marquer votre jeunesse…

Adriana Minchella :
Ça a beaucoup marqué ma vie. Je me suis retrouvée dans une famille d'accueil. Je vous dis des choses que je n'ai jamais dites...

Ça a été dur, très dur. Une fois le bac en poche, je me suis posée la question de ce que j'allais devenir. Je voulais poursuivre mes études, mais la famille avait davantage besoin que j'aille travailler. Donc j'ai mis de côté mes rêves d'avocate.

Je faisais de la vente de fret pour une société à Stains, et le hasard de la vie a voulu que je croise un comité d'entreprise qui travaillait avec Tourisme et Travail et c'est comme ça que j'ai commencé en 1975.

Je me suis plongée dans le tourisme à tout va, je ne savais pas ce que c'était et je m'y suis vraiment plu.

J'ai appris pleins de choses et l'avantage c'est que j'ai fait beaucoup de métiers dans le tourisme : vente, accueil, villages de vacances, animation, gestion... j'ai tout fait.

Je suis vraiment passionnée par ce métier et par les autres. Ma passion, c'est la vie que je peux partager avec d'autres.

Et donc à partir du moment où j'ai commencé à travailler, ma vie a changé parce que j'ai obligé mes parents à changer de vie. Je les ai poussé à faire pleins de choses.

Quand vous gérez une famille jeune, c'est dur, on ne s'imagine pas, ça peut marquer votre vie. J'ai été la maman du papa et de la maman et de toute une famille.

Mais quelque part il le fallait, parce qu'ils étaient perdus, ils ne savaient pas parler le français, c'était pas évident pour des gens qui arrivent, qui ne connaissent rien, qui ne peuvent pas aller faire des courses. Quelqu'un devait se sacrifier.

Je pense que ça a toujours été dans mon caractère de prendre des initiatives, j'ai été obligée, je m'occupais de mes petites sœurs, c'est moi qui les élevais.

"La France est mon pays aujourd'hui"

TourMaG.com - Une fois adulte, avez-vous gardé le lien avec votre famille ?

Adriana Minchella :
Oui, je me suis tout le temps occupé de ma famille, et même après, bien au contraire. Je suis allée travailler pour permettre à mes parents de construire leur maison et de revivre normalement.

TourMaG.com - Vos parents sont-ils repartis en Italie ?

Adriana Minchella :
Non, ils sont restés en France, c'est incroyable. Bon, ils ont une maison en Italie, ils sont partis quand ils ont eu l'âge de la retraite, ils passaient six mois en Italie et six mois en France.

Mais ils ont gardé ce lien avec la France, toujours en région parisienne, ils habitent à Drancy.

Ils vivent tous les uns à côté des autres, ils ont continué à rester à proximité. Comme tous les Italiens, ils sont tous à peu près dans la même zone. Les villages se retrouvent tous dans les mêmes zones en Seine-Saint-Denis.

TourMaG.com - Vous êtes finalement la seule sudiste de la famille...

Adriana Minchella :
C'est ça. Je me suis expatriée dans le Sud. Et je me suis toujours demandé pourquoi je n'avais pas eu envie de repartir en Italie, par moment ça me manque un petit peu, mais la France est mon pays aujourd'hui.

TourMaG.com - Retournez vous tout de même en Italie ?

Adriana Minchella :
Oui, j'ai de la famille, j'y retourne mais je n'ai pas cette nostalgie comme l'a eu mon frère, qui s'est construit sa maison là-bas.

Pour moi, la France m'a accueillie, je suis devenue complètement française dans l'esprit, dans la vision des choses.

J'ai estimé que c'était les Italiens qui étaient responsables de notre départ, pas les Français. Alors que mon frère en a toujours voulu à la France de nous avoir accueillis.

Moi j'ai fait tout à fait le contraire, je n'ai jamais parlé italien dans ma famille. Pourtant je le parle parfaitement puisque je voulais être avocate (en Italie, ndlr).

Je pense en italien, mais je n'ai pas été comme mon frère, qui s'est refusé à parler français, qui le parlait avec un très fort accent italien.

Moi j'ai fait l'inverse. J'ai refusé de parler la langue italienne, j'en voulais à l'Italie quelque part, car quand vous quittez une maison à la montagne, dans les grands espaces, pour vous retrouver dans 20 mètres carrés à six, c'est dur.

"Les habitations légères de loisirs, je connais depuis 1975 !"

TourMaG.com - Vous vivez aujourd’hui à Béziers. Quand avez-vous décidé de partir dans le Sud ?

Adriana Minchella :
J'ai quitté Tourisme et Travail pour aller m'installer dans la région de Perpignan en 1983, à la naissance de ma fille, car mon fils avait des problèmes respiratoires et on ne pouvait pas rester en région parisienne.

Je suis aussi partie avec la personne avec qui je vis toujours 40 ans après, que j'avais rencontré à Tourisme et Travail et qui s'occupait de structures de villages de vacances.

Avec lui, nous avons été à l'initiative de maisons de retraite à la journée, où les personnes âgées venaient passer la journée et on s'occupait d'elles.

Puis nous avons géré un village de vacances. Les habitations légères de loisirs (HLL, ndlr), je connais depuis 1975 !

C'est quelque chose qui a fait partie de ma vie. Je vendais la France avec des habitations légères de loisirs, des bungalows toile, des mobil home...

TourMaG.com - Après la vente de ce village de vacances, vous êtes partis à côté de Béziers…

Adriana Minchella :
On est venu ici, gérer une structure de vacances à Valras. On a tout fait nous-mêmes, on a construit, on a aménagé des espaces de chalets - c'était les premiers chalets. On a toujours été les premiers pour les bungalows toiles, pour les chalets puisqu'il n'y en avait pas à l'époque.

Et puis, j'en ai eu assez d'être prise sept jours sur sept, c'était très dur, donc on s'est retrouvé en 1986 dans la région de Béziers.

De 1986 à 1990, j'ai eu une association, loi 1901, c'était la grande mode. Et puis j'ai voulu me mettre en règle, tout régularisé, et en 1990, j'ai créé mon agence (Ellipse Voyage, ndlr).

TourMaG.com - Vous étiez à la fois maman et chef d’entreprise. Comment cela se passait avec vos enfants ?

Adriana Minchella :
Ils vivaient à côté de moi, avec moi. J'ai toujours eu quelqu'un qui m'a aidée, donc je prenais du temps avec eux la journée, quand je le pouvais.

Et puis eux aussi ont été passionnés, ils ont vécu des moments magiques. Ils ont connu le monde de l'animation, le monde de la gestion, le monde !

Ils ont un peu détesté leur mère aussi, un petit peu, on va le dire. Comme tout enfant qui en voudrait à un parent qui est beaucoup absent. C'est humain.

TourMaG.com - Et maintenant, ils travaillent avec vous ?

Adriana Minchella :
Mon fils travaille avec moi, ma fille gère le restaurant. Ils travaillent tous les deux avec moi finalement.

TourMaG.com - Vous êtes également grand-mère...

Adriana Minchella :
Oui, de deux petites filles exceptionnelles. On partage des grands moments toutes les trois, je prends du temps avec elles.

"Je ne sais pas vivre sans penser à ce que je vais faire demain"

"J'aime la décoration, l'aménagement intérieur. Je pense sincèrement que comme je n'ai pu être avocate, j'aurais pu être décoratrice d'intérieur.  J'aime tous les objets présents dans mon bureau, au siège du Cediv. S'ils sont là, c'est parce que j'y ai beaucoup participé. Je prends du vieux, je refais de belles choses" - DR : A.B.
"J'aime la décoration, l'aménagement intérieur. Je pense sincèrement que comme je n'ai pu être avocate, j'aurais pu être décoratrice d'intérieur. J'aime tous les objets présents dans mon bureau, au siège du Cediv. S'ils sont là, c'est parce que j'y ai beaucoup participé. Je prends du vieux, je refais de belles choses" - DR : A.B.
TourMaG.com - Peut-on dire que vous avez une vie plus posée qu’auparavant ?

Adriana Minchella :
Non c'est toujours comme avant, je constate que c'est très prenant. Je fais beaucoup de choses et je ne sais pas vivre sans penser à ce que je vais faire demain.

Un jour, je suis allée voir une pièce de théâtre amateur qui m'a énormément marquée, le titre était « Le projet ». J'ai été marquée par cette pièce où tant qu'on a des projets, on vit, dès qu'on a plus de projets, on meurt.

Est-ce que c'est mon état d'être, ma façon de voir les choses, ma vie qui est comme ça, qui ne peut pas être autrement qu'à envisager ce que je vais faire demain ?

Que vais-je faire de mieux, de plus, pour satisfaire nos adhérents, être novateur, penser pour tous ceux qui n'ont pas le temps de penser, parce que mon cerveau est tout le temps en activité ?

Est-ce que c'est un défaut ? Une qualité ? Je ne saurais le dire, mais je ne sais pas vivre autrement.

TourMaG.com - Après Ellipse Voyage en 90, vous avez créé le Cediv en 2003…

Adriana Minchella :
Je l'ai créé parce que j'ai trouvé que c'était injuste, la façon dont fonctionnait la profession de l'époque.

On payait toujours tout plus cher, on était complètement délaissé, mis de côté. J'ai trouvé que c'était terrible.

Quand je repense aux relations que j'avais avec les dirigeants de l'époque : les Carlson, les American Express, aujourd'hui il n'y a plus tout ça.

Mais quand on voit comment ils se comportaient avec nous, il y avait quand même une forme de mépris, de séparation. Il y avait la bourgeoisie et les pauvres gens. Les pauvres c'était les indépendants, et la bourgeoisie tous ces grands réseaux.

Aujourd'hui, je suis fière de ce qu'on est parce que je me dis que quelque part, il y a cette reconnaissance par ces gens-là.

On a réussi à faire comprendre qu'il n'y a pas de bourgeoisie ou de petite classe dans notre métier, il n'y a qu'une seule famille, quelle qu'elle soit. Si on n'est pas uni, ça ne marche pas. La preuve, je crois qu'en ce moment, on le voit.

TourMaG.com - Parlez-nous de la genèse du projet…

Adriana Minchella :
On était un petit groupe au SNAV (Syndicat National des Agences de Voyages et ex-EDV, ndlr) et je leur ai dit : « il faut qu'on fasse un truc, pourquoi on ferait pas comme le SETO ? Pourquoi on ferait pas un centre d'études des indépendants du voyage ? »

On n'était pas dans la phase qui est la nôtre aujourd'hui, qui est de dire qu'on négocie commercialement, il s'agissait plutôt de partager une idéologie, comme un club de copains. Et puis, petit à petit, le club de copains a commencé à se structurer, à réfléchir et c'est parti quoi !

Quand on voit aujourd'hui d'où nous sommes partis, l'état dans lequel nous sommes partis, on peut dire que c'est une belle entreprise.

TourMaG.com - Vous étiez combien au départ dans ce club ?

Adriana Minchella :
On était une petite douzaine. D'ailleurs la plupart ne sont plus là aujourd'hui. Ils ont disparu, soit parce qu'ils ont vendu leurs agences, soit parce qu'ils n'ont pas tenu, c'était des petits.

"On doit passer à l'étape du directeur de réseau"

TourMaG.com - Le Cediv a-t-il démarré à Béziers ?

Adriana Minchella :
Oui, parce qu'on organisait la Coupe du Monde de rugby à Béziers. Donc on a fait une réunion pour la Coupe du Monde et là, on a eu la lumière, comme dirait l'autre, on s'est dit qu'on devrait faire un truc à nous.

Et donc c'est parti, mais alors sans moyens, sans rien.

Mais il y a eu des personnes exceptionnelles, puisqu'à l'époque Marmara et Vighier nous ont aidés, Amadeus nous a aidés, c'était incroyable.

Et même le SNAV n'a pas trouvé l'idée mauvaise et César (Balderacchi, ex-président du SNAV, ndlr) qui ne voulait pas nous perdre et qui a dit pourquoi pas, faisait ça en douce, en cachette des réseaux.

Mais bon, sur les bilans, ça se voyait qu'il nous aidait quand même. Il nous donnait un peu d'espace à Deauville et c'est parti comme ça. Mais quelle belle aventure !

TourMaG.com - Finalement après avoir porté votre famille, vous avez porté ce nouveau projet…

Adriana Minchella :
C'est ça et en vous parlant, je me dis, on m'appelle souvent maman, mais c'est ça.

Certains me disent que je suis la maman du Cediv, comme une boutade, mais peut-être qu'il se passe quelque chose effectivement. Je crois que j'ai un réel besoin de toujours être là quand les autres en ont besoin. C'est quelque chose qui est resté.

TourMaG.com - Pensez-vous que le Cediv peut continuer sans vous à sa tête ?

Adriana Minchella :
Bien sûr, aujourd'hui oui, c'est une belle machine. Je dis toujours : « il n'y a que les cimetières qui sont remplis de gens indispensables ». Tout le monde est remplaçable.

Aujourd'hui, la machine fonctionne, il y a une belle équipe, les administrateurs sont là pour la faire marcher. C'est vrai que ce ne sera peut-être plus avec la même disponibilité, car avec nos tchats je suis tout le temps disponible.

Par exemple, ce week-end, il y a eu une galère pour une agence, je pense qu'elle n'arrivait pas à joindre son patron, donc c'est moi qu'elle a appelé. Quelque part, je joue ce rôle, je solutionne et je ne les laisse pas complètement dans le besoin.

TourMaG.com - Donc vous n’envisagez pas de prendre votre retraite ?

Adriana Minchella :
J'y pense un peu quand même, mais je ne vais pas m'en aller maintenant.

Là, on a commencé à se structurer avec des experts. Maintenant on doit passer à l'étape du directeur de réseau, c'est indispensable.

Il nous faut quelqu'un car j'occupe peut-être plus ce rôle là aujourd'hui que celui de présidente. Donc si quelqu'un est intéressé et nous lit, qu'il se manifeste.

"Qui aurait pensé un jour attaquer Air France ? Ben nous !"

"J'ai créé le Cediv parce que j'ai trouvé que c'était injuste, la façon dont fonctionnait la profession de l'époque" - DR : JDL
"J'ai créé le Cediv parce que j'ai trouvé que c'était injuste, la façon dont fonctionnait la profession de l'époque" - DR : JDL
TourMaG.com - Quelle a été votre pire galère en tant que présidente du Cediv ?

Adriana Minchella :
Je ne pense pas avoir connu des galères. On apprend de tout, de la difficulté et de ses erreurs.

Mais c'est sûr que le procès contre Air France a été une belle histoire. On a décidé de se battre contre la commission zéro, c'était une belle bagarre.

Ça nous a marqué, ça nous a fait grandir, ça nous a fait connaître. Et TourMaG était là, vous nous avez toujours accompagnés, parce que c'est vrai qu'on était atypique.

Qui aurait pensé un jour attaquer Air France ? Ben nous ! On a toujours eu ce grain de folie qui a fait notre différence.

Après, on était écorché vif, on souffrait de notre solitude, car un indépendant est seul quand même... C'est dur d'être seul.

TourMaG.com - Encore aujourd’hui ?

Adriana Minchella :
Je pense que c'est encore dur, mais quand on voit les échanges qui se font sur nos deux groupes Whatsapp - et c'est un peu grâce à Thomas Cook qu'on a découvert qu'on pouvait communiquer vite tous ensemble - avec le groupe SOS et le tchat, on se dit qu'on comble une certaine solitude, parce que quand vous êtes tout seul dans une agence, c'est pas drôle.

Vous devez tout savoir, tout connaître.

TourMaG.com - Votre fonction de présidente d'un réseau de distribution vous oblige-t-elle à avoir de la poigne ? Est-ce difficile en tant que femme d’occuper ce poste ?

Adriana Minchella :
C'est pareil ! Quand on a dix ans et qu'on s'occupe d'une famille, est-ce que ce n'est pas plus difficile que d'être présidente d'un réseau ?

La difficulté, je ne la vois pas comme ça, ça n'est pas d'être présidente de réseau, ce sont les difficultés de la vie qui sont les plus difficiles. Pour le reste, je crois que je ne me suis jamais posé la question.

Est-ce différent entre une femme et un homme ? Sans doute. Mais bon, on vit, on avance, on discute de nos projets avec des gens qui peuvent nous apporter de leur expertise et je crois qu'ils ne font pas de différences avec moi.

Je pense que j'ai su bien m'entourer par des amis qui sont là, je ne prends pas une décision à la légère, je pèse le pour et le contre, je me remets en cause.

Je suis quelqu'un de curieux, je ne suis pas une va-t-en-guerre, j'ai horreur de l'affrontement, même si les gens peuvent s'imaginer que je suis comme ça, ils sont complètement dans l'erreur.

Je suis très consensuelle, je n'aime pas faire la guerre, c'est quelque chose qui me dérange. Ce qui me dérange le plus, c'est de me battre avec des collègues, d'être obligés de s'affronter pour aboutir, je trouve que c'est tellement mieux quand on avance dans la sérénité.

Donc pour moi, être une femme ou un homme, cela ne fait pas de différence. Après j'ai peut-être moins d'ego, je ne pense pas comme les autres parce que je suis une femme, je ne peux pas penser comme un homme. En même temps, c'est ce qui fait notre différence.

Jamais vous ne m'entendez dire « je suis la présidente ». Au contraire, je suis parfois obligée de dire « Adriana Minchella, présidente du Cediv », car il faut bien que je me présente !

Si vous demandez aux gens comment je m'appelle, ils vous répondront « Adriana », ils ne connaissent parfois même pas mon nom de famille.

Qui me connait comme « Minchella » ? Ça prouve bien qu'il n'y a pas de différence entre homme et femme.

"Moi, je dois défendre l'intérêt de mon groupement"

"Je suis quelqu'un de curieux, je ne suis pas une va-t-en-guerre, j'ai horreur de l'affrontement, même si les gens peuvent s'imaginer que je suis comme ça, ils sont complètement dans l'erreur" - DR : A.B.
"Je suis quelqu'un de curieux, je ne suis pas une va-t-en-guerre, j'ai horreur de l'affrontement, même si les gens peuvent s'imaginer que je suis comme ça, ils sont complètement dans l'erreur" - DR : A.B.
TourMaG.com - Vous parlez du Cediv comme de votre famille, de vos amis. Pensez-vous réellement que dans le secteur du tourisme, on peut se faire des amis ? Ou ne s’agit-il pas plutôt de "relations commerciales" ?

Adriana Minchella :
Mes clients sont devenus mes amis. Imaginez, des clients de quarante ans ! Forcément, il y a un lien qui se crée.

Après je pense que dans notre profession, effectivement, c'est du relationnel commercial, il ne faut pas se leurrer. Le jour où je ne serai plus là, je ne serai plus la présidente du Cediv. Mais en même temps, n'est-ce pas la normalité ?

Je représente aujourd'hui quelque chose, mais je pense qu'en même temps, les gens se sont attachés à moi en tant que personne. Tant que je serai là, ils continueront à s'attacher à moi, mais après la vie continue.

Je ne vais pas continuer à me dire « il faut que j'existe » une fois que je ne serai plus là.

On va dire que dans la très grande famille du tourisme, ce ne sont que des relations commerciales, avec plus ou moins de l'affect, mais c'est normal, ça fait partie du jeu de la relation commerciale. Après vous avez des liens qui sont plus ou moins forts avec certains, mais je ne me fais pas d'illusion.

Je sais qu'en même temps, certains doivent me détester. Mais tant pis ! C'est normal, c'est comme ça.

Moi, je dois défendre l'intérêt de mon groupement, alors parfois je ne suis pas drôle mais en même temps, je sais être juste. Je pense que c'est ma force, c'est de savoir reconnaître quand je suis juste ou pas juste et je dois pouvoir être le modérateur entre les uns et les autres.

TourMaG.com - Vous représentez les petits, les indépendants. Que ressentez-vous en voyant la chute ou les difficultés de grands groupes comme Fram ou plus récemment Thomas Cook ?

Adriana Minchella :
Ce qu'il s'est passé, c'est que tout le monde a voulu faire comme les grandes surfaces : s'agrandir, s'agrandir, s'agrandir.

Je crois que le métier a voulu la même chose. Les marques ont voulu leur propre réseau de distribution, d'une locomotive d'un TGV on a rattaché pleins de wagons.

Ils ont fait une enseigne qui était Fram, ils ont voulu leur réseau de distribution, puis ils voulu que l'enseigne tire le réseau de distribution, c'est pas simple car plus on a de salariés et plus c'est difficile.

Qu'est-ce qui a fait que peut-être les indépendants ont réussi à prendre le virage ? C'est parce qu'ils étaient seuls, il fallait aller vite, ils n'ont pas réfléchi trop longtemps sur les décisions à prendre. Et je crois que gérer des entreprises à distance, avec des salariés, c'est dur.

Que s'est-il passé avec Thomas Cook ? Ont-ils estimé les agences qui gagnaient de l'argent ou pas ? Quand on voit le résultat de certaines, on se pose vraiment des questions...

Peut-on être un responsable de réseau sans jamais avoir vécu la vie d'un agent de voyages ? Je ne sais pas...

Je crois que des erreurs ont été commises, mais est-ce que je réfléchis comme ça parce que j'ai été dans l'activité, en tant que salariée, puis j'ai entrepris, puis j'ai géré, puis j'ai fait des métiers ?

Je sais ce que c'est de gérer, d'entreprendre. C'est pas facile de manager des salariés à distance.

"L'agence que l'on va ouvrir va être assez exceptionnelle"

TourMaG.com - Pourtant on assiste aujourd’hui à une concentration toujours plus importante dans le monde de la distribution...

Adriana Minchella :
Oui, vous trouvez ? Ben non, il y a un homme aujourd'hui qui sait tout faire, qui a su faire ça, mais qu'a-t-il fait ?

Il a pris une entité dans laquelle il s'est agrandi. Il n'a pas fait un gros réseau de distribution. Il n'a pas fait un Thomas Cook, il a fait un Havas Voyages.

Pour moi, Laurent (Abitbol, ndlr) est un exemple. Il s'est adossé à des tour-opérateurs, il n'a pas fait un truc monstrueux, il a fait pleins de petits monstres différents et qui sont indispensables les uns aux autres.

Le problème quand on est une marque et qu'on veut tout faire - regardez le monde de la grande distribution - c'est qu'ils ne se sont jamais remis en cause.

Aujourd'hui, le monde de la grande distribution est un vrai problème parce qu'il ne pense jamais à 5-10 ans, il pense tout de suite. « Ah super, Internet c'est beau ». Et puis ça a changé.

Ne fallait-il pas réfléchir « Internet / face-à-face » ? Et de même, est-ce que le face-à-face n'aurait pas dû réfléchir « face-à-face / Internet » ?

Je crois qu'il ne faut jamais penser que c'est de l'acquis, on doit toujours se dire qu'il faut progresser, réfléchir, changer, être perpétuellement en train de se poser des questions.

TourMaG.com - En dehors du Cediv et de vos agences, avez-vous des hobbies ?

Adriana Minchella :
Oui je joue au golf, j'aime cuisiner, j'aime recevoir chez moi.

J'aime être mamie parce que c'est une activité, je vous assure que ça prend du temps.

Et puis chez moi je m'occupe de ma maison, de pleins de choses en fait, je m'occupe encore de ma famille. Je voyage mais j'aime ma maison, j'aime être chez moi, mon jardin. Ce que j'en ai fait, c'est splendide, j'ai reconstitué tout un espace où on pourrait se croire à l'Île Maurice.

Je me passionne pour tout en fait et je ne sais pas faire les choses un petit peu. Quand je les fais, je les fais à fond.

Et j'aimerais faire plus de choses, mais je me suis tellement fait prendre par le temps... J'aime aussi la décoration, l'aménagement intérieur. Je pense sincèrement que comme je n'ai pu être avocate, j'aurais pu être décoratrice d'intérieur.

J'aime tous les objets présents dans mon bureau, au siège du Cediv. S'ils sont là, c'est parce que j'y ai beaucoup participé. Je prends du vieux, je refais de belles choses.

Par exemple, la nouvelle agence que l'on va ouvrir à l'Intermarché de la Cave coopérative va être assez exceptionnelle. Pas grande mais avec un look déjanté complet.

"Il faut être présent car les clients vont continuer à voyager"

TourMaG.com - Donc vous ouvrez une nouvelle agence. Cela vous en fait combien au total ?

Adriana Minchella :
J'ai le siège social, une agence dans un Intermarché à Béziers Bonaval et nous allons ouvrir une nouvelle agence à l'Intermarché de la Cave Coopérative et une 4e dans l'Intermarché d'Agde.

En fait, j'ai peur que mon fils s'ennuie (rires).

Non mais regardez : on s'agrandit, on prend des parts de marché sur notre zone de chalandise, on ne va pas à "pétaouchnok". C'est-à-dire qu'on domine nos parts de marché.

Quand vous allez à l'Intermarché de la cave coopérative, il n'y a pas d'espace pour les voitures tellement il y a de monde, donc c'est une part de marché que nous n'avons pas.

Les gens qui vont arriver là et voir une agence de voyages vont prendre le temps de s'arrêter. Donc on va sûrement prendre des parts de marché à d'autres collègues ou à l'Internet, mais pas à nos agences parce que nos clients sont fidèles à nos agences.

Ce sont des beaux projets, positifs, qui arrivent à un moment difficile, mais bon... Il ne faut pas laisser les choses en l'état, il faut se bouger, il faut être présent car les clients vont continuer à voyager.

Il faut aussi savoir que nous avons une activité camping très forte, donc dans les Intermarché, ça va être un poids très fort de communication pour vendre cette part d'activité que nous avons et qui fonctionne bien.

LIRE AUSSI : Ellipse Voyage poursuit son développement au cœur des magasins Intermarché

TourMaG.com - Adriana Minchella, un mot de la fin ?

Adriana Minchella :
C'est drôle aujourd'hui de faire cette interview et c'est aussi super parce que c'est TourMaG.com qui la fait.

En fait, c'est une histoire, la vôtre, la nôtre. On s'est complètement accompagné pendant des années. Vous êtes aujourd'hui une véritable structure de communication et de lien avec les agences. Vous avez réussi à tenir vous aussi, parce qu'on a vécu les mêmes choses, la même croissance presque.

Et puis aujourd'hui, un aboutissement exceptionnel, comme vous comme pour nous. Et j'ai adoré.

Peut-être que j'ai raconté un peu trop ma vie, mais vous m'avez posé des questions... En même temps, très peu de gens peuvent s'imaginer que ça n'était pas simple. Mais bon, c'est une belle histoire également...

Retrouvez toutes les interviews "Je ne vous ai rien dit..." en cliquant sur ce lien et le podcast de l'interview d'Adriana Minchella en cliquant ici ou en écoutant le podcast ci-dessous.
itw_adriana_minchella.mp3 Itw_Adriana_Minchella.mp3  (29.31 Mo)


Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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