''S’il convient de respecter les procédures, il n’en reste pas moins que dans certaines conditions, plusieurs d’entre-elles restent difficiles à appliquer. ..'' photo G.Grandin
TourMaG.com - La lettre d’Air France relative à la sécurité des vols, envoyée à ses pilotes a été très mal perçue par leurs syndicats représentatifs. Qu’en pensez-vous ?
Jean Belotti : "Connaissant les efforts engagés depuis de très nombreuses années par Air France pour améliorer la sécurité des vols - entre autre, la création d’un service de sécurité d’analyse des vols - il est évident que l’initiative des rédacteurs ne pouvait découler que d’une bonne intention.
Cela étant dit, il est également évident que le contenu de ladite lettre ne pouvait que déclencher une réaction des pilotes."
TM.com - Pour quelles raisons ?
J.B. : "Pour comprendre et répondre, il faut avoir lu cette lettre (LIRE) ce que tous vos abonnés n’ont peut-être pas eu l’occasion de faire.
En fait, le bât blesse, pour deux raisons.
D’une part, parce qu’il est fait un rappel général sur l’impérieuse nécessité de respecter les procédures, ce qui sous-entend que les pilotes ne le font pas systématiquement, donc met en cause leur professionnalisme et leur sens des responsabilités.
D’autre part, et surtout, parce que, associé à se rappel, est cité l’accident du vol AF447. On lit : "Force est de constater que ce n’est pas le cas et l’actualité récente nous prouve le contraire".
Ceci laisserait ainsi supposer que sa cause se trouve dans le non respect de la procédure par l’équipage, alors qu’à ce jour l’enquête étant encore en cours - sans les précieuses informations fournies par les boîtes noires - aucune conclusion définitive ne peut être donnée.
Jean Belotti : "Connaissant les efforts engagés depuis de très nombreuses années par Air France pour améliorer la sécurité des vols - entre autre, la création d’un service de sécurité d’analyse des vols - il est évident que l’initiative des rédacteurs ne pouvait découler que d’une bonne intention.
Cela étant dit, il est également évident que le contenu de ladite lettre ne pouvait que déclencher une réaction des pilotes."
TM.com - Pour quelles raisons ?
J.B. : "Pour comprendre et répondre, il faut avoir lu cette lettre (LIRE) ce que tous vos abonnés n’ont peut-être pas eu l’occasion de faire.
En fait, le bât blesse, pour deux raisons.
D’une part, parce qu’il est fait un rappel général sur l’impérieuse nécessité de respecter les procédures, ce qui sous-entend que les pilotes ne le font pas systématiquement, donc met en cause leur professionnalisme et leur sens des responsabilités.
D’autre part, et surtout, parce que, associé à se rappel, est cité l’accident du vol AF447. On lit : "Force est de constater que ce n’est pas le cas et l’actualité récente nous prouve le contraire".
Ceci laisserait ainsi supposer que sa cause se trouve dans le non respect de la procédure par l’équipage, alors qu’à ce jour l’enquête étant encore en cours - sans les précieuses informations fournies par les boîtes noires - aucune conclusion définitive ne peut être donnée.
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TM.com- Avez-vous un exemple ?
J.B. : "Bien sûr. Exemple : Il existe différentes limitations de masse d’un avion, dont la masse maximum à l’atterrissage.
Si l’avion arrive à destination avec une masse supérieure, le pilote prendra les dispositions pour consommer le carburant en trop, le plus rapidement possible afin de se poser en respectant ladite limitation.
En revanche, en cas d’urgence - aggravation de la situation météorologique, panne mécanique,...- l’avion pourra se poser en toute sécurité, le règlement prévoyant, dans ce cas, certaines vérifications à effectuer sur les trains d’atterrissage."
TM.com - Faut-il alors, oui ou non appliquer ces procédures ?
J.B. : "Bien évidemment, il n’est absolument pas question, ici, d’approuver la non application des procédures, ni de laisser entendre que les manuels d’utilisation sont insuffisamment complets.
En revanche, si, effectivement, la responsabilité des pilotes est en cause dans certains accidents, il convient cependant de mettre en exergue le fait que leur expérience et leur compétence ont permis de sauver leurs passagers et leurs appareils dans d’autres circonstances aussi délicates qu’imprévues.
Dans un de mes récents ouvrages ("Indispensables pilotes"), j’ai décrit comment plusieurs accidents avaient pu être évités, grâce à la décision de faire une manœuvre interdite par les règlements qui encadrent la profession.
Si l'accident a pu être évité, cela est dû à un réflexe, une réaction salvatrice quasi-instantanée du pilote qui a pu prendre sa décision, grâce à son expérience, son haut niveau de qualification, sa concentration, son savoir-faire et son sang froid, qualités indispensables à l’exercice de la profession.
Sachez que tout pilote, dans sa carrière, a vécu au moins une fois, voire plusieurs, de telles dangereuses situations, dont la solution ne se trouvait dans aucune des milliers de pages des manuels de vol."
TM.com - Alors se pose la question de savoir comment améliorer la sécurité ?
J.B. : D’abord, il convient de rappeler que la sécurité à grandement été améliorée depuis plusieurs années, grâce à la participation de tous les intervenants : Administration de tutelle, constructeurs, motoristes, équipementiers, compagnies, équipages, organisations représentatives des personnels.
Il reste, qu’en ce qui concerne la formation des pilotes, plusieurs constats conduisent à conclure à certaines insuffisances. La liste est longue : critères de sélection ; durée et contenu des stages ; expérience en vol ; gestion des situations dites"dégradées"; entraînement à la maniabilité ; etc..."
TM.com - Pouvez-vous préciser un exemple ?
J.B. : "Je pense aux films qui circulent actuellement sur le "Net" et qui montrent une incapacité de ces pilotes à réagir correctement lors d’atterrissages par fort vent de travers.
Il convient de savoir que les avions sont certifiés pour pouvoir se poser avec des vents de travers, dont la force maximum est fixée dans les textes.
Respectant ces conditions, il n’y a aucune raison - sauf forte rafale - que l’atterrissage ne se passe pas normalement, d’autant plus que même si le pilote ne "décrabe" pas l’avion au moment de toucher le sol, les trains d’atterrissage sont prévus pour absorber une prise de contact, alors que les roues ne sont pas dans l’axe de l’avion.
Cela étant dit, indépendamment de la force du vent traversier, d’autres paramètres sont à prendre en compte (rafales, longueur et état de la piste exigeant une prise de contact rapide,... ).
Malheureusement, ces conditions ne sont pas (ou mal) reproduites sur les simulateurs de vol et comme les qualifications se font essentiellement sur simulateurs, avec très peu d’entraînement en vol (ou pas du tout), il en résulte que des pilotes peuvent donc se trouver devant des situations qu’ils n’ont jamais rencontrées, d’où les constats faits par de nombreux internautes.
Il fut un temps où l’atterrissage vent de travers était systématiquement fait, car il est facile de trouver un aéroport avec une piste sensiblement perpendiculaire à l’orientation du vent. Il suffisait, alors, d’une ou deux approches pour que le nouveau qualifié comprenne comment procéder pour faire un atterrissage tout à fait normal.
Ayant bien compris et vécu cette situation, l’instructeur avait alors la certitude qu’il pourrait l’appliquer lorsqu’il l’a rencontrerait en ligne."
TM.com - En fait, ce serait donc toute la formation qui serait à revoir ?
J.B. : "Effectivement. Ce sera la mission d’un audit qui a d’ailleurs déjà été envisagé par Air France. La validité de ses conclusions dépendra de la constitution du groupe chargé de cette enquête, dans laquelle devront également être intégrés des pilotes, non seulement ceux de la compagnie, mais également ceux qui les représentent à travers leurs syndicats.
En effet, pour les pilotes également, la sécurité est une préoccupation permanente de tous les instants. Derniers intervenants dans la chaîne logistique, ils en sont totalement imprégnés. Cela fait partie de leur culture, de leur formation, de leur obligation de résultat.
Leur concentration est donc permanente, dès les premières décisions à prendre lors de la préparation du vol et à chaque instant, pendant tout le vol. Il est donc important que leur expérience et leurs avis soient pris en compte."
J.B. : "Bien sûr. Exemple : Il existe différentes limitations de masse d’un avion, dont la masse maximum à l’atterrissage.
Si l’avion arrive à destination avec une masse supérieure, le pilote prendra les dispositions pour consommer le carburant en trop, le plus rapidement possible afin de se poser en respectant ladite limitation.
En revanche, en cas d’urgence - aggravation de la situation météorologique, panne mécanique,...- l’avion pourra se poser en toute sécurité, le règlement prévoyant, dans ce cas, certaines vérifications à effectuer sur les trains d’atterrissage."
TM.com - Faut-il alors, oui ou non appliquer ces procédures ?
J.B. : "Bien évidemment, il n’est absolument pas question, ici, d’approuver la non application des procédures, ni de laisser entendre que les manuels d’utilisation sont insuffisamment complets.
En revanche, si, effectivement, la responsabilité des pilotes est en cause dans certains accidents, il convient cependant de mettre en exergue le fait que leur expérience et leur compétence ont permis de sauver leurs passagers et leurs appareils dans d’autres circonstances aussi délicates qu’imprévues.
Dans un de mes récents ouvrages ("Indispensables pilotes"), j’ai décrit comment plusieurs accidents avaient pu être évités, grâce à la décision de faire une manœuvre interdite par les règlements qui encadrent la profession.
Si l'accident a pu être évité, cela est dû à un réflexe, une réaction salvatrice quasi-instantanée du pilote qui a pu prendre sa décision, grâce à son expérience, son haut niveau de qualification, sa concentration, son savoir-faire et son sang froid, qualités indispensables à l’exercice de la profession.
Sachez que tout pilote, dans sa carrière, a vécu au moins une fois, voire plusieurs, de telles dangereuses situations, dont la solution ne se trouvait dans aucune des milliers de pages des manuels de vol."
TM.com - Alors se pose la question de savoir comment améliorer la sécurité ?
J.B. : D’abord, il convient de rappeler que la sécurité à grandement été améliorée depuis plusieurs années, grâce à la participation de tous les intervenants : Administration de tutelle, constructeurs, motoristes, équipementiers, compagnies, équipages, organisations représentatives des personnels.
Il reste, qu’en ce qui concerne la formation des pilotes, plusieurs constats conduisent à conclure à certaines insuffisances. La liste est longue : critères de sélection ; durée et contenu des stages ; expérience en vol ; gestion des situations dites"dégradées"; entraînement à la maniabilité ; etc..."
TM.com - Pouvez-vous préciser un exemple ?
J.B. : "Je pense aux films qui circulent actuellement sur le "Net" et qui montrent une incapacité de ces pilotes à réagir correctement lors d’atterrissages par fort vent de travers.
Il convient de savoir que les avions sont certifiés pour pouvoir se poser avec des vents de travers, dont la force maximum est fixée dans les textes.
Respectant ces conditions, il n’y a aucune raison - sauf forte rafale - que l’atterrissage ne se passe pas normalement, d’autant plus que même si le pilote ne "décrabe" pas l’avion au moment de toucher le sol, les trains d’atterrissage sont prévus pour absorber une prise de contact, alors que les roues ne sont pas dans l’axe de l’avion.
Cela étant dit, indépendamment de la force du vent traversier, d’autres paramètres sont à prendre en compte (rafales, longueur et état de la piste exigeant une prise de contact rapide,... ).
Malheureusement, ces conditions ne sont pas (ou mal) reproduites sur les simulateurs de vol et comme les qualifications se font essentiellement sur simulateurs, avec très peu d’entraînement en vol (ou pas du tout), il en résulte que des pilotes peuvent donc se trouver devant des situations qu’ils n’ont jamais rencontrées, d’où les constats faits par de nombreux internautes.
Il fut un temps où l’atterrissage vent de travers était systématiquement fait, car il est facile de trouver un aéroport avec une piste sensiblement perpendiculaire à l’orientation du vent. Il suffisait, alors, d’une ou deux approches pour que le nouveau qualifié comprenne comment procéder pour faire un atterrissage tout à fait normal.
Ayant bien compris et vécu cette situation, l’instructeur avait alors la certitude qu’il pourrait l’appliquer lorsqu’il l’a rencontrerait en ligne."
TM.com - En fait, ce serait donc toute la formation qui serait à revoir ?
J.B. : "Effectivement. Ce sera la mission d’un audit qui a d’ailleurs déjà été envisagé par Air France. La validité de ses conclusions dépendra de la constitution du groupe chargé de cette enquête, dans laquelle devront également être intégrés des pilotes, non seulement ceux de la compagnie, mais également ceux qui les représentent à travers leurs syndicats.
En effet, pour les pilotes également, la sécurité est une préoccupation permanente de tous les instants. Derniers intervenants dans la chaîne logistique, ils en sont totalement imprégnés. Cela fait partie de leur culture, de leur formation, de leur obligation de résultat.
Leur concentration est donc permanente, dès les premières décisions à prendre lors de la préparation du vol et à chaque instant, pendant tout le vol. Il est donc important que leur expérience et leurs avis soient pris en compte."